La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/09/2008 | FRANCE | N°07/02148

France | France, Cour d'appel de Caen, Ct0038, 09 septembre 2008, 07/02148


APPELANTE :
LA SARL MOFEX FRANCE UROU ET CRENNES 61200 ARGENTAN prise en la personne de son représentant légal

représentée par la SCP PARROT LECHEVALLIER ROUSSEAU, avoués assistée de la SELARL STRUJON, avocats au barreau d'ARGENTAN

INTIME :

Monsieur Patrick X...... 44170 JANS

représenté par la SCP MOSQUET MIALON D'OLIVEIRA LECONTE, avoués assisté de la SELARL CORNET-VINCENT-SEGUREL plaidant par Me LUCAS, avocats au barreau de NANTES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
M. BOYER, Président de Chambre, rédacteur, Mme

BEUVE, Conseiller, M. VOGT, Conseiller,

DEBATS : A l'audience publique du 05 Juin 2008
GREFF...

APPELANTE :
LA SARL MOFEX FRANCE UROU ET CRENNES 61200 ARGENTAN prise en la personne de son représentant légal

représentée par la SCP PARROT LECHEVALLIER ROUSSEAU, avoués assistée de la SELARL STRUJON, avocats au barreau d'ARGENTAN

INTIME :

Monsieur Patrick X...... 44170 JANS

représenté par la SCP MOSQUET MIALON D'OLIVEIRA LECONTE, avoués assisté de la SELARL CORNET-VINCENT-SEGUREL plaidant par Me LUCAS, avocats au barreau de NANTES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
M. BOYER, Président de Chambre, rédacteur, Mme BEUVE, Conseiller, M. VOGT, Conseiller,

DEBATS : A l'audience publique du 05 Juin 2008
GREFFIER : Madame GALAND
ARRET prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 09 Septembre 2008 et signé par M. BOYER, Président, et Madame GALAND, Greffier

Le 28 juin 2007, le tribunal de grande instance d'Argentan a déclaré irrecevable comme prescrite l'action en responsabilité engagée au titre du paiement des frais financiers de machines de production engagée par la société Mofex à l'encontre de M. Patrick X..., débouté cette société de ses autres demandes et l'a condamnée à payer à Monsieur Patrick X... la somme de 1 500 € à titre de dommages intérêts pour procédure abusive.

Le tribunal rappelait que M. Guy X... a fondé deux sociétés spécialisées dans l'affûtage industriel, la société Mofex, dont le siège social est situé à Argentan et la société Roca Métal, dont le siège social est situé à Nantes. La société Mofex exploite en location-gérance un fonds de commerce appartenant à M. Guy X.... En 1996 M. Guy X... a quitté la France en confiant la gestion de ces deux sociétés à son fils Patrick. Il restait cependant actionnaire majoritaire.

A son retour en France en 1998, M. Guy X... a intenté diverses procédures.
Par ordonnance de référé du 8 mars 1002 le tribunal de commerce d'Argentan a désigné Me Z... en qualité d'administrateur de la société Mofex.
Par assemblée générale du 18 juillet 2002, M. Patrick X... a été révoqué et Mme A... désignée comme nouvelle gérante de la société Mofex.
Après quelques péripéties procédurales, la société Mofex a sollicité condamnation de M. Patrick X... en réparation des préjudices subis du fait des fautes de gestion qu'elle lui reprochait.
Le tribunal a retenu que le texte applicable était l'article L. 223-22 du code de commerce spécifique aux fautes commises par les gérants de sociétés à responsabilité limitée et donc la prescription abrégée de trois ans prévue dans ce cas.
La société Mofex demandant l'indemnisation d'un redressement fiscal, le tribunal a retenu que M. Patrick X... s'était fait assister d'un expert-comptable dont la responsabilité professionnelle avait été reconnue aux termes d'un arrêt de la cour d'appel de Caen du 6 juillet 2006, et que la faute personnelle reprochée à M. Patrick X... n'était pas rapportée.
Etait aussi demandé le remboursement de quatre contrats de location dont le tribunal a estimé que la contrepartie avait existé.
Enfin, était demandé le remboursement des honoraires de Me Z... dont le tribunal a relevé que l'ordonnance le désignant les prévoyait à la charge de la société Mofex.

La société Mofex conclut à la réformation du jugement, à la recevabilité de l'action, à la responsabilité de M. Patrick X... et à la condamnation de celui-ci à lui payer :-180 000 et 347, 28 € pour la soustraction de machines-46 000, 14 846, 1 215, 2 080 € au titre de frais financiers-65 888, 71 € au titre de créances non recouvrées-6 578 € au titre des honoraires de Me Z...-75 462, 03 € au titre des contrats de location,-188 885 € au titre du redressement fiscal, avec intérêts de droit et capitalisation des intérêts.

Elle rappelle la création des sociétés des entreprises, des dissensions familiales, la liquidation de la société Roca Métal et affirme que M. Guy X... n'est pas son gérant de fait.
Elle estime que la prescription n'a pas couru dans la mesure où elle a engagé son action par assignation du 10 juillet 2003 et que cette assignation valait pour toutes les fautes de gestion du gérant. Elle ajoute que les trois postes d'indemnisation déclarés irrecevables n'ont été portés à sa connaissance qu'à l'époque des conclusions du 21 septembre 2006.
Sur le redressement fiscal, elle soutient que M. Patrick X... a présenté de faux bilans avec la complicité de l'expert-comptable, lequel ne s'est pratiquement pas défendu devant la cour, la motivation de l'arrêt mettant selon elle en évidence non seulement les erreurs comptables commises mais également l'orchestration d'une comptabilité fictive. Elle fait valoir que, si la procédure a permis de condamner l'expert-comptable à 9 830 €, son préjudice financier s'élève à 198 175 €, le solde ressortant à 188 885 €.
Sur les contrats de location, elle fait valoir que la société Roca Métal lui a loué des voitures qu'elle a payées excessivement cher.
Elle estime que la désignation de Me Z... a été rendue nécessaire en raison de la gestion contestable du gérant qui devrait en supporter les frais.
Elle développe également une argumentation au fond sur les créances que le tribunal a déclarées prescrites.

M. Patrick X... conclut à la confirmation du jugement outre 10 000 € de dommages intérêts pour procédure abusive et 7 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il affirme que depuis son retour en France, son père n'a pas cessé de harceler son ancienne femme et ses enfants issus du premier lit, rappelle les diverses procédures intervenues et affirme que c'est son père qui dirige réellement la société Mofex quoiqu'il n'ait pas payé les sommes auquel il a été condamné dans les procédures qu'il rappelle.
Sur la prescription, il invoque les articles L. 223-22 et L. 223-23 du code de commerce qui ont selon lui vocation à s'appliquer à ce cas spécial plutôt que le texte général de l'article 1382 du Code civil. Il conteste l'interruption de la prescription par l'assignation en qui ne visait pas ces chefs de préjudice.
Selon lui, la demande au titre du redressement fiscal est aussi frappée par la prescription et l'obligation de payer un impôt ne peut pas constituer un préjudice. Enfin ce préjudice serait réparé par la condamnation de l'expert-comptable.
Il conteste également la demande fondée sur les locations de véhicules dans la mesure où ces locations ont bien eu lieu et où, d'ailleurs la société demanderesse a cessé bien avant le 31 juillet 2003 de payer les redevances. Selon lui, la désignation de Me Z... en qualité d'administrateur ne résulte pas de fautes de gestion mais du conflit existant entre les associés membres de la famille, ce qui ne permettrait pas de le condamner à supporter les frais correspondants.

Par ordonnance du 21 mai 2008, le juge de la mise en état en a ordonné la clôture. Il a dit son rapport à l'audience.

SUR QUOI

1) sur la prescription
Attendu que la responsabilité d'un gérant de société à responsabilité limitée est régie par des textes spécifiques ; que ces textes spécifiques doivent être préférés au texte général de l'article 1382 du Code civil ; attendu que l'article L. 223-23 du code de commerce dispose : " les actions en responsabilité prévues aux articles L. 223-19 et L. 223-22 se prescrivent par trois ans à compter du fait dommageable ou, s'il a été dissimulé de sa révélation. "
Attendu qu'un acte n'interrompt la prescription que pour les faits qu'il vise ; qu'une mise en cause générale ne suffit pas ; que cette règle s'applique à la prescription de l'article L. 223-23 du code de commerce sans qu'il soit besoin de disposition spécifique ;
Attendu que dans l'assignation du 10 juillet 2003, la société Mofex formule un reproche général à l'encontre de M. Patrick X..., mais sur les demandes sollicite que sa responsabilité soit consacrée et réclame l'indemnisation du préjudice qu'elle subit, indemnisation relative aux trois postes ci-après décrit :- la présentation de trois bilans inexacts et le redressement fiscal qui en est résulté,- le remboursement de quatre contrats de location de véhicules,- le remboursement des frais et honoraires de Me Z... ;

Attendu qu'il n'est pas fait état d'autre cause précise susceptible d'engager la responsabilité de M. Patrick X... ;
Qu'en conséquence la prescription n'a été interrompue par cette assignation que pour ces trois postes ;
Attendu que la société Mofex ne verse pas au dossier d'autre acte susceptible d'avoir interrompu la prescription avant les conclusions du 21 septembre 2006 ;
Attendu que M. Patrick X... n'était plus gérant de la société depuis le 18 juillet 2002 ; qu'aucune dissimulation n'est alléguée et qu'il n'est pas expliqué comment le gérant évincé aurait pu dissimuler ce qui se trouvait dans les comptes de la société et comment la nouvelle gérante aurait été empêchée de la constater ;
Attendu en conséquence que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a déclaré prescrites les demandes sur les postes de préjudice qui ne sont pas visés dans l'assignation du 10 juillet 2003 ;

2o) sur le redressement fiscal

Attendu que la société Mofex demande à ce titre le montant total de redressement diminué du montant de la condamnation de l'expert-comptable ; qu'elle fait valoir un préjudice financier mais ne justifie d'aucun frais financier particulier ;
Attendu que l'arrêt rendu à l'encontre de l'expert-comptable, la société Secovec-Blin, est intervenu le 6 juillet 2006 c'est-à-dire quatre ans environ après l'éviction de M. Patrick X... de la gérance ; que c'est donc la nouvelle gérante qui a suivi cette procédure ; que la cour a précisé : « que toutefois ainsi qu'a noté le tribunal, le paiement de la TVA et autres impôts qui aurait dû être acquittés si l'expert-comptable avait fait correctement son travail et qui sont inclus dans le montant du redressement ne constitue pas un préjudice ; que le préjudice n'est constitué que des intérêts et pénalités de retard dont le montant de 9 830 € calculés par Mofex qui produit la notification de redressement, n'est pas précisément contesté ; "
Que si cet arrêt n'a pas autorité de chose jugée dans la présente instance, son analyse conserve toute sa pertinence et doit être reprise ;
Attendu que la société Mofex n'apporte aucun élément nouveau ; qu'elle ne justifie donc pas d'un préjudice subsistant ;
Attendu par ailleurs que la faute de l'expert-comptable étant retenue, il faudrait pour retenir aussi la responsabilité de M. Patrick X..., établir une faute à son encontre ; que la société Mofex croit établir cette faute par l'orchestration d'une comptabilité fictive qui ressortirait de l'arrêt précité : « Secovec-Blin dont les conclusions sont particulièrement succinctes eu égard à la nature des victimes, ne conteste pas que le redressement fiscal soit dû à des erreurs de comptabilité et ne tente même pas de démontrer que ces travaux ont été conformes aux règles fiscales ; qu'elle a commis des fautes dans l'exécution de ces prestations et de son obligation de conseil dans le redressement fiscal a été la conséquence » ; que cette motivation ne signifie aucune orchestration de comptabilité fictive ; que si la société Mofex rappelle ensuite les obligations du gérant en matière de comptabilité, ces allégations restent théoriques ; qu'aucune faute n'est établie à l'encontre de M. Patrick X... à ce titre ;

3) sur les honoraires de Me Z...

Attendu que pour mettre à la charge de M. Patrick X... les honoraires de cet administrateur, la société Mofex soutient que ce la désignation de celui-ci était rendue nécessaire par la mauvaise gestion de M. Patrick X... ;
Que le rapport de Me Z... ne donne aucune indication en ce sens ; qu'il relève des résultats bénéficiaires de 1998 jusqu'à 2001, même s'ils sont régulièrement en baisse, des capitaux propres apparaissant pour 100 581 euros, et une situation sociale ne faisant pas apparaître de difficulté ; que s'il mentionne le contrôle fiscal et la dette de la société Roca Métal, au chef de mission donné par le juge des référés : « contrôler les opérations sources de désaccord entre les parties », il répond « à ce titre il existe un conflit très aigu entre d'une part M. Guy X... et son fils M. Patrick X... le gérant de la société Mofex France outre son ex épouse Mme B... et sa fille Dominique X.... A mon sens cela concerne tout d'abord les événements ayant un caractère tout à fait personnel et familial... M. Guy X... considère son fils M. Patrick X... comme un très mauvais gestionnaire et il demande d'arriver à sa révocation et sans doute, peut-être, bien que cela ne soit pas très clair, le remplacement à ce poste par lui-même bien qu'il ait un statut de retraité » ;
Attendu que quelle que soit l'opinion de M. Guy X... et de la société Mofex, qui n'est pas autrement étayée, le dossier ne permet pas de retenir que la désignation de Me Z... ait été nécessitée par l'incapacité alléguée de M. Patrick X... ;
Attendu en conséquence que rien ne justifie de mettre les honoraires que Me Z... à sa charge ;
Que l'argumentation sur ce point, à l'encontre des avis de l'administrateur et de la décision le nommant, sans aucun élément susceptible de les contredire, constitue l'abus de procédure justifiant les dommages intérêts alloués en première instance à M. Patrick X... ;

4) Sur les locations de véhicules

Attendu que la société Mofex reproche à M. Patrick X... d'avoir conclu des contrats de locations mobilières avec la société Roca Métal à des montants excessifs ; qu'elle reproche au tribunal d'avoir retenu que les contrats avaient une contrepartie pour la débouter de ses demandes alors que son argumentation portait non sur l'existence de la contrepartie mais sur sa valeur ;
Attendu qu'un gérant d'entreprise opère des choix conduisant à de plus ou moins bonnes affaires sans que ses choix soient nécessairement fautifs ;
Attendu que le premier grief concerne un véhicule de marque Volkswagen louée le 17 février 2000 pour un montant mensuel de 3 707 F hors-taxes sur une période de 41 mois, soit une somme de 151 987 F alors que la valeur vénale du dit véhicule était de 100 000 F ;
Que le second grief concerne une machine Vollmer bk 450 pendant 40 mois pour un loyer mensuel de 198, 98 €, soit un total de 7959, 52 euros alors que l'achat d'une machine neuve valait 9 000 € ;
Que le troisième grief concerne une machine Reform AR type cinq H. M. T pour un loyer mensuel de 824, 75 € pendant 40moissoit 32 989, 87 €, ce qui dépasserait la valeur à neuf de la machine ;
Que le quatrième concerne un véhicule TDI Volkswagen d'occasion moyennant un loyer mensuel de 365, 88 € pendant 31 mois soit une dépense totale de 11 342, 21 € ;
Attendu cependant que cette seule comparaison des prix et des valeurs ne démontre pas nécessairement un mauvais choix ;
Qu'aucune analyse économique et fiscale de ces opérations n'est formulée ; qu'il faudrait aussi déterminer notamment si la société Mofex avait alors les liquidités suffisantes pour procéder aux achats ;

Que le résultat de ces opérations n'est pas comparé à ce qu'aurait produit des achats ;

Que l'étude de ces opérations, qui ne peut se résumer à l'énoncé rapporté ci-avant, n'est pas faite ;
Attendu qu'en l'absence de cette étude, le caractère fautif de ces opérations n'est pas établi ;
Attendu en conséquence qu'aucun des griefs formulés par la société Mofex n'est établi ;
Qu'il faut confirmer le jugement dont appel ;
Attendu cependant que le caractère fautif de l'action ne justifie pas de nouveaux dommages intérêts en appel ;
Attendu en revanche que M. Patrick X... a dû se défendre face des demandes d'autant plus difficiles à combattre qu'elles étaient floues et qu'il faudra en tenir compte pour évaluer l'indemnité due au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement,
Confirme dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Argentan,
Condamne la société Mofex à payer à M. Patrick X... la somme de 3. 000 euros indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile,
La condamne aux dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

C. GALANDJ. BOYER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Ct0038
Numéro d'arrêt : 07/02148
Date de la décision : 09/09/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance d'Argentan, 28 juin 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.caen;arret;2008-09-09;07.02148 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award