AFFAIRE : N RG 07 / 01422
Code Aff. :
ARRET N
C. P
ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes de CHERBOURG en date du 31 Janvier 2007- RG no F 05 / 00197
TROISIEME CHAMBRE- SECTION SOCIALE 2
APPELANT :
Monsieur Alain X...
...
50330 VRASVILLE
Comparant en personne, assisté de Me Thomas DOLLON, avocat au barreau de CHERBOURG
INTIMEE :
SOCIETE COMPAGNIE GENERALE DES MATIERES NUCLEAIRES- COGEMA- (AREVA NC)
La Hague
50444 BEAUMONT HAGUE
Représentée par Me Patrick- André MARTIN, avocat au barreau de CHERBOURG
DEBATS : A l'audience publique du 10 Mars 2008, tenue par Monsieur DEROYER, Président, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties ne s'y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré
GREFFIER : Mademoiselle CHARPENTIER
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Monsieur DEROYER, Président, rédacteur
Monsieur COLLAS, Conseiller,
Madame GUENIER- LEFEVRE, Conseiller,
ARRET prononcé publiquement le 11 Avril 2008 à 14 heures par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile et signé par Monsieur DEROYER, Président, et Mademoiselle GOULARD, Greffier
Première Copie délivrée Arr t notifié le : 11 avril 2008
le : 11 avril 2008 Copie exécutoire délivrée
à : Me DOLLON le :
Me MARTIN à :
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Monsieur X... a été embauché à compter du 14 avril 2003 en qualité de technicien supérieur au niveau IV échelon1 Coefficient 255, par la société AREVA NC pour travailler sur l'établissement AREVA NC de la Hague, au sein de la Direction Qualité, Sureté, Sécurité, Environnement (Secteur Qualité), dans le cadre d'un Contrat initiative Emploi de vingt- quatre mois régi par les dispositions des articles L. 322-4-2 à L. 322-4-6 du code du travail.
Soutenant qu'il avait participé à l'activité habituelle de l'entreprise dans le cadre d'un régime dérogatoire dont l'employeur avait bénéficié, mais que ce dernier avait éludé les dispositifs d'aide prévus par les accords d'entreprise notamment à destination des salariés handicapés ou travaillant dans le cadre de contrats à durée déterminée, Monsieur X... a saisi le conseil de prud'hommes de CHERBOURG pour obtenir réparation du préjudice résultant pour lui de ce manquement.
Vu le jugement rendu le 31 janvier 2007 par le conseil de prud'hommes de CHERBOURG qui a débouté Monsieur X... de ses demandes ;
Vu les conclusions déposées le 6 novembre 2007 et le 10 mars 2008 et oralement soutenues à l'audience par Monsieur X... appelant ;
Vu les conclusions déposées le 15 février 2008 et oralement soutenues à l'audience par la société AREVA NC ;
MOTIFS
Monsieur X..., travailleur handicapé et salarié de la société AREVA NC du 14 avril 2003 au 13 avril 2005 dans le cadre d'un contrat initiative emploi, soutient que cette dernière n'a pas satisfait aux obligations qui lui incombaient tant à l'égard des travailleurs handicapés qu'à l'égard des salariés à durée déterminée, aux termes des accords conclus dans l'entreprise.
L'accord du 21 décembre 2004 en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés, prévoit notamment outre des actions de formation dans le cadre du développement de l'emploi des travailleurs handicapés au sein de l'établissement, visant essentiellement à satisfaire les demandes de stages venant de l'extérieur (centre de formation ou centre de rééducation professionnelle stage de recherche d'emploi des travailleurs handicapés, orientation des travailleurs handicapés dans des centres de rééducation professionnelle dont les formations sont en adéquation avec le métier de la COGEMA), un accompagnement des fins de contrat à durée déterminée ou CIE pour les travailleurs handicapés dans le cadre de leur recherche d'emploi concrétisé par un entretien bilan à l'issue du contrat et des actions de conseil ou d'orientation.
L'accord du 2 mars 2005 prévoyant la reconduction de l'accord d'établissement du 19 mars 2004 et tendant à l'amélioration du dialogue social, prévoit au titre de la gestion des emplois temporaires, un effort particulier en matière d'intégration et d'aide au reclassement caractérisé par une priorité d'embauche des salariés en contrat à durée déterminée et une aide au reclassement comprenant outre le suivi des dossiers individuels, la proposition d'un entretien un mois avant la date d'échéance du contrat à durée déterminée, pour faire un bilan du parcours professionnel et des formations suivies au sein de l'établissement et pour informer le salarié des modalités particulières de reclassement proposées par COGEMA ainsi que des opportunités offertes en matière de formation professionnelle au cours de l'exécution et à l'issue du contrat.
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L'accord du 19 mars 2004 relatif à la formation et à l'aide au reclassement des salariés en contrat à durée déterminée prévoit outre une priorité d'embauche en cas de recrutement de personnels extérieurs à l'entreprise, la proposition d'un entretien au moins un mois avant la date de l'échéance du contrat pour notamment informer le salarié des modalités particulières proposées par COGEMA en vue de faciliter, en liaison avec les établissements publics compétents, son reclassement.
Au titre de la formation il est prévu un suivi du salarié par une information sur les possibilités de formation ouvertes notamment au titre du congé individuel de formation ou de la validation des acquis de l'expérience ou encore sur la possibilité d'obtenir un certificat CEFRI.
Le non- respect des obligations conventionnelles en matière de formation n'est pas établi.
En effet il résulte tant du tableau des actions de formation suivies (pièce 8 de l'employeur) que de l'attestation de Monsieur Z..., que Monsieur X... a suivi sur sa période d'emploi 139 heures de formation concernant le métier d'animateur qualité alors que ce dernier ne conteste pas que la moyenne des temps de formation par salarié n'excédait pas 35 heures par an dans l'entreprise comme l'a affirmé l'employeur.
S'il n'est pas remis en cause que ces actions de formation étaient celles dispensées à l'ensemble des animateurs qualité, il ne résulte pas des pièces du dossier et il n'est pas soutenu que cette catégorie professionnelle bénéficiait habituellement de la totalité de ces formations avec la même intensité sur une période de deux ans d'emploi.
Au surplus l'employeur fait observer sans être utilement contesté que 86 heures (non compris celles de la formation CEFRI) étaient directement valorisables dans d'autres emplois.
Enfin conformément aux dispositions de l'accord sur la formation et le reclassement des salariés en contrat à durée déterminée, Monsieur X... a suivi peu avant la fin de son contrat la formation qualifiante dite CEFRI.
Dès lors le grief de manquement aux obligations de formation n'est pas établi.
De même le manquement au reclassement pour absence de proposition d'un contrat à durée indéterminée n'est pas caractérisé, dès lors que l'employeur non contesté sur ce point, soutient que les salariés en contrat à durée déterminée ne sont considérés qu'au titre du recrutement externe, et qu'en l'espèce l'offre d'emploi d'animateur qualité de janvier 2004 était seulement offerte au recrutement interne.
En revanche il apparaît que l'employeur n'a pas loyalement satisfait aux obligations découlant des accords précités en matière d'accompagnement des salariés handicapés ou des salariés en contrat à durée déterminée, dans leur recherche d'emploi ou de reclassement, à la fin de leur contrat.
En effet, les trois entretiens avec des cadres ou responsables des services ressources humaines entre le 5 et le 17 novembre 2004 tous obtenus sur la demande de Monsieur X..., ne peuvent sérieusement caractériser ni l'entretien bilan à l'issue du contrat CIE sur les actions de conseil ou d'orientation qui pouvaient encore être mises en oeuvre jusqu'à l'issue de ce contrat, prévu expressément par l'accord en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés, ni l'entretien que la DRH doit proposer à tout salarié sous contrat à durée déterminée un mois avant la date d'échéance de son contrat, pour effectuer le bilan de son parcours professionnel et des formations suivies et l'informer des modalités particulières de reclassement proposées par COGEMA, selon l'accord du 2 mars 2005.
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L'attestation de Monsieur A... démontre que l'entretien du 5 novembre 2004 a été effectué à la demande expresse de Monsieur X... pour un projet de formation à un autre métier, et il ne peut être tiré de l'évocation faite à cette occasion, du parcours professionnel du salarié des modalités particulières pour faciliter son reclassement de son souhait de figurer dans le vivier de l'entreprise et la publication des postes disponibles par affichage des BPV et consultation intranet, que cet entretien correspondait loyalement à l'entretien bilan et aux mesures d'accompagnement des fins de contrat à durée déterminée ou CIE, portant notamment sur une information des modalités particulières de reclassement proposées par COGEMA, qui pour être complètes et loyales ne peuvent se faire qu'à l'issue ou un mois avant l'échéance du contrat, en fonction des données propres du salarié et des opportunités d'aide au reclassement, acquises à cette date.
Les mêmes observations doivent être faites au sujet des entretiens obtenus toujours à l'initiative de Monsieur X... d'une part avec Mme B... pour obtenir des informations sur la validation des acquis de l'expérience et pour une formation d'éducateur moniteur d'atelier et de la présentation faite à cette occasion du suivi accompagnement avec l'antenne ANPE et le partenariat avec la structure d'aide à l'insertion de personnes handicapées CAPEMPLOI, (peu important que le salarié ait à cette date, décliné ce dernier accompagnement), et d'autre part avec Mme E...
C... sur les conditions de mobilité géographique au sein du groupe AREVA pour lesquelles celle- ci a indiqué qu'il était préférable de passer par son canal pour toute candidature dans le groupe. Or il convient d'observer que Madame E...
C... apparemment en position optimale pourinformer le salarié sur les possibilités de reclasement, n'a pas relancé Monsieur X... pour l'informer à ce sujet à l'approche du terme de son contrat, sur les modalités particulières de reclassement proposées à cette date par COGEMA.
Contrairement à ce que soutient dans ses écritures l'employeur, M. D... gestionnaire des ressources humaines, déclarant contrairement à ce que fait écrire l'employeur, avoir été en charge depuis courant 2003, du suivi des salariés handicapés, reconnaît avoir eu à ce titre quelques contacts téléphoniques avec Monsieur X... toujours à l'initiative de celui- ci, sans qu'un bilan soit fait à l'initiative cette fois de l'employeur et à l'issue du contrat, pour l'orienter utilement vers les organismes spécialisés en matière de reclassement et l'informer sur les modalités particulières de reclassement proposées par COGEMA.
Alors qu'il résulte des attestations produites par l'employeur que Monsieur X... s'était déclaré apte à la mobilité au sein de l'entreprise, la circonstance qu'aucun poste ne pouvait lui être proposé dans l'établissement de la Hague, n'excluait pas l'obligation pour elle de l'informer de toute opportunité de reclassement dans les autres établissements de l'entreprise ou encore de recourir aux organismes spécialisés.
Le manquement de l'employeur aux obligations découlant pour lui des accords d'établissements précités, a généré un préjudice pour Monsieur X... qui s'analyse en une perte de chance de reclassement ou de formation, alors que l'appelant ne justifie de son inscription en qualité de demandeur d'emploi longue durée du 14 avril 2005 au 19 mars 2007 puis du 20 juin 2007 au 11 septembre 2007 puis ensuite compter du 1er novembre 2007.
Eu égard à l'ensemble de ces éléments mais également aux actions de formation néanmoins prodiguées par l'employeur (CEFRI), la réparation du préjudice de Monsieur X... peut être fixée à la somme de 11 000 €.
En raison des circonstances de l'espèce, il apparaît équitable d'allouer à Monsieur X... une indemnité en réparation de tout ou partie de ses frais irrépétibles dont le montant sera fixé au dispositif.
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La société AREVA NC, partie perdante sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Infirme le jugement entrepris ;
Condamne la société AREVA NC à verser à Monsieur X... les sommes suivantes :
-11 000 € de dommages- intérêts au titre du non respect des dispositions des accords d'entreprise précités ;
-1 500 € d'indemnité par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Déboute la société AREVA NC de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et la condamne aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
E. GOULARD B. DEROYER