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04/07/2008 | FRANCE | N°07/02947

France | France, Cour d'appel de Caen, 04 juillet 2008, 07/02947


AFFAIRE : N RG 07 / 02947
Code Aff. :
ARRET N
C. P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes de TROUVILLE S / MER en date du 04 Septembre 2007- RG no F05 / 0002

TROISIEME CHAMBRE- SECTION SOCIALE 1
ARRET DU 04 JUILLET 2008

APPELANT :

Monsieur Denis X...


...

14800 DEAUVILLE

Comparant en personne, assisté de Me YGOUF, avocat au barreau de CAEN



INTIMEE :

SARL A. ET D. Y...


...

14800 DEAUVILLE

Représentée par Me CHEVRET, avocat au barreau de CAEN, en présence de Mon

sieur Y...




DEBATS : A l'audience publique du 10 Avril 2008, tenue par Monsieur POUMAREDE, Président, Magistrat chargé d'instruire l'affaire leq...

AFFAIRE : N RG 07 / 02947
Code Aff. :
ARRET N
C. P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes de TROUVILLE S / MER en date du 04 Septembre 2007- RG no F05 / 0002

TROISIEME CHAMBRE- SECTION SOCIALE 1
ARRET DU 04 JUILLET 2008

APPELANT :

Monsieur Denis X...

...

14800 DEAUVILLE

Comparant en personne, assisté de Me YGOUF, avocat au barreau de CAEN

INTIMEE :

SARL A. ET D. Y...

...

14800 DEAUVILLE

Représentée par Me CHEVRET, avocat au barreau de CAEN, en présence de Monsieur Y...

DEBATS : A l'audience publique du 10 Avril 2008, tenue par Monsieur POUMAREDE, Président, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties ne s'y étant opposées, siégé en présence de Monsieur COLLAS, Conseiller, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Madame POSE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Monsieur POUMAREDE, Président,
Monsieur COLLAS, Conseiller, rédacteur
Madame PONCET, Conseiller,

ARRET prononcé publiquement le 04 Juillet 2008 à 14 heures par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile et signé par Monsieur POUMAREDE, Président, et Madame POSE, Greffier

07 / 2947 TROISIEME CHAMBRE SECTION SOCIALE 1 PAGE No2

Faits- Procédure :

Monsieur Denis X... a été engagé le 10 juillet 2002 pour une durée indéterminée par la SARL A et JP BASTARD, exploitant une boulangerie- pâtisserie à DEAUVILLE, en qualité de pâtissier.

En septembre 2002, le fonds de commerce a été cédé à la SARL A et D Y..., laquelle est, de plein droit, devenue le nouvel employeur des salariés qui y travaillaient alors, dont Monsieur Denis X....

En novembre 2002, celui- ci a été promu chef pâtissier.

Par lettre datée du 8 avril 2004, son employeur a notifié à Monsieur X... son licenciement pour insuffisance professionnelle.

Contestant la légitimité de son licenciement, dénonçant le non respect par son employeur des règles légales de procédure qui s'imposaient en la circonstance et estimant demeurer créancier de celui- ci au titre de l'exécution de son contrat de travail, Monsieur Denis X... a saisi le 6 janvier 2005 le Conseil de prud'hommes de TROUVILLE sur MER de diverses demandes financières, de nature indemnitaire et salariale à la fois.

Vu le jugement rendu le 4 septembre 2007 par le dit Conseil de prud'hommes qui a débouté Monsieur X... de l'intégralité de ses demandes.

Vu les conclusions déposées le 13 mars 2008 et oralement soutenues à l'audience par Monsieur Denis X..., appelant.

Vu les conclusions déposées le 4 avril 2008 et oralement soutenues à l'audience par la SARL A et D Y..., intimée.

MOTIFS

- Sur la rupture du contrat de travail

Si, par lettre datée du 8 avril 2004, son employeur a notifié à Monsieur X... son licenciement motivé par son insuffisance professionnelle, celui- ci soutient que son employeur lui a verbalement notifié la rupture de leurs relations contractuelles dès le 26 mars 2004, laquelle rupture, dont celui qui en a pris l'initiative s'est entièrement affranchi des règles légales applicables, est en conséquence à la fois irrégulière et dépourvue de cause réelle et sérieuse.

A titre subsidiaire néanmoins, Monsieur X... conteste son insuffisance professionnelle invoquée par son employeur pour le licencier.

Monsieur X... explique comme suit le contexte dans lequel Monsieur Y... son employeur aurait rompu le contrat qui les unissait.

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Le mercredi 24 mars 2004, il a demandé à son employeur l'autorisation de s'absenter parce que sa mère était mourante.

Celle- ci est décédée le même jour à 15 heures 20.

De retour, en fin d'après- midi du même jour, sur son lieu de travail, son employeur lui a reproché de n'avoir pas préparé suffisamment de moulages en chocolat pour les fêtes de Pâques.

Il lui a répondu que la chaleur dans le laboratoire était trop élevée pour préparer les moulages, ce dont à convenu Monsieur Y....

Le lendemain matin, il s'est vu refuser l'accès à son poste de travail, en présence de ses collègues et sans aucune explication.

Il s'est à nouveau présenté sur son lieu de travail le lendemain vendredi 26 mars en demandant à travailler, ce que Monsieur Y... a refusé en lui annonçant qu'il allait le licencier.

Il lui a alors demandé l'autorisation de s'absenter le samedi 27 mars pour assister à l'inhumation de sa mère, ce à quoi Monsieur Y... lui a répondu qu'il ne travaillait plus et qu'il pouvait prendre ses affaires.

Néanmoins et par lettre datée de ce même 26 mars 2004, il a fait part à son employeur qu'il demeurait à sa disposition pour continuer de travailler à son service et il lui précisait in fine qu'il pouvait lui laisser samedi (27 mars) un message sur son répondeur en ce sens.

Le samedi 27 mars 2004 à 20 heures 29 Monsieur Y... lui a téléphoné et a laissé un message sur son répondeur lui confirmant qu'il était inutile qu'il vienne travailler le dimanche 28 mars, le mardi 30 non plus et qu'un courrier doit suivre.

Monsieur X... affirme enfin que c'est le 29 mars 2004 seulement qu'il a reçu de son employeur la lettre le convoquant le 6 avril 2004 à l'entretien préalable à son licenciement envisagé, soit à une date postérieure à la notification que lui a verbalement faite celui- ci de la rupture de leurs relations contractuelles.

Monsieur Y..., employeur de Monsieur X..., conteste sa relation des faits et soutient pour sa part que celui- ci a subitement quitté son poste de travail le mercredi 24 mars 2004, à une heure qu'il ne précise pas, sans donner aucune explication.

Il confirme par contre qu'il est revenu en fin d'après- midi du même jour et qu'il lui alors demandé des explications, non pas sur les raisons de son brusque départ du même jour, mais sur celles pour lesquelles il n'avait pas préparé suffisamment de moulages en chocolat en vue de la préparation des fêtes de Pâques, qu'un vif échange entre eux s'en est suivi et qu'il a à nouveau abandonné son poste de travail " en claquant la porte ".

La version de l'employeur diffère encore de celle de son chef pâtissier en ce qu'il affirme que c'est seulement le vendredi 26 mars au matin, et non pas le jeudi 25, que celui- ci s'est à nouveau présenté à son travail, lui annonçant alors, pour la première fois, le décès de sa mère survenu l'avant veille et c'est à raison de cette annonce, affirme- t- il, qu'il l'a dispensé de venir travailler.

La lettre de l'employeur convoquant Monsieur X... à l'entretien préalable à son licenciement envisagé n'est pas datée et il n'est justifié, ni de la date à laquelle elle a été expédiée, ni de celle à laquelle son destinataire l'a reçue.

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Cependant, la société Y... affirmant avoir convoqué Monsieur X... par lettre du 27 mars 2004, lequel jour était un samedi, et ce dernier affirmant lui même avoir été convoqué à l'entretien préalable le 29 mars 2004, soit le lundi suivant, ces deux affirmations, qui sont compatibles entre elles, seront tenues pour conformes à la réalité.

Si, comme le soutient Monsieur X..., son employeur lui a verbalement signifié le 26 mars 2004 la rupture de leurs relations contractuelles, la procédure de licenciement ultérieurement mise en oeuvre par ce dernier, quand bien même a- t- elle été menée à son terme, est dépourvue de tout effet, la rupture procédant de la décision antérieure de l'employeur, verbalement exprimée, de voir son salarié quitter immédiatement et sans idée de retour l'entreprise.

Pour apprécier l'éventuelle réalité de la version de la rupture de son contrat de travail que défend Monsieur X..., la Cour dispose des éléments suivants :

Même si les heures précises en sont ignorées, faute pour les parties d'en avoir seulement fait état, la réalité de l'absence à son poste de travail de Monsieur X... le mercredi 24 mars 2004 est un fait acquis aux débats, chacune des parties faisant état de celle- ci.

Ainsi qu'il en est justifié au moyen de son acte de décès, la mère de Monsieur X... est décédée à ROUEN le 24 mars 2004 à 15 heures 20.

Compte tenu de la distance séparant ROUEN de DEAUVILLE où, à la fois, résidait et travaillait Monsieur X..., il doit être admis, alors surtout que celui qui était alors son employeur ne le conteste pas, que le motif de son absence du 24 mars 2004 était de se rendre au chevet de sa mère mourante ainsi qu'il l'affirme.

La Cour ignore par contre, en l'absence de tout élément d'appréciation de la question, si Monsieur X... avait alors demandé à son employeur l'autorisation de s'absenter comme il l'affirme où s'il a subitement quitté son poste sans donner aucune explication comme le soutient ce dernier.

Cependant, en considération à la fois du motif de l'absence de Monsieur X... et du fait qu'à aucun moment son employeur ne lui a reproché celle- ci, notamment lorsqu'il a regagné son poste de travail en fin d'après- midi du même jour, la version du second n'apparaît pas crédible et sera retenue pour conforme à la réalité celle du premier.

Si la réalité de " l'altercation " qui a opposée, en fin d'après- midi ou début de soirée de ce même 24 mars 2004, Messieurs X... et Y... à propos de la préparation des moulages en chocolat en prévision des prochaines fêtes de Pâques est un fait acquis puisque chacune des parties la relate, en l'absence de témoignages de tiers alors présents qui auraient pu donner leur version de la scène litigieuse, son intensité est ignorée de la Cour.

A propos de cet épisode, rien ne permet de tenir pour établi que Monsieur X... ait alors abandonné son poste de travail " en claquant la porte " comme l'affirme la société Y....

Le lendemain 25 mars 2004, Monsieur X... a adressé à son employeur une lettre recommandée avec accusé de réception datée du même jour, reçue par son destinataire le 26 mars 2004 ainsi qu'il en est justifié, pour lui faire part de son étonnement de s'être, ce 25 mars 2004 à 8 heures, vu refuser par lui l'accès à son poste de travail et avoir ainsi été mis dans l'impossibilité de travailler.

Il est constant, le contraire n'étant pas même allégué, que l'employeur de Monsieur X... n'a réservé à cette lettre aucune réponse.

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Le 26 mars 2004, Monsieur X... a adressé, en la même forme, une nouvelle lettre à son employeur, lequel l'a reçue le 27 mars, lettre dans laquelle il relatait s'être à nouveau présenté ce jour là à 8 heures dans son établissement pour y reprendre son travail, que Monsieur Y... lui a alors annoncé qu'il allait le licencier et qu'il lui a interdit, ce vendredi 26 mars 2004, de travailler, qu'il lui a indiqué qu'il pouvait prendre ses affaires puisqu'il ne travaillait désormais plus pour lui, ajoutant qu'il l'appellerait mardi (30 mars 2004) après avoir vu son comptable.

S'il indiquait dans sa lettre datée du 26 mars qu'il ne viendrait pas travailler le samedi 27 mars parce qu'il enterrait sa mère en Seine Maritime, Monsieur X... rappelait à son employeur son obligation de lui fournir du travail et lui affirmait qu'il restait à sa disposition pour continuer de travailler dans son établissement à compter de dimanche matin (28 mars 2004) sur appel de sa part en précisant in fine qu'il pouvait laisser samedi (27 mars 2004) un message en ce sens sur son répondeur.

Le samedi 27 à 20 heures 29, a été enregistré sur le répondeur du téléphone de Monsieur X... un message que celui- ci a fait transcrire en ces termes le 8 février 2008 par un huissier de justice : " Oui, c'est Dominique Y... là donc j'appelle suite au courrier que j'ai reçu ce matin donc je confirme que Dimanche 30 mars ce n'est pas la peine de venir au travail ni mardi 30 non plus, donc logiquement il y a un courrier qui suit, voilà donc à bientôt,

En revoir..... "

La société Y... met en cause le caractère probant de ce document à raison à la fois du caractère tardif de la transcription par rapport à la date d'enregistrement du message et de ce que l'année n'y est pas précisée.

Alors qu'il est justifié par Monsieur X... que le message litigieux, enregistré sur son répondeur, a bien été émis à partir du numéro de téléphone de la société A et D Y... de DEAUVILLE auprès de laquelle il travaillait jusqu'en mars 2004, la seule transcription tardive de celui- ci ne permet pas de conclure à l'existence d'une fraude dont celle qui l'allègue n'avance aucune explication qui permettrait de la caractériser.

Certes par ailleurs, la transcription ne fait pas mention de l'année d'enregistrement du message litigieux.

Cependant, compte tenu à la fois des identités avérées de l'expéditeur et du récepteur du message, des éléments de date y indiqués et de son contenu lui- même, il ne fait aucun doute que c'est en 2004 qu'il a été émis.

La société Y... demande à voir écarter des débats la transcription de cet enregistrement téléphonique en ce que celui- ci tendrait à administrer la preuve d'un fait de manière déloyale.

Or, cet enregistrement téléphonique constituerait effectivement un mode déloyal de preuve s'il avait été effectué à l'insu de l'auteur des propos litigieux.

Telle n'est pas l'hypothèse de l'espèce dans laquelle c'est l'employeur de Monsieur X... qui l'a appelé et, celui- ci étant alors absent, a laissé un message sur son répondeur dont celui qui l'a reçu était libre de faire l'usage que bon lui semblait, notamment l'utiliser comme mode de preuve de ce qu'était alors la position de son employeur par rapport à l'avenir du contrat qui les unissait, l'émetteur du message téléphonique s'étant alors librement et en toute connaissance de cause exprimé à propos de la question litigieuse opposant les parties.

Le message téléphonique litigieux est, à cet égard, parfaitement explicite de ce qu'était alors cette position de celui- ci.

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Monsieur Dominique Y..., employeur de Monsieur X..., y déclare en effet à l'attention de celui- ci qu'il lui confirme que ce n'est pas la peine de venir travailler le lendemain, ni ultérieurement du reste, et qu'un courrier allait suivre.

Or, le seul courrier qui, effectivement, a suivi fût la convocation de Monsieur X... à l'entretien préalable à son licenciement envisagé, convocation qu'il a reçue le surlendemain de l'appel.

Or, au moyen de cet appel, Monsieur Y... a signifié à Monsieur X... la rupture de leurs relations contractuelles.

Monsieur Y... fait allusion, lors de son appel, au courrier qu'il a reçu le matin même de Monsieur X....

Il s'agit là du courrier, daté du 26 mars 2004, de ce dernier qui a déjà été évoqué et que son destinataire reconnaît donc avoir reçu.

Or, dans ce courrier, Monsieur X... relatait s'être vu refuser par son employeur, comme le jour précédent du reste, l'accès à son lieu de travail.

Cette attitude de l'employeur est donc établie.

Celui- ci n'allègue aucun motif à celle- ci.

Il n'allègue en particulier pas l'éventualité d'une mise à pied conservatoire de son salarié.

Au contraire, dans sa lettre convoquant celui- ci à l'entretien préalable à son licenciement, s'il le dispense de se présenter au travail, sans du reste préciser les raisons de cette dispense, il précise par contre que cela ne constitue pas une mise à pied conservatoire.

En refusant, sans motif, à son salarié de travailler le 25, puis le 26 mars 2004, en l'informant téléphoniquement le 27 mars 2004 de ce que ce refus était définitif, l'employeur a rompu le contrat qui les unissait.

Il est constant que, en la circonstance, l'employeur de Monsieur X... s'est entièrement affranchi, non seulement des règles de formes des articles L 122- 14et L 122-14-1 du Code du Travail, mais également des règles de fond de l'article L 122-14-2 premier alinéa du Code du Travail (articles L 1232-2 et L 1232-6 de la nouvelle codification).

La rupture du contrat de travail de Monsieur X..., que son employeur lui a verbalement signifiée le 26 mars 2004, est donc à la fois irrégulière et dépourvue de cause réelle et sérieuse.

Son licenciement pour insuffisance professionnelle que lui a ultérieurement régulièrement notifié son employeur est donc dépourvu de tout effet.

- Sur les conséquences indemnitaires du licenciement

Monsieur X... comptait moins de deux ans (21 mois) d'ancienneté dans l'entreprise lorsqu'il en a été évincé dans les conditions qui viennent d'être évoquées.

Son employeur s'est, à l'occasion de cette éviction, entièrement affranchi du respect des règles légales qui s'imposaient à lui.

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Cette circonstance justifie d'allouer au salarié, en réparation du préjudice que lui a causé cette irrégularité de la procédure de licenciement, l'indemnité maximale prévue par l'article L 122-14-4 du Code du Travail (article L 1235-2 selon la nouvelle codification).

Monsieur X... a été licencié de l'entreprise Y... à l'âge de 47 ans.

Son salaire brut mensuel moyen de ses six derniers mois d'activité s'élevait à 2. 990 €.

Il est sorti des effectifs de l'entreprise le 8 mai 2004 au terme de son préavis de un mois qui lui a été payé.

Il a été admis le 27 mai 2004 au bénéfice de l'allocation d'aide au retour à l'emploi qui lui a été servie, à hauteur d'une somme moyenne mensuelle de 1. 500 €, jusqu'au 5 mai 2006, date à laquelle il a été embauché, sous contrat à durée indéterminée, par la société VITRY DISTRIBUTION, exploitant le Centre LECLERC de VITRY sur SEINE, en qualité de responsable du rayon boulangerie- pâtisserie du dit centre moyennant une rémunération brute mensuelle forfaitaire de 2. 500 €.

Il a donc été deux ans au chômage avant de retrouver une activité professionnelle stable mais légèrement moins rémunérée que celle qu'il a perdue.

Sa perte de revenus imputable à son inactivité professionnelle pendant cette période, laquelle s'obtient par la soustraction de ceux qu'il aurait dû percevoir, s'il était demeuré au service de la société Y... des indemnités de chômage qu'il a perçues, représente 35. 760 €.

Monsieur X... limite sa demande à ce titre à 32. 000 €.

En considération à la fois de sa perte de revenus justifiée, du préjudice moral causé par une longue période de chômage à l'âge qui était le sien alors qu'il avait quatre enfants à charge, aux frais de déménagement et de réaménagement qu'il a dû exposer compte tenu du lieu d'exercice de sa nouvelle activité et des revenus moindres que l'ancienne qu'elle lui procure, il y a lieu de faire entièrement droit à sa demande indemnitaire réparatrice de son préjudice né de son licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Les circonstances, marquées par le décès de sa mère, de la brutale rupture du contrat de travail de Monsieur X... ont causé à celui- ci un préjudice spécifique, distinct de celui né de la perte de son emploi dont il est en droit d'obtenir réparation sur le fondement, à la fois, des articles L 120-4 du Code du Travail et 1382 du Code Civil.

Ce préjudice sera justement évalué, en considération des éléments d'appréciation de celui- ci offerts par les parties à la discussion, à 3. 000 €.

- Sur la demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires

Monsieur X... formule, à hauteur de la somme totale de 20. 794, 74 €, une demande de rappel de salaire aux titres d'heures supplémentaires, du travail de nuit, du travail des dimanches et jours fériés, de la majoration de 10 % pour son travail des lundis et des repos compensateurs.

La société Y..., qui considère l'avoir entièrement rempli de ses droits au titre de l'exécution de son contrat de travail, l'estime, par définition, mal fondé en celle- ci.

Si la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.
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Pour permettre à la Cour d'apprécier celle- ci, sont versés aux débats les documents suivants :
- tous les bulletins de paie de Monsieur X... depuis septembre 2002, c'est- à- dire depuis le rachat du fonds de commerce où il travaillait depuis deux mois par la société A et D Y....

Tous ces bulletins, sans aucune exception, mentionnent le salaire de base versé calculé sur la durée légale du travail, des majorations de 10 et 25 % pour heures supplémentaires, des majorations de 20 % pour travail le dimanche et, parfois, les jours fériés, des majorations de 25 % pour travail de nuit et, un certain nombre d'entre eux seulement, des majorations pour travail des lundis, lequel était le jour de fermeture du fonds.

- deux agendas, le premier concernant l'année 2003 à partir du 11 mars seulement, le second intéressant l'année 2004, sur lesquels Monsieur X... a porté, chaque jour, ses heures d'arrivée et de départ et, par soustraction, son amplitude quotidienne de présence dans l'entreprise.

- les témoignages enfin de Mademoiselle Laëtitia A..., Monsieur Yves B... et Monsieur François C... qui ont travaillé dans l'entreprise à l'époque où Monsieur X... y a lui- même travaillé.

De la première série de documents, il se déduit que Monsieur X... effectuait des heures supplémentaires puisqu'il lui en étaient payées.

Il ne peut par contre être déduits des mentions relatives à la question litigieuse portées sur ses bulletins de paie qu'il ait été payé de toutes les heures supplémentaires qu'il a pu effectuer.

Si la société Y... soutient que Monsieur X... a rempli ses agendas a posteriori pour les seuls besoins de sa demande en justice, il s'agit là d'une pure affirmation de principe que rien ne corrobore.

Du reste, s'il en avait été ainsi, il peut raisonnablement être estimé qu'il aurait rempli ces documents depuis son embauche en juillet 2002.

Or, comme il l'a été dit, ceux- ci ne mentionnent pas ses horaires de présence dans l'entreprise avant le 11 mars 2003.

Monsieur C..., qui a travaillé dans l'entreprise en qualité d'apprenti de juillet 2001 à juin 2003, a régulièrement attesté que Monsieur X... notait sur un carnet bleu ses horaires de travail.

Or, les agendas que celui- ci verse aux débats sont de couleur bleue.

Rien n'autorise à considérer que les mentions portées sur les agendas de Monsieur X... n'aient pas correspondu à la réalité de ses temps de présence dans l'entreprise.

Enfin, les trois témoins déjà cités ont régulièrement attesté que Monsieur X... effectuait, en sus des siennes, de nombreuses tâches, notamment lors des absences de Monsieur Y....

Ces témoignages ne présentent toutefois qu'un faible intérêt pratique dans la mesure où, alors que le principe même de l'exécution des heures supplémentaires par Monsieur X... n'est pas contesté par l'employeur puisqu'il lui en étaient payées chaque mois, ils n'apportent aucune indication d'ordre quantitatif.

Il est constant, et la société Y... ne soutient pas le contraire, que celle- ci n'apporte aucun justificatif des horaires, quotidiens au premier chef, effectivement réalisés par Monsieur X....

07 / 2947 TROISIEME CHAMBRE SECTION SOCIALE 1 PAGE No9

Monsieur C... a, à cet égard, attesté qu'aucun horaire de travail n'était affiché dans l'entreprise où n'existait aucun système de pointage.

Monsieur B... a lui- même attesté dans le même sens.

Ainsi donc, alors que Monsieur X... étaye sa demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires, la société qui l'employait est entièrement défaillante à respecter l'obligation que lui prescrivait l'article L 212-1-1 du Code Civil.

Il sera en conséquence fait droit, à tout le moins sur le principe, à la demande du salarié.

Celui- ci chiffre celle- ci à 20. 794, 74 € en s'appuyant sur le travail effectué par Monsieur Louis D..., expert comptable, a qui il a demandé d'analyser ses agendas et d'en tirer toutes conclusions chiffrées utiles par rapport à sa demande.

Or, les conclusions de cette analyse apparaissent éminemment contestables dans la mesure où celle- ci porte sur les années 2002, 2003 et 2004 alors qu'il n'existe d'agenda qu'à compter du 11 mars 2003, que n'a pas été déduite la durée des pauses quotidiennes, notamment celle du déjeuner puisque les agendas eux- mêmes n'en font pas état et que rien ne permet de considérer que celui qui a réalisé cette analyse a pris en compte les heures supplémentaires et celles de travail de nuit, des dimanches et jours fériés et des lundis que son employeur a payées à Monsieur X....

A aucun moment celui- ci n'a contesté qu'il déjeunait sur son lieu de travail ainsi que l'affirme la société Y... et qu'à l'occasion de ce déjeuner il bénéficiait d'une pause.

En conséquence de l'ensemble des éléments qui viennent d'être évoqués et analysés, les parties seront renvoyées à calculer le rappel de salaire pour heures supplémentaires qui, le cas échéant, reste dû à Monsieur X..., lequel calcul sera effectué à partir des mentions horaires quotidiennes portées sur ses agendas (ses pièces no34 et 35).

Par définition, ce calcul portera exclusivement sur la période qui a couru du 11 mars 2003, l'agenda étant vierge de toute mention avant cette date, au 24 mars 2004 qui est le dernier jour où Monsieur X... a travaillé.

Du décompte horaire quotidien effectué à partir des agendas sera déduite une heure correspondant à la durée de la pause méridienne.

Enfin, seront déduites de la somme totale due à Monsieur X... les heures supplémentaires et diverses majorations qui lui ont été payées apparaissant sur ses bulletins de paie correspondant à la période ici prise en compte.

Il apparaît équitable de mettre à la charge de la SARL Y... une partie des frais de procédure irrépétibles qu'a dû exposer Monsieur X... pour voir ses demandes satisfaites.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Infirme le jugement entrepris ;

07 / 2947 TROISIEME CHAMBRE SECTION SOCIALE 1 PAGE No10

Statuant à nouveau ;

Condamne la SARL A et D Y... à payer, à titre de dommages et intérêts, à Monsieur Denis X... les sommes de :

-32. 000 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
-3. 000 € à raison des circonstances brutales de la rupture ;
-2. 990 € pour licenciement irrégulier ;

Dit Monsieur Denis X... bien fondé en sa demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires, travail de nuit, des dimanches et jours fériés et certains lundis pour la seule période qui a couru du 11 mars 2003 au 24 mars 2004 ;

Renvoie les parties à calculer les sommes éventuellement dues à ces divers titres à Monsieur X... à partir des mentions horaires portées sur ses agendas ;

Dit que sera déduite de la durée quotidienne de présence du salarié dans l'entreprise une heure correspondant à la durée de sa pause méridienne ;

Dit que seront déduites de la somme totale due à ces titres à Monsieur X... les heures supplémentaires et majorations diverses mentionnées sur ses bulletins de paie correspondant à la période devant être prise en compte ;

Laisse à chaque partie la faculté de saisir la Cour, par simple requête, dans l'hypothèse d'un litige né du calcul des sommes éventuellement dues à ce titre à Monsieur X... ;

Déboute la SARL A et D Y... de sa demande indemnitaire fondée sur l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

La condamne aux entiers dépens de première instance et d'appel et à verser à Monsieur Denis X... une indemnité de 2. 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

V. POSEA. POUMAREDE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Numéro d'arrêt : 07/02947
Date de la décision : 04/07/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Trouville-sur-Mer


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-07-04;07.02947 ?
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