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04/03/2008 | FRANCE | N°06/01264

France | France, Cour d'appel de Caen, 04 mars 2008, 06/01264


AFFAIRE : N RG 06 / 01264
Code Aff. :
ARRET N
J B C G




ORIGINE : Décision du Tribunal de Grande Instance de LISIEUX en date du 31 Mars 2006- RG no 01 / 01441




COUR D' APPEL DE CAEN
PREMIERE CHAMBRE- SECTION CIVILE
ARRET DU 04 MARS 2008


APPELANTS :


La S. A. ASURANCES DU CREDIT MUTUEL IARD
34 rue du Wacken- BP 373R10- 67010 STRASBOURG CEDEX 34prise en la personne de son représentant légal


représentée par la SCP MOSQUET MIALON D' OLIVEIRA LECONTE, avoués
assistée de Me FLEURY- REBERT, avoc

at au barreau de STRASBOURG


La S. C. I. AXESTEV
Le Bourg 14600 EQUEMAUVILLE
prise en la personne de son représentant légal


M...

AFFAIRE : N RG 06 / 01264
Code Aff. :
ARRET N
J B C G

ORIGINE : Décision du Tribunal de Grande Instance de LISIEUX en date du 31 Mars 2006- RG no 01 / 01441

COUR D' APPEL DE CAEN
PREMIERE CHAMBRE- SECTION CIVILE
ARRET DU 04 MARS 2008

APPELANTS :

La S. A. ASURANCES DU CREDIT MUTUEL IARD
34 rue du Wacken- BP 373R10- 67010 STRASBOURG CEDEX 34prise en la personne de son représentant légal

représentée par la SCP MOSQUET MIALON D' OLIVEIRA LECONTE, avoués
assistée de Me FLEURY- REBERT, avocat au barreau de STRASBOURG

La S. C. I. AXESTEV
Le Bourg 14600 EQUEMAUVILLE
prise en la personne de son représentant légal

Monsieur Eric Y... pris tant en son nom personnel qu' en sa qualité de gérant de la société " PASS' PORT "

...

Madame Catherine Z...

...

représentés par la SCP GRANDSARD DELCOURT, avoués
assistés de la SELARL CABOUCHE- GABRIELLI- MARQUET, avocats au barreau de PARIS, plaidant par Me de GABRIELLI

INTIMEE :

La CAISSE DE CREDIT MUTUEL D' HONFLEUR
21, rue du Dauphin 14600 HONFLEUR
prise en la personne de son représentant légal

représentée par la SCP TERRADE DARTOIS, avoués
assistée de la SCP VIAUD REYNAUD BLIN LION, avocats au barreau de LISIEUX

DEBATS : A l' audience publique du 08 Janvier 2008 tenue, sans opposition du ou des avocats, par M. BOYER, Président de Chambre, et Mme CHERBONNEL, Conseiller, chargés du rapport, qui ont rendu compte des débats à la Cour

GREFFIER : Madame GALAND

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

M. BOYER, Président de Chambre, rédacteur
Madame BEUVE, Conseiller,
Mme CHERBONNEL, Conseiller,

ARRET prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 04 Mars 2008 et signé par M. BOYER, Président de Chambre, et Madame GALAND, Greffier

Par jugement du 31 mars 2006, le tribunal de grande instance de Lisieux a rendu le jugement suivant :

" Vu l' ordonnance de référé du Tribunal de Commerce d' HONFLEUR en date du 10 mars 2000 ;
Vu le rapport d " expertise en date du 1 0 novembre 2003 ;
Homologue les conclusions de ce rapport ;
En conséquence,
Condamne la SA ASSURANCES DU CRÉDIT MUTUEL lARD à régler les sommes suivantes, à titre d' indemnités de sinistre :
- à la SCI AXESTEV :
- soixante et un mille cent quinze euros 73 centimes (61. 115, 73 €) H. T, outre la T. V. A applicable et,
- celle de vingt deux mille cent cinq euros 11 centimes (22. 105, 11 €) à titre de perte de loyers et,
- la somme de trois cent quatre vingt un euros 12 centimes (381, 12 €) par mois à compter du 1er juillet 2004 jusqu' au présent jugement ;
- à Monsieur Y... et Madame B... :
- dix huit mille cinq cent trente et un euros 67 centimes (18. 531, 67 €) outre la TVA applicable sur la somme de 3. 963, 67 € ;
- à Monsieur Y... en tant que gérant de la Société PASS' PORT :
- cinquante trois mille trois cent cinquante sept euros 15 centimes (53. 357, 15 €) ;
Dit que les sommes allouées produiront des intérêts au taux légal à compter du 18 octobre 2001 et seront capitalisés conformément aux dispositions de l' article 1154 du Code civil " ;

Le tribunal relatait :

" Par acte notarié en date du 16 mars 1993, la SCI AXESTEV constituée par Monsieur Y... et Madame B..., a acquis un bien immobilier situé à EQUEMAUVILLE, le Bourg, moyennant le prix de 450. 000 FF financé par un emprunt contracté auprès du CRÉDIT MUTULE d' HONFLEUR.
Par acte du 26 mars 1993, la SCI AXESTEV a consenti à Monsieur Y... (la Société PASS' PORT) un bail portant sur un bail portant sur lesdits locaux à usage de commerce et d' habitation.

Le 23 mars 1993, les différents contrats d' assurances suivants ont été souscrits auprès des ACM :
AURORE 2000, multi- risques propriétaire, par la SCI AXESTEV,
ACAJOU PRO multi- risques commerçant, par la Société PASS' PORT,
CORAIL 2000, multi- risques habitation, par Monsieur Y....
Dans la nuit du 8 au 9 septembre 1999, l' immeuble a été ravagé par un incendie.
Les différents souscripteurs des contrats d' assurance entendent faire jouer les garanties des ACM pour obtenir l' indemnisation de leurs préjudices respectifs. "

La SA Assurance du Crédit Mutuel IARD conclut ainsi :

" INFIRMER le jugement en tout son dispositif,
Sur l' exception de nullité du rapport et des opérations d' expertise soulevée in
limine litis :
CONSTATER les violations répétées du principe du contradictoire, des droits de la défense et au- delà, la partialité dont Monsieur C... a fait preuve,
PRONONCER la nullité du rapport dressé par Monsieur C... avec toutes conséquences de droit,

Au principal
DIRE ET JUGER l' ensemble des fins, moyens et prétentions formulés par la SCI AXESTEV, les consorts Y... & B... à titre personnel et Monsieur Y... en qualité de gérant du restaurant LE PASS' PORT, radicalement irrecevables et mal fondés,
DIRE ET JUGER que la SCI AXESTEV, Monsieur Y... et Madame B... à titre personnel, et Monsieur Y... en qualité de gérant du restaurant LE PASS' PORT, ne peuvent prétendre à aucune indemnité en conséquence du caractère volontaire du sinistre commis par Monsieur Y... et / ou Madame B...,
CONDAMNER la SCI AXESTEV solidairement avec la CCM de HONFLEUR à restituer les sommes directement versées a la CCM de HONFLEUR en sa qualité de créancier hypothécaire avec intérêts légaux à compter de chaque règlement émis par la S. A. ACM lARD,
CONDAMNER la SCI AXESTEV à restituer les sommes directement perçues par elle avec intérêts légaux à compter de chaque règlement émis par la S. A. ACM IARD,
CONDAMNER solidairement Monsieur Y... et Madame B... à titre personnel, à restituer les sommes directement perçues par eux avec intérêts légaux à compter de chaque règlement émis par la SA ACM IARD,
CONDAMNER Monsieur Y... en qualité de gérant du restaurant LE PASS' PORT à restituer à la SA ACM IARD les sommes directement perçues par lui ce avec intérêts légaux à compter de chaque règlement émis par la SA ACM IARD. "

Et subsidiairement,

" DIRE et JUGER les prétentions de la SCI AXESTEV, Monsieur Y... et Madame B... radicalement excessives et mal fondées,
chiffrages préconisés par Monsieur X... du Cabinet GUILLOU, GUILLOUET et DIONISI,
DIRE ET JUGER la S. A. ACM lARD fondée à opposer ta règle proportionnelle de prime prévue à l' article L 113- 9 du Code des Assurances,
ENTERINER en conséquence le calcul des indemnités d' assurance opéré par la S. A. ACM IARD après application de l' article L 113- 9 du Code des Assurances pour le cas où ses garanties devraient être considérées comme acquises,

ORDONNER parallèlement restitution par la SCI AXESTEV, la CCM de HONFLEUR, les concubins Y... Et B... et Monsieur Y... de toutes les sommes perçues en excédent et ce, avec intérêts au taux légal à compter de chaque règlement établi par la S. A. ACM IARD sous couvert de l' exécution provisoire ordonnée par le Tribunal de Grande Instance de LISIEUX, "

Elle reproche à l' expert de n' avoir jamais répondu aux dires qui lui avaient été adressés en rapport, notamment, avec les causes de l' incendie, sinon dans son rapport définitif soit deux ans et demi après la tenue d' une seconde réunion d' expertise sur les causes, en date du 8 mars 2001, à l' issue de laquelle l' Expert judiciaire avait annoncé l' envoi d' un compte rendu et plus particulièrement, la réalisation d' une étude par son sapiteur, Monsieur E... " lesquels n' ont jamais été diffusés à quiconque, étant encore précisé, qu' aucun avis technique du sapiteur électricien de Monsieur C... ne se trouve joint au rapport déposé par l' Expert judiciaire en date du 10 novembre 2003 et par lequel il conclut à une cause d' origine électrique ", et affirme " Pour preuve des graves irrégularités dénoncées par la concluante, il suffit de se reporter à la page 25 du rapport dressé par Monsieur C... le 23 février 2003 pour constater que l' Expert observe lui- même avoir adressé aux parties en tout et pour tout :
- un pré rapport en date du 16 février 2001, établi sur la base d' un avis recueilli auprès du LCPP et dont la concluante lui faisait savoir dès le 23 février suivant qu' il devait être revu intégralement pour avoir été établi sur des pièces incomplètes qu' elle communiquait à l' Expert, demande restée sans suite comme indiqué précédemment,
- une lettre aux parties en date du 30 mai 2002 par laquelle Monsieur C... transmettrait aux parties copie d' une lettre qui lui avait été adressée le même jour par le conseil de la concluante aux fins d' obtention d' un délai supplémentaire pour pouvoir répondre au dernier dire régularisé dans l' intérêt des demandeurs.... "

Elle reproche également à l' expert de ne pas avoir non plus respecté le principe du contradictoire et le respect des droits de la défense dans l' évaluation du préjudice.

Elle estime que le tribunal a payé tribut à l' erreur en estimant que le principe du contradictoire avait été respecté en l' absence d' avis du sapiteur électricien, de diffusion de compte rendu de réunion, d' absence de réponse aux dires de M. I..., d' avoir diffusé un pré- rapport se fondant exclusivement sur les conclusions de Laboratoire central de la Préfecture de police de Paris sans tenir compte des rapports F... ainsi que des chromatogrammes en annexe et I... et d' avoir éludé le débat technique.

Elle reproche également l' absence de débat technique sur l' évaluation du préjudice.

Elle estime que l' incendie est d' origine criminelle en articulant des arguments qui seront analysés ci- après dans les motifs de la décision.

Elle conteste le chiffrage des indemnités en faisant notamment valoir que les surfaces déclarées étaient inférieures aux surfaces réelles, ce qui justifierait une diminution proportionnelle de l' indemnité.

La Caisse de crédit mutuel de Honfleur conclut à la confirmation du jugement en ce qu' il l' a mise hors de cause.

Elle reproche aux consorts G... à la SCI Axestev et à la société Pass' Port de confondre la société Assurance Crédit Mutuel IARD et la caisse de Crédit Mutuel, banque qui ne saurait être concernée par les difficultés de l' assurance mais était en droit de solliciter le règlement des prêts et les intérêts contractuellement prévus.

Les consorts G..., la SCI Axestev et la SARL Pass' Port concluent à la confirmation du jugement en ce qu' il a écarté la nullité du rapport, admis le principe de l' indemnisation sans diminution proportionnelle, mais à sa réformation sur les quantum et sur la mise hors de cause de la Caisse de crédit mutuel, en demandant sa condamnation in solidum avec la société Assurance crédit mutuel.

La SCI donne son accord au versement d' indemnités prioritaires à la banque pour sa créance privilégiée.

Ils sollicitent l' annulation des intérêts de retard à leur encontre.

Ils rappellent la publicité de la Caisse de crédit mutuel en tant que Bancassureur et son rôle dans la proposition d' assurance notamment et leur situation dramatique dans la mesure où les intérêts bancaires ont couru pendant la procédure, une procédure de saisie immobilière étant même engagée

Ils soutiennent que l' expert a respecté les contraintes procédurales, laissé chacun s' exprimer et instauré le débat technique, l' assureur lui reprochant finalement selon eux de ne pas avoir accepté ses propres conclusions.

Ils relèvent l' opinion de l' expert retenant l' hypothèse probable d' un foyer primaire dans le percolateur, sans preuve d' apport d' accélérateur (alcool à brûler).
Ils font valoir que, à supposer qu' un doute existe sur l' origine du sinistre, rien ne permettrait d' incriminer l' un d' entre eux.

Sur la règle proportionnelle, ils affirment qu' un représentant confirmé de l' assureur s' est rendu sur place, et invoquent sur ce point les attestations rejetées, que les trois polices, rédigées ensemble avec des préposés du Crédit Mutuel, formaient un tout indivisible donnant suffisamment d' informations, et font valoir le mandat apparent des préposés de la banque, ainsi que des liens entre les entreprises dans un même groupe réunies dans une même société holding, au prix d' une confusion protégeant leurs intérêts croisés.

Ils contestent aussi les métrés avancés par l' assureur.

Ils reprochent à l' assureur de ne pas avoir pris position et d' avoir laissé passer le temps.

Ils détaillent leur préjudice.

Par ordonnance du 8 janvier 2008, le juge de la mise en état en a ordonné la clôture.

Il a dit son rapport avant les plaidoiries.

La société Axestev et les consorts G... et la société Pass' Port ont été autorisés à produire en délibéré l' attestation contestée de M. H... à la seule différence qu' elle soit revêtue des mentions légales, mais à l' exclusion de toute différence de contenu, et les autres parties à formuler des observations sur cette production.

En cours de délibéré, la société ACM fait valoir que la nouvelle attestation de M. H... n' est pas la stricte reproduction de la précédente.

SUR QUOI

Attendu que les attestations de M. H... qui posent des problèmes de procédure doivent être écartées des débats, ainsi que les dernières pièces le concernant versées par la banque au dossier ;

Que, en revanche, dans la mesure où il n' est pas encore statué sur l' engagement de celle- ci, il n' y a pas à écarter ses dernières conclusions, étant observé que les développements reposant sur les pièces écartées et contestées sont sans effet ;

1) sur l' engagement de l' assureur

Attendu que l' assureur conclut à la nullité du rapport d' expertise ;

Attendu que, la police couvrant le risque incendie, c' est à l' assureur de prouver les circonstances permettant d' écarter son obligation d' indemnisation ;

qu' à supposer acquise la nullité du rapport d' expertise, l' assureur prétend établir le caractère volontaire de l' incendie aux motifs que :
- le caractère résulterait de l' analyse effectuée par le laboratoire F... qu' elle a commis et qui a décelé au droit de la poubelle sous la tireuse à bière la présence d' alcool à brûler accélérant non détonnant et donc peu dangereux pour un incendiaire
- les consorts G... ont fait des déclarations contradictoires et notamment d' abord affirmé l' absence d' alcool à brûler, M. Y... n' ayant ensuite, six semaines après devant le contrôleur anti- fraude de l' assureur, plus souhaité indiquer qu' aucun produit inflammable se trouvait sous le bar,
- ils ont même déclaré que l' ensemble des installations électriques avaient été coupé dès 15 heures puis sont revenus sur ces affirmations,
- ils ont aussi soutenu, dans un second temps qu' un produit lave vitre se trouvait à cet endroit, affirmation contredite par l' analyse de M. F...,
- ils étaient endettés et cherchaient à vendre leur commerce,
- aucune trace d' effraction n' a été trouvée par les pompiers ;

Attendu que l' assureur fait valoir que son propre technicien exclut toute origine d' ordre électrique ; qu' il s' agit de M. I... dont l' avis conclut en effet à l' absence de rôle des installations électriques, à l' éclosion du foyer primaire dans le réduit sous le distributeur de bière et à la présence d' un " accélérant ", que l' assureur affirme être de l' alcool à brûler ;

Attendu que le rapport de M. F... clos le 2 novembre1999 présente la synthèse suivante : " Nous trouvons de l' alcool à brûler en quantité notable dans l' unique échantillon analysé. Cette présence correspond à une imprégnation directe de ce liquide inflammable et en aucun cas à une contamination par vapeur ou fumée " ;

Qu' une autre synthèse de M. F... du 16 juin 2000 concerne l' analyse d' un liquide bleu et conclut que " le produit lave vitre Métro ne correspond pas à l' alcool à brûler identifié dans le prélèvement no 1 analysé en novembre 1999 " ; qu' avait été émise l' hypothèse de la présence d' un tel liquide ;

Qu' enfin, dans un courrier du 19 février 2001, M. F... commente le pré- rapport de l' expert et affirme avoir transmis les chromatogrammes dont l' expert affirmait l' absence et expliquait les modalités de traitement et notamment de dilution du liquide bleu, nécessité par la sensibilité des appareils d' analyse ;

Qu' il reconnaissait la compétence du Laboratoire central de la préfecture de police de Paris, mais refusait d' en commenter le rapport qui ne lui avait pas été transmis, tout en relevant les effets de l' évaporation sur l' échantillon transmis à ce laboratoire, dont les analyses étaient intervenues un an après le prélèvement ;

Attendu que la cour retient que les analyses du Professeur F... montrent la présence d' alcool à brûler dans les échantillons analysés ;

Que la cour retient également que ce produit inflammable n' est pas détonnant ce qui convient mieux à l' allumage d' un incendie ;

Que la cour constate également que les consorts G... n' ont pas initialement indiqué la présence de ce produit et que certaines de leurs déclarations allaient en sens contraire, et que les traces de liquide bleu n' ont pas été décelées ;

Que les difficultés financières des consorts G... de la SCI et de la société Pass' Port peuvent aussi être envisagées ;

Mais que la cour ne retient pas que cet ensemble de données établisse que les consorts G... ou l' un d' entre eux aient volontairement allumé l' incendie ;

Que, selon des données qui ne sont pas contestés les consorts G... dormaient avec leurs enfants dans l' appartement situé au- dessus du commerce lors de l' incendie et qu' ils sont sortis au milieu de la nuit grâce à une échelle installée par un voisin ;

Attendu en conséquence que l' assureur n' établit pas le caractère volontaire de l' incendie, et par- là la dispense d' obligation à réparation qu' il allègue ;

Qu' il doit sa garantie ;

2) sur la nullité du rapport d' expertise

Attendu cependant que la nullité du rapport d' expertise étant demandée, il faut statuer sur cette demande ;

Que l' expert a adressé un des prélèvements au laboratoire de Police scientifique de la Préfecture de police de Paris ;

Qu' il a forgé son opinion sur le contenu de ces prélèvements au vu du rapport de ce laboratoire et aussi des études de M. F... à qui l' assureur avait adressé un prélèvement ;

Qu' il a été vu que M. F... a pu répondre ;

Que si l' assureur soutient que l' expert aurait manifesté une animosité envers les conclusions de M. F..., cette formulation générale ne reprend aucun passage précis du rapport ; que si l' expert y explique qu' il ne retient pas les conclusions de M. F... et pourquoi, son propos ne dépasse pas les limites du débat ; que cette accusation tout à fait excessive ne justifie pas la nullité du rapport ;

Que de même l' expert mentionne l' avis de M. I... qui considérait qu' un " accélérant " avait joué un rôle dans le déclenchement de cet incendie ; que cet accélérant pouvait être de l' alcool à brûler ;

Que celui- ci concluait à la présence d' alcool à brûler et que son analyse a été continuée par les études scientifiques de M. F... ;

Que l' expert ne retient pas que cette présence soit établie, mais qu' il analyse précisément ces questions dans les pages 26 à 30 de son rapport ce qui constitue une réponse suffisante ;

Que la circonstance que la juridiction ne partage pas son opinion ne justifie pas la nullité du rapport ;

Attendu que si le rapport définitif n' a été établi que deux ans après la dernière réunion d' expertise, ce délai est peut- être regrettable, mais que, en soi, il ne cause pas de nullité ;

Que l' expert formule son opinion après avoir reçu les avis des divers scientifiques et que le débat technique a eu lieu ; qu' il n' était pas tenu d' organiser un nouveau débat sur ce point ;

Attendu que l' expert estime finalement que " la cause la plus probable du feu est une défaillance électrique avec pour origine le percolateur " ; mais qu' il ne propose qu' une hypothèse et se garde de toute certitude ;

Attendu que l' avis du sapiteur n' est pas présenté de manière distincte dans le rapport d' expertise en infraction à l' article 282 du Code de procédure civile ;

Que le rapport comprend des analyses sur les installations électriques et notamment la suffisance des câbles, pour retenir in fine le caractère médiocre des raccords ;

Que cependant l' avis du sapiteur électricien qui ne figure ni dans le rapport ni dans le pré- rapport n' a pas pu faire l' objet d' une discussion par les parties alors que l' expert conclut à l' hypothèse d' une défaillance électrique ;

Que cette opinion n' a donc pas pu faire l' objet d' un débat contradictoire satisfaisant alors que l' hypothèse proposée par l' expert se réfère à l' installation électrique ;

Qu' il faut, de ce chef, prononcer la nullité du rapport d' expertise ;

Attendu que les faits sont maintenant trop anciens pour qu' une nouvelle expertise technique puisse intervenir utilement ;

Attendu que la nullité du rapport d' expertise est donc dépourvue d' effet sur le principe de l' obligation à indemniser dans la mesure où l' assureur ne prouve pas de cause le dispensant de couvrir le sinistre ;

3) Sur l' indemnisation

Attendu que la responsabilité de la banque ne présente d' intérêt que dans la mesure où d' une part l' assureur ne serait pas en état d' assumer ses obligations contractuelles d' autre part la responsabilité de la banque reposerait sur un autre fondement que l' obligation d' assurance ; que cette question doit donc être réservée ;

Attendu que, l' assureur n' établissant pas le caractère volontaire du dommage, ni aucune autre cause le dispensant de son obligation d' indemnisation, il devait une indemnisation au moins provisionnelle dans un délai bref après al survenance du dommage ;

Que, en n' assumant pas cette obligation en son temps, il engage sa responsabilité, sans qu' il soit besoin de rechercher si une faute supplémentaire est caractérisée ; que simplement, il n' a pas satisfait à son obligation contractuelle alors que sa résistance s' avère finalement injustifiée ;

Attendu que, dans ces conditions, il est mal venu de vouloir limiter la réparation par application d' un coefficient de vétusté au motif que l' indemnité en valeur à neuf est limitée à l' hypothèse d' une reconstruction dans les deux années du sinistre ;

Qu' il est aussi mal venu de faire valoir l' obligation de remplacer le mobilier dans le délai de deux ans ;

Attendu de même que la société AXESTEV avait souscrit une garantie perte de loyer limitée à une année ;

Mais que, outre la perte de loyer garantie, l' assureur doit la perte de loyer résultant de l' irrespect de son obligation ;

Que le même raisonnement doit être appliqué à la perte d' exploitation ;

Attendu également que l' impécuniosité dans laquelle l' assureur a laissé les assurés a empêché les paiements des crédits et provoqué l' attitude de la banque qui a entamé les procédures correspondantes ;

Que l' assureur doit donc assumer les conséquences de son inexécution de ce point de vue également ;

Attendu que l' assureur soutient également que l' indemnité doit être réduite en application d' une règle proportionnelle dans la mesure où les surfaces déclarées étaient inexactes : la SCI AXESTEV a souscrit une assurance pour 200 m ² au lieu de 324, 55 et M. Y... assuré son exploitation commerciale pour 160 m ² au lieu de 200, sans indiquer que le local commercial occupait plus du quart de la surface totale ;

Attendu que sur le contrat Acajou Pro, souscrit le 18 avril 1993 multirisques commerçant, est mentionnée une surface de 160 m ² ;

Que le contrat Corail 2000, souscrit le 25 mars 1993 multirisques habitation comporte sept pièces et des dépendances contiguës dont la surface développée totale dépasse 50 m ² ;

Qu' enfin, le contrat Aurore 2000, souscrit le 4 mars 1993 par la SCI Axestev pour l' ensemble mentionne une surface de 200 m ² ;

Que 200- 160 = 40 ;

Que l' ensemble, souscrit auprès du même assureur suppose que le logement de sept pièces, outre des dépendances contiguës de 50 m ² soient contenus dans un espace de 40 m ² ;

Attendu que l' assureur savait donc dès le 18 avril 1993 l' incohérences des surfaces déclarées ; que cette incohérence est établie même par la seule existence du logement de sept pièces ;

Que, dans ces conditions, les assurés peuvent faire valoir la clause figurant à l' article 1 des Conditions Générales des contrats Acajou Pro, Corail, et Aurore : " la règle proportionnelle prévue à l' article L 121- 5 du Code n' est pas applicable à la présente assurance ", le contrat Aurore précisant " cela signifie que l' indemnité en cas de sinistre n' est pas réduite en cas d' insuffisance d' assurance " ;

Qu' en effet, l' incohérence des chiffres montre que l' assurance n' était pas conditionnée par les surfaces ;

Que, sans qu' il soit besoin de prendre en compte l' attestation de M. H..., ces données suffisent pour écarter la règle proportionnelle alléguée par l' assureur les assurés faisant valoir avec juste raison que n' était pas démontré le lien entre le montant de la prime et les surfaces ;

4) sur les évaluations

Attendu que les parties se livrent à une bataille de chiffre sans analyse détaillée des travaux nécessaires et des arguments fondant les différences de chiffrages ;

Que l' étude est d' autant plus compliquée que les pièces sont classées dans les cotes selon la pensée de leur auteur qui ne correspond pas nécessairement à la logique de la juridiction ;

Qu' en outre le pré- rapport d' expertise ne mentionne aucun chiffrage et n' évoque les réparations que dans des termes généraux, sans aucune précision des travaux à réaliser ;

Que la juridiction n' est pas mise en mesure de déterminer ni même d' approcher les montants des réparations nécessaires ;

Qu' il en est de même du préjudice économique ;

Qu' eu égard aux versements opérés en vertu du jugement de première instance, on peut prendre le temps nécessaire à une approche sérieuse de dommages ;

Qu' il faut ordonner une nouvelle mesure d' instruction ;

Attendu qu' eu égard à l' ancienneté du litige les parties doivent être en mesure d' adresser aux experts les pièces nécessaires aux chiffrages sans attendre que celui- ci les réclame ;

Attendu que ce sont les consorts G..., la SARL Pass' port et la SCI Axestev qui ont intérêt à ce que les préjudices soient fixés ; qu' ils doivent supporter la consignation ;

PAR CES MOTIFS

statuant contradictoirement

Ecarte des débats les attestations de M. H... et les pièces déposées par la Caisse de crédit mutuel de Honfleur le 26 décembre 2007,

Dit n' y avoir lieu à rejet de ses dernières conclusions,

Annule le rapport d' expertise de M. C... en raison de l' absence d' avis du sapiteur électricien dans le rapport et dans le pré- rapport,

Dit que cette annulation n' a pas d' effet sur l' obligation de la société Assurances du Crédit Mutuel,

Dit que la société de Crédit Mutuel doit réparation de l' incendie et de ses conséquences à la SCI et aux consorts G...,

Dit que la société Assurance du Crédit Mutuel doit également réparation du retard d' indemnisation, notamment de tous les intérêts de retard et de tous les frais engendrés par les poursuites par la caisse de Crédit Mutuel sans que ses soupçons sur le caractère volontaire de l' incendie l' en dispensent,

Dit que la Société Assurance du Crédit Mutuel ne peut pas se prévaloir de l' absence de reconstruction ou de remplacement pour affecter sa dette d' un coefficient de vétusté,

Dit qu' elle ne peut pas se prévaloir non plus de l' inexactitude des déclarations de surface ;

Ordonne une expertise sur les dommages immobiliers et commet M. Daniel J..., ... pour y procéder avec mission de :
Se rendre sur les lieux,

Prendre connaissance des pièces,

Dresser la liste des travaux à réaliser et si certains l' ont été depuis, les décrire ;

Proposer un chiffrage en tenant compte des avis donnés par les parties ;

Dit que chacune des parties devra adresser à l' expert, dans les trois mois de la présente décision, la liste précise et justifiée des travaux à réaliser selon elle ou de ceux réalisés et leur chiffrage également justifié ; dit que si l' assureur entend faire valoir une cause de diminution notamment en raison de la vétusté dans la mesure où la présente décision ne l' a pas tranchée, il devra indiquer quelle clause précise de quel contrat il invoque et expliciter si calcul ; dit que si le contrat prévoir une valeur d' usage chacune des parties devra à l' intérieur du même délai, expliciter comment il retient la valeur annoncée,

Dit que si une des parties ne fournit pas les éléments demandés dans le délai ci- dessus, l' expert passera outre,

Dit que l' expert devra indiquer les raisons pour lesquels il retient les types de travaux et les évaluations objets de contestations,

Dit que l' expert devra adresser un pré rapport en laissant aux parties un délai de quinze jours pour adresser leurs observations, lesquelles ne pourront pas consister en l' envoi de pièces ou en explications qui auraient dû être adressées dans le délai de trois mois ci- dessus,

Ordonne une expertise sur la perte d' exploitation et en la perte de valeur du fonds et commet M. Gérard K..., Le Trifide,... pour y procéder avec mission de :

prendre connaissance du dossier et des pièces, notamment des pièces comptables,

déterminer les résultats de l' exploitation antérieure,

rechercher, notamment au regard de l' évolution des commerces de même type dans la région et de caractéristiques du commerce considéré quelle évolution prévisible peut être retenue si l' exploitation avait pu continuer et quels profits il pouvait procurer,

rechercher quelles charges ont perduré après l' incendie et quelles charges notamment d' emprunt et de contentieux les consorts G... et la SCI ont continué à supporter,

déterminer la valeur du fonds au moment de l' incendie,

rechercher si le fonds conserve cette valeur et si cette valeur a diminué depuis notamment en raison du défaut d' exploitation,

contradictoirement, procéder à toutes investigations utiles pour déterminer les dommages économiques immatériels générés par l' incendie et le retard de l' indemnisation,

Dit que l' expert n' aura pas à analyser les éventuels préjudices moraux allégués,

Dit que l' expert devra adresser un pré rapport en laissant aux parties un délai de quinze jours pour adresser leurs observations, lesquelles ne pourront pas consister en l' envoi de pièces ou en explications qui auraient dû être adressées dans le délai de trois mois ci- dessus,

Fixe à 2. 000 (2 x 1. 000) € la consignation que devront opérer la SCI AXESTEV, M. Y... et Mme Z... solidairement au Greffe de cette Cour, par chèque à l' ordre de Monsieur le Régisseur d' avances et de recettes, avant le 7 avril 2008, à titre de provision sur les frais et honoraires des experts ;

Dit qu' à défaut de consignation dans le délai imparti, la désignation des experts sera caduque ;

Dit que les experts devront déposer leur rapport au greffe de la Cour dans le délai de quatre mois de leur saisine ;

Commet le magistrat de la mise en état de la première chambre de la Cour pour surveiller les opérations d' expertise ;

Dit qu' en cas d' empêchement de l' expert commis, il sera pourvu à son remplacement par ordonnance de ce magistrat rendue sur simple requête ou même d' office ;

Invite les parties, lors de la réouverture des débats, à présenter les pièces dans l' ordre numérique croissant de leurs bordereaux.

Réserve les dépens et les autres demandes,

LE GREFFIERLE PRESIDENT

C. GALANDJ. BOYER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Numéro d'arrêt : 06/01264
Date de la décision : 04/03/2008
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Lisieux


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-03-04;06.01264 ?
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