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27/03/2008 | FRANCE | N°07/227

France | France, Cour d'appel de Caen, Ct0125, 27 mars 2008, 07/227


Code Aff. : ARRET N HOL/RA

ORIGINE : Décision du Tribunal de Grande Instance d'AVRANCHES en date du 21 Décembre 2006 - RG no 05/0579

PREMIERE CHAMBRE - SECTION 3ARRET DU 27 MARS 2008

APPELANTE :
Madame Jeanne X...née le 30 Mars 1951 à ST NICOLAS (62223)...50400 GRANVILLE

représentée par la SCP TERRADE DARTOIS, avoués à la Courassistée de Me Anne-Marie BERLEMONT, avocat au barreau D'AVRANCHES

INTIME :

Monsieur Maurice Z...né le 03 Juin 1952 à GRANVILLE (50)...50400 GRANVILLE

représenté par la SCP GRAMMAGNAC-YGOUF BALAVOINE LEVASS

EUR, avoués à la Courassisté de Me Cécile JOUANNO, avocat au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR LORS...

Code Aff. : ARRET N HOL/RA

ORIGINE : Décision du Tribunal de Grande Instance d'AVRANCHES en date du 21 Décembre 2006 - RG no 05/0579

PREMIERE CHAMBRE - SECTION 3ARRET DU 27 MARS 2008

APPELANTE :
Madame Jeanne X...née le 30 Mars 1951 à ST NICOLAS (62223)...50400 GRANVILLE

représentée par la SCP TERRADE DARTOIS, avoués à la Courassistée de Me Anne-Marie BERLEMONT, avocat au barreau D'AVRANCHES

INTIME :

Monsieur Maurice Z...né le 03 Juin 1952 à GRANVILLE (50)...50400 GRANVILLE

représenté par la SCP GRAMMAGNAC-YGOUF BALAVOINE LEVASSEUR, avoués à la Courassisté de Me Cécile JOUANNO, avocat au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur JAILLET, Conseiller, faisant fonction de Président,Madame HOLMAN, Conseiller, Rédacteur,Monsieur CHALICARNE, Conseiller,

DEBATS : En chambre du Conseil du 19 Février 2008,

GREFFIER : Madame LEDOUX

ARRET contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 27 Mars 2008 et signé par Monsieur JAILLET, Conseiller, faisant fonction de Président, et Madame LEDOUX, Greffier

Madame Jeanne X... a interjeté appel du jugement rendu le 21 décembre 2006 par le Tribunal de Grande Instance d'AVRANCHES dans un litige l'opposant à Monsieur Maurice Z..., son ex époux.

Monsieur Z... et Madame X... se sont mariés le 2 avril 1971 sans contrat préalable.
Leur divorce, aux torts exclusifs du mari, a été prononcé par jugement du Tribunal de Grande Instance d'AVRANCHES du 30 janvier 1997, confirmé par arrêt de cette Cour du 4 juin 1998.
Par acte authentique du 7 juillet 2000, ils ont procédé au partage transactionnel de la communauté.
Par acte du 4 juillet 2005, Madame X... a fait citer Monsieur Z... devant le Tribunal afin de voir prononcer la rescision pour lésion de l'acte du 7 juillet 2000, d'obtenir paiement d'une somme de 30.000 € à titre de provision à valoir sur ses droits dans le partage, de voir commettre un notaire pour établir l'état liquidatif de la communauté ayant existé avec Monsieur Z... et subsidiairement, un supplément à l'acte de partage afin qu'il soit tenu compte du moteur du bateau, de la valeur patrimoniale du permis de sa mise en exploitation, de l'indemnité d'occupation de la maison et des bénéfices d'exploitation pendant la période post-communautaire, outre paiement d'une somme de 2.000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Par le jugement déféré, le Tribunal a débouté Madame X... de ses demandes et l'a condamnée à payer à Monsieur Z... la somme de 1.200 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Vu les écritures signifiées le 21 mai 2007 par Madame X... et le 4 février 2008 par Monsieur Z....
Aux termes des articles 2048 et suivants du Code Civil, les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort.
Elles peuvent être rescindées lorsqu'il y a erreur sur l'objet et pour dol.
En application des dispositions d'ordre public des articles 887 et 888 du Code Civil en leur rédaction antérieure à la loi du 23 juin 2006 et par dérogation à l'article 2025 alinéa 2 du Code Civil, la transaction ayant pour effet de faire cesser l'indivision existant sur les biens communs entre ex époux est assujettie à l'action en rescision pour lésion de plus du quart.
La lésion, au sens de l'article 887 du Code Civil, peut être due à une mauvaise évaluation de certains biens.
En l'espèce, le bateau sur lequel Monsieur Z... exerçait, à l'époque du partage, son activité de patron pêcheur a été inscrit à l'actif de communauté pour un montant de 300.000 francs, et ce conformément à l'évaluation contenue dans un rapport de visite établi par un expert maritime le 4 avril 2000 soit, conformément à l'article 890 du Code Civil, à la date la plus proche du partage, ce qui n'est pas contesté.
Cependant, l'expert a précisé que cette estimation ne tenait compte ni du permis de mise en exploitation (PME), ni de la nouvelle motorisation qui était en cours d'installation au jour de la visite.
Il doit être considéré que le permis et le moteur ne constituent pas des biens distincts d'un navire de pêche professionnelle mais des accessoires indispensables à son fonctionnement, puisqu'aucune exploitation ne peut être mise en oeuvre sans l'un et l'autre de ces attributs, et en conséquence que le nouveau moteur, acquis en mars 2000 (et non en mai comme indiqué par Monsieur Z..., cette date étant celle de la facture émise après installation), dont l'expert a donné les caractéristiques, relevées lors de ses constatations du 31 mars 2000, ne constitue pas un bien distinct exclu de la communauté comme ayant été acquis postérieurement à sa dissolution, comme prétendu par l'intimé, mais l'accessoire d'un bien indivis, régi par les règles des articles 815-8 et suivants du Code Civil, qui doit être inscrit à l'actif de l'indivision pour le montant de l'acquisition soit 110.000 Francs, sous réserve de remboursement par celle-ci à Monsieur Z..., qui a financé seul ce bien indivis, de la moitié de cette dépense soit 55.000 Francs, et donc qu'il en résulte pour l'indivision un accroissement net de 55.000 Francs.
Il est constant qu'en 2004, soit quatre ans après le partage, le bateau a fait l'objet d'un plan de destruction dans le cadre de dispositions européennes de réduction de pêche et que Monsieur Z... a perçu une indemnité de 120.000 € (787.1749 francs).
Cependant, cette somme ne peut servir de référence pour évaluer le bateau à la date du partage, d'une part parce qu'elle lui est postérieure de quatre ans, d'autre part, car elle inclut diverses subventions destinées à compenser la perte de l'outil de travail et l'activité qui y était attachée, ainsi qu'à favoriser le renouvellement de la flotte, tous éléments étrangers à la valeur du bateau.
Concernant le PME, Monsieur Z..., qui justifie être titulaire d'un tel permis depuis le 12 septembre 1989, soutient qu'il s'agit non d'un élément incorporel mais d'un titre d'agrément qui requiert d'être titulaire d'un brevet de patron pêcheur et d'un brevet de mécanicien, qu'il n'est ni cessible, ni transmissible et n'a donc aucune valeur marchande.
Or, il résulte de l'attestation d'un courtier maritime granvillais, non utilement contredite, qu'un chalutier de moins de 12 mètres avec PME se négocie entre trois et quatre fois le prix d'un chalutier sans PME quelle que soit l'année du bateau, étant précisé que la valeur réelle d'un élément incorporel d'un fonds de commerce doit être appréciée conformément à la valeur de marché.
La direction des affaires maritimes, dans un courrier du 14 avril 2006, précise que le PME est attaché au navire pour lequel il a été délivré et ne peut pas être dissocié, qu'il suit le navire en cas de mutation de propriété, et en cas de sortie de flotte du navire, aidée ou non, qu'il revient à l'Etat qui en dispose selon les règlements communautaires et nationaux en vigueur.
Au vu de l'ensemble de ces éléments et en retenant l'évaluation basse du courtier maritime, il doit être considéré qu'à la date du partage, la valeur d'actif net du bateau était en réalité de :
(300.000 + 55.000) X 3 = 1.065.000 francs.
Par ailleurs, il résulte des déclarations fiscales produites, qu'entre le 10 janvier 1995, date de l'assignation et donc de la dissolution de la communauté et du début de l'indivision post- communautaire en application de l'article 262-1 du Code Civil en sa rédaction antérieure à la loi du 26 mai 2004 applicable en la cause, et le 7 juillet 2000, Monsieur Z... a reçu, au titre de l'exploitation du bateau - outre les sommes liées à son activité personnelle, fiscalement déclarées comme salaires et qui lui restent acquises en contrepartie du travail effectué en application de l'article 815-12 du Code Civil - des bénéfices liés à la propriété du bateau, fiscalement déclarés au titre des bénéfices industriels et commerciaux (BIC), qui doivent être inclus dans l'actif de l'indivision, conformément à l'article 815-10 alinéa 2 du Code Civil, et, après déduction de la part d'impôts y afférent, s'élèvent à 747.500 francs.
Enfin, alors qu'il n'est pas contesté que Monsieur Z... a occupé privativement l'immeuble commun entre le 10 janvier 1995 et 7 juillet 2000, Madame X... a évalué l'indemnité d'occupation par lui due à l'indivision à la somme mensuelle de 3.500 francs, non contestée dans son quantum, soit pour la période considérée une somme totale de 231.000 francs.
S'il résulte de l'article 815-10 alinéa 2 du Code Civil qu'aucune recherche relative aux fruits et revenus des biens indivis n'est recevable plus de cinq ans après la date à laquelle ils auraient pu être perçus, le délai de prescription d'une action en justice ne peut commencer à couvrir avant que le droit d'agir ne soit né.
En l'espèce, Madame X... n'était pas recevable à former une demande fondée sur les règles de l'indivision avant que le jugement de divorce du 30 janvier 1997 entraînant la dissolution de la communauté, laissant place rétroactivement à une indivision post-communautaire depuis le 10 janvier 1995, ne fût passé en force de chose jugée, soit le 27 octobre 1998, date de l'ordonnance de désistement de pourvoi.

La prescription de cinq ans ne pouvait donc commencer à courir avant cette date puisque l'indivision n'existait pas encore, et pourvu que la demande ait été formée dans ces cinq années, l'ex épouse était en droit de demander les fruits et revenus indivis pour toute la période écoulée depuis la date judiciairement et rétroactivement fixée des effets du divorce entre époux.

Ainsi, si la réclamation était prescrite à la date du 4 juillet 2005, jour de l'assignation devant le Tribunal et donc à ce jour, tel n'était pas le cas lors du partage litigieux, de sorte que ces revenus étaient susceptibles d'être intégrés à l'actif à partager au 7 juillet 2000 à concurrence de l'accroissement net de l'actif d'indivision soit, pour les motifs ci-dessus exposés, la moitié des valeurs retenues est donc :747.500 + 231.000 : 2 = 489.250 francs

Aux termes de l'acte de partage transactionnel, l'actif de communauté s'élevait à 915.315,57 francs, le passif à 449.937,04 francs, soit un actif net de 415.378,53 francs.

Il doit être ajouté à cette somme celle de :1.065.000 - 300.000 + 489.250 = 1.254.250 francs

L'actif net à la date du partage s'élevait donc à :415.378,53 francs + 1.254.250 francs = 1.669.628,53 francs

Les droits de Madame X... s'élevaient à la moitié soit : 834.814 francs.
Les trois quarts de cette somme correspondent à 626.110 francs, étant précisé surabondamment, qu'abstraction faite des réclamations prescrites, l'actif net, après réintégration de la valeur du bateau, s'élève à 1.180.378 francs, les droits de Madame X... à 590.189 francs et les trois quarts de cette somme à 442.642 francs.
Il a été précisé à l'acte que Madame X... avait perçu une somme de 190.659,37 francs, inférieure de 44.738,89 francs à ses droits.
Est ainsi caractérisée une lésion de plus du quart justifiant la rescision de l'acte de partage et le jugement sera infirmé.

Madame X... a été contrainte d'exposer des frais irrépétibles qui seront en équité fixés à 1.500 €.

PAR CES MOTIFS ;

LA COUR,
Infirme le jugement ;
Prononce la rescision pour lésion du partage du 7 juillet 2000 ;
Commet le Président de la Chambre départementale des Notaires de la MANCHE, avec faculté de délégation, pour procéder à la liquidation et au partage de la communauté des ex époux Monsieur Maurice Z... et Madame Jeanne X... ;
Condamne Monsieur Maurice Z... à payer à Madame Jeanne X..., la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Condamne Monsieur Z... aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile .
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT,
M.LEDOUX C. JAILLET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Ct0125
Numéro d'arrêt : 07/227
Date de la décision : 27/03/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance d'Avranches, 21 décembre 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.caen;arret;2008-03-27;07.227 ?
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