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29/04/2008 | FRANCE | N°06/03259

France | France, Cour d'appel de Caen, 29 avril 2008, 06/03259


AFFAIRE : N RG 06/03259
Code Aff. :
ARRÊT N
MH NP




ORIGINE : DECISION en date du 04 Octobre 2006 du Tribunal de Commerce de CAEN - RG no 06/195




COUR D'APPEL DE CAEN
PREMIÈRE CHAMBRE - SECTION CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 29 AVRIL 2008






APPELANTE :


La Société GMA LIMITED
3 Belle Lanc
GIBRALTAR
prise en la personne de son représentant légal


représentée par la SCP GRAMMAGNAC-YGOUF BALAVOINE LEVASSEUR, avoués
assistée de Me Anne-Victoria FARGEPALLET, avocat au barreau

de PARIS


INTIMEE :


LA SA LABORATOIRES GILBERT
928 Avenue du Général de Gaulle - BP 115
14200 HEROUVILLE ST CLAIR
prise en la personne de son représent...

AFFAIRE : N RG 06/03259
Code Aff. :
ARRÊT N
MH NP

ORIGINE : DECISION en date du 04 Octobre 2006 du Tribunal de Commerce de CAEN - RG no 06/195

COUR D'APPEL DE CAEN
PREMIÈRE CHAMBRE - SECTION CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 29 AVRIL 2008

APPELANTE :

La Société GMA LIMITED
3 Belle Lanc
GIBRALTAR
prise en la personne de son représentant légal

représentée par la SCP GRAMMAGNAC-YGOUF BALAVOINE LEVASSEUR, avoués
assistée de Me Anne-Victoria FARGEPALLET, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

LA SA LABORATOIRES GILBERT
928 Avenue du Général de Gaulle - BP 115
14200 HEROUVILLE ST CLAIR
prise en la personne de son représentant légal

représentée par la SCP PARROT LECHEVALLIER ROUSSEAU, avoués
assistée de Me Samuel CHEVRET, avocat au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame HOLMAN, Conseiller, faisant fonction de Président, rédacteur,
Madame BOISSEL DOMBREVAL, Conseiller,
Madame VALLANSAN, Conseiller,

DÉBATS : A l'audience publique du 13 Mars 2008

GREFFIER : Mme LE GALL, greffier

ARRÊT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 29 Avril 2008 et signé par Madame HOLMAN, Conseiller, faisant fonction de Président, et Mme LE GALL, Greffier

La société GMA LIMITED a interjeté appel du jugement rendu le 4 octobre 2006 par le tribunal de commerce de CAEN dans un litige l'opposant à la SA LABORATOIRES GILBERT.

* *
*

Le 14 septembre 1994, le Dr Michel A..., oto-rhino-laryngologiste (ORL) a déposé une enveloppe SOLEAU pour "l'utilisation pour l'hygiène des oreilles et la dissolution des bouchons de cerumen d'un produit connu en parapharmacie sous le nom de SEPTIVON et dont la formule est tombée dans le domaine public. Il s'agit d'une utilisation nouvelle de ce produit". Cette enveloppe a été enregistre sous le numéro 16338 et 150994.

Le même jour, la société DOCTORA, représentée par le Dr A... et son épouse aux droits de laquelle vient la société GMA LIMITED a conclu avec les LABORATOIRES GILBERT "un accord de confidentialité réciproque" qui stipulait :

"La société DOCTORA travaille sur un projet de gouttes auriculaires qu'elle développe, mais qui est au point et pour lequel elle souhaiterait un avis extérieur sur la formulation et plus tard éventuellement des études de faisabilité industrielle et de coût.

Les LABORATOIRES GILBERT, qui fabriquent et commercialisent des produits pharmaceutiques, ont la structure, le matériel, le personnel et le savoir-faire nécessaires à la réalisation des prestations souhaitées par la société DOCTORA.

Les parties ont décidé d'étudier la possibilité d'une coopération pour le projet indiqué ci-dessus, afin de mener leurs négociations et discussions dans des conditions favorables, les parties ont besoin d'échanger des informations techniques, commerciales ou autres de caractère confidentiel et propriété de chacune d'elles".

L'objet de l'accord était "de fixer les règles relatives à l'utilisation limitée et à la protection des informations confidentielles" relatives notamment "aux gouttes auriculaires, leur formulation, .... aux essais ... et aux résultats de ces essais, aux études, matériels, moyens et méthodes de fabrication, ... commercialisation etc.... et plus généralement à tout savoir-faire de l'autre partie", chaque partie recevant des informations confidentielles s'engageant à "les garder strictement confidentielles, ne pas les publier, ne pas les divulguer à des tiers, y compris les sociétés qui lui sont directement ou indirectement affiliées".

L'engagement était à durée illimitée, chaque partie n'étant dégagée de son obligation que si, notamment, l'information confidentielle était tombée dans le domaine public sans faute de sa part.

Le 20 novembre 1994, les parties ont conclu un "accord de concession d'exploitation" qui stipulait :

"La société DOCTORA SARL a eu l'idée d'appliquer une formule existante au traitement des bouchons de cire, sous forme de gouttes auriculaires (ci-après désignée "Idée"), idée qu'elle a développée et dont elle déclare être seule propriétaire et dont elle souhaite confier l'exploitation aux LABORATOIRES GILBERT.

Les LABORATOIRES GILBERT qui fabriquent et commercialisent des produits pharmaceutiques et ont établi une nouvelle formule à partir de l'Idée (ci-après désignée "la formule"), choisi la forme galénique, conçu et effectué les essais de compatibilité contenant/contenu et les essais de dissolution de bouchons dans la formule, et réalisé des études de faisabilité industrielle et de coût pour cette Idée, sont intéressés par son exploitation".

L'objet du contrat était la concession et le transfert, par la société DOCTORA, aux LABORATOIRES GILBERT en France et à l'étranger, de tous les droits de jouissance qu'elle détenait de l'Idée, en conséquence de quoi les LABORATOIRES GILBERT avaient à compter de l'acte "la jouissance entière et exclusive de l'Idée qu'ils pouvaient exploiter à leur gré", et donc se chargeaient de la fabrication et de la commercialisation de ce produit sous la marque A-CERUMEN.

Il était également précisé :

"Les LABORATOIRES GILBERT reconnaissent que :

- l'Idée est et restera la propriété de la société DOCTORA,

- la société DOCTORA leur a fourni le nom commercial du produit couvert par la formule existante et un échantillon de deux des trois matières citées sur l'emballage du dit produit,

- les essais cliniques réalisés par la société DOCTORA seront et resteront sa propriété.

La société DOCTORA reconnaît que :

- elle n'a pas fourni aux LABORATOIRES GILBERT la composition (comprenant la liste de tous les éléments entrant dans la formule et leurs quantités relatives) de la formule existante sur laquelle elle a basé son Idée,

- sont et resteront la propriété des LABORATOIRES GILBERT la formule ... , les essais ... les marques ... et les actions publicitaires".

Concernant les essais, la société DOCTORA s'engageait à fournir "sans délai aux LABORATOIRES GILBERT son protocole d'utilisation de la formule existante sur les patients ... afin que les LABORATOIRES GILBERT puissent mener leurs essais de dissolution dans des conditions comparables et utiles", les laboratoires s'engageant pour leur part à fournir à la société DOCTORA des échantillons de sa première production pour essais cliniques sur les patients.

La société DOCTORA (article 4) s'interdisait toute exploitation, fabrication et vente de produits conformes ou similaires à l'Idée.

Le contrat était conclu pour une durée de cinq ans, renouvelable ensuite par tacite reconduction par période de deux ans.

Il était également prévu "toute partie pourra librement mettre fin au contrat sous réserve de notifier son intention à l'autre partie au moins un an avant la date d'expiration de la période en cours", toute notification devant intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, télex ou télégramme.

La concession était rémunérée par une redevance proportionnelle au chiffre d'affaires réalisé par les LABORATOIRES GILBERT avec les produits.

Ultérieurement, deux avenants ont été signés concernant la fabrication et la commercialisation de la formule vétérinaire, l'un daté du 7 février 1995, l'autre non daté.

Par envoi chronopost du 5 novembre 2004 la société LABORATOIRES GILBERT a notifié à la société GMA LIMITED la résiliation de l'accord à la date du 19 novembre 2005, et ce au motif que depuis la signature du contrat, différents produits reprenant l'Idée objet du contrat étaient apparus sur le marché, que la société GMA LIMITED n'était donc plus seule propriétaire de
l'Idée, ce qui rendait l'accord caduc, motif pour lequel la société LABORATOIRES GILBERT entendait poursuivre la commercialisation du produit sans régler la redevance.

Par acte du 3 janvier 2006, la société GMA LIMITED a fait citer la société LABORATOIRES GILBERT devant le tribunal afin de voir annuler la résiliation et en conséquence ordonner la poursuite du contrat, subsidiairement condamner les LABORATOIRES GILBERT au paiement des redevances sur toutes les ventes effectuées depuis le 19 novembre 2005, et sur toutes les ventes futures pendant la durée d'exploitation du produit, et ce avec intérêts à compter de la date à laquelle elles auraient dû être versées, ou interdire sous astreinte toute commercialisation à compter de la date de résiliation du contrat, en tout état de cause ordonner la communication des pièces comptables des LABORATOIRES GILBERT relatives à la vente du produit sur les cinq dernières années, ordonner une expertise et condamner les LABORATOIRES GILBERT au paiement des sommes de 250.000 € à titre de dommages et intérêts, 3.000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Les LABORATOIRES GILBERT ont formé des demandes reconventionnelles en nullité du contrat pour absence de cause et en paiement d'une somme minimum de 119.214,39 € en restitution des redevances indûment perçues, subsidiairement ont sollicité la constatation de la résiliation du contrat, outre paiement d'une somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par le jugement déféré le Tribunal a jugé que l'accord conclu le 20 novembre 1994 était valable, constaté sa résiliation à la date du 19 novembre 2005, ordonné la communication des pièces comptables de la SA LABORATOIRES GILBERT relatives à la vente du produit A-CERUMEN en France et à l'étranger sur les cinq dernières années, ordonné une expertise comptable aux fins d'établir si la société LABORATOIRES GILBERT avait calculé la redevance sur la totalité du chiffre d'affaires résultant de la commercialisation du produit pour les cinq dernières années d'exécution du contrat, et débouté les parties de leurs autres demandes.

Vu les écritures signifiées :

* le 24 janvier 2008 par la société GMA LIMITED qui conclut à la confirmation du jugement en ses dispositions relatives à la validité du contrat et à l'expertise, à sa réformation pour le surplus et au bénéfice de son assignation devant le tribunal, la somme réclamée en application de l'article 700 du code de procédure civile étant cependant portée à 20.000 €.

* le 12 mars 2008 par la société LABORATOIRES GILBERT qui conclut à la réformation du jugement et au bénéfice de ses demandes reconventionnelles devant le tribunal, la réclamation en application de l'article 700 du code de procédure civile étant cependant portée à 20.000 €.

* *
*

I Sur la validité du contrat

Aux termes de l'article 1108 du code civil, la cause est une condition de la validité du contrat.

Dans un contrat synallagmatique, la cause de l'obligation de chacune des parties réside dans l'obligation de l'autre, et il y a absence de cause lorsque la contrepartie attendue par l'un des contractants fait défaut.

La société LABORATOIRES GILBERT soutient que le contrat est nul comme étant dépourvu de cause, puisqu'en réalité la société DOCTORA n'était pas propriétaire de l'Idée, celle-ci étant, à la date du contrat, ni nouvelle, ni exclusive, mais déjà tombée dans le domaine public et qu'il ne pouvait en conséquence pas en transférer les droits de jouissance, ni concéder l'exclusivité de sa commercialisation, situation qui n'a été révélée à la société LABORATOIRES GILBERT que tardivement à la faveur de la procédure, lorsque lui a été transmis le contenu de l'enveloppe Soleau.

Cependant, si une idée n'est pas susceptible d'être protégée, l'Idée, au sens contractuel du terme constituait en une innovation originale et exclusive à savoir une application nouvelle à la dissolution des bouchons de cerumen d'une formule existante, celle du Septivon conçue et utilisée pour des usages très différents, dont la société DOCTORA a fourni le nom. L'Idée était donc susceptible d'appropriation et ce sans qu'il y ait lieu d'examiner l'argumentation respectivement développée par les parties sur la réglementation européenne.

La société LABORATOIRES GILBERT, professionnelle avertie de la fabrication et de la commercialisation des produits pharmaceutiques ne pouvait ignorer, lors de la signature du contrat, l'existence sur le marché -depuis 1954- de différents produits destinés à dissoudre les bouchons de cerumen.

Elle ne peut donc prétendre avoir été trompée sur le contenu de l'Idée et ses possibilités d'exploitation, et ce d'autant plus que le contrat du 20 novembre 1994 a été précédé d'un accord de confidentialité dont l'objet était précisément l'échange de toutes informations utiles relatives à ce projet de gouttes auriculaires, qui a été nécessairement intégralement exécuté à la satisfaction des deux parties et donc de la société LABORATOIRES GILBERT puisque dans le cas contraire, celle-ci n'aurait pas poursuivi ses relations contractuelles avec la société DOCTORA.

Il est ainsi établi que nonobstant les commercialisations concurrentes, la société LABORATOIRES GILBERT considérait elle-même que l'Idée développée par la société DOCTORA constituait une innovation, propriété de cette société ainsi qu'il a été expressément indiqué au contrat.

Ainsi, la société LABORATOIRES GILBERT ne peut sérieusement soutenir que le Dr A... ne lui aurait jamais remis le protocole d'utilisation de la formule existante, tout en affirmant dans ses écritures qu'à travers le contrat du 20 novembre 1994, elle "a pris un risque commercial extrêmement important", que "les recherches et le coût du développement effectués par elle seule pour le produit A-CERUMEN furent extrêmement longs à porter leurs fruits", alors que l'échange de ces informations essentielles et l'étude de marché étaient l'objet même du contrat de confidentialité, intégralement exécuté, étant précisé que la société GMA LIMITED fait justement observer que le Septivon est un produit ancien, datant des années 1950, dont la formule n'avait, en 1994, de secret pour aucun chimiste en général, et en particulier un chimiste de laboratoire pharmaceutique.

La société LABORATOIRES GILBERT a d'ailleurs précisé dans un courrier du 14 avril 2005 : "la formule initiale sur la base de laquelle la société GMA LIMITED a travaillé a été modifiée", ce dont il résulte que cette formule initiale était connue de la société LABORATOIRES GILBERT et lui avait donc été remise.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il est établi qu'en toute connaissance de cause la société LABORATOIRES GILBERT a considéré l'Idée de la société DOCTORA comme innovante, étant précisé que celle-ci n'a jamais prétendu être propriétaire, ni de la formule du Septivon, tombée dans le domaine public, ni de celle du produit A-CERUMEN dont elle admet qu'elle appartient aux LABORATOIRES GILBERT.

En conséquence, le tribunal a exactement considéré que le contrat était valable car justement causé et le jugement sera confirmé de ce chef, et le rejet des demandes en restitution et dommages et intérêts.

II Sur la résiliation du contrat

Sur la forme de la résiliation

La société GMA LIMITED soutient que la résiliation est dépourvue de validité comme contraire aux stipulations contractuelles relatives aux modalités de notification.

Il est constant que la résiliation a été notifiée par chronopost alors qu'aux termes des dispositions ci-dessus précisées, étaient expressément prévues la lettre recommandée avec accusé de réception, le télex ou le télégramme.

Cependant il résulte indubitablement de cette énumération qui n'excluait pas un autre mode de résiliation que la commune intention des parties était d'assurer à l'expéditeur une preuve de l'envoi, et au destinataire une réception certaine, et ce alors que la société DOCTORA, cocontractante, était domiciliée en France métropolitaine et que son transfert à l'étranger n'était nullement envisagé.

La société GMA LIMITED ayant, à la date de notification, transféré son siège social à GIBRALTAR, les modalités contractuellement visées n'étaient plus de nature à assurer l'efficacité de l'information communément voulue par les parties, seul l'envoi chronopost étant susceptible de satisfaire l'objectif recherché, qui a été affectivement atteint puisque dans un courrier daté du 18 novembre 2004, la société GMA LIMITED a admis avoir reçu notification de la résiliation.

Contrairement à ses allégations, les conditions de cette résiliation ne sont ni brutales ni empreintes d'aucune mauvaise foi.

L'argumentation de ce chef infondée a donc été justement rejetée par le tribunal.

Sur les conséquences de la résiliation

Ainsi que le reconnaît la SA LABORATOIRES GILBERT dans son courrier du 14 avril 2005 adressé au conseil de la société GMA LIMITED, aux termes du contrat, l'Idée objet de l'accord de concession d'exploitation était d'utiliser un mélange de tensio-actifs aux fins de traitement des bouchons de cire.

L'obligation de la société GMA LIMITED était la transmission de l'Idée, de son savoir-faire -c'est-à-dire la formule initiale, base de travail et d'élaboration, par la société LABORATOIRES GILBERT, de la formule définitive du produit A-CERUMEN- et l'exclusivité de la concession d'exploitation des droits de jouissance par elle détenus sur l'Idée.

Ainsi qu'il a été ci-dessus précisé, la société GMA LIMITED a intégralement respecté ses obligations.

En contrepartie, les LABORATOIRES GILBERT s'engageaient à fabriquer et vendre le produit par eux définitivement mis au point après selon le terme de leur courrier du 14 avril 2005 révision des "composants et leurs pourcentages afin d'adapter la formule initiale au processus de remplissage aseptique et aux contraintes machines", ainsi qu'à payer à la société GMA LIMITED un prix proportionnel au chiffre d'affaires par eux réalisés sur ce produit.

La société LABORATOIRES GILBERT reconnaît dans cet écrit que l'Idée "d'utiliser un mélange de tensio-actifs est toujours d'actualité ... . Elle est même plus que d'actualité puisque de plus en plus de sociétés lancent sur le marché des solutions tensio-actives notamment destinées à l'application cutanée humaine".

Néanmoins, elle soutient que l'Idée, à savoir l'association de tensio-actifs, n'a plus rien d'original et que la société GMA LIMITED n'est plus seule propriétaire de l'Idée à raison d'apparition sur le marché de divers produits qui la reprennent, et en conséquence que le contrat est caduc à raison de la disparition de sa cause, qu'ainsi elle peut poursuivre l'exploitation du produit dont la formule et la marque sont sa propriété sans verser corrélativement la redevance prévue au contrat caduc.

Cependant, la société GMA LIMITED fait observer, sans être sur ce point aucunement contredite, que les produits visés à titre d'illustration contiennent pour certains des composants totalement étrangers à la formule du Septivon (notamment de l'eau de mer) pour d'autres des tensio-actifs non déterminés, ce terme étant générique, ce qui ne porte pas atteinte au caractère innovant de l'Idée.

La mise sur le marché de produits concurrents destinés à dissoudre les bouchons de cerumen, même si certains comportent des tensio-actifs, n'est pas de nature à caractériser la disparition de la cause de l'obligation.

La commune volonté des parties, telle qu'elle résulte des conventions ci-dessus analysées, était indubitablement de subordonner la poursuite de l'exploitation au versement de la redevance.

Il doit en conséquence être considéré que, la résiliation du contrat entraînant cessation des obligations réciproques des parties, si elle met fin à la perception des redevances, elle a corrélativement pour effet d'interdire à la société LABORATOIRES GILBERT de commercialiser le produit.

En conséquence, le jugement sera réformé et il sera fait interdiction à la société LABORATOIRES GILBERT de commercialiser le produit sans reverser à la société GMA LIMITED une indemnité correspondant à la redevance, et ce sous astreinte dont les modalités seront définies au dispositif du présent arrêt.

Pour les mêmes motifs, il est dû à la société GMA LIMITED, depuis le 19 novembre 2005, une indemnité égale au montant des redevances telles qu'elles étaient contractuellement prévues.

A titre de dommages et intérêts supplémentaires ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la date à laquelle elles auraient dû être perçues et il sera fait application de l'article 1154 du code civil.

Au vu des pièces produites, démontrant qu'en 2005 les redevances se sont élevées à la somme de 18.500 € environ, et alors que la société LABORATOIRES GILBERT ne conteste pas poursuivre encore à ce jour l'exploitation du produit, il sera fait droit à la demande de provision à concurrence de 50.000 €, à valoir sur cette indemnité.

III Sur l'expertise

Il résulte des pièces produites que la société GMA LIMITED a été rémunérée, d'une part sur les ventes réalisées à l'étranger, d'autre part sur la commercialisation réalisée par les filiales de la société LABORATOIRES GILBERT.

Durant l'exécution de l'accord, elle n'a jamais mis en doute la véracité des tableaux de résultats des ventes et du montant des commissions qui lui étaient régulièrement communiqués, la première réclamation étant postérieure à la notification de la résiliation.

L'audit des comptes n'était pas contractuellement prévu, ainsi que le fait justement observer la société LABORATOIRES GILBERT.

La société GMA LIMITED ne produit aucune pièce de nature à démontrer, ainsi qu'elle le prétend, que la société LABORATOIRES GILBERT aurait enfreint l'exclusion contractuelle relative à l'exploitation vétérinaire.

S'il résulte des pièces produites qu'en Italie le produit est commercialisé sous la marque "OTO-DROP", la société LABORATOIRES GILBERT produit ses fiches de ventes relatives à ce pays démontrant la perception des redevances attachées à cette commercialisation.

La société GMA LIMITED ne produit aucune pièce de nature à démontrer le caractère partiel des ventes ainsi déclarées.

En conséquence et alors que la fraude ne se présume pas et que l'expertise ne peut pallier la carence des parties, la communication des pièces comptables depuis l'exploitation du produit, de même que la mission de l'expert telles que fixées par le tribunal ne sont pas justifiées, et seront limitées à la période postérieure au 19 novembre 2005, étant précisé que l'avance des frais d'expertise sera à la charge de la société LABORATOIRES GILBERT puisque, pour les motifs ci-dessus exposés le principe de la créance de la société GMA LIMITED n'est pas contestable.

Le jugement sera réformé de ce chef.

IV Sur les dommages et intérêts

La société GMA LIMITED soutient que la société LABORATOIRES GILBERT a commis des agissements de mauvaise foi générateurs d'un préjudice dont elle sollicite réparation, en ne répercutant pas intégralement les redevances sur les ventes à l'export, en rompant le contrat pour le motif fallacieux d'une baisse de marché alors que les ventes avaient augmenté de 60 % entre 2002 et 2005, en réglant avec retard la redevance du troisième trimestre 2005, en faisant capoter volontairement l'accord qui devait être signé concernant l'application vétérinaire et en l'empêchant de trouver un diffuseur de cette application en raison de ses exigences de fabrication, enfin en développant sur la procédure une argumentation malveillante.

Concernant le premier grief il n'est, pour les motifs ci-dessus précisés relatifs à l'expertise, pas établi, et il n'est démontré aucun fait de concurrence déloyale.

Alors que les engagements perpétuels sont légalement prohibés, que la rupture du contrat a été régulièrement notifiée et le préavis respecté, et que la motivation de la rupture n'était pas incluse dans les exigences contractuelles, le caractère fautif de la rupture, allégué, n'est pas démontré.

S'il est exact que la facture de redevance du troisième trimestre 2005 a été émise le 30 novembre 2005 et réglée le 19 décembre 2005, ce règlement n'est pas tardif puisque le règlement 2004, pour ce trimestre, avait eu lieu le 31 décembre.

Aux termes des pièces produites, les discussions relatives à l'application vétérinaire datent de décembre 1996 et ont manifestement abouti à un accord puisque les parties ont postérieurement poursuivi durant huit ans des relations commerciales harmonieuses, ce qui démontre l'inanité des accusations portées à cet égard par la société GMA LIMITED.

Enfin, le comportement procédural de la société LABORATOIRES GILBERT et l'argumentation par elle développée ne dépassent pas la limite de ce qui est strictement conforme à ses intérêts.

En conséquence la réclamation de ce chef, infondée a été justement rejetée et le jugement sera confirmé de ce chef.

V Sur l'article 700 du code de procédure civile

Succombant principalement sur la procédure la société LABORATOIRES GILBERT a contraint la société GMA LIMITED à exposer des frais irrépétibles qui seront en équité fixés à 10.000 €.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

- Confirme le jugement en ses dispositions relatives à la validité du contrat et à sa résiliation, au rejet des demandes de dommages et intérêts de la société GMA LIMITED et des demandes reconventionnelles de la société LABORATOIRES GILBERT, au principe de l'expertise et au montant de la consignation ;

- Réforme le jugement en ses autres dispositions ;

- Ordonne l'interdiction de la commercialisation par la SA LABORATOIRES GILBERT, sans versement d'indemnités correspondant aux redevances prévues au contrat du 20 novembre 1994, du produit A-CERUMEN et de tout produit de composition identique, et ce sous astreinte de 1.000 € par jour à compter de la signification du présent arrêt ;

- Dit que depuis le 19 novembre 2005, la société LABORATOIRES GILBERT est redevable d'une indemnité égale au montant des redevances telles que contractuellement prévues et que ces sommes porteront intérêts à compter de la date à laquelle les redevances auraient dû être perçues, et ce avec application de l'article 1154 du code civil ;

Avant dire droit sur le montant chiffré de cette indemnité,

- Dit que devront être communiquées à l'expert les pièces comptables de la société LABORATOIRES GILBERT relatives à la vente du produit A-CERUMEN et de tout produit de composition identique, en France et à l'étranger, depuis le 19 novembre 2005, et que l'expert aura exclusivement pour mission de procéder, à compter de cette date au compte des indemnités ci-dessus définies ;

- Dit que le montant de la consignation des frais d'expertise sera à la charge de la société LABORATOIRES GILBERT ;

- Condamne la société LABORATOIRES GILBERT à payer à la société GMA LIMITED la somme provisionnelle de 50.000 € à valoir sur l'indemnité, et la somme de 10.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne la société LABORATOIRES GILBERT aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

N. LE GALL M. HOLMAN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Numéro d'arrêt : 06/03259
Date de la décision : 29/04/2008
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Caen


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-04-29;06.03259 ?
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