AFFAIRE : N RG 06 / 03331
Code Aff. :
ARRÊT N
MH NP
ORIGINE : DECISION en date du 08 Septembre 2006 du Tribunal de Commerce de CHERBOURG- RG no 05 / 01764
PREMIÈRE CHAMBRE- SECTION CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 15 MAI 2008
APPELANT :
LE CREDIT MUTUEL DE SAINT SAUVEUR LE VICOMTE
Place Augustin Cousin
50390 ST SAUVEUR LE VICOMTE
pris en la personne de son représentant légal
représenté par la SCP MOSQUET MIALON D'OLIVEIRA LECONTE, avoués
assisté de Me Didier COGUIC, avocat au barreau de CHERBOURG
INTIMES :
Madame Jocelyne Y...
...
50260 BRICQUEBEC
Monsieur Patrice Z...
...
50260 BRICQUEBEC
représentés par la SCP GRANDSARD DELCOURT, avoués
assistés de Me Jean- Pierre LEVACHER, avocat au barreau de CHERBOURG
(bénéficient d'une aide juridictionnelle Totale numéro 141180022006009449 du 24 / 01 / 2007 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CAEN)
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame HOLMAN, Conseiller, faisant fonction de Président, rédacteur,
Madame BOISSEL DOMBREVAL, Conseiller,
Madame VALLANSAN, Conseiller,
DÉBATS : A l'audience publique du 01 Avril 2008
GREFFIER : Mme LE GALL, greffier
ARRÊT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 15 Mai 2008 et signé par Madame HOLMAN, Conseiller, faisant fonction de Président, et Mme LE GALL, Greffier
Le CREDIT MUTUEL de ST SAUVEUR LE VICOMTE (la banque) a interjeté appel du jugement rendu le 8 septembre 2006 par le tribunal de commerce de CHERBOURG dans un litige l'opposant à Mme Jocelyne Y... et M. Patrice Z....
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Le 5 mai 2004, la SARL CPM DU COTENTIN dont la gérante était Mme Y... a ouvert un compte courant professionnel auprès de la banque.
Par acte sous seing privé du 18 mai 2004, la banque a consenti à la société CPM DU COTENTIN un prêt d'un montant de 8. 340 € au taux annuel de 4, 70 % remboursable en quatre vingt quatre mensualités d'un montant unitaire de 116, 70 €.
Mme Y... et M. Z... se sont chacun portés cautions solidaires de ce prêt à concurrence de 10. 008 €.
Le 27 janvier 2005, ils se sont également portés cautions à hauteur de 7. 200 € et pour une durée de cinq ans, des sommes dont la société pourrait être débitrice au titre du compte courant.
Par jugement du 12 mai 2005, le tribunal de commerce de CHERBOURG a mis la société CPM du COTENTIN en liquidation judiciaire.
Le 27 mai 2005, la banque a régulièrement déclaré sa créance à la procédure collective pour les sommes de 6. 644, 90 € au titre du compte courant, 8. 552, 18 € au titre du prêt, et le même jour a mis en demeure les cautions de régler la somme de 15. 752, 18 €.
En l'absence de règlement, par acte du 6 juillet 2005, la banque a fait assigner les consorts Y...- Z... devant le tribunal afin de les voir condamner à payer la somme de 15. 752, 18 € avec intérêts au taux contractuel de 7, 70 % à compter du 21 mai 2005 jusqu'à parfait paiement, outre 1. 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par le jugement déféré le Tribunal a déclaré nuls les engagements de caution, débouté la banque de ses demandes et l'a condamnée à payer aux consorts Y...- Z... la somme de 1. 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les écritures signifiées :
* le 19 mars 2008 par la banque qui conclut à l'infirmation du jugement et au bénéfice de son assignation devant le tribunal, subsidiairement à la réformation des dispositions relatives à la nullité des actes de cautionnement.
* le 31 janvier 2008 par les consorts Y...- Z... qui concluent à la confirmation du jugement subsidiairement à l'octroi à titre de dommages et intérêts, d'une somme égale au montant de la créance réclamée par la banque.
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Aux termes de l'article L 341-4 du code de la consommation en sa rédaction issue de la loi du 1er août 2003, applicable en la cause " un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné par rapport à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution au moment où celle- ci est appelée lui permette de faire face à son obligation ".
En application de ce texte, qui s'étend à toute personne physique y compris aux cautions dirigeantes, il doit être recherché, objectivement et en faisant abstraction du comportement des parties, la proportionnalité de l'engagement par rapport aux biens et revenus de la caution, laquelle doit être appréciée au moment de la signature de l'acte, et, s'il est démontré la disproportion manifeste de l'engagement, l'étendue du patrimoine de la caution lorsque celle- ci est appelée.
En l'espèce, il résulte des pièces produites qu'en mai 2004, date de la souscription du premier acte de caution, les consorts Y...- Z..., au chômage et en fin de droits, ayant trois enfants à charge, ne percevaient pour tout revenu que des allocations mensuelles ASSEDIC d'un montant de 614 €, outre les allocations familiales.
La société CPM du COTENTIN avait été par eux créée en mai 2004 sur les conseils de la pépinière d'entreprises de CHERBOURG en considération du CAP de maçon carreleur dont était titulaire M. Z....
Cependant, les consorts Y...- Z... étaient dépourvus de tout patrimoine et de tout autre revenu que les allocation sus visées.
Alors que les " revenus " visés à l'article L 341-4 du code de la consommation doivent s'entendre des ressources réelles et non escomptées, le prévisionnel remis à la banque lors de l'examen du dossier de prêt consenti à la société mentionnant une rémunération des gérants à hauteur de 20. 000 € pour l'année 2004, n'a jamais été exécuté faute de trésorerie, la société, dont les débuts avaient été financièrement très difficiles, s'étant trouvée, pour ce motif, dans l'impossibilité d'acheter les matériaux nécessaires à la réalisation des chantiers par elle signés, ce qui a précipité sa déconfiture.
Lors de la souscription du deuxième acte de caution, le 27 janvier 2005, la situation était, pour les mêmes motifs, inchangée.
Il est ainsi démontré que ces engagements étaient, lors de leur conclusion manifestement disproportionnés par rapport aux biens- inexistants-, et au revenus- excessivement modestes-, des consorts Y...- Z....
Leurs conditions d'existence n'avaient pas davantage évolué à la date du 27 mai 2005 lorsque les cautions ont été appelées, étant précisé qu'elles étaient, et sont toujours dépourvues de tout patrimoine.
Cependant la sanction légale du caractère manifestement disproportionné de l'engagement de caution n'est pas la nullité de l'acte, mais seulement son inefficacité, le créancier demeurant privé du droit d'agir et de poursuivre l'exécution de l'obligation, faculté qu'il retrouve si, avant l'expiration du contrat, la caution revient à meilleure fortune.
En conséquence, le jugement sera confirmé par substitution de motifs.
Enfin, bénéficiaires de l'aide juridictionnelle totale, les consorts Y...- Z... conserveront en équité la charge des frais irrépétibles par eux exposés et le jugement sera réformé de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
- Réforme le jugement en ses dispositions relatives à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Déboute Mme Jocelyne Y... et M. Patrice Z... de leur demande en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Confirme le jugement en ses autres dispositions ;
- Condamne la CAISSE DE CREDIT MUTUEL de ST SAUVEUR LE VICOMTE aux dépens qui seront recouvrés selon les règles applicables à l'aide juridictionnelle.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
N. LE GALL M. HOLMAN