La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/11/2008 | FRANCE | N°08/02203

France | France, Cour d'appel de Caen, Ct0038, 04 novembre 2008, 08/02203


AFFAIRE : N RG 08 / 02203
Code Aff. : ARRET N J B. C G.
ORIGINE : DECISION du Tribunal de Grande Instance de CHERBOURG en date du 18 Décembre 2006- RG no 05 / 00647
COUR D'APPEL DE CAEN
PREMIERE CHAMBRE-SECTION CIVILE
ARRET DU 04 NOVEMBRE 2008

APPELANTS :

Monsieur Jacques X...
... 27170 BEAUMONT LE ROGER

Madame Jocelyne Y... épouse X...
... MAULU 78270 BLARU

représentés par la SCP MOSQUET MIALON D'OLIVEIRA LECONTE, avoués
assistés de Me DAVY, avocat au barreau de CHERBOURG

INTIME :

Monsieur Yves-Marie Z..., pri

s tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentant légal de son fils mineur Pierre-Louis Z..., né le 1e...

AFFAIRE : N RG 08 / 02203
Code Aff. : ARRET N J B. C G.
ORIGINE : DECISION du Tribunal de Grande Instance de CHERBOURG en date du 18 Décembre 2006- RG no 05 / 00647
COUR D'APPEL DE CAEN
PREMIERE CHAMBRE-SECTION CIVILE
ARRET DU 04 NOVEMBRE 2008

APPELANTS :

Monsieur Jacques X...
... 27170 BEAUMONT LE ROGER

Madame Jocelyne Y... épouse X...
... MAULU 78270 BLARU

représentés par la SCP MOSQUET MIALON D'OLIVEIRA LECONTE, avoués
assistés de Me DAVY, avocat au barreau de CHERBOURG

INTIME :

Monsieur Yves-Marie Z..., pris tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentant légal de son fils mineur Pierre-Louis Z..., né le 1er août 1995 à SAINT LO
... 50480 STE MARIE DU MONT

représenté par Me TESNIERE, avoué
assisté de Me LEPRIEUR, avocat au barreau de COUTANCES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

M. BOYER, Président de Chambre, rédacteur,
Mme CHERBONNEL, Conseiller,
Madame ODY, Conseiller,

DEBATS : A l'audience publique du 30 Septembre 2008

GREFFIER : Madame GALAND

ARRET prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 04 Novembre 2008 et signé par M. BOYER, Président, et Madame GALAND, Greffier

Par jugement du 18 décembre 2006, le tribunal de grande instance de Cherbourg a débouté les époux A... de l'ensemble de leurs prétentions et les a condamnés à payer à M. Y-M Z... la somme de 16   600 euros avec intérêts de droit.

Le tribunal avait aussi accueilli l'intervention volontaire de M. Z... en qualité de représentant légal de son fils mineur Pierre Louis.

Le litige concernait un jeune poulain acheté par les époux X... à M. Z..., poulain qui s'est avéré atteint de lésions cervicales de nature congénitale. Les époux ont demandé la résolution de la vente pour vice caché.

Les époux X... relatent que :
– le 6 février 2004, M. Z... leur a vendu un poulain pour le prix de 20   000 euros ; la facture portait une clause de réserve de propriété,
– ils ont remis quatre chèques d'un montant identique de 4954, 59 euros à encaisser à la fin des mois de mars ou juin de septembre et décembre 2004, puis 3400 euros en espèces,
– il a été convenu que le poulain demeurerait dans l'élevage du vendeur qui conservait également la carte d'immatriculation,
– le 30 août 2004 M. Z... les a avisés de ce que le cheval avait été accidenté,
– le vétérinaire, le docteur Valérie B... a remis un certificat ainsi libellé :
« Date de première visite : le 9 août 2004
Commémoratifs : le cheval est présenté pour locomotion anormale.
Quelques jours plus tôt, il avait été coursé par ses congénères au pré jusqu'à épuisement. Mis au box par M. Z..., il présente une locomotion difficile depuis.
Date de deuxième visite : le 27 août 2004
Symptômes : une nette amélioration est observée quant aux contractures dorsales en dehors des lombaires et des glutaux qui sont toujours contracturés. Le cheval présente une ataxie marquée au pas empirée au trot.
Conclusion : des investigations plus poussées sont alors jugées nécessaires pour établir l'origine médullaire ou extra médullaire de cette ataxie. ».

Le 10 septembre 2004, M. X... a pris possession du cheval et de son livret signalétique et l'a conduit à la clinique où le Dr C... a constaté un déficit neurologique sévère sur les deux postérieurs, plus important à droite et modéré sur les antérieurs et relevé « Il est incapable de se déplacer au trot et présente des troubles de l'équilibre important lors de mouvements brusques. De plus, il présente une déformation des tendons sur l'antérieur gauche et deux pieds bots aux antérieurs »

Le professeur D..., auquel l'animal a été présenté, conclut ainsi : « ce jour, Peter d'Ylea présente une astasie et une ataxie sévère avec une réduction de la phase antérieure de la foulée sur les antérieurs et des symptômes plus marqués sur les postérieurs (principalement de la parésie, mais aussi de l'hypermétrie, des mouvements de circumduction et de spasticité). Les malformations observées en région cervicale sont :
1 – une sténose du canal vertébral étendue, le plus marqué en C7
2 – un amincissement ventral du disque C7- T1 ». Par attestation du 4 février 2005, ce patricien praticien confirmait : « les lésions cervicales du poulain sont irréversibles et risquent fort d'handicaper la carrière sportive du cheval. Étant de nature congénitale, et dans la mesure où lors de son achat le poulain n'avait pas de manifestations cliniques, elles doivent être considérées comme un vice caché antérieur à l'achat ».

Les époux X... sollicitent la réformation du jugement, la résolution de la vente et la condamnation de M. Z... tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de son fils mineur à leur rembourser la somme de 3400 euros et à lui remettre les quatre chèques contre restitution du poulain. Ils demandent également remboursement du prix de la pension la TVA et des frais d'examen.

Très subsidiairement ils sollicitent une expertise.

Ils soutiennent que :
- les parties avaient convenu d'un transfert de propriété différée qui ne s'est pas réalisée,
- le vendeur n'a pas satisfait à son obligation de délivrance, et n'a jamais délivré un animal propre à destination de course qui était envisagée par les parties au moment de la convention, alors qu'il avait conservé la carte de propriétaire et n'avait effectué aucune formalité auprès des haras nationaux, la résolution de la vente étant encourue tant au titre de l'article 1184 que de l'article 1603 du Code civil,
– subsidiairement, il faudrait appliquer la législation sur les vices cachés, M. Z... n'étant pas fondé à opposer le délai prévu à l'article R. 213-5 du code rural faute de mentionner la date de livraison sur la facture ou l'avis de livraison remis à l'acheteur ; ils estiment que les articles 284 et suivants du code rural concernent pour l'essentiel des maladies contagieuses, ce qui n'est pas le cas en l'espèce et que les parties peuvent même tacitement s'en remettre aux règles générales de la vente, ce qui résulterait des circonstances,
– plus subsidiairement, ils invoquent un contrat de dépôt et estiment que M. Z... ne saurait être exonéré de sa responsabilité alors que l'accident survenu au cheval est consécutif d'une part à un défaut d'organisation du pacage des animaux et d'autre part à un manque de surveillance de ceux-ci.

M. Z... conclut à la confirmation du jugement avec condamnation des époux X... à lui verser la somme de 19   818, 36 euros représentant le solde du prix augmenté des intérêts légaux outre 3000 euros de dommages intérêts et 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'historique présenté par les époux X... il ajoute que lors de l'acquisition, à la demande des époux X... qui désiraient faire assurer le poulain, le Dr Valérie B... réalisait une visite d'assurances et indiquait « que ce jour-là le cheval ne présentait aucune dernière anomalie d'état général ou de locomotion ».

Il estime que le prix ayant été payé immédiatement par la remise des chèques, la clause de réserve de propriété n'avait aucune vocation à s'appliquer, et qu'aucun retard du transfert de propriété n'avait été convenu, les époux X... prenant livraison de leur poulain le 10 septembre 2004, tandis que lui-même conservait la carte d'immatriculation pour garantir la provision des chèques, auxquels les époux X... feront opposition, irrégulièrement.

Il affirme que si le poulain est resté chez le vendeur à titre gratuit, c'est à la demande des acheteurs qui, compte tenu de son âge ne pouvaient le faire entraîner et préféraient le laisser à l'herbe.

Il estime que l'action des époux X... doit nécessairement s'inscrire dans le cadre juridique de l'action pour vice caché, ce qui selon lui exclut l'évocation d'une obligation de délivrance.

Dans ce cadre, il reproche aux époux X... ne pas avoir mis en oeuvre la procédure prévue par les articles L. 213 – 1 et suivants du code rural.

Il qualifie de dépôt gratuit la garde du poulain jusqu'à la livraison et affirme avoir apporté à sa garde les mêmes soins que ceux qu'il apporte à la garde des choses qui lui appartiennent et n'avoir commis aucune faute.

Les conclusions d'appel de M. Z... ne sont prises qu'en son nom sans mention de son fils ; il n'y a aucune discussion sur ce point.

La clôture de la mise en état est intervenue le 30 avril 2008.
Le juge a dit son rapport avant les plaidoiries.

SUR QUOI

Attendu que les époux X... soutiennent que le transfert de propriété n'est pas intervenu ;

Mais qu'ils ne contestent pas l'existence de la vente dont ils demandent la résolution ; qu'un retard dans le transfert de la propriété, à le supposer acquis, n'interfère donc pas sur la réalisation de la vente, mais seulement sur ses effets ;

Attendu que la clause de réserve de propriété n'exclut pas la livraison de choses vendue et n'autorise pas la rétention du prix ;

Que la propriété ainsi réservée constitue un accessoire de la créance dont elle garantit le paiement ;

Attendu en conséquence que la clause de réserve de propriété n'empêche pas l'action de l'acquéreur ;

Que d'ailleurs, l'article R. 213-7 du code rural qui régit les délais applicables en cas d'action en résolution pour vice caché ne fixe pas un point de départ au transfert de propriété mais à la livraison ;

Qu'en l'espèce, la livraison est intervenue lorsque les époux ont pris possession du cheval c'est-à-dire selon leurs écritures le 10 septembre 2004 ;

Attendu ainsi d'une part, que le transfert de propriété n'est pas une condition de l'action de l'acquéreur et ne modifie pas la qualification du contrat ; qu'il s'agit bien d'une vente susceptible d'une action en résolution pour vice caché si les conditions en sont réunies ;

Attendu d'autre part, que la remise concrète du cheval après la conclusion de la vente après paiement en espèces d'un acompte constitue bien le transfert de propriété malgré les garanties prises par le vendeur par la clause de réserve, la conservation de la carte de propriétaire et l'absence de formalités de transfert ; que ces données ne limitent que les effets du transfert ;

Attendu qu'aucune des procédures spécifiques prévues par le code rural n'a été diligentée, et qu'il n'est pas prétendu non plus que le poulain ait été atteint d'une maladie prévue par les textes autorisant l'action pour vice caché en cas de vente d'équidé ;

Que, dans la mesure où, selon leurs propres écritures, le poulain a effectivement été remis aux époux X... le 10 septembre 2004, la livraison à cette date est acquise ; qu'il importe peu que la facture ait mentionné la date de cette livraison ;

Attendu que le poulain était atteint d'une affection congénitale le rendant impropre aux activités de course auquel il était destiné ; qu'il s'agit d'un vice caché tel que prévu par les articles 1641 du Code civil et L. 213-1 du code rural ;

Attendu en conséquence que les époux X... ne peuvent agir, au titre de la vente, que dans ce cadre juridique ; qu'ils ne peuvent pas fonder leur action sur l'obligation de délivrance de la chose vendue, sauf à démontrer une différence suffisamment importante entre l'état de l'animal au moment de la vente et au moment de la livraison ;

Mais que, même en admettant que le poulain ait été coursé par ces congénères alors qu'il était resté à la garde du vendeur, les documents vétérinaires montrent que son défaut était congénital ; qu'il préexistait donc à la vente ;

Attendu le que pour échapper aux conditions des articles L. 213-1 et suivants du code rural, les époux X... devraient établir une convention y dérogeant ; que si la destination du poulain était probablement la course, aucun des éléments cités ne permet d'établir que les parties aient entendu conférer à cette destination la valeur d'une clause contractuelle dérogatoire au droit applicable en matière de vices cachés d'animaux domestiques ;

Attendu que ces données juridiques étant acquises, une expertise de l'animal est inutile ;

Attendu que l'affection que subit le poulain n'entre pas dans la liste prévue par l'article L. 213-4 du Code rural, et que la procédure spécifique n'a pas été mise en oeuvre ;

Que les époux X... sont donc déboutés de leur demande en résolution de la vente ;

Attendu que l'affection subie par le poulain est congénitale ; que, à supposer acquise la circonstance selon laquelle il aurait été coursé par des congénères jusqu'à épuisement, cette circonstance resterait sans influence sur le vice qui pré-existait ;

Qu'en conséquence, les demandes formulées par les époux X... au titre de la responsabilité de M. Z... en qualité de dépositaire du poulain sont également rejetées ;

Attendu que, selon les écritures de M. Z..., les époux X... ont acheté le poulain 20   000 euros, qu'un règlement de 3 400 euros est intervenu en espèces ; que c'est donc à bon droit que le tribunal a limité la condamnation à 16   600 euros ;

Attendu que si les époux X... succombent, cela ne suffit pas à conférer un caractère fautif à leur action ; qu'une telle faute n'est pas démontrée ; qu'il n'y a pas lieu à dommages intérêts ;

Attendu qu'eu égard à la présente décision et aux situations respectives des parties, l'équité ne commande aucune indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Cherbourg le 18 décembre 2006,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne les époux X... aux dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

C. GALANDJ. BOYER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Ct0038
Numéro d'arrêt : 08/02203
Date de la décision : 04/11/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Cherbourg, 18 décembre 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.caen;arret;2008-11-04;08.02203 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award