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04/09/2008 | FRANCE | N°07/01853

France | France, Cour d'appel de Caen, Ct0125, 04 septembre 2008, 07/01853


AFFAIRE : N RG 07 / 01853 Code Aff. : ARRET N CJ / RA ORIGINE : Décision du Tribunal de Grande Instance de CAEN en date du 05 Juin 2007 RG no 07 / 00716

PREMIERE CHAMBRE-SECTION 3 ARRET DU 04 SEPTEMBRE 2008

DEMANDERESSE :
Madame Zehor X... épouse Y... née en 1952 à KHMEMISSET (MAROC)... 14460 COLOMBELLES

représentée par la SCP TERRADE DARTOIS, avoués à la Cour assistée de Me Monique LE BOULANGER, avocat au barreau de CAEN (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 141180022007006627 du 24 / 10 / 2007 accordée par le bureau d'aide juridictionne

lle de CAEN)

DEFENDEUR :

Monsieur Koutaïa Y... né en 1947 à FES (MAROC)... 14...

AFFAIRE : N RG 07 / 01853 Code Aff. : ARRET N CJ / RA ORIGINE : Décision du Tribunal de Grande Instance de CAEN en date du 05 Juin 2007 RG no 07 / 00716

PREMIERE CHAMBRE-SECTION 3 ARRET DU 04 SEPTEMBRE 2008

DEMANDERESSE :
Madame Zehor X... épouse Y... née en 1952 à KHMEMISSET (MAROC)... 14460 COLOMBELLES

représentée par la SCP TERRADE DARTOIS, avoués à la Cour assistée de Me Monique LE BOULANGER, avocat au barreau de CAEN (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 141180022007006627 du 24 / 10 / 2007 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CAEN)

DEFENDEUR :

Monsieur Koutaïa Y... né en 1947 à FES (MAROC)... 14460 COLOMBELLES

représenté par la SCP GRANDSARD DELCOURT, avoués à la Cour assisté de Me Jean-Marie AGNES, avocat au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur JAILLET, Conseiller, faisant fonction de Président, Rédacteur Madame HOLMAN, Conseiller, Monsieur CHALICARNE, Conseiller,

MINISTERE PUBLIC : Présent à l'audience, représenté par Madame ROZE, Substitut Général Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.

DEBATS : En chambre du Conseil du 17 Juin 2008,

GREFFIER : Madame LEDOUX
ARRET contradictoire prononcé non publiquement par mise à disposition au greffe le 04 Septembre 2008 et signé par Monsieur JAILLET, Conseiller, faisant fonction de Président, et Madame LEDOUX, Greffier
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FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS :

Madame X... et Monsieur Y..., tous deux de nationalité marocaine se sont mariés le 21 juillet 1975 à KHEMISSET (MAROC) et ont leur résidence à COLOMBELLES (CALVADOS / FRANCE).
De leur union sont issus quatre enfants, tous majeurs aujourd'hui.
Le 22 février 2007, Madame X... a déposé une requête en divorce au Greffe du Tribunal de Grande Instance de CAEN.
Par ordonnance du 23 février 2007, la tentative de conciliation a été fixée.
Par assignation du 5 mars 2007, Madame X... a fait citer Monsieur Y... devant le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance de CAEN sur le fondement de l'article 251 du Code Civil.

Par ordonnance du 5 juin 2007, le Juge aux Affaires Familiales a reçu l'exception de litispendance soulevée par Monsieur Y... et s'est dessaisi de l'affaire au profit du Tribunal de Première Instance de KHEMISSET (MAROC) déjà saisi d'une demande de conciliation (avant divorce) présentée par le mari.

Madame Y... a formé contredit le 12 juin 2007 à l'encontre de cette décision.

Par arrêts du 25 octobre 2007 (au visa de l'article 16 du Code de Procédure Civile) et du 10 janvier 2008 (en vertu des articles 91, 104 et 1112 du même code), la Cour d'Appel a :

invité les parties à présenter leurs observations sur l'application de l'article 11 alinéa 3 de la convention franco-marocaine du 10 août 1981 et les conséquences de la reddition d'un jugement de divorce par la juridiction marocaine premièrement saisie ;
considéré que la décision déférée aurait dû l'être par la voie de l'appel et non du contredit et invité les parties à constituer avoué.
La procédure ayant été régularisée en ce sens, les parties ont conclu pour la dernière fois :
le 29 mai 2008 pour X... épouse Y... ; le 13 juin 2008 pour Monsieur Y....

Le Ministère Public a déposé des conclusions écrites le 10 mars 2008.

MOTIFS DE LA COUR :
Aux termes de la convention franco marocaine signée le 10 août 1981 (et publiée par décret du 27 mai 1983), la dissolution du mariage est prononcée selon la loi de celui des deux Etats dont les époux ont tous deux la nationalité à la date de la présentation de la demande (article 9).
Elle peut l'être par les juridictions de celui des deux Etats sur le territoire duquel les époux ont leur domicile commun ou avaient leur dernier domicile commun (article 11 alinéa 1er).
Toutefois, lorsque les époux ont tous deux la nationalité de l'un des deux Etats, les juridictions de cet Etat peuvent également être compétentes quel que soit le domicile des époux au moment de l'introduction de l'action judiciaire (article 11 alinéa 2ème).
Enfin, si une action judiciaire a été introduite devant une juridiction de l'un des deux Etats et si une nouvelle action entre les mêmes parties et ayant le même objet est portée devant le Tribunal de l'autre Etat, la juridiction saisie en second lieu doit surseoir à statuer (article 11 alinéa 3).
En l'espèce, il est constant que Madame X... comme Monsieur Y... sont de nationalité marocaine et que le mari a initialement engagé au MAROC une procédure en divorce.
Dès lors, la juridiction française, saisie en second lieu par Madame X..., aurait dû surseoir à statuer et non se dessaisir au profit de la juridiction marocaine.
L'ordonnance déférée sera, dès lors, infirmée.

Mais au regard de l'effet dévolutif de l'appel et de la reddition, le 4 octobre 2007, d'un jugement de divorce par le Tribunal de KHEMISSET (MAROC), décision dont le caractère définitif n'est pas contesté, le sursis à statuer n'est plus d'actualité.

Et la Cour d'Appel, à laquelle est déférée l'ordonnance en date du 5 juin 2007 rendue par le juge conciliateur du Tribunal de Grande Instance de CAEN, est habilitée à contrôler, à titre incident (et non dans le cadre d'une procédure d'exequatur stricto sensu) la régularité internationale du jugement marocain invoqué par Monsieur Y... pour contester à la juridiction française son pouvoir de juger.

Il appartient ainsi à la Cour d'apprécier :
• si le juge marocain était compétent pour prononcer le divorce des époux X... et Y... ;
• s'il n'y pas eu fraude à la loi commise par le mari ;
• si la décision rendue est conforme à l'ordre public international.

Comme il a été indiqué plus haut, la juridiction marocaine, était parfaitement compétente pour prononcer le divorce de deux époux marocains quel que soit le domicile de ceux-ci à la date de l'introduction de l'instance judiciaire.

La dissolution du mariage devant être, dans ce cas, prononcée selon la loi nationale des époux, il serait, au demeurant, paradoxal de conférer aux juridictions de ce pays un rôle secondaire ou subsidiaire ;
C'est pourquoi, il apparaît qu'en engageant devant le Tribunal de Première Instance de KHEMISSET (MAROC) une procédure en divorce suivant demande en date du 2 février 2006, Monsieur Y... a saisi une juridiction compétente pour en connaître.
La fraude à la loi n'est pas établie même si les époux X...- Y... ont leur domicile commun en FRANCE depuis 30 ans et si leurs enfants son nés dans ce pays puisque Monsieur Y... n'a fait ainsi qu'user de la faculté que lui offrait la convention franco-marocaine.
Les lieux de rattachement des deux parties avec le MAROC sont, au demeurant, nombreux et substantiels puisque Madame X... et Monsieur Y... ont conservé, outre leur nationalité marocaine, des relations affectives avec leur pays et Madame X..., elle-même a introduit au MAROC, en novembre 2006, une procédure judiciaire pour obtenir le paiement d'une pension alimentaire.
Reste la conformité de la décision du Tribunal de KHEMISSET avec l'ordre public international.
La procédure elle-même n'encourt pas, à cet égard, de critique.
Suite à la demande de Monsieur Y..., un juge a été mandaté au consulat de MAROC à RENNES (FRANCE) pour procéder à la tentative de conciliation, tentative ayant échoué selon procès verbal dressé le 14 novembre 2006.
Le principe de la contradiction a été respecté, Madame X... étant représentée par Maître TASS, Avocat au Barreau de RABAT.
Sur le fond, il ressort des éléments du dossier que le divorce des époux Y...- X... " constaté " par le Tribunal de Première Instance de KHEMISSET le 4 octobre 2007 est le divorce sous contrôle judiciaire régi par les articles 78 à 93 du code marocain de la famille (titre III).
Les références aux dispositions des articles 82 et 83 du Code de la Famille figurant dans le jugement du 4 octobre 2007 (et dans celui du 3 mai 2007) sont, à cet égard, sans équivoque.
Il apparaît que ce divorce est la dissolution du mariage requise par l'épouse ou par l'époux, selon des conditions propres à chacun d'eux, sous le contrôle de la justice (article 78).
Mais le principe fondamental au regard de l'ordre public international, de l'égalité de traitement entre l'homme et la femme, n'est pas assuré par ce type de divorce.
En effet, le mari peut obtenir le divorce sans que l'épouse ne puisse s'opposer à la demande, l'intervention du juge étant limitée aux conséquences de la séparation lorsque la tentative de conciliation a échoué (article 83 et 84 du Code de la famille).
En revanche, l'épouse ne peut saisir le Tribunal d'une demande similaire que si elle y a été autorisée par le mari (qui lui consent un droit d'option au sens de l'article 89 du dit code).
Cette différence flagrante de traitement méconnaît le principe d'égalité des époux lors de la dissolution du mariage reconnu par l'article 5 du protocole du 22 novembre 1984 additionnel à la convention européenne des droits de l'homme et elle apparaît manifestement incompatible avec l'ordre public international au sens de l'article 4 de la convention du 10 août 1981.

Alors que les deux époux Y... et X... vivent sur le territoire français, le jugement de divorce rendu le 4 octobre 2007 par le Tribunal de KHEMISSET ne peut donc être reconnu en FRANCE et caractériser une fin de non recevoir admissible à la demande en divorce présentée devant juge français par Madame X....

C'est pourquoi, il convient de considérer que le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance de CAEN, dans le ressort duquel est situé le domicile des deux parties, doit retenir sa juridiction et statuer sur les mesures provisoires conformément à la loi.
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Les dépens de l'instance seront mis à la charge de Monsieur Y..., partie perdante ;

Il n'y a pas lieu, dès lors, à application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS ;

LA COUR,
Statuant non publiquement et contradictoirement ;
Infirme l'ordonnance déférée ;
Vu le jugement rendu le 4 octobre 2007 par le Tribunal de Première Instance de KHEMISSET (MAROC) ;
Dit qu'il n'y a plus lieu de surseoir à statuer ;
Déclare recevable la demande en divorce présentée par Madame X... devant le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance de CAEN ;
Renvoie l'affaire devant cette juridiction afin qu'il soit procédé conformément à la loi et qu'il soit statué sur les mesures provisoires ;
Condamne Monsieur Y... aux dépens, à recouvrer comme en matière d'aide juridictionnelle ;
Dit qu'il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT,
M. LEDOUX C. JAILLET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Ct0125
Numéro d'arrêt : 07/01853
Date de la décision : 04/09/2008

Références :

ARRET du 04 novembre 2009, Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 4 novembre 2009, 08-20.574, Publié au bulletin

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Caen, 05 juin 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.caen;arret;2008-09-04;07.01853 ?
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