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24/06/2008 | FRANCE | N°05/3850

France | France, Cour d'appel de Caen, Première chambre - section civile, 24 juin 2008, 05/3850


AFFAIRE : N RG 05 / 03850
Code Aff. : ARRET N J V. J B.
ORIGINE : DECISION du Tribunal de Grande Instance de MORLAIX en date du 05 Décembre 2001- RG no 99 / 334
Arrêt de la Cour d'Appel de RENNES en date du 11 mars 2003
Arrêt de la Cour de Cassation en date du 22 février 2005
COUR D'APPEL DE CAEN
PREMIERE CHAMBRE-SECTION CIVILE
RENVOI DE CASSATION
ARRET DU 24 JUIN 2008

APPELANT :

Monsieur Patrick X...
...

représenté par la SCP PARROT LECHEVALLIER ROUSSEAU, avoués
assisté de Me PICHOT, avocat au barreau de CAEN

A. J.

: Totale numéro 141180022007006394 du 12 / 09 / 2007

INTIME :

Monsieur Pierre Z...
...

représenté par ...

AFFAIRE : N RG 05 / 03850
Code Aff. : ARRET N J V. J B.
ORIGINE : DECISION du Tribunal de Grande Instance de MORLAIX en date du 05 Décembre 2001- RG no 99 / 334
Arrêt de la Cour d'Appel de RENNES en date du 11 mars 2003
Arrêt de la Cour de Cassation en date du 22 février 2005
COUR D'APPEL DE CAEN
PREMIERE CHAMBRE-SECTION CIVILE
RENVOI DE CASSATION
ARRET DU 24 JUIN 2008

APPELANT :

Monsieur Patrick X...
...

représenté par la SCP PARROT LECHEVALLIER ROUSSEAU, avoués
assisté de Me PICHOT, avocat au barreau de CAEN

A. J. : Totale numéro 141180022007006394 du 12 / 09 / 2007

INTIME :

Monsieur Pierre Z...
...

représenté par la SCP MOSQUET MIALON D'OLIVEIRA LECONTE, avoués
assisté de Me CORVEST, avocat au barreau de NANTERRE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

M. BOYER, Président de Chambre,
Mme BEUVE, Conseiller,
M. VOGT, Conseiller, rédacteur,

DEBATS : A l'audience publique du 15 Mai 2008

GREFFIER : Madame GALAND

ARRET prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 24 Juin 2008 et signé par M. BOYER, Président, et Madame GALAND, Greffier

Exposé de données essentielles, de la procédure et des demandes

Sous l'enseigne « Bio Diffusion », M. Z... distribuait dans l'Ouest divers produits, dont tels de marque « Cellande », semble-t'il en provenance d'une société établie en Saône-et-Loire.

Par contrat d'agent commercial en date du 16 juin 1992, à effet du 1er juillet, expressément régi par la législation alors en vigueur, M. Z... a confié à M. X... le mandat, d'intérêt commun, de négocier la vente en son nom et pour son compte, de produits d'hygiène et d'entretien dans le secteur géographique recouvrant (les départements) 29 (Finistère), 22 (Côtes-d'Armor), 56 (Morbihan), pour lesquels l'agent bénéficie de l'exclusivité de la représentation du mandant, pour les clientèles des
« utilisateurs », et « groupements et coopératives » (article 1er).

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 18 septembre 1998, le mandant a notifié la résiliation du contrat en faisant valoir des fautes graves dans l'exécution, selon les griefs énoncés (auxquels s'ajouteront d'autres faits révélés dans le cadre d'une information pénale).

Parallèlement au déroulement de l'instance pénale (qui donnera lieu à un arrêt du 27 mai 2004 confirmant la condamnation de M. X... pour des délits reliés à l'exécution du mandat), l'agent commercial a fait assigner M. Z... devant le Tribunal de Grande Instance de Morlaix, par acte en date du 1er avril 1999, aux fins d'obtenir
* la résiliation du contrat d'agent commercial du 16 juin 1992 aux torts exclusifs du mandant, et sa condamnation provisionnelle à (lui) payer une indemnité de 353 444, 52 F (53 882, 27 EUR),
* la condamnation du mandant à (lui) payer des arriérés de commissions lui revenant du 1er juillet 1992 à la date de la rupture, pour la somme de « 1 franc à parfaire »,
* l'organisation d'une expertise, le technicien ayant pour mission demandée, notamment
- « d'apurer les commissions dues à Monsieur X... en application du contrat du 16 juin 1992 »,
- « de se faire remettre tout document utile et notamment la comptabilité, la facturation et les encaissements clients de Monsieur Z... depuis le 1er juillet 1992 ».

Par jugement contradictoire en date du 5 décembre 2001, le Tribunal de Grande Instance de Morlaix, sans statuer sur les dépens, a
* débouté M. X... de ses demandes en matière d'arriérés de commission,
* au visa de l'article 4 du Code de procédure pénale, sursis à statuer sur les autres demandes dans l'attente de la décision à intervenir devant la juridiction pénale.

Par arrêt en date du 12 février 2008, la Cour d'Appel de Rennes a confirmé le jugement en date du 5 juillet 2006 par lequel le Tribunal, vidant sa saisine initiale, a dit M. X... seul responsable de la rupture du contrat d'agence, rejetant ainsi ses demandes d'indemnités (résiliation et préavis). La Cour d'Appel de Rennes relève « sur la demande au titre des arriérés de commissions », que cette prétention « est soumise à la cour d'appel de Caen à la suite de la cassation de l'arrêt de la présente cour du 11 mars 2003, qui n'en est dès lors plus saisie », de sorte que la demande de M. X...
« sur ce point est donc irrecevable ».

En effet, par arrêt en date en date du 22 février 2005, la Cour de Cassation, chambre commerciale, a cassé et annulé, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 mars 2003, entre les parties, par la Cour d'appel de Rennes, et a désigné la présente Cour comme juridiction de renvoi, la cause et les parties étant remises dans l'état où elles se trouvaient avant l'arrêt cassé.

Au visa des articles L 134-4, L 134-5, L 134-6 du Code de commerce et 3 du décret du 23 décembre 1958, modifié par le décret du 10 janvier 1992, la Cour de Cassation a retenu que la Cour rennaise a privé sa décision de base légale, pour ne pas avoir recherché, au regard de ces éléments (notamment les pièces comptables produites par M. Z... pour déterminer le montant des commissions), si « l'agent commercial disposait d'une information suffisante pour lui permettre d'apprécier s'il avait perçu toutes les commissions auxquelles il pouvait prétendre depuis le 1er juillet 1992 ».

Les dernières conclusions, auxquelles il est fait exprès référence, ont été régularisées
* le 11 mars 2008 par M. Pierre Z..., défendeur sur renvoi de cassation,
* le 8 avril 2008 par M. Patrick X..., demandeur après cassation.

Par sommation en date du 7 avril 2008, restée sans réponse, M. X... a demandé la communication des pièces suivantes à M. Z...
* les livres comptables de M. Z... de 1992 à 2000, portant la mention des recettes enregistrées, nécessaires à M. X... pour vérifier le montant des commissions qui lui sont dues,
* les contrats des autres agents commerciaux.

L'ordonnance de clôture est intervenue en cet état, sans discussion, le 7 mai 2008.

Le Président a fait rapport de l'affaire à l'audience de plaidoiries.

Motivation

Sur la résiliation du contrat d'agent commercial aux torts exclusifs du mandant

L'arrêt du 12 février 2008, confirmant le jugement du 5 juillet 2006, a eu pour objet de statuer sur le bien-fondé des demandes indemnitaires de M. X..., consécutives à la résiliation du contrat d'agence, dont M. Z... a pris l'initiative à la date du 18 septembre 1998, et dont l'examen avait été réservé par le jugement du 5 décembre 2001, dans l'attente de la décision à intervenir devant la juridiction pénale, au visa de l'article 4 du Code de procédure pénale.

En conséquence, est irrecevable, comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée, la prétention réitérée de M. X..., devant cette Cour, tendant à l'imputation des torts d'une résiliation, dont il n'est pas
* contesté qu'elle soit intervenue, en la forme prévue, par la lettre recommandée de M. Z... en date du 18 septembre 1998, et
* soutenu qu'il ne pouvait pas être mis fin à la mission, à tout moment, à l'initiative de l'une des parties, sous la seule réserve de respecter un délai de préavis (article 4 de la convention), sauf les conséquences indemnitaires en résultant, mais sur le mérite desquelles il a été statué par l'arrêt précité.

Sur les demandes de l'agent commercial tendant au paiement d'un arriéré de commissions

Sur les stipulations contractuelles

Outre ses conditions d'exercice et de résiliation, le contrat d'agence précise que la rémunération de l'agent commercial,
* « fixée à : 30-10-5 % du montant des factures hors taxes de toutes les commandes directes et indirectes des acheteurs définis à l'article 1er »,
* est due « sur toutes les affaires acceptées par le mandant, sauf si celui-ci prouve que l'absence de livraison n'est pas de son fait ».

Il est également stipulé que l'agent « devient de plein droit propriétaire de sa commission, dès le moment où le mandant a obtenu le paiement par quelque moyen que ce soit de la facture correspondante. Le mandant est dès lors dépositaire du montant de la commission due à l'agent, jusqu'à parfait règlement de celle-ci. Les sommes dues par l'agent, ou le montant du stock détenu ? par celui-ci, pourront être compensés de plein droit avec les commissions encaissées par le mandant, et détenues par lui à titre de dépôt pour le compte de l'agent, en cas de retard dans le règlement de ses commissions ».

Sur les principes applicables à la matière

Il est constant que la relation contractuelle ayant eu effet entre les parties entre le 1er juillet 1992 et le 18 septembre 1998, date augmentée d'un délai de préavis de trois mois (article 4 du contrat), qualifie M. X... d'agent commercial de M. Z..., au sens de la législation désormais codifiée aux articles L. 134-1 à L. 134-17 et R 134-1 à R 134-17 du Code de commerce.

Il sera rappelé, en l'absence de stipulation contractuelle permettant, éventuellement, d'écarter, au détriment de M. X..., le bénéfice d'une législation (transposant une directive européenne) ayant notamment pour objet d'assurer la protection de l'agent commercial,
* que l'agent commercial a droit à commission pour toute opération conclue pendant la durée du contrat d'agence avec une personne appartenant à ce secteur ou à ce groupe (Com., 23 janvier 2007, Bull no 5), dès lors que « le commettant » (identifié au mandant) est intervenu, directement ou indirectement, dans l'opération conclue par un client appartenant au secteur géographique de l'agent (cf. a contrario, CJCE, 17 janvier 2008, arrêt Chevassus-Marche, ayant dit pour droit, sur le renvoi préjudiciel de Com. 19 décembre 2006, Bull no 253),
* que le fait générateur de la commission se situe au moment où le cocontractant se trouve lié au mandant, conformément à l'article L. 134-6 du Code de commerce, lequel fixe le droit à commission pour toute opération commerciale conclue pendant la durée du contrat d'agence (Com., 15 novembre 2005, Bull no 225).

En conséquence, M. X... doit être rémunéré, entre le 1er juillet 1992 et le 31 décembre 1998 (article 4 du contrat et alinéa 3 de l'article L. 134-11 du Code de commerce) sur un taux de commission (discuté) dont il est constant qu'il s'applique au « montant des factures hors taxes de toutes les commandes directes et indirectes des acheteurs définis à l'article 1er », dès lors que, selon le contrat, l'affaire (la commande) a été acceptée par le mandant jusqu'avant l'expiration du préavis (article 4), sauf la preuve par le mandant que l'absence de livraison n'est pas de son fait (article 3).

En l'absence de discussion émise sur la notion d'acceptation de la commande par le mandant, mais sous réserve du respect des restrictions à l'extinction du droit à la commission selon le premier alinéa de l'article L. 134-10 du Code de commerce, il sera admis que la clause contractuelle ci-dessus spécifiée ne déroge pas, au détriment de l'agent commercial, aux dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 134-9 du Code de commerce, en référence aux dispositions de l'article L. 134-16 du même Code.

Compte tenu de l'objet du litige opposant les parties (paiement à l'agent d'un arriéré de commissions), il convient d'observer que, selon les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 134-9 précité, la commission « est payée au plus tard le dernier jour du mois qui suit le trimestre au cours duquel elle était acquise ».

Le secteur géographique et la clientèle ont déjà été précisés dans l'exposé des données essentielles.

Sur le (s) taux de commission, selon les pièces justificatives produites aux débats

La prétention selon laquelle M. X... a bénéficié d'une rémunération excédant largement ce qu'il aurait dû percevoir n'est pas établie par sa seule affirmation, serait-elle corroborée par les pièces que M. Z... a choisi de produire.

Les parties sont contraires tant sur l'interprétation de la clause de commissionnement, que sur leurs pratiques convenues, avec cette observation complémentaire que l'expert-comptable de M. Z..., de sa propre initiative même si elle a été dans l'intérêt de son client, a lui-même appliqué un taux indifférencié, non pas sur le montant hors taxes facturé à la clientèle des « groupements et coopératives » mais sur le « chiffre d'affaires HT brut (avant remise accordée aux clients) », selon son attestation en date du 3 janvier 2000, prenant l'exemple du mois d'avril 2007 (pièce no 26).

Pour autant, si l'exemple chiffré du mois d'avril 2007 sur la base d'un chiffre d'affaires « brut » correspondant, après application d'un taux de réduction de 20 %, permet de retrouver le chiffre d'affaire hors taxes de 68 672, 75 F, qui correspondrait à la facturation réelle aux clients « groupements-coopératives », la cohérence des pièces produites par M. Z... s'arrête là.

En effet, si le total facturé du mois d'avril 1997 se retrouve, en effet, dans le grand livre client le totalisant mensuellement, pour les « groupements-coopératives », le chiffre d'affaires HT annuel, facturé pour l'année 1997, n'est plus de 666 008, 98 F (attestation du 3 janvier 2000), mais de 664 640, 26 F selon les pièces annexées à l'attestation du 26 mai 2005 (pièce no 39). Dans l'attestation récapitulative y figurant, aucun des montants de chiffre d'affaires HT réel facturé au client ne correspond pour les années civiles de 1992 à 1997 ; si des éléments de comparaison n'ont pas été retrouvés pour l'année 1998, celle-ci ne peut être arrêtée au mois de septembre, mais, au plus tôt, au mois de décembre, selon les termes mêmes de la convention des parties, en réalité au 31 décembre.

Il est à noter que l'attestation de 2000 témoigne de l'application d'une commission uniformément de 16, 25 % sur le chiffre d'affaires HT qui aurait été facturé de 1992 à 1997 inclus, alors que l'attestation délivrée en 2005 témoigne de l'application d'un taux de commissionnement variant sur le « brut » (paraissent représenter 1, 25 fois le « réel ») entre 10 % de 1992 à 1994, puis 13 % de 1995 à 1997, pour redescendre à 10 % en 1998.

Par ailleurs, le tableau récapitulatif annexé à l'attestation du 26 mai 2005, portant aussi le timbre de l'expert-comptable, fait apparaître que les commissions auraient été payées à l'agent commercial pour la somme totale de 393 078, 38 francs sur la période de référence précitée, mais qu'il existe une colonne complémentaire intitulée « commissions globales HT payées sur le : direct + indirect », pour un montant total de 736 726, 53 francs, dont on ne comprend
* ni l'assiette exacte (puisque ce récapitulatif concernerait aussi, selon le tableau, les groupements et coopératives),
* ni la méthode de calcul (quels pourcentages et sur quels montants, puisqu'une distinction semble opérée selon la manière dont la commande a été passée),
* non plus que la raison pour laquelle M. X..., qui bénéficie d'une exclusivité contractuelle sur trois départements bretons, a été privé de ces commissions, en tout ou en partie.

Même si M. X..., simple bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, n'a guère été explicite dans ses commentaires sur les singularités présentement relevées, il n'en demeure pas moins que le seul relevé informatique du grand livre clients produit par M. Z... est celui correspondant à un laboratoire vétérinaire de Pontivy (client Y...), pour l'année 1997 (pièce no 20), faisant ressortir un total facturé de 55 166, 58 francs, alors que le compte certifié (pièce no 39), s'appuyant sur les mêmes pièces extra comptables (factures mensuelles numérotées), fait ressortir, après addition des chiffres de la ligne correspondante, un montant total de 50 947, 99 F (12 446 F pour le premier semestre, 38 501, 99 F pour le second).

Le compte client de l'année 1997 fait apparaître, en « crédit » (correspondant au paiement du client), une somme de 33 469, 42 F, le différentiel, solde débiteur (c'est-à-dire facturation non réglée) ressortissant à 21 697, 16 F, ce qui ne peut évidemment être assimilé à une commission comme le soutient M. Z... (p. 9, deuxième paragraphe), mais de façon très explicite sur ce relevé informatique, à l'absence de paiement des factures 1490 (pour 5064, 04 F) et 1513 (pour 16 633, 12 F), respectivement émises pour novembre et pour décembre (selon l'extrait de compte certifié par son expert-comptable).

Pour l'année 2007, sur ce compte client « Y... » (qui fait l'objet d'un litige spécifique entre les parties), il existe donc un différentiel de 4218, 59 F (55 166, 58-50 947, 99) pour lequel aucune explication n'est fournie par M. Z..., alors même que les pièces ainsi comparées émanent de lui-même, qui détient l'ensemble de sa comptabilité, dont il ne produit que des extraits, choisis pour les besoins de sa cause.

Pourtant, M. Z... est débiteur des commissions dues à son agent commercial, et en tout cas de la justification des données pertinentes permettant d'asseoir sa rémunération.

Des développements qui précèdent, il se déduit que c'est à tort que M. Z... n'a pas satisfait à la sommation de communiquer qu'il a régulièrement signifiée le 8 avril 2008.

Afin de permettre une réouverture utile des débats (puisque M. X... bénéficie des services d'un avocat ayant pour mission de défendre ses intérêts), permettant si possible de faire l'économie d'une expertise comptable, il convient également d'apprécier, d'ores et déjà, les taux de commission sur lesquels s'appliqueront les données comptables qui devront être produites à l'instar du relevé informatique formant la pièce no 20 précitée.

Sur la détermination du commissionnement contractuel

Les pièces produites par M. Z..., s'appuyant sur son expert-comptable, ont montré leurs limites. En toute hypothèse, même si les barèmes appliqués par l'expert-comptable présentent, en eux-mêmes, une certaine cohérence en regard de ce qui a été la pratique des parties, ils ne sont que le reflet de la position rationalisée de son client, et non pas l'image de leur convention écrite, aurait-elle été aménagée au fil discuté de leurs pratiques.

L'existence de trois taux distincts (30 %, 10 %, 5 %) ne peut se rattacher expressément, à la lecture de la convention des parties, à une ventilation, contestée, entre les ventes directes pour les utilisateurs plein tarif, les groupements / coopératives, et les ventes indirectes, d'autant qu'il y aurait eu une évolution pendant le mandat, avec la mise en place d'un réseau de grossistes à l'initiative de l'agent commercial (sa thèse, page 11).

De la même façon, retenir, comme le souhaite M. Z..., l'existence d'un commissionnement contractuel de 30 % pour les utilisateurs, de 10 % pour les groupements, et de 5 % pour les coopératives tiendrait tout autant de la divination judiciaire.

Malgré la contestation de M. X..., dont on voit mal le sens, il peut être admis, avec M. Z... que la pratique du contrat a été d'abandonner immédiatement la commission de 5 % pour les coopératives, ce qui amenait assez logiquement à traiter de la même façon les « grands comptes » de même nature que sont les groupements et les coopératives, même si l'on peine à discerner immédiatement la raison pour laquelle un laboratoire vétérinaire ne serait pas traité, pour le commissionnement, comme un autre utilisateur final (tel un agriculteur).

Il est évident que même si certains utilisateurs finaux ont des besoins plus importants que d'autres, le travail de prospection et d'entretien de la clientèle, générateur de frais importants restant à la charge de l'agent commercial (dont il n'est pas établi qu'il bénéficie d'un véhicule de fonction, contrairement à ce qui est soutenu), est beaucoup plus lourd qu'avec la clientèle également commerciale, plus « centralisée » et identifiable, s'inscrivant dans le cadre d'un négoce partenarial, ou d'une redistribution des produits à leur propre groupe d'utilisateurs finaux.

En dehors de la question afférente aux taux appliqués, l'analyse implicite de l'expert-comptable distinguant les utilisateurs finaux des clients « institutionnels », identifiés comme étant les groupements et les coopératives (si l'on fait abstraction de la classification du laboratoire vétérinaire), procède d'une analyse qui n'est pas dépourvue d'une certaine réalité dans la nature de l'activité économique et financière de l'agent commercial.

Par ailleurs, M. Z..., qui, selon l'indication de M. X..., ne méconnaît pas que son activité principale soit la réparation des chalumeaux (ce qui ne le qualifie guère pour le négoce de produits d'hygiène et d'entretien à l'intention de la filière agro-alimentaire) a pleinement profité de l'expérience de son agent, même si le mandant se réservait, dans des conditions désormais sujettes à discussion,
* d'une part, la prise d'un certain nombre de commandes, même s'il affirme les avoir répercutés à son agent pour l'établissement du bon de livraison,
* d'autre part, la livraison des commandes les plus importantes, ce qui permet de s'interroger sur l'étendue de l'information effectivement donnée à son agent, qui bénéficie, par contrat, d'une commission pour les ventes indirectes à la clientèle par un mandat exclusif, et en tout hypothèse permanent, de représentation de M. Z..., sur le secteur géographique considéré.

À cet égard, la production de la comptabilité permettra aussi de lever telles suspicions que les justifications pour le moins parcimonieuses et contradictoires du mandant entretiennent d'autant plus, que ce dernier est débiteur d'une information dont il détient d'ailleurs la substance.

Enfin, M. Z... fournit des explications difficiles à suivre, pour tenter de justifier l'existence d'un taux de commission de 3 % (formellement discuté depuis l'origine).

Reste par contre singulier, le mécanisme, exposé par l'expert-comptable, d'une détermination de la commission sur la base d'un chiffre d'affaires que ne réalise pas, au moins officiellement, le mandant ; ce dernier précise, néanmoins, que la clientèle est essentiellement agricole.

Il convient de retenir, en rapprochement des clauses contractuelles, de la pratique des parties et de la méthode d'évaluation de l'expert-comptable, l'application uniforme, sur la base de la facturation réelle hors taxes,
* du taux de 16, 25 % pour les commandes de la clientèle des groupements et des coopératives (en incluant le client Y..., lequel n'est pas un agriculteur),
* du taux de 30 % pour les commandes de la clientèle d'utilisateurs essentiellement agriculteurs, ce qui permet aussi de prendre en compte les difficultés spécifiques de la prospection et du maintien d'une clientèle dispersée sur l'ensemble du ressort géographique, dont M. Z... n'entendait certes pas s'encombrer (sa lettre du 4 février 1998, formant sa pièce no 23, en réponse aux griefs énoncés le 31 janvier 1998).

Les taux de commissionnement retenus, qui restent dans la ligne des niveaux contractuels, s'inscrivent, par ce qui a été la pratique des parties sans contestation pendant plusieurs années,
* d'une part, dans le domaine d'activité agricole (clientèle d'éleveurs) des parties,
* d'autre part, dans la logique des produits distribués, selon l'appréciation de la juridiction répressive, ayant notamment retenu que « M. X... était considéré par ses clients comme un professionnel de qualité », et que « la baisse des ventes s'explique également... », en ce qu'il « résulte de l'information et notamment de l'audition de multiples clients de cette société Laboratoire Cellande que ceux-ci ont préféré au
« Nobactel » en dehors de la problématique ayant justifié la condamnation pénale de M. X... des produits sans doute aussi efficaces mais nettement moins coûteux », ce qui a contribué à expliquer « la désaffection connue par la société » précitée, également partie civile, assistée à l'audience par le même conseil que M. Z... (l'enquête pénale n'a pas permis de retrouver autre chose qu'un « accord tacite » entre le Laboratoire et le distributeur Z..., ce que relève d'ailleurs M. X...).

Il est à noter que les rapports entre M. Z... et M. X... étaient déjà envenimés depuis le courant de l'année 1997 (la lettre du 2 mai 1997 de l'agent commercial, pièce no 44 du mandant, semble en être le premier signe).

Enfin, le fait que M. Z... a pu rémunérer d'autres agents commerciaux pour leur activité parasite sur le secteur géographique bénéficiant exclusivement à M. B..., en méconnaissance de la représentation exclusive et permanente accordée sur un secteur géographique déterminé, ne saurait être opposé à l'agent commercial, dans le cadre de la rémunération à laquelle il peut prétendre. Il n'y a donc pas lieu à communication des contrats des autres agents commerciaux.

En l'état, les débats seront rouverts pour la production, par M. Z... des documents pertinents, sans que M. X... puisse prétendre, serait-ce à titre provisionnel, au paiement d'arriérés de commission qu'il chiffre actuellement à 15 000 EUR.

Les dépens resteront réservés, et les parties s'expliqueront sur leur sort, eu égard aux décisions judiciaires déjà intervenues.

Par ces motifs
La Cour,
statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Vu les articles L 134-1 à L 134-17 et R 134-1 à R 134-17 du Code de commerce,

Vu l'arrêt de la Cour de Cassation en date du 22 février 2005,

Vu l'autorité de chose jugée s'attachant aux dispositions de l'arrêt de la Cour de Rennes du 12 février 2008, ayant prononcé en appel du jugement du 5 juillet 2006 du Tribunal de Grande Instance de Morlaix, sur les seuls points réservés par le jugement du 5 décembre 2001,

Constate, en conséquence, que M. X... est, à ce jour, irrecevable en ses demandes indemnitaires, afférentes aux torts de la résiliation du contrat d'agence commerciale conclu le 16 juin 1992, à effet du 1er juillet, résiliation intervenue le 18 septembre 1998 à l'initiative de M. Z..., et ayant pris effet entre les parties au 31 décembre 1998,

En conséquence,

Avant dire droit sur le montant des arriérés de commission susceptibles de revenir à M. X...,

Dit que M. X... doit être rémunéré, entre le 1er juillet 1992 et le 31 décembre 1998, sur un taux de commission s'appliquant au montant des factures hors taxes de toutes les commandes directes et indirectes passées par les acheteurs des produits d'hygiène et d'entretien commercialisés par M. Z..., et ayant le siège de leur exploitation ou le lieu de leur visite, pour l'agent commercial, dans l'un des départements suivants : Finistère, Côtes-d'Armor, Morbihan,

Dit que, par interprétation de la convention et de la pratique des parties, le taux de commission rémunérant M. X... sur la période de référence est le suivant :
* 16, 25 % pour la clientèle des groupements et des coopératives (en incluant le client Y...),
* 30 % sur la clientèle des utilisateurs finaux (notamment les agriculteurs exerçant à titre individuel, ou en société hors groupement),

Invite M. Z... à communiquer à M. X... ses livres comptables pour les exercices civils 1992 à 1998 inclus, et notamment, par client, le grand livre portant la mention des recettes enregistrées, aux fins de vérification des commissions lui étant dues,

Invite M. X... à conclure, de façon précise et circonstanciée, sur le montant des commissions lui étant dues s'il s'estime fondé à obtenir le paiement d'arriérés,

Dit que, pour l'échange de pièces et conclusions, les débats sont rouverts, l'ordonnance de clôture est révoquée, et l'affaire ainsi renvoyée à la mise en état,

Réserve les dépens et invite les parties à conclure sur leur charge.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

C. GALAND J. BOYER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Première chambre - section civile
Numéro d'arrêt : 05/3850
Date de la décision : 24/06/2008
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Morlaix, 05 décembre 2001


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.caen;arret;2008-06-24;05.3850 ?
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