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21/02/2008 | FRANCE | N°06/01952

France | France, Cour d'appel de Caen, 21 février 2008, 06/01952


AFFAIRE : N RG 06 / 01952
Code Aff. :
ARRÊT N
MH NP




ORIGINE : DECISION en date du 12 Mai 2006 du Tribunal de Grande Instance de LISIEUX-RG no 04 / 1692




COUR D'APPEL DE CAEN
PREMIÈRE CHAMBRE-SECTION CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 21 FEVRIER 2008






APPELANTE :


LA SCI LES DAUPHINS
Lee Papet au delà le Pont
05130 SIGOYER
prise en la personne de son représentant légal


représentée par la SCP GRANDSARD DELCOURT, avoués
assistée de Me Patrick QUIBEL, avocat au barreau

de NANTERRE








INTIMEE :


Madame Françoise Z...


...

14390 VARAVILLE


représentée par la SCP GRAMMAGNAC-YGOUF BALAVOINE LEVASSEUR, avoués
...

AFFAIRE : N RG 06 / 01952
Code Aff. :
ARRÊT N
MH NP

ORIGINE : DECISION en date du 12 Mai 2006 du Tribunal de Grande Instance de LISIEUX-RG no 04 / 1692

COUR D'APPEL DE CAEN
PREMIÈRE CHAMBRE-SECTION CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 21 FEVRIER 2008

APPELANTE :

LA SCI LES DAUPHINS
Lee Papet au delà le Pont
05130 SIGOYER
prise en la personne de son représentant légal

représentée par la SCP GRANDSARD DELCOURT, avoués
assistée de Me Patrick QUIBEL, avocat au barreau de NANTERRE

INTIMEE :

Madame Françoise Z...

...

14390 VARAVILLE

représentée par la SCP GRAMMAGNAC-YGOUF BALAVOINE LEVASSEUR, avoués
assistée de Me Samuel CHEVRET, avocat au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame HOLMAN, Conseiller, faisant fonction de Président, rédacteur,
Madame BOISSEL DOMBREVAL, Conseiller,
Mme VALLANSAN, Conseiller,

DÉBATS : A l'audience publique du 17 Janvier 2008

GREFFIER : Mme LE GALL, greffier

ARRÊT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 21 Février 2008 et signé par Madame HOLMAN, Conseiller, faisant fonction de Président, et Mme LE GALL, Greffier

La SCI LES DAUPHINS a interjeté appel du jugement rendu le 12 mai 2006 par le Tribunal de Grande Instance de LISIEUX dans un litige l'opposant à Mme Françoise Z....

* *
*

Par acte sous seing privé du 12 novembre 1998, Mme B... a donné à bail à Mme Z... des locaux à usage commercial situés 130 Boulevard Fernand Moureaux à TROUVILLE SUR MER, et ce pour une durée de vingt trois mois commençant à courir le 1er janvier 1999 et expirant le 30 novembre 2000.

Par acte sous seing privé du 2 décembre 2000 à effet du 1er décembre 2000 les parties ont conclu un nouveau bail de vingt trois mois relatif à l'occupation des mêmes locaux, expirant le 30 octobre 2002, puis par acte authentique du 31 octobre 2002 un bail de vingt quatre mois à compter de cette date.

Le 23 mars 2003, la SCI LES DAUPHINS a acquis des époux B... les locaux litigieux.

Par acte sous seing privé daté du 2 novembre 2004, la SCI LES DAUPHINS et Mme Z... ont conclu un bail d'une durée d'un mois à compter de la signature de l'acte, puis par acte sous seing privé du 29 novembre 2004 un bail d'une durée de deux mois à compter du 2 décembre 2004.

Par acte du 1er décembre 2004, Mme Z... a fait citer la SCI LES DAUPHINS devant le Tribunal afin de se voir reconnaître le bénéfice de la propriété commerciale, et de voir condamner la SCI LES DAUPHINS à établir un bail commercial à compter du 2 décembre 2000, subsidiairement du 31 octobre 2002, au loyer figurant sur le bail retenu pour fixer l'origine des relations contractuelles, outre paiement d'une somme de 3. 000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La SCI LES DAUPHINS a formé des demandes reconventionnelles et par le jugement déféré, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal l'a condamnée à établir un bail conforme au statut des baux commerciaux et à effet du 30 novembre 2004 et au loyer mensuel de 1. 914, 44 € toutes taxes comprises dans le délai d'un mois à compter du jugement, a rejeté les demandes reconventionnelles et condamné la SCI LES DAUPHINS à payer à Mme Z... la somme de 2. 000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Vu les écritures signifiées :

* le 14 décembre 2007 par la SCI LES DAUPHINS qui conclut à l'infirmation du jugement et sollicite l'expulsion de Mme Z..., la fixation d'une indemnité d'occupation mensuelle de 2. 500 € à compter du 2 février 2005,

subsidiairement sollicite une expertise aux fins de fixation du loyer et demande paiement d'une somme de 3. 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

* le 7 janvier 2008 par Mme Z... qui conclut à la réformation du jugement en ses dispositions relatives au point de départ du bail, qu'elle demande de voir fixer au 2 décembre 2000, subsidiairement au 31 octobre 2002, très subsidiairement au 31 octobre 2004, à la confirmation du jugement en ses autres dispositions, sauf à assortir d'une astreinte de 50 € par jour de retard l'obligation d'établir un bail commercial, et demande paiement d'une somme de 4. 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

* *
*

I Sur la propriété commerciale

Aux termes de l'article L 145-5 du code de commerce :

" Les parties peuvent lors de l'entrée dans les lieux du preneur déroger aux dispositions du présent chapitre à la condition que le bail soit conclu pour une durée au plus égale à deux ans.

Si à l'expiration de cette durée le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par les dispositions du présent chapitre.

Il en est de même en cas de renouvellement exprès du bail ou de conclusion sur les mêmes parties d'un nouveau bail pour le même local ".

Après l'expiration d'un premier bail dérogatoire, le preneur peut renoncer expressément au statut des baux commerciaux et signer un nouveau bail dérogatoire.

Mais une renonciation au bénéfice de ce statut faite par le preneur antérieurement à l'échéance contractuelle du bail dérogatoire originaire est nulle, le preneur n'ayant alors aucun droit acquis.

En l'espèce, le premier bail signé le 12 novembre 1998, prévoyait de manière claire et précise que si les parties signaient un nouveau bail pour le même local, celui-ci serait régi par les dispositions du décret du 30 septembre 1953, puisqu'il était précisé :

" Les parties sont informées qu'en cas de renouvellement exprès du bail à l'expiration de la durée stipulée au présent contrat, ou en cas de conclusion d'un nouveau bail entre les parties et pour le même local, le nouveau bail soit régi par le décret no 53-960 du 30 septembre 1953 qui entraîne la propriété commerciale pour le preneur ".

Cette clause ne constituait qu'un rappel des dispositions légales applicables, et pour les motifs ci-dessus exposés, toute clause de renonciation anticipée du preneur au bénéfice du statut, à l'expiration du bail, insérée dans l'acte aurait été nulle.

Dès lors, il n'existe aucune contradiction entre cette clause et la mention contenue dans l'acte du 2 décembre 2000, aux termes de laquelle Mme Z..., qui à cette date avait un droit acquis au bénéfice du statut, a expressément et de manière non équivoque déclaré y renoncer pour le nouveau bail conclu entre les parties.

Il en est de même des mentions identiques figurant dans l'acte du 2 décembre 2000 et dans celui du 31 octobre 2002.

Cependant, dans ce dernier acte, la clause intitulée " renonciation expresse à la propriété commerciale " (p 3), aux termes de laquelle " le preneur reconnaît expressément, conformément aux dispositions de l'article 3-2 du décret du 30 septembre 1953, que la présente location ne peut lui conférer un droit quelconque à la propriété commerciale. Le présent bail précaire n'est donc en aucun cas renouvelable par tacite reconduction et il expirera impérativement le 31 août 2004, le preneur renonçant expressément à demander la propriété commerciale ", doit être réputée non écrite comme constituant une renonciation anticipée au statut des baux commerciaux à l'expiration du contrat, étant précisé surabondamment que la date du 31 août est erronée, puisque le bail expirait en réalité le 31 octobre 2004.

Néanmoins, cette clause n'est pas contradictoire avec celle ci-dessus visée, incluse dans le même acte, portant renonciation du preneur au bénéfice du statut pour le bail en cours, dont la validité demeure donc incontestable.

Par ailleurs il n'est produit aucune pièce de nature à démontrer, comme prétendu par le preneur, que la seule signature de baux successifs serait constitutive d'une fraude.

Par contre, il résulte des courriers versés aux débats que dès le 5 mai 2004, soit avant l'expiration du bail du 31 octobre 2002, Mme Z... a sollicité la conclusion, à l'issue de ce bail, d'un bail de neuf ans soumis au statut des baux commerciaux.

Le 7 septembre 2004, la SCI LES DAUPHINS lui a soumis une offre valable un mois et ne valant, selon ses propres termes, que comme " déclaration d'intention " d'un bail d'une durée de dix ans à compter du 1er novembre 2004 avec indemnité d'entrée d'un montant de 105. 000 € hors taxes.

Le 13 septembre 2004, Mme Z... a répondu qu'elle était vivement intéressée par cette proposition, mais indiqué que le délai trop court ne lui permettait pas d'établir un dossier, et a sollicité le " renouvellement d'un bail précaire de vingt quatre mois " qui lui donnerait le temps nécessaire auprès de sa banque, pour mener à bien la proposition. Toute renonciation anticipée étant nulle, cet écrit ne peut être considéré comme valant renonciation au statut à l'expiration du bail.

Cependant, Mme Z... a retourné l'écrit au bailleur avec la mention " bon pour accord condition suspensive de l'octroi du financement de l'indemnité d'entrée ".

Le 6 octobre 2004, le bailleur a réitéré son offre valable dix jours et donné son accord pour le règlement en deux échéances de l'indemnité d'entrée.

Cette proposition n'a pas abouti, et Mme Z... conteste la date figurant sur le bail dérogatoire du 2 novembre 2004, affirmant que cet acte a en réalité été signé le 21 octobre.

Elle produit aux débats des attestations précises et concordantes, émanant de ses vendeurs,-qui relatent que le 21 octobre 2004, le gérant de la SCI cherchait Mme Z..., qui se trouvait dans son autre magasin situé 80 Quai Fernand Moureaux, car le bail devait être signé le jour même-, la copie de son agenda de l'époque, dont la disposition des mentions démontre qu'elles n'ont pas été ultérieurement rajoutées pour les besoins de la cause, mais inscrites au fur et à mesure, indiquant, à la date du jeudi 21 octobre " signature du bail 15 H ", un exemplaire du bail litigieux à elle adressé par le bailleur avec un post-it ainsi libellé " important, à dater du 2 novembre 2004 ", ainsi que la copie du courrier qu'elle lui a envoyé le 25 novembre 2004-dont le bailleur ne démontre pas, ainsi qu'il le prétend, qu'il s'agirait d'un faux-à la suite de la visite effectuée par celui-ci le même jour dans son commerce aux fins de signature d'un bail de deux mois couvrant les mois de novembre et décembre, dans lequel elle précisait avoir " déjà signé le 21 octobre dernier un bail allant du 3 novembre au 3 décembre 2004 ", date non contestée par le bailleur dans son courrier en réponse du 27 novembre 2004 dans lequel il se bornait à rappeler que le bail dérogatoire avait pris effet le 2 novembre.

Enfin, elle produit un exemplaire du bail dérogatoire prenant effet le 2 décembre 2004 comportant un post-it " à dater du 2 décembre 2004 ", mais par elle signé en présence d'un huissier le 29 novembre 2004, avec la précision qu'elle signait " pour la sauvegarde de ses droits et sous la menace de fermeture immédiate de son fonds de commerce ".

Il résulte de l'ensemble de ces documents que Mme Z..., qui ne pouvait renoncer à la propriété commerciale avant le 31 octobre 2004, et dont l'intention avérée était d'en bénéficier, a signé à la date réelle du 21 octobre 2004 un bail dérogatoire qui pour les motifs ci-dessus exposés doit être déclaré nul, de même qu'est nul le bail signé le 29 novembre 2004 dans les circonstances sus-énoncées.

En conséquence, Mme Z... bénéficie du statut des baux commerciaux depuis le 1er novembre 2004 et le jugement sera réformé de ce chef.

II Sur le loyer

En application de l'article L 145-33 du code de commerce, le loyer doit être fixé à la valeur locative.

La Cour ne disposant pas en l'état d'éléments suffisants pour statuer, il y a lieu avant dire droit d'ordonner une expertise, le jugement sera réformé de ce chef et il sera sursis à l'établissement du bail commercial jusqu'au dépôt du rapport d'expertise.

III Sur l'article 700 du code de procédure civile

Succombant principalement en son appel la SCI LES DAUPHINS a contraint Mme Z... à exposer des frais irrépétibles qui seront en équité fixés à 3. 000 €.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

-Réforme le jugement en ses dispositions relatives à la date d'effet de la propriété commerciale et le montant du loyer ;

-Dit que Mme Françoise Z... bénéficie du statut des baux commerciaux depuis le 1er novembre 2004 ;

-Avant dire droit sur le montant du loyer du bail ayant commencé à courir le 1er novembre 2004, ordonne une expertise ;

-Désigne pour y procéder :

M. Jean-Luc C...

demeurant ...

14640 VILLERS SUR MER,

avec pour mission de déterminer la valeur locative des locaux situés 130 Boulevard Fernand Moureaux à TROUVILLE SUR MER conformément à l'article L 145-33 du code de commerce ;

-Dit que la SCI LES DAUPHINS consignera entre les mains du régisseur d'avances et de recettes de la Cour avant le 21 avril 2008, à valoir sur la rémunération de l'expert, la somme de 1. 200 € ;

-Dit que l'expert devra déposer son rapport au greffe de la Cour avant le 30 juin 2008 ;

-Désigne Mme HOLMAN, Conseiller, à l'effet de surveiller les opérations d'expertise ;

-Dit que le dossier sera renvoyé à la conférence de mise en état du Mercredi 15 octobre 2008 à 9 h 30 ;

-Sursoit à statuer sur l'établissement du bail commercial jusqu'au dépôt du rapport d'expertise ;

-Confirme le jugement en ses autres dispositions ;

Y additant,

-Condamne la SCI LES DAUPHINS à payer à Mme Z... la somme de 3. 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

-Condamne la SCI LES DAUPHINS aux dépens liquidés à ce jour, qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

N. LE GALLM. HOLMAN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Numéro d'arrêt : 06/01952
Date de la décision : 21/02/2008
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Lisieux


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-02-21;06.01952 ?
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