AFFAIRE : N RG 06/01102
Code Aff. :
ARRET N
M-J O. NP
ORIGINE : DECISION du Tribunal de Grande Instance de CAEN en date du 08 Février 2006 - RG no 04/2511
COUR D'APPEL DE CAEN
PREMIERE CHAMBRE - SECTION CIVILE
ARRET DU 18 MARS 2008
APPELANT :
Monsieur Pascal X...
... BP 128
14503 VIRE CEDEX
représenté par la SCP PARROT LECHEVALLIER ROUSSEAU, avoués
assisté de la SCP DOREL LECOMTE MASURE MARGUERIE, avocats au barreau de CAEN
INTIMEE :
LA SOCIETE PAR ACTION SIMPLIFIEE FONCIERE LES MATINES
10 Avenue de Paris
14000 CAEN
prise en la personne de son représentant légal
représentée par la SCP GRAMMAGNAC-YGOUF BALAVOINE LEVASSEUR, avoués
assistée de Me CHEVRIER, avocat au barreau de CAEN
INTERVENANTE:
LA S.A. SOCIETE D'AMENAGEMENT FONCIER ET IMMOBILIER -FONCIM-
37 avenue du 6 juin
14000 CAEN
prise en la personne de son représentant légal
représentée par Me Jean .TESNIERE, avoué
assistée de Me Bertrand BRUNEAU DE LA SALLE, du FIDAL, avocat au barreau de CAEN
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
M. BOYER, Président de Chambre,
Mme CHERBONNEL, Conseiller,
Mme ODY, Conseiller, rédacteur,
DEBATS : A l'audience publique du 29 Janvier 2008
GREFFIER : Madame GALAND
ARRET prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 18 Mars 2008 et signé par M. BOYER, Président de Chambre, et Madame GALAND, Greffier
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FAITS ET PROCEDURE :
Suivant contrat du 11 février 1999, la SNC COTENTINE a confié à Pascal X..., architecte à VIRE, une mission complète de maîtrise d'oeuvre pour la construction d'une maison de retraite de soixante dix-huit lits à DOZULE. Il était convenu une rémunération forfaitaire de 836.550 F hors taxes soit 1.008.779,30 F toutes taxes comprises.
Les parties ont signé le 22 décembre 1999 un avenant réduisant la mission de l'architecte et fixant sa rémunération forfaitaire à 450.000 F hors taxes, les autres clauses du contrat précédent demeurant inchangées.
Le permis de construire a été accordé le 16 novembre 1999. Postérieurement, Pascal X... a établi des plans modificatifs et déposé une demande de permis modificatif en raison d'une translation de trois mètres de l'ensemble du bâtiment, de l'élargissement d'un mètre du bâtiment central et d'une augmentation de la surface hors oeuvre.
Soutenant que le contrat initial avait été bouleversé à la demande du maître de l'ouvrage, ce qui l'autorisait à demander paiement des travaux supplémentaires, Pascal X... a, par acte d'huissier du 27 mai 2004, fait assigner la SAS FONCIERE LES MATINES venant aux droits de la SNC COTENTINE, devant le tribunal de grande instance de CAEN aux fins de condamnation au paiement de la somme de 29.978,40 €.
Par acte d'huissier du 28 février 2005, la SA FONCIERE LES MATINES a fait assigner la SA SOCIETE D'AMENAGEMENT FONCIER ET IMMOBILIER ci-après dénommée FONCIM afin qu'elle soit condamnée à la garantir de toutes les condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre.
Par jugement du 8 février 2006, frappé d'appel, le tribunal a :
- rejeté l'exception de nullité soulevée par la société FONCIM,
- débouté Pascal X... de sa demande en paiement de travaux supplémentaires,
- en conséquence, dit n'y avoir lieu à statuer sur le recours en garantie formé par la SOCIETE FONCIERE LES MATINES,
- constaté que les parties convenaient qu'il restait dû sur le marché originaire la somme de 7.454,15 € et condamné la SOCIETE FONCIERE LES MATINES à payer cette somme à Pascal X...,
- condamné Pascal X... à payer à la SOCIETE FONCIERE LES MATINES la somme de 1.200 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Il est satisfait aux dispositions de l'article 455 du nouveau code de procédure civile par le visa des conclusions déposées pour le compte de :
- Pascal X..., appelant, le 26 novembre 2007,
- La SAS FONCIERE LES MATINES, le 28 décembre 2007,
- La SA FONCIM, le 6 décembre 2007.
Les dossiers ont été déposés à l'audience du 29 janvier 2008.
MOTIFS :
- Sur le paiement des travaux supplémentaires
L'avenant du 22 décembre 1999 stipulant de manière claire et dépourvue d'ambiguïté une rémunération forfaitaire pour la construction d'une maison de retraite, d'après un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol, Pascal X... ne peut solliciter aucune augmentation de prix sauf si les modifications demandées par le maître de l'ouvrage ont entraîné un bouleversement de l'économie du contrat.
La clause prévoyant le règlement du solde de la rémunération forfaitaire en fin de chantier "après fourniture de D.O.E. et certificat de conformité au cas où un permis modificatif serait demandé", n'exclut nullement la rémunération des travaux supplémentaires dès lors que leur exécution implique un bouleversement de l'économie du contrat.
En l'espèce, il est établi par les correspondances échangées entre Pascal X..., architecte, la SAS FONCIERE LES MATINES et la SA FONCIM, investie d'une mission d'assistance à la maîtrise d'ouvrage, que, sans qu'aucune contrainte technique ou administrative ne soit invoquée, le maître de l'ouvrage a décidé, après l'obtention d'un premier permis de construire le 16 novembre 1999, d'élargir d'un mètre, sur toute sa longueur le bâtiment central, ce qui a augmenté de 27 m² sur chacun des trois niveaux la surface hors d'oeuvre du bâtiment. Par ailleurs, au
niveau inférieur, le vestiaire du personnel a été transformé en bureaux. Ce local ainsi que le garage ont été inclus dans la trame du bâtiment afin de pouvoir les transformer ultérieurement en chambres. Il a également été demandé à l'architecte de créer sous le bâtiment central, à la place du vide sanitaire initialement prévu, un ensemble de locaux techniques et destinés au personnel.
Il résulte de la demande de permis de construire modificatif que non seulement l'ensemble du bâtiment et le parking ont subi une translation de trois mètres et que le bâtiment central a été élargi d'un mètre mais surtout que la surface hors oeuvre brute totale initiale est passée de 3.464 m² à 4.071 m² et que la surface hors oeuvre nette totale initiale est passée de 3.251 m² à 3.868 m² soit une augmentation respectivement de 607 m² et 617 m², représentant 19 % de cette dernière surface. Ces importantes modifications qui ont touché tant l'implantation du bâtiment que la création au niveau inférieur de différents locaux d'une superficie totale supérieure à 600 m² ont profondément bouleversé l'économie générale de l'avenant signé par les parties, les prestations de Pascal X... étant considérablement accrues.
Ces travaux effectués à la demande du maître de l'ouvrage mais sans son autorisation écrite, ont été acceptés de manière non équivoque par le maître de l'ouvrage qui s'est borné à en refuser le paiement au motif erroné qu'ils étaient inclus dans le forfait.
Toutefois, c'est à tort que Pascal X... a calculé le montant des honoraires à lui dus pour ces travaux supplémentaires en fonction des modalités prévues au contrat initial lesquelles étaient rendues caduques par l'article 3 de l'avenant signé le 22 décembre 1999. La rémunération forfaitaire prévue à l'avenant étant de 450.000 F hors taxes pour une surface hors oeuvre nette totale de 3.251 m² soit 138,41 F par m². La rémunération due pour les 617 m² supplémentaires serait donc de 85.404 F soit 13.019,76 €.
S'agissant toutefois non pas de la création ex nihilo de nouvelles surfaces mais d'une extension à partir d'un vide sanitaire déjà conçu, il convient d'appliquer un abattement et de retenir une rémunération de 9.000 € hors taxes soit 10.764 € toutes taxes comprises. Si Pascal X... demande que cette somme soit indexée dans les termes du contrat initial, l'article 5 des clauses générales prévoit l'indexation du forfait et non des travaux supplémentaires hors forfait. Cette clause ne peut par conséquent trouver application.
La décision frappée d'appel n'est pas critiquée en ce qu'elle a constaté que les parties convenaient qu'il restait dû la somme de 7.454,15 € sur le marché originaire et a condamné la SOCIETE FONCIERE LES MATINES à payer cette somme à Pascal X.... Ces dispositions seront par conséquent confirmées.
Sur le recours en garantie de la SAS FONCIERE LES MATINES CONTRE LA SA FONCIM
La SAS FONCIERE LES MATINES ne peut se borner à soutenir que les négociations et l'accord relatifs aux honoraires de l'architecte sont le résultat de l'action de la SA FONCIM pour déduire de l'existence même du litige une violation par cette société de son obligation de conseil et d'information sur la portée des engagements respectifs des parties à l'avenant du 22 décembre1999.
S'il résulte du courrier adressé par la SA FONCIM à Pascal X... le 16 décembre 1999 que la SNC COTENTINE avait décidé de confier à celle-là une mission d'assistance à la maîtrise d'ouvrage et par conséquent de modifier la mission initialement confiée à l'architecte, ce qui impliquait une renégociation des honoraires de celui-ci, il ne peut être déduit ni des termes de ce courrier, ni de l'avenant signé le 22 décembre 1999 une renonciation par M. X... à demander la rémunération des travaux supplémentaires qui lui seraient demandés en cas de bouleversement de l'économie générale de la convention.
Faute par la SAS FONCIERE LES MATINES de caractériser une faute de la SA FONCIM dans l'exécution de ses obligations de conseil et d'information, en lien avec le paiement à M. X... d'une prestation hors forfait dont elle a bénéficié il convient de la débouter de son action récursoire.
Sur l'indexation du forfait
Celle-ci est contractuellement prévue sur les honoraires forfaitaires jusqu'à la date d'achèvement de la prestation considérée, soit jusqu'à la fin de la mission de l'architecte et non jusqu'au paiement. Cette indexation a été incluse dans la note d'honoraires no 4 du 5 mai 2003 et se trouve comprise dans la somme de 7.454,15 €. Il n'y a donc pas lieu de prévoir une nouvelle indexation.
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile
La SAS FONCIERE LES MATINES supportera les dépens de première instance et d'appel. Par suite, elle sera déboutée de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile.
En équité, elle sera condamnée à payer à Pascal X... la somme de 2.500 € et à la SA FONCIM celle de 1.500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement,
- Réforme le jugement frappé d'appel en ce qu'il a :
* débouté Pascal X... de sa demande en paiement de travaux supplémentaires,
* dit n'y avoir lieu à statuer sur le recours en garantie formé par la SOCIETE FONCIERE LES MATINES,
* condamné Pascal X... à payer à la SOCIETE FONCIERE LES MATINES la somme de 1.200 € par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
* condamné Pascal X... aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de la société FIDAL.
Statuant à nouveau sur ces chefs,
- Condamne la SAS FONCIERE LES MATINES à payer à Pascal X... la somme de 10.764 €.
- Déboute la SAS FONCIERE LES MATINES de son recours en garantie à l'encontre de la SA FONCIM ;
- Condamne la SAS FONCIERE LES MATINES aux dépens de première instance ;
- Déboute la SAS FONCIERE LES MATINES de sa demande en application de l'article 700 du Code de procèdure civile ;
- Confirme le jugement frappé d'appel en ses autres dispositions ;
Y ajoutant,
- Condamne la SAS FONCIERE LES MATINES aux dépens d'appel lesquels seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile ;
- Condamne la SAS FONCIERE LES MATINES à payer à Pascal X... la somme de 2.500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamne la SAS FONCIERE LES MATINES à payer à la SA SOCIETE D'AMENAGEMENT FONCIER ET IMMOBILIER la somme de 1.500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
C. GALANDJ. BOYER