AFFAIRE : N RG 06 / 03359
Code Aff. :
ARRET N
J B C G
ORIGINE : Jugement du Tribunal de Grande Instance de GUINGAMP en date du 07 Octobre 1998
Arrêt de la Cour d' Appel de RENNES en date du 11 OCTOBRE 2000
Arrêt de la Cour de Cassation en date du 27 JANVIER 2004
Arrêt de la Cour d' Appel de RENNES en date du 20 MAI 2005
Arrêt de la Cour de Cassation en date du 26 SEPTEMBRE 2006
COUR D' APPEL DE CAEN
RENVOI DE CASSATION
ARRET DU 19 FEVRIER 2008
APPELANTS :
Le GAEC DE PEN AR STANG
lieudit "Guirec" 22300 PLOUBEZRE
pris en la personne de son représentant légal
Monsieur Jean François X...
...
représentés par la SCP PARROT LECHEVALLIER ROUSSEAU, avoués
assisté de Me LE BLANC, avocat au barreau de SAINT BRIEUC
INTIMEE :
La COOPERATIVE DU TRIEUX
Pont Ezer 22200 GUINGAMP
prise en la personne de son représentant légal
La société UNICOPA (DEPARTEMENT PRODUITS LAITIERS)
Bellevue SAINT AGATHON BP 68
22202 GUINGAMP CEDEX
prise en la personne de son représentant légal
représentées par la SCP MOSQUET MIALON D' OLIVEIRA LECONTE, avoués
assistée de la SCP GUEGUEN BRULE COURTOIS MORVAN POLIVET, avocats au barreau de GUINGAMP
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
M. BOYER, Président de Chambre, rédacteur
Mme CHERBONNEL, Conseiller
Mme ODY, Conseiller
DEBATS : A l' audience publique du 18 Décembre 2007
GREFFIER : Madame GALAND, Greffier
ARRET prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 19 Février 2008 et signé par M. BOYER, Président de Chambre, et Madame GALAND, Greffier
Par jugement du 7 octobre 1998, le tribunal de grande instance de Guingamp a statué ainsi :
" Déboute Monsieur X... et le GAEC de PEN AR STANG de toutes leurs demandes ;
Rejette en l' état la demande reconventionnelle des COOPERATIVES ; "
Le tribunal relatait :
" En 1985, Monsieur Jean- François X... a créé avec son frère Yves le GAEC de. PEN AR STANG à PLOUBEZRE ; afin de bénéficier des prérogatives liées au statut de jeune agriculteur, il avait fait réaliser une étude pré- prévisionnelle d' installation (EPI) sur la base d' un quota de production laitière de 480. 000 litres à 500. 000 litres à compter du deuxième exercice ;
Dans le cadre d' une demande d' aide à l' installation le Directeur Départemental de l' Agriculture et de la Forêt lui a notifié le 5 juin 1985 la décision de la Commission Mixte Départementale de lui allouer un droit à produire 400. 000 litres de lait par an lui précisant que l' avis définitif sur les aides à l' installation ne pourrait être donné qu' après réalisation de l' étude prévisionnelle sur cette base ;
Par courrier du 6 juin 1985, Monsieur X... a sollicité de la Commission Mixte une révision de sa position ;
Le 23 juillet 1985, et sur avis du 9 juillet 1985 de la Commission Mixte, le Commissaire de la République lui a notifié un accord de principe pour l' octroi de la dotation d' installation des jeunes agriculteurs dont le montant restait à déterminer ; ce document comportait la mention suivante : référence laitière maximale 400. 000 litres ;
Le 10 septembre 1985, sur nouvel avis de la Commission Mixte en date du 29 août 1985, cette décision lui était confirmée, la référence laitière étant portée la première année à 440. 000 litres et la deuxième année à 450. 000 litres ;
Par courrier du 24 octobre 1986, le Préfet des Côtes d' Armor informait Monsieur X... que pour divers motifs et notamment le fait que l' acquisition de terres, prévue à concurrence de 13 hectares dans l' E. P. I., n' avait été que de trois hectares il avait décidé de retenir les propositions de la Commission Mixte à nouveau réunie le 14 octobre 1986, et de ramener la quantité de référence du GAEC à 375. 000 litres ;
Monsieur X... a contesté cette décision devant le Tribunal Administratif de RENNES qui a rejeté son recours ;
Toutefois le Conseil d' Etat, par arrêt du 10 février 1995, a annulé le jugement du Tribunal Administratif et la décision du 24 octobre 1986 au motif que le Préfet n' avait pas compétence pour déterminer les quantités de référence ;
Par lettre du 11 mars 1995, Monsieur X... saisissait son acheteur de lait la COOPERATIVE LAITIERE DU TRIEUX UNICOPA revendiquant la fixation de la référence du GAEC à 475. 851 litres pour tenir compte de la décision du 10 septembre 1985 (450. 000 litres) et d' une location de terre entraînant transfert de quotas ; une réponse d' attente lui était adressée le 28 avril 1995 par UNICOPA ;
Le 9 avril 1995, la D. D A. F. (Direction Départementale de l' Agriculture et de la Forêt) des Cotes d' Armor notifiait à Monsieur X... l' agrément de son dossier d' aides à l' installation avec un objectif de production laitière de 400. 000 litres ; Il formait un recours hiérarchique auprès du Ministère de l' Agriculture le 15 septembre 1995 ;
Le 6 novembre 1995, celui- ci estimait que l' objectif final de 450. 000 litres devait être retenu comme base pour déterminer le niveau du quota et compte tenu de la réglementation en vigueur, il estimait que le quota devait s' établir à 411. 750 litres.
Le 6 janvier 1996, Monsieur X... a formé un recours en annulation contre la décision du Préfet des Cotes d' Armor et celle (du) Ministère de l' Agriculture en soutenant qu' elles sont toutes deux illégales comme violant la règle des droits acquis avant le 24 octobre 1986 et contestant au Préfet compétence pour notifier tant les objectifs de production que les quantités de référence ;
Par ordonnance du 12 juillet 1995, le Juge des Référés du Tribunal de Grande Instance de GUINGAMP avait par ailleurs condamné la COOPERATIVE DU TRIEUX à payer à Monsieur X... et au GAEC de PEN AR STANG, à titre de provision, diverses sommes représentant des pénalités acquittées sur la base de la décision du 24 octobre 1986 annulée par le Conseil d' Etat et avait suspendu le recouvrement des pénalités dans l' attente de la décision du Juge du fond ; ces sommes ont été payées par la COOPERATIVE DU TRIEUX ;
Par acte d' huissier en date du 23 février 1996. Monsieur Jean- François X... et le GAEC de PEN AR STANG ont assigné la COOPERATIVE DU TRIEUX et la Société UNICOPA devant le Tribunal de Grande Instance de GUINGAMP pour voir :
- dire que le quota laitier dont dispose le GAEC DE PEN AR STANG était de 450. 000 litres de lait au 10 juin 1985 et qu' à ce jour, compte tenu des deux transferts intervenus il s' élève à 493. 559 litres ;
- condamner solidairement la COOPERATIVE DU TRIEUX et UNICOPA du fait de leur attitude fautive à réparer le préjudice subi par le GAEC ;
- ordonner une expertise comptable pour déterminer ce préjudice ; "
Postérieurement au jugement du tribunal de grande instance de Guingamp, par jugement du 6 octobre 1999, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du préfet du 9 août 1999 et celle du ministre du 6 novembre 1995.
Par arrêt du 11 octobre 2000, la cour d' appel de Rennes a :
- réformé le jugement déféré dans la limite de l' appel interjeté par M. X... et le GAEC de Pen Ar Stang..
- statuant à nouveau, déclaré les Sociétés Coopérative du Trieux et Unicopa responsables contractuellement des conséquences dommageables de la non attribution définitive des références laitières de 440. 000 litres puis 450. 000 litres évoquées dans l' arrêté préfectoral du 10 septembre 1985 et dans l' attestation du 20 septembre 1985 délivrée par M. A... et valant notification de quota laitier,
- condamné en conséquence la Coopérative du Trieux et la société Unicopa à payer au GAEC de Pen Ar Stang et à M. Jean- François X... :
* 1. 232. 453 F à titre de dommages- intérêts avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt par application de l' article 1153- 1 § 2 du Code civil
* 20. 000 F par application de l' article 700 du Code de procédure civile
- dit et jugé que les sociétés Coopérative du Trieux et Unicopa devront prendre en considération les arrêtés du 10 septembre 1985 et jugement du 6 octobre 1999 pour définir les références laitières du GAEC de Pen Ar Stang soit le quota de base de 450. 000 litres augmenté des quotas complémentaires de 24. 716 litres et 18. 743 litres découlant des décisions de transfert subséquentes en date des 26 août 1987 et 31 octobre 1995, sauf à appliquer sur cette assiette la réglementation en vigueur au cours des campagnes laitières successives courues depuis cette date,
- décerné acte à Monsieur Jean- François X... et au GAEC de Pen Ar Stang de leurs réserves de solliciter ultérieurement la réparation du dommage subi entre le 1er novembre 1995 et ce jour,
- débouté la Coopérative du Trieux et la société Unicopa de leur demande fondée sur l' article 700 du Code de procédure civile,
- décerné acte aux sociétés Coopérative du Trieux et Unicopa de ce qu' elles se désistent de leur appel du jugement, notamment, en ce qu' il en ressort qu' elles sont déboutées " en l' état " de leur demande reconventionnelle.... tendant au paiement de la somme de 132. 198, 35 F (cent trente deux mille cent, quatre vingt dix huit francs trente cinq centimes), montant des pénalités restituées avec intérêts en exécution de l' ordonnance de référé du 12 juin 1995,
- déclaré ce désistement parfait.
Par arrêt du 27 janvier 2004 la Cour de cassation (1ère chambre civile) a :
- cassé et annulé, mais seulement en ce qu' il a retenu la responsabilité contractuelle des sociétés Coopératives du Trieux et Unicopa, et les a condamnées au paiement de dommages- intérêts, l' arrêt rendu le 11 octobre 2000, entre les parties par la Cour d' appel de Rennes, et renvoyé l' affaire devant cette cour autrement composée.
Par arrêt du 20 mai 2005, la cour d' appel de Rennes a débouté M. X... et le GAEC de Pen Ar Stang de leurs demandes à l' encontre de la société coopérative du Trieux et de la société Unicopa- département produits laitiers.
Cet arrêt retenait que " le devoir d' assistance et de conseil auquel sont tenues les coopératives laitières envers leurs membres, trouve ses limites dans la présomption de légalité qui s' attache aux actes administratifs " ;
Cette décision a été cassée par arrêt du 26 septembre 2006 au visa de l' article 455 du code procédure civile, alors nouveau, au motif " qu' en se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. Jean- François X... et du G. A. E. C. (de Pen Ar Stang) qui distinguaient plusieurs phases dont certaines correspondaient à des périodes durant lesquelles aucune des décisions administratives litigieuses ensuite annulées n' étaient en vigueur, la cour d' appel n' a pas satisfait aux exigences du texte susvisé " ;
La Cour de cassation a renvoyé l' affaire devant la présente cour.
Le GAEC de Pen Ar Stang et M. J. F. Goaziou demandent à la cour de :
" 1o) Réformer le jugement du Tribunal de Grande Instance de GUINGAMP du 7 octobre 1998 dans toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
2o) Dire et juger que la Société UNICOPA et la Société Coopérative du Trieux ont commis des fautes d' abstention propres à leur statut Coopératif qui ont engagé leur responsabilité à l' égard de M. Jean François X... et du GAEC de PEN AR STANG, en n' exécutant pas leurs obligations de moyens.
3o) Dire et juger que la Société UNICOPA et la Société Coopérative du Trieux sont responsables de n' avoir pas satisfait aux engagements contractuels du 10 juin 1985, ainsi qu' aux obligations légales et réglementaires attachées à leur qualité d' acheteur de lait.
En conséquence,
4o) Condamner la Société UNICOPA et la COOPERATIVE DU TRIEUX à indemniser le préjudice subi dans les termes de l' étude du CER qui a actualisé le préjudice au mois de janvier 2007.
5o) Les condamner ainsi à payer à M. Jean François X... et du GAEC de PEN AR STANG, la somme de 282 763 €, soit 283, 10 € / 1 000 litres.
6o) Leur décerner acte du règlement de la somme de 187. 866 € laissant ainsi un solde en faveur de Monsieur Jean François X... et du GAEC de PEN AR ST ANG d' un montant de 94 897 € outre les intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2007, jusqu' à parfait paiement avec capitalisation dans les conditions de l' article 1154 du Code Civil.
7o) Condamner la Société UNICOPA et la COOPERATIVE DU TRIEUX à payer la somme de 21. 000, 00 € au titre du préjudice moral, majorés des intérêts au taux légal à compter de l' arrêt à intervenir, avec capitalisation dans les conditions de l' article 1154 du Code Civil.
8o) Subsidiairement, désigner tel Expert qu' il plaira à la Cour de missionner aux fins de donner son avis sur le préjudice économique, financier et moral subi par le GAEC DE PEN AR STANG. "
Ils distinguent plusieurs périodes :
1ère période : de juin 1985, date de l' attestation de collecte de la Coopérative, au 24 octobre 1986, date de l' arrêté préfectoral annulé.
2ème période : du 24 octobre 1986 au 10 février 1995, période objet de l' annulation par le Conseil d' Etat..
3ème période : 10 février 1995 au 9 août 1995, date de la nouvelle décision illégale de l' administration.
4ème période : août 1995 à octobre 1999, date de l' annulation par le Tribunal Administratif de RENNES de la décision du Préfet d' août 1995.
5ème période : 6 octobre 1999 au jour de l' arrêt à intervenir, en référence au courrier de la laiterie indiquant qu' elle sera conforme à l' arrêt de la Cour d' Appel de RENNES d' octobre 2000.
Ils estiment que ce n' est pas tant la décision administrative du 24 octobre 1986 ou celle de l' arrêt du Conseil d' Etat de février 1995 qui a empêché la Laiterie UNICOPA et la Coopérative du Trieux d' exercer leurs prérogatives conférées par le décret du 17 juillet 1984 mais le fait d' avoir laissé « initialement » la Direction Départementale de l' Agriculture s' arroger les pouvoirs qui leur étaient conférés en tant qu' acheteurs de lait sans agir pour donner « force » à la loi, alors même que la décision du 1 0 septembre 1985 trouvait à s' appliquer de façon définitive depuis le 1 er novembre 1985.
Ils rappellent la primauté du droit communautaire sur les réglementations internes, et la mise en oeuvre de cette réglementation par le décret du 17 juillet 1984 obligeant les acheteurs de lait à fixer les quantités de référence et les quantités de référence supplémentaire des producteurs notamment pour les jeunes agriculteurs ainsi que par l' arrêté du 10 juillet 1985.
Ils font aussi valoir la décision prise par le commissaire de la République du 10 septembre 1985 allouant au G. A. E. C. de Pen Ar Stang 440. 000 litres la première année et 450. 000 la seconde.
Ils font remarquer l' impossibilité dans laquelle ils se sont trouvés de reconstituer a posteriori le cheptel après que les arrêts ont été annulés et estiment que si les acheteurs avaient alors mis en oeuvre ces quantités, la D. D. A. F. n' aurait pas ensuite pris la décision qui leur a fait grief et qui a été ultérieurement annulée.
Pour les périodes où aucune décision administrative ne décidait de production de référence inférieure à celle de 440. 000 puis 450. 000 litres annuels, ils reprochent aux acheteurs de ne pas avoir rempli leurs obligations contractuelles et réglementaires, pour les autres, de ne pas avoir mis en oeuvre les procédures ou les conseils utiles à la préservation des droits de leurs adhérents et les décisions qui leur incombaient.
Ils versent une étude du CER à l' appui de leur demande d' indemnisation.
La coopérative du Trieux et la société Unicopa concluent au débouté des demandeurs.
Elles rappellent que si la coopérative s' était engagée à collecter le lait produit par le G. A. E. C. de Pen Ar Stang, c' était sous la condition suspensive de " l' accord de la commission mixte départementale sur les objectifs prévus " et que, après que le commissaire de la République a retenu un quantum de 440. 000 litres, elle a notifié une attestation en vertu de laquelle " la référence pour la campagne 1985 / 86 est fixée à 300. 000 litres et 97 % de l' objectif DDA pour les campagnes suivantes soit 426. 800 litres. "
Sur la première période, elles contestent tout préjudice du G. A. E. C. de Pen Ar Stang dont la production était inférieure à la référence fixe par la coopérative.
Pour la seconde, elles rappellent que la décision du préfet a été appliquée,
Pour la troisième, elles font valoir que ONILAIT a été sollicité conformément à l' article 9- II du décret du 20 janvier 1994 selon lequel le préfet devait adresser à cet organisme la liste de producteur pouvant bénéficier de suppléments et qu' il n' incombait pas à la coopérative de se substituer au préfet.
Pour la suite, elles affirment avoir appliqué l' arrêt de la cour d' appel de Rennes.
Subsidiairement, elles contestent le préjudice allégué par les demandeurs, dénient avoir eu une obligation qui serait de nature quasi contractuelle puisque la cour de cassation a rejeté la responsabilité contractuelle, rappelle les réserves formulées dans l' attestation d' attribution rédigée le 10 juin 1985, affirment que l' engagement de collecte n' est pas synonyme de droit à produire et versent au dossier une étude contestant les calculs adverses.
Par ordonnance du 18 décembre 2007, le juge de la mise en état en a ordonné la clôture.
Il a dit son rapport avant les plaidoiries.
SUR QUOI
Attendu que dans son courrier du 10 juin 1985 le directeur de la Coopérative du Trieux a écrit " sous réserve le l' accord de la Commission Mixte Départementale sur les objectifs prévus, la Coopérative s' engage à collecter la production laitière du GAEC, soit :
- pour la campagne laitière 1985- 1986 = 300. 000 litres
- pour la campagne laitière 1986- 1987 = 450. 000 litres
- pour la campagne laitière 1987- 1988 = 480. 000 litres. "
Attendu que la décision du commissaire de la République du département des Côtes du Nord est en réalité l' arrêté du 10 septembre 1985 portant dotation d' installation de jeune agriculteur, cette dotation restant à déterminer ; qu' il est cependant mentionné un prêt J. A 400. 000 F ; qu' est aussi mentionnée " Référence première année 440. 000 l deuxième année 450. 000 l " ;
Attendu que le jugement rendu par le tribunal administratif de Rennes reconnaît à cette décision la création d' un droit, l' attribution de références laitières supérieures aux seuils fixés relevant du préfet ;
Attendu que, à la suite de la prise en location d' autres terres, le G. A. E. C. de Pen Ar Stang a bénéficié des transferts de quotas laitiers correspondant, soit 24. 816 litres, suivant décision de la Direction de l' Agriculture et de la Forêt du 20 août 1987
Que le préfet a maintenu sa position en faisant valoir que le quota avait été décidé en raison de la charge qu' entraînait le projet d' acheter 13 ha de terres supplémentaires alors que l' exploitation a été agrandie avec une charge foncière bien moindre ;
Que si cette circonstance n' affecte pas l' illégalité de la décision, elle peut être prise en compte dans l' appréciation du devoir de conseil allégué notamment ;
1) sur le principe d' obligation de conseil et d' assistance processuelle
Attendu que le G. A. E. C. de Pen Ar Stang et M. J. F. X... ne précisent pas le fondement juridique de cette demande ;
Que le rapport entre un coopérateur et la coopérative est un rapport contractuel et que l' on ne voit pas sur quel autre fondement, et notamment sur quel quasi contrat parallèle au contrat le G. A. E. C. de Pen Ar Stang et M. J. F. X..., pourraient agir ;
Que l' arrêt rendu par la Cour de cassation, le 27 janvier 2004 a cassé et annulé l' arrêt rendu le 11 octobre 2000 par la Cour d' appel de Rennes en ce qu' il
a " retenu la responsabilité contractuelle des sociétés Coopérative du Trieux et Unicopa " ;
Attendu par ailleurs que les demandeurs ne versent pas au dossier les documents contractuels liant les coopératives ;
Que la situation juridique n' était pas nécessairement claire, le décret du 17 juillet 1984 attribuant aux acheteurs de lait la détermination de quantités de référence des producteurs, mais, notamment pour les quantités supplémentaires selon les règles définies par décision du ministre de l' agriculture étant observé que l' article 5 prévoit un pouvoir de dérogation exercé par le préfet ;
Attendu qu' aucune obligation précise n' est invoquée et que les devoirs de la coopérative s' inscrivent dans l' obligation générale d' accomplissement loyal de ses obligations envers ses membres ;
Qu' en l' espèce, alors que la direction départementale de l' agriculture, le préfet et même le ministère s' estimaient en droit de conférer la décision à l' administration, la coopérative ne manquait pas à ses obligations en ne tentant pas de s' y opposer ou n' incitant pas un coopérateur à le faire en l' y accompagnant, même si finalement, celui- ci a mené sa contestation avec succès ;
Attendu que la jurisprudence citée à l' encontre d' une coopérative qui avait aidé un coopérateur à augmenter sa production sans mentionner de réserve sur les aléas dus aux perspectives de réduction ne permet pas de transposer une faute dans l' attitude au contraire réservée des coopératives en l' espèce ;
2) sur les fautes et les préjudices allégués période par période jusqu' au 6 octobre 1999,
Attendu que pour la campagne 1985 1986 la coopérative a fixé la référence à 300. 000 litres, sans référence particulière ;
Que, contrairement à l' affirmation de demandeurs, elle a bien fixé cette référence qui, en elle- même, n' est pas critiquée ;
Que c' est pour les années suivantes que la référence est fixée à " 97 % de l' objectif DDA ", mais que cette fixation est sans incidence puisque la décision administrative limitant la quantité de référence est intervenue en octobre 1985 sans que les coopératives aient engagé leur responsabilité en appliquant ces décisions ; que la réduction de 3 % ne fait pas l' objet de critique particulière ;
Attendu d' ailleurs que selon le tableau versé au dossier par les demandeurs pour fonder leur demande, pour l' exercice 1985- 1986, la livraison réalisée a été de 349. 551 litres, ce qui est difficilement compatible ave la limite de 300. 000 ; mais que ce tableau retient qu' il n' y a pas eu de sous- réalisation ;
Qu' il n' y a donc pas de préjudice à ce moment- là ;
Attendu que les producteurs s' étaient équipés de manière à pouvoir produire ce qu' ils espéraient ; mais que l' influence de cette situation sur la décision préfectorale est nécessairement hypothétique ; qu' elle l' est d' autant plus si on prend en compte les motifs invoqués par le préfet, alors commissaire de la République ; que la possibilité pour les coopératives d' exercer une influence sur la décision préfectorale reste à établir ;
Attendu que pour la période du 10 février 1995 au 9 août 1995, la coopérative, en application de l' article 9- II du décret du 20 janvier 1994 ne pouvait déterminer la référence sans savoir si ce producteur bénéficiait d' une dérogation permettant d' excéder les quota ordinaires, ce qui devait résulter d' une notification de l' office national interprofessionnel du lait (ONILAIT) après que le préfet du département lui eut transmis la liste nominatives des producteurs pouvant bénéficier du supplément ;
Que la décision du préfet est celle qui a été déférée à la censure du tribunal administratif ;
Qu' il n' apparaît pas que la coopérative ait eu un rôle quelconque dans cette décision et que rien ne permet d' établir qu' elle ait pu influencer le préfet ;
Que le préfet a pris une nouvelle décision le 9 août 1995 ;
Attendu qu' aucune faute n' est établie à l' encontre des coopératives dans la mesure où si elles n' ont pas notifié une nouvelle référence, elles n' étaient pas en mesure de le faire ;
3) sur le dommage relatif à la période du 6 octobre 1999 au 11 octobre 2000
Attendu que, pour la période postérieure au jugement du tribunal administratif de 1999, la coopérative affirme s' être confirmée à l' arrêt de la cour de Rennes de 2000 ;
Qu' elle n' est pas contredite sur ce point ; qu' elle n' a pas engagé sa responsabilité pour avoir appliqué l' arrêt de la cour ;
Que d' ailleurs le calcul du Cer ne retient pas de perte de marge pour l' exercice 2000- 2001 et s' arrête à cet exercice ;
Attendu cependant que le jugement du tribunal administratif date du 6 octobre 1999 et l' arrêt de la cour d' appel de Rennes du 11 octobre 2000 ; que la coopérative ne dit pas ce qu' elle a fait entre- temps ;
Que le G. A. E. C. de Pen Ar Stang produit le décompte suivant selon le calcul du CER :
Référence 467 623
- Dépassement autorisé 29. 265
Référence de l' exercice incidence MG 515 850
- Production réalisée. 472. 558
Sous réalisation. 43 292
43 292 L / 6. 248L = 6. 93VL / 1. 94 = 3. 50 ha de Sfp
Produits 43 292 x 1. 938 83 900
- 43 292 x 1. 938 83 900 93. 986
Charges
Concentrés 43292 x 0. 23 9957
Fourrages 3. 50 x 2. 589 9061
- Frais divers 43 292 x 0. 406 17 577
Marge céréales en moins. - 3. 50 x 3. 080 10780
- Charges en plus 47375 Perte de marge 46. 611 F.
Attendu que ce calcul se réfère à l' arrêt de la Cour d' appel de Rennes qui avait fixé ainsi le montant : "- Dit et juge que les sociétés Coopérative du Trieux et Unicopa devront prendre en considération les arrêtés du 10 septembre 1985 et jugement du 6 octobre 1999 pour définir les références laitières du G. A. E. C. de Pen Ar Stang soit le quota de base de 450. 000 litres augmenté des quotas complémentaires de 24. 716 litres et 18. 743 litres découlant des décisions de transfert subséquentes en date des 26 août 1987 et 31 octobre 1995, sauf à appliquer sur cette assiette la réglementation en vigueur au cours des campagnes laitières successives courues depuis cette date, "
Que dans un arrêt du 10 octobre 2001, la cour de Rennes a rejeté la demande d' interprétation du G. A. E. C. de Pen Ar Stang et de M. J. F. X... tendant à faire prévaloir et opposer comme une conséquence de la disposition discutée un droit de produire 485. 310 litres de lait pour la campagne de production 2000- 2001. "
Attendu que ces données, pas toujours explicitées, supposent que le G. A. E. C. de Pen Ar Stang ait pu, dès le premier exercice suivant le jugement de 1999, atteindre la capacité de production maximale autorisée, qui est elle- même discutée ;
Qu' il n' est pas fait état de changement de réglementation des autorisations entre l' exercice 1999- 2000 et le suivant, pour lequel le CER retient les données suivantes :
Référence 485. 310 L
Dépassement autorisé 5. 8 % + 0 28. 148 L
Référence de l' exercice avec incidence MG 525. 503L
Production réalisée. 539. 310 L.
Attendu que ces chiffres présentent quelques obscurités ; que la référence MG est peut- être en corrélation avec une proportion de matière grasse, mais que ce n' est pas explicité ; que la cohérence des chiffres entre n' est pas explicitée non plus ;
Que le dépassement autorisé correspond à des dépassements variables d' une année sur l' autre selon les productions globales du territoire ; que s' il n' était pas certain, on peut penser qu' il était régulier ;
Mais attendu surtout que, malgré les obscurités, la référence à l' exercice suivant présente deux caractéristiques :
- la capacité à augmenter rapidement la production dans des proportions notables,
- l' absence de mention des charges, inutile pour l' exercice considéré puisque aucun préjudice y afférent n' est retenu, mais qui aurait constitué un élément de comparaison intéressant ;
Que l' on peut retenir que la structure les bâtiments permettaient cette augmentation, l' exploitation étant équipée depuis l' origine pour une production de cet ordre et que les exploitants pouvaient avec leur force de travail faire face à cette augmentation ;
Que, cependant, les calculs restent théoriques et que les coopératives soulignent la nécessité de structures foncières coûteuses ;
Que l' on peut retenir que l' exploitant avait des chances raisonnables de réaliser une marge supplémentaire équivalente à 6. 000 euros durant cette période et chiffrer le préjudice à ce montant ;
Mais que c' est le seul préjudice qui puisse être retenu ;
Attendu que la complexité des règles n' était pas le fait de la coopérative et que le G. A. E. C. de Pen Ar Stang et M. J. F. X... n' ont pas subi de sa part un traitement susceptible de générer un préjudice moral ;
Attendu qu' eu égard à la présente décision et aux situations respectives des parties, l' équité ne commande aucune indemnité en application de l' article 700 du Code de procédure civile ;
Attendu qu' il incombera aux parties de faire les comptes en fonction des décisions et des paiements intervenus ;
PAR CES MOTIFS
statuant contradictoirement,
Infirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Guingamp le 7 octobre 1998,
Condamne la coopérative du Trieux et la société Unicopa indivisément à payer au G. A. E. C. de Pen Ar Stang la somme de 6. 000 euros,
Déboute les parties de leurs autres demandes,
Condamne la coopérative du Trieux et la société Unicopa indivisément aux dépens avec application de l' article 699 du Nouveau code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
C. GALAND J. BOYER