AFFAIRE : N RG 07 / 00294 Code Aff. : ARRET N JB NP ORIGINE : DECISION du Tribunal de Grande Instance de CAEN en date du 4 Octobre 2006 RG no 06 / 1827 et 29 novembre 2006- RG no 06 / 04197 PREMIERE CHAMBRE-SECTION CIVILE ARRET DU 17 JUIN 2008
APPELANTS :
Monsieur Patrick X...... 61750 SAINT CHRISTOPHE LE JAJOLET
représenté par la SCP PARROT LECHEVALLIER ROUSSEAU, avoués assisté de Me José COHEN, avocat au barreau D'ARGENTAN
Monsieur Emmanuel Z......... 14200 HEROUVILLE ST CLAIR
représenté par la SCP PARROT LECHEVALLIER ROUSSEAU, avoués assisté de Me Axelle DE GOUVILLE, avocat au barreau de CAEN
INTIMES :
La Société E. J. M. INVESTISSEMENTS 63 rue des Dunes 14150 OUISTREHAM prise en la personne de son représentant légal
Monsieur Jean-Yves A... et Madame Catherine C... épouse A...... 14150 OUISTREHAM
Mademoiselle Julie A... ... 14150 OUISTREHAM
représentés par la SCP GRAMMAGNAC-YGOUF BALAVOINE LEVASSEUR, avoués assistés de Me Olivier LEROY, avocat au barreau de CAEN
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
M. BOYER, Président de Chambre, Mme BEUVE, Conseiller, rédacteur, Mme CHERBONNEL, Conseiller,
DEBATS : A l'audience publique du 06 Mai 2008
GREFFIER : Madame GALAND
ARRET prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 17 Juin 2008 et signé par M. BOYER, Président de Chambre, et Madame GALAND, Greffier
* * *
Suivant acte sous seing privé en date du 25 juillet 2005, un compromis de vente portant sur la totalité des parts sociales de la SCS LA BROCHE D'ARGENT, propriétaire d'un fonds de commerce de café, bar, hôtel restaurant exploité à OUISTREHAM, a été régularisé entre la société EJM INVESTISSEMENTS, les époux Jean-Yves A..., mademoiselle Julie A..., cédants, et messieurs Patrick X... et Emmanuel Z..., cessionnaires, moyennant le prix provisoire de 1. 025. 000 € dans l'attente du bilan arrêté au 31 décembre 2005 permettant d'établir le prix définitif.
La convention était conclue sous plusieurs conditions suspensives dont l'une est relative à l'obtention de prêts par les cessionnaires.
Un rapport de vérification relatif à la protection contre les risques d'incendie et de panique établi par l'APAVE le 20 juin 2005 est annexé à l'acte, les cédants s'engageant à chiffrer les travaux de mise aux normes à réaliser, les cessionnaires participant à leur prise en charge à hauteur de 15. 000 €.
Il était enfin prévu que la réitération par acte authentique intervienne au plus tard le 3 janvier 2006.
Autorisé par ordonnance du 26 avril 2006, monsieur Emmanuel Z..., faisant état de ce que la société EJM INVESTISSEMENTS, monsieur Jean-Yves A... et mademoiselle Julie A... avaient à tort, par courrier du 22 décembre 2005, pris acte de la résolution de la cession des parts sociales, les a, par acte du 2 mai 2006, fait assigner aux fins de les voir déclarer responsables de la non réitération du compromis et condamnés à restituer le dépôt de garantie assorti des intérêts ainsi qu'à lui payer le somme de 50. 250 € au titre de la clause pénale outre des dommages-intérêts.
Il a, par la suite, fait assigner Madame Catherine A... aux mêmes fins.
Cette dernière ainsi que la société EJM INVESTISSEMENTS, monsieur Jean-Yves A... et mademoiselle Julie A..., soutenant que les cessionnaires n'avaient pas justifié des diligences effectuées en vue de la réalisation de la condition suspensive relative à l'obtention de prêts, les ont, par actes du 27 avril 2006, fait assigner en condamnation au paiement de la clause pénale insérée au compromis.
Vu les jugements rendus les 4 octobre et 29 novembre 2006 par le Tribunal de grande instance de CAEN ordonnant la restitution de la somme de 51. 250 € consignée à titre de dépôt de garantie, la mainlevée de la saisie conservatoire et rejetant le autres demandes.
Vu les conclusions déposées au greffe pour :
- Monsieur Emmanuel Z..., appelant, le 8 juin 2007,
- Monsieur Patrick X..., appelant, le 31 mai 2007,
- la société EJM INVESTISSEMENTS, les époux Jean-Yves A..., mademoiselle Julie A...- les cédants-, intimés et appelants incidents, le 9 avril 2008.
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 6 mai 2008 ;
Un rapport oral de l'affaire a été fait à l'audience. MOTIFS
La Cour entend, pour un plus ample exposé des faits, se référer à la décision dont appel.
Il suffit de rappeler que la convention du 25 juillet 2005 prévoit que la condition suspensive relative aux prêts sera réalisée par la production au cédant dans les deux mois du compromis d'un accord de prêt donné par un organisme financier.
La société EJM INVESTISSEMENTS, les époux Jean-Yves A... et mademoiselle Julie A... contestent les dispositions ayant retenu qu'ils avaient à tort invoqué, par courrier du 22 décembre 2005, l'anéantissement de la convention à raison de la défaillance des cessionnaires à justifier dans le délai convenu de l'obtention d'un accord de financement ferme et définitif.
Ils soutiennent que les documents produits par les cessionnaires avant le 25 septembre 2005 qui ne sont que des propositions conditionnelles ne pouvaient être considérés comme un accord de financement conforme aux dispositions conventionnelles.
Les premiers juges ont, suite à une exacte analyse des trois courriers adressés le 19 septembre 2005 par la Société Générale aux cessionnaires, exactement retenu qu'ils constituaient des accords de principe donnés par la banque au financement de l'acquisition à hauteur de 1. 090. 000 €.
La convention n'exigeait que la production d'un accord de principe de l'organisme bancaire de sorte que les cédants ne peuvent tirer argument de ce que l'accord donné par les courriers susvisés était subordonné à la prise d'un certain nombre de garanties, au demeurant habituelles, à la production de certaines pièces et à l'existence d'un apport personnel.
Il convient, d'ailleurs de relever que Monsieur Jean-Yves A... qui a pris connaissance de ces courriers le 22 septembre 2005 y a apposé sa signature sans formuler d'observation ni exiger d'autres documents.
Les cédants sont, par ailleurs, infondés à se prévaloir de ce que le montant global des prêts accordés est supérieur au prix provisoire d'acquisition, cet élément étant insusceptible de leur porter préjudice.
C'est donc à tort que les cédants se sont prévalus de la défaillance des cessionnaires dans la réalisation de la condition suspensive pour prendre acte de la résolution de la convention.
Les premiers juges ont, par ailleurs, considéré que le défaut de réitération de la vente incombait pour partie aux cessionnaires qui n'avaient plus l'intention de conclure la vente aux conditions de prix prévues au compromis.
Ces derniers contestent ces dispositions qui les ont, pour ce motif, de ce fait déboutés de leur demande en paiement de la clause pénale insérée au compromis et de dommages-intérêts.
Il est établi que, postérieurement à la signature du compromis, les cessionnaires ont pris connaissance de trois autres rapports établis par l'APAVE, à savoir deux rapports relatifs à la sécurité incendie dans les établissements recevant du public, en date des 10 décembre 2004 et 14 février 2005, et le troisième relatif à la vérification de l'installation électrique effectuée dans le cadre du décret du 14 novembre 1988 concernant la protection des travailleurs.
Ils ont, suite à la réception de ces rapports, par courrier du 3 novembre 2005, exigé que l'ensemble des travaux de mise en conformité soit chiffrés par un maître d'oeuvre accepté par les parties et leur coût déduit du montant de la cession des parts sociales.
En exigeant la révision du prix sur lequel les parties s'étaient accordés le 25 juillet 2005, les cessionnaires ont, même s'ils manifestaient toujours l'intention d'acquérir les parts sociales, renoncé au compromis.
Les cédants ayant, pour leur part, pris à tort acte de la résolution de la convention, les parties sont infondées à se prévaloir de ce compromis pour réclamer le paiement de la clause pénale qui y est insérée.
Messieurs Z... et X... réclament, en outre, le paiement de dommages-intérêts en faisant état de ce que l'attitude fautive des cédants a empêché la régularisation de l'acte authentique.
Il convient de relever que le procès-verbal de la Commission de sécurité du 5 juillet 2006 qui a donné un avis défavorable à la poursuite de l'accueil du public dans l'établissement rappelle que le rapport du 14 février 2005 qui ne lui avait pas été communiqué lors de sa visite de juin 2005, contient de nombreuses réserves et non conformités relatives à l'isolement par rapport aux tiers, l'absence de stabilité au feu d'une partie de la charpente, l'absence de classement ou résistance au feu de certaines portes et d'une paroi ainsi que l'insuffisance du degré coupe feu du plancher haut, du sous-sol, précisant que cette liste n'est pas exhaustive.
Il appartenait aux cédants qui soutiennent, sans l'établir, que la totalité des documents étaient à la disposition des cessionnaires de leur communiquer spontanément des rapports aussi importants.
Il est au surplus établi par des courriers émanant de leur notaire que celui-ci leur avait expressément demandé, avant la signature du compromis, de produire tous les rapports en leur possession, ce qu'ils s'étaient abstenus de faire.
Eu égard à l'importance des non conformités contenues dans le rapport susvisé, la demande des cessionnaires tendant à l'évaluation des travaux de mise au norme et à la déduction de leur coût du prix de vente était légitime.
C'est donc à juste titre que ceux-ci soutiennent que l'attitude déloyale des cédants a fait obstacle à la réitération de la vente par acte authentique et demandent à ces derniers l'indemnisation de leur préjudice.
Ils justifient avoir confié à un architecte d'intérieur la mission d'aménager le restaurant et que des frais et honoraires sont restés à leur charge suite à l'annulation de diverses commandes.
Ils établissent, par ailleurs, avoir fait procéder par un expert comptable à une étude en vue de l'acquisition des parts sociales et avoir constitué une S. A. R. L. pour l'exploitation du fonds de commerce.
Ces frais n'ont pas été engagés avec légèreté dès lors que les cessionnaires avaient obtenu un accord de financement dés septembre 2005 et que la réitération par acte authentique qui devait avoir lieu dés le début du mois de janvier 2006 ne se heurtait à aucun obstacle prévisible.
Il est, dès lors, fait droit à la demande en paiement présentée par Monsieur Emmanuel Z... pour un montant de 25. 750, 98 €.
En revanche, la demande de Monsieur Patrick X... qui n'est, par ailleurs, pas dirigée contre Madame Catherine A..., n'est justifiée qu'à hauteur de la somme de 2. 783 € correspondant aux honoraires de l'expert comptable et aux frais de constitution de la société, la perte de bénéfices et d'avantages en nature n'étant étayée par aucune pièce et les frais divers étant inclus dans l'indemnité allouée sur le fondement de dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
La demande indemnitaire présentée par les cédants qui sont à l'origine de la non réitération de la vente est rejetée.
L'instance engagée par Patrick X... et Monsieur Emmanuel Z... qui sont en outre fondés à obtenir la restitution de la somme consignée, étant partiellement fondée comme leur appel, les cédants supportent les dépens de première instance et d'appel et doivent régler sur le fondement de dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile à chacun des défendeurs une indemnité qu'il est équitable de fixer à 3. 500 €.
Ils sont eux-même déboutés de leur demande présentée sur ce fondement.
Monsieur Emmanuel Z... ne justifiant pas avoir subi un préjudice autre que celui réparé par les indemnités susvisées, est débouté de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive.
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement,
- Réforme partiellement la décision déférée ;
- Condamne la société EJM INVESTISSEMENTS, les époux Jean-Yves A... et mademoiselle Julie A... à régler à monsieur Emmanuel Z... la somme de 25. 750, 98 € à titre de dommages-intérêts ;
- Condamne solidairement la société EJM INVESTISSEMENTS, monsieur Jean-Yves A..., mademoiselle Julie A... à régler à monsieur Patrick X... la somme de 2. 783 € à titre de dommages-intérêts ;
- Confirme la décision déférée en ses autres dispositions non contraires à celles du présent arrêt ;
Y AJOUTANT,
- Condamne la société EJM INVESTISSEMENTS, les époux Jean-Yves A..., mademoiselle Julie A... à régler à monsieur Emmanuel Z... une indemnité de 3. 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamne solidairement la société EJM INVESTISSEMENTS, monsieur Jean-Yves A... et mademoiselle Julie A... à régler sur le même fondement à monsieur Patrick X... la somme de 3. 500 € ;
Déboute la société EJM INVESTISSEMENTS, les époux Jean-Yves A... et mademoiselle Julie A... de leur demande présentée sur ce même fondement ;
- Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
- Condamne solidairement la société EJM INVESTISSEMENTS, les époux Jean-Yves A... et mademoiselle Julie A... aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
C. GALAND J. BOYER