AFFAIRE : N RG 06 / 01796
Code Aff. :
ARRET N
J V. J B.
ORIGINE : DECISION du Tribunal de Grande Instance de COUTANCES en date du 09 Mars 2006-
RG no 03 / 0903
COUR D'APPEL DE CAEN
PREMIERE CHAMBRE-SECTION CIVILE
ARRET DU 12 FEVRIER 2008
APPELANTS :
Monsieur Alain X... et Madame Sylvie Y... épouse X...
...-50500 CARENTAN
représentés par la SCP GRAMMAGNAC-YGOUF BALAVOINE LEVASSEUR, avoués
assistés de Me LOSQ, avocat au barreau de COUTANCES
A. J. : Totale numéro 141180022006007229 du 13 / 12 / 2006
INTIMES :
Monsieur A... Daniel, ès-qualités de curateur de M. Alain X...
... 50000 SAINT LO
représenté par la SCP GRAMMAGNAC-YGOUF BALAVOINE LEVASSEUR, avoués
Monsieur Eric B...
... 50500 CARENTAN
représenté par Me TESNIERE, avoué
assisté de Me HERPIN, avocat au barreau de COUTANCES
La SCP Z...
C... ET D..., Notaires
...-50500 CARENTAN
prise en la personne de son représentant légal
représentée par la SCP MOSQUET MIALON D'OLIVEIRA LECONTE, avoués
assistée de Me VALERY, avocat au barreau de CAEN
La SARL IMMOBILIER DU CHATEAU
5 Rue du Château 50500 CARENTAN
prise en la personne de son représentant légal
représentée par la SCP PARROT LECHEVALLIER ROUSSEAU, avoués
assistée de Me DAMECOURT-FOUCHER RONGERE, avocat au barreau de COUTANCES
L'ASSOCIATION TUTELAIRE DES MAJEURS PROTEGES DE LA MANCHE (ATMP)
ès-qualités de curateur de Madame Sylvie Y... divorcée X...
ZA la Chevalerie-...-BP 266-50006 SAINT LO
prise en la personne de son représentant légal
représentée par la SCP GRAMMAGNAC-YGOUF BALAVOINE LEVASSEUR, avoués
Vu la communication de la procédure à Monsieur le Procureur Général
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
M. BOYER, Président de Chambre,
Madame BEUVE, Conseiller,
M. VOGT, Conseiller, rédacteur,
DEBATS : A l'audience publique du 13 Décembre 2007
GREFFIER : Madame GALAND
ARRET prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 12 Février 2008 et signé par M. BOYER, Président de Chambre, et Madame GALAND, Greffier
* * *
Exposé de la procédure et des demandes
Par décision contradictoire en date du 9 mars 2006 à laquelle il est fait exprès référence pour l'exposé du litige, le Tribunal de Grande Instance de Coutances a en substance,
* débouté M. et Mme X... assistés de leur curateur, M. A..., gérant de tutelle, initialement désigné à la fonction de mandataire spécial par jugement du tribunal d'instance de Valognes en date du 7 avril 2003 de leurs demandes tendant notamment au prononcé de la nullité de la vente à M. B... de leur maison d'habitation située à Carentan, au prix stipulé de 79 273 EUR le 24 décembre 2002, avec l'intervention d'une agence locale, la SARL Immobilier du Château que les vendeurs avaient mandaté (sans exclusivité), l'acte authentique ayant été ensuite signé le 10 mars 2003 en l'Étude de la SCP Z..., C... & D..., Notaires en résidence en la même commune,
* débouté M. B... demeurant... à Carentan (adresse de l'immeuble vendu), de sa demande reconventionnelle en indemnisation des préjudices résultant des travaux devant être accomplis, perturbés par la situation d'expectative liée à l'instance,
* débouté la SARL Immobilier du Château de sa demande reconventionnelle en procédure abusive,
* débouté, en équité, les défendeurs de leurs demandes au titre des frais irrépétibles,
* condamné les époux X... aux dépens, dont distraction.
M. Alain X... a régularisé, seul, le 12 juin 2006, un appel non limité à l'encontre de l'ensemble des parties, y compris son épouse et M. A..., curateur de chacun des époux.
Les dernières conclusions, auxquelles il est fait exprès référence, ont été régularisées
* le 4 septembre 2007 par la SARL Immobilier du Château, intimée,
* le 12 novembre 2007 (jeu unique) par M. Alain X... et Mme Sylvie Y..., appelants, ainsi que par M. A..., curateur de M. X..., et par l'Association Tutélaire de Majeurs Protégés de la Manche (ATMP), en sa qualité de curateur de Mme Sylvie Y... divorcée de M. X..., intimés,
* le 13 novembre 2007 par M. B... (à l'adresse de l'immeuble vendu, intimé,
* le 13 novembre 2007 par la SCP de Notaires, intimée.
L'ordonnance de clôture est intervenue en cet état, sans discussion, le 27 novembre 2007.
Le Président a fait rapport de l'affaire à l'audience, avant les plaidoiries.
Motivation
Sur la recevabilité de l'appel
Un majeur en curatelle peut, sauf dispositions contraires (en l'espèce inexistantes dans les décisions du juge des tutelles), exercer seul les actions relatives à ses droits patrimoniaux et défendre à de telles actions (Civ. 1, 15 juin 1973, Bull no 203 ; Civ. 1, 22 novembre 2005, Bull. no 439), sous réserve, toutefois, que le juge veille à la protection de ses intérêts, notamment s'il n'est pas assisté ou représenté par un avocat, ou s'il ne comparaît pas.
Si M. X... a interjeté appel de la décision sans être assisté de son curateur, il était, pour cet acte nécessaire à la saisine du juge d'appel, représenté par l'étude d'avoués, ce qui suffit, de prime abord, à sa régularité, sans qu'il y ait lieu d'examiner davantage la protection de ses intérêts, en ce que
* les curateurs respectifs des époux sont intervenus à la procédure qui a, ainsi, été régulièrement suivie,
* cette étude n'est pas dissociable, en l'espèce, de l'examen du fond du litige.
Sur le fond du litige
S'agissant du bien-fondé de l'appel, trois problématiques viennent en concours :
* l'état psychique de chacun des époux X..., qui ont bénéficié d'une mesure de protection civile (curatelle renforcée) peu de temps après la vente de leur résidence principale,
* la connaissance que pouvaient avoir de ce trouble, l'acquéreur (commercial salarié d'une société d'assurance-vie), et / ou les professionnels de l'immobilier et du patrimoine que sont respectivement (avec des recoupements dans leurs attributions) l'agent immobilier et le notaire,
* la valeur réelle du bien, certes très récemment construit, mais présenté à la vente dans des conditions d'achèvement (refus du certificat de conformité) et d'entretien général le dépréciant fortement, et alors que les époux X... se trouvaient dans un état d'endettement auquel leur état psychique pouvait ne pas leur permettre de faire face sans la mesure de protection, instaurée sur un signalement ultérieur au juge des tutelles (pièce no 32 des époux X... : rapport en date du 22 avril 2003 de l'assistant de service social de la Fondation Bon Sauveur du CHS de Picauville à l'ouverture de la mesure de curatelle).
Les certificats médicaux préalables à l'ouverture de la mesure de protection, que l'étude notariale reprend dans ses conclusions (page 7), permettent d'identifier
* pour M. X..., selon le certificat du 1er avril 2003 d'un praticien hospitalier de secteur un « alcoolisme chronique dont le retentissement s'accompagne d'une grande influençabilité et d'un désintérêt. Cet état crée un risque de lésions de ses intérêts. Une mesure de curatelle avec gestion me paraît nécessaire. La nomination d'un mandataire spécial en urgence est souhaitable. »,
* pour Mme X..., hospitalisée (en milieu spécialisé) depuis le 9 novembre 2002, selon le certificat en date du 31 mars 2003 d'un autre praticien hospitalier de secteur, également à l'appui de l'instauration d'un régime de curatelle renforcée (avec gestion par le curateur) : « La même mesure a été demandée pour son époux actuellement hospitalisé à la fondation Bon-Sauveur de Picauville. Couple en grandes difficultés psychologiques et matérielles (père, mère et enfant en soins psychiatriques). Nécessité de nommer un mandataire spécial en urgence. »
Ces certificats médicaux des médecins psychiatres reflètent
* le caractère lentement évolutif des troubles présentés par chacun des époux (alcoolisme chronique du mari retentissant sur son psychisme, hospitalisation de l'épouse en secteur spécialisé avant la régularisation des actes des disposition), ce qui en induit l'existence dès avant la mise en place, le 7 avril 2003, d'une sauvegarde de justice suivie d'une curatelle renforcée, pour chacun des époux,
* le trouble mental particulièrement caractérisé de M. X...,
-en raison de son caractère influençable dans un contexte de surendettement,
-en raison de son « désintérêt » malgré l'importance des décisions à prendre, s'agissant simultanément de
-de la vente d'un bien immobilier acheté à crédit,
-de l'abandon de l'actuel logement familial,
* le risque de « lésion de ses intérêts », ainsi que de ceux de son épouse, elle-même en période d'hospitalisation en raison de troubles psychiques, et dont il est toutefois le mandataire en vue de disposer du logement familial,
* l'impasse dans laquelle les conjoints se trouvaient, en l'absence de cadre familial structurant (leur enfant se trouvant lui-même en soins psychiatriques).
Dans le contexte du trouble mental, ci-dessus décrit, nécessitant une protection « urgente », il convient de rappeler que le législateur s'attache particulièrement à la protection du logement de la famille par le consentement nécessaire de chacun des époux (article 215 et 1751 du Code civil, par exemple).
En définitive, au moment même où les actes de vente de l'immeuble commun étaient en cours de passation chez l'agent immobilier puis chez le notaire, il sera retenu que chacun des époux n'était pas en état psychique de passer les actes litigieux (en dehors de la question de savoir si les interlocuteurs de M. X... en avaient ou non connaissance).
S'agissant de l'acquéreur
Certes, l'acheteur intéressé a pu constater, selon lui, la présence de Mme X... à l'occasion de deux visites en janvier puis en février 2003 ; il ajoute qu'un régime spécial d'hospitalisation (autorisant des sorties du patient), témoigne de ce qu'elle n'avait pas perdu toute lucidité pour consentir à une vente à laquelle elle a participé en lui faisant visiter les lieux.
Pour autant, commercial qualifié en placement de produits financiers, M. B... avait eu aussi connaissance, avant la signature du compromis de vente,
* d'un endettement déclaré important par les vendeurs, qui se mettaient de façon d'autant plus déraisonnable en situation d'infériorité dans la négociation qu'ils déclaraient eux-mêmes devoir solder leurs dettes « au plus vite afin que cessent les passages répétés de l'huissier de justice à leur domicile » (conclusions de l'acheteur, page 3),
* de « l'état de saleté, l'absence de finition des travaux notamment à l'étage, les murs étant à l'état brut », témoignant d'une acquisition de la maison « dans un état d'entretien déplorable », nécessitant une mise en état et en conformité de cette maison tant au niveau de l'intérieur que de l'extérieur (ibid., p. 6).
M. B... précise (conclusions, page 5), sans être démenti, que « le marché de l'immobilier a connu une croissance considérable sur les 7 dernières années (+ 80, 4 %) sur la Manche. Ainsi, sur les 5 années écoulées depuis son acquisition..., jusqu'à sa vente projetée début 2008, l'augmentation selon les indices INSEE moyen sera de + 57 %.... Il est donc tout à fait concevable que le concluant puisse espérer la vendre dans la fourchette de 150 à 160 000 EUR net vendeur, raison pour laquelle il l'a mise en vente à ce prix auprès d'une autre agence immobilière locale, avec pour réserve et obligation, d'attendre l'issue de la procédure pour signer quelque compromis que ce soit ».
Actuellement, à supposer que « malgré de nombreuses visites, une seule offre à 150 000 EUR a été enregistrée », il reste que le prix demandé serait donc celui du marché immobilier, certes dans des conditions de mise en valeur du bien autrement favorables que celles dont les époux X... étaient capables d'instaurer sans aide ni assistance, fin 2002 / début 2003, soit quatre ans auparavant, à une époque où ledit marché était déjà orienté à la hausse depuis quelques années (2000), ce dont ils auraient dû pouvoir profiter de façon logique et légitime.
Ainsi, par l'effet conjugué
* de la nature commerciale de sa profession portant sur la gestion de patrimoine (impliquant aussi la connaissance des techniques de négociation),
* des déclarations des vendeurs pour le moins contraires à leurs intérêts légitimes,
* des entretiens que l'acquéreur a pu avoir avec les vendeurs (lui permettant d'apprécier leur discernement dans le cadre de la négociation sur le prix de vente),
* des constatations évidemment concordantes entre l'état psychique des vendeurs et celui, matériel, de la chose mise en vente à l'état neuf (la construction n'étant pas encore totalement achevée),
* de l'évolution déjà favorable du marché local de l'immobilier,
M. B... ne pouvait ignorer prendre un avantage excessif, en abusant de la faiblesse psychique des vendeurs (trouble mental), laquelle sera très rapidement confirmée par leur placement en curatelle renforcée, en urgence.
S'agissant de l'agent immobilier
Par définition, ce dernier connaissait précisément le marché immobilier et l'état du bien, occupé par les vendeurs, ses clients, ce qui lui permettait aussi d'appréhender leur personnalité, au-delà de la façon dont chacun pouvait se présenter.
Cela étant, si l'état d'entretien et d'achèvement de la maison dépréciait l'immeuble, d'autres facteurs importants jouaient manifestement en sa faveur ; ainsi :
* la construction récente, assortie des garanties dues par le constructeur, vraisemblablement assuré pour sa responsabilité (même en l'absence d'assurance dommages-ouvrage),
* l'emplacement du pavillon dans une ville d'une certaine taille (Carentan), notoirement desservie par une voie routière rapide (Caen-Cherbourg) et par une ligne ferroviaire (Paris-Cherbourg).
L'agent d'affaires, qui connaît le marché local, le bien litigieux, et ses clients pour lesquels il est légalement tenu d'un devoir de conseil, ne justifie pas avoir tenu ce rôle lorsqu'il a accepté, sans réserve, de présenter à la vente, le 14 décembre 2002, le logement de la famille pour le prix de 146 351 euros (« soit 960 000 F »), après avoir recueilli la signature de M. X..., agissant pour lui et par mandat reçu de son épouse.
Si le pavillon n'avait pas trouvé preneur au prix offert de 137 204, 12 EUR (900 000 F) selon mandat en date du 9 octobre 2002 auprès d'un autre agent immobilier local, il appartenait à la SARL Immobilier du Château non pas de se contenter d'enregistrer la prétention des vendeurs, mais d'accomplir les efforts nécessaires pour les aider à mettre le bien en valeur (puisque le principe de la vente n'est pas discuté et n'est sans doute pas discutable, encore aujourd'hui).
Si l'intermédiaire professionnel ne pouvait parvenir à cette valorisation en raison des capacités psychiques dégradées de ses clients (qu'il était habile à percevoir au moins aussi bien que M. B..., du fait des données psychologiques inhérentes au processus de toute vente immobilière), il lui appartenait de signaler la situation au juge des tutelles pour que des dispositions protectrices puissent être envisagées, même sans l'assentiment exprès de ses clients.
En n'effectuant pas cette démarche élémentaire (dont l'urgence a été attestée quelques mois plus tard), l'agent d'affaires a fautivement participé à la production de la situation contentieuse, préjudiciable aux parties en présence, dans une transaction qui aurait pu et du rester dépourvue de difficulté particulière.
S'agissant du notaire
La passation de l'acte authentique, si elle n'est pas nécessaire à la validité de la vente précédemment consentie sous condition suspensive de l'octroi d'un prêt par l'acquéreur, n'est pas non plus une simple formalité d'enregistrement ; si tel était le cas, la présence ou la représentation des parties ne serait pas nécessaire à la validité et à l'efficacité de l'acte.
Il est à peine besoin de souligner que les obligations incombant à l'agent immobilier pèsent au moins autant sur le notaire, particulièrement astreint d'assurer non seulement la validité de l'acte, mais aussi de veiller à la protection des intérêts patrimoniaux des parties en présence.
Certes, le notaire, lui-même en résidence à Carentan, n'a pas connu Mme X... (mandat régularisé en dehors de sa présence), non plus que l'immeuble vendu (pas de visite par ses soins) ; néanmoins, professionnel particulièrement qualifié dans les domaines touchant au patrimoine familial, à sa conservation et, si possible, à sa fructification, le notaire ne pouvait ignorer ou, à tout le moins, s'abstenir de s'enquérir, en recevant M. X... tel qu'en lui-même (par ailleurs suffisamment décrit), des conditions d'une vente du logement familial initialement projetée, le 14 décembre 2002, pour la contre-valeur en euros de 960 000 F, et finalement conclue, sous la condition suspensive de l'obtention d'un prêt, dix jours plus tard, pour la somme principale de 79 273 EUR (soit un peu moins de 520 000 F).
De plus, il n'est pas contesté que les époux X... ne disposaient plus d'un domicile familial à compter du jour de la vente (obtention d'un logement social à partir du 25 juillet 2003), ce que le notaire ne pouvait ignorer, ne serait-ce que pour les besoins de la reddition ultérieure du compte financier de la transaction, selon les usages de la profession.
Dans les conditions particulières de l'espèce, en se contentant de fournir au mari de Mme X... le formulaire émanant à l'évidence d'une étude notariale (par son style et sa présentation), pour qu'elle le régularise, en l'espèce à la date du 5 mars 2003, le notaire ne justifie pas s'être mis en mesure, eu égard à la prudence dont il aurait dû faire preuve,
* de vérifier que la capacité juridique de chacun des époux X..., et notamment de celle de Mme X..., correspondait, au moins apparemment, à la réalité, malgré des indices significatifs de nature à la contredire,
* de délivrer, en toute hypothèse, l'information et le conseil dont il était débiteur, dans des conditions adaptées aux facultés de compréhension de chacun de ses clients, à savoir chacun des vendeurs d'une part, et l'acquéreur d'autre part.
Cette carence fautive du notaire a contribué également à la fragilisation de l'acte nécessaire.
Sur la validité de la vente, sur les responsabilités encourues et sur les préjudices
En conclusion des développements qui précèdent, il se déduit
* d'une part, que l'acquéreur ne pouvait ignorer l'état psychique altéré des vendeurs, obérant la validité de leur consentement à une convention leur étant gravement préjudiciable quant au prix de la chose, le trouble mental, quel qu'en soit l'étiologie, ayant entraîné, quelques mois après, en urgence, l'ouverture d'une mesure de protection sur le signalement tardif de sa nécessité, déjà manifeste en décembre 2002, selon les éléments précités,
* d'autre part, que les professionnels ayant prêté leur concours à la passation du contrat ont manqué à leurs obligations, tant à l'égard des vendeurs que de l'acquéreur, même si ce dernier a contribué à la réalisation de son propre préjudice.
I. En conséquence, en réformation du jugement entrepris, la vente sera annulée à raison du trouble mental affectant chacun des vendeurs, et dont ils rapportent la preuve de l'existence, laquelle ne pouvait d'ailleurs être méconnue tant par l'acquéreur que par les professionnels intervenus à l'acte préjudiciable.
II. L'annulation de la vente emporte l'obligation de restituer le prix de vente à l'acquéreur évincé, sans que ce dernier, en raison de son absence de bonne foi au sens de l'article 555 du Code civil puisse toutefois prétendre à l'indemnisation de la perte subie ou du gain manqué.
Il convient à cet égard d'observer que si l'acheteur n'a pas retiré de profit du marché locatif, l'assignation a été délivrée dès le 29 septembre 2003 dans la maison d'habitation qu'il avait acquise (« présence du nom du destinataire sur la boîte aux lettres ») et dans laquelle il a continué de demeurer, et donc de jouir, jusqu'aux conclusions régularisées le 13 novembre 2007.
Par ailleurs, la perte de capitalisation sur la base de la maison d'habitation vendue en 2003 résulte de sa propre spéculation sur sa valorisation ultérieure.
III. Pour autant, ni l'agent immobilier ni le notaire n'ont attiré l'attention de M. B..., qui a engagé des ressources importantes pour cette acquisition, sur le risque d'annulation de cette vente, consentie dans des conditions aussi incertaines sur la validité du consentement des vendeurs.
IV. Enfin, obligé de restituer l'immeuble en nature, et se trouvant lui-même exposé au risque d'insolvabilité d'un vendeur encore endetté (ce qui romprait, notamment en cas d'hypothèque judiciaire inefficace ou non aisément réalisable, le caractère commutatif de la vente), ce que les professionnels ne pouvaient ignorer, M. B..., aurait-il contribué à la réalisation de son propre préjudice, pourrait être fondé à obtenir l'indemnisation de l'absence de restitution du prix de vente (cf., pour le notaire, Civ. 1, 9 novembre 2004, Bull. no 259 et l'arrêt cité, 1er juin 1999, Bull. no 184), à la mesure d'une démonstration de ce préjudice distinct, non encore invoqué (cf. Civ. 1, 18 juin 2002, Bull. no 168 ; Civ. 1, 25 novembre 1997).
V. En cet état, un préjudice, distinct de celui de l'insolvabilité possible des vendeurs, découlant de la négligence des professionnels, a déjà été occasionné à l'acquéreur, concrètement confronté à la restitution d'un élément substantiel de son patrimoine actuel et aux aléas inhérents à la parfaite exécution de la décision judiciaire.
Une somme de 8000 euros apparaît la mesure de ce préjudice, apprécié en tenant compte de la faute de l'acquéreur.
Sur les autres demandes
L'appel de M. X... étant recevable et fondé, M. B... et les sociétés intimées seront tenues des entiers dépens, ainsi que d'une indemnité équitable aux appelants au titre des frais irrépétibles, sans qu'il y ait lieu à condamnation à cette même indemnité pour les autres parties, lesquelles ne peuvent prétendre au caractère abusif de l'appel.
Par ces motifs
La Cour,
statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Déclare recevables l'appel principal de M. X..., et l'appel incident de Mme Y...,
Réforme le jugement entrepris,
Vu l'assignation en date du 29 septembre 2003 à la requête des époux Alain X... délivrée à M. Éric B..., publiée et enregistrée le 21 juin 2004 à la Conservation des hypothèques de Saint-Lô (volume 2004 P no 2219), tendant à l'annulation de l'acte de vente, régularisé en la forme authentique le 10 mars 2003, par l'office de Me F..., notaire associé à Carentan,
Dit nulle la vente conclue entre les époux X..., chacun d'eux étant atteint d'un trouble mental au sens de l'article 489 du Code civil, et M. B..., au prix principal de 79 273 EUR,
* par convention sous condition suspensive le 24 décembre 2002 par l'entremise de la SARL Immobilier du Château, puis
* par acte reçu le 10 mars 2003 en l'Étude de la SCP Z..., C... et D..., Notaires Associés, titulaire d'un office notarial ayant son siège à Carentan,
portant sur un pavillon individuel, sis... à Carentan (Manche),
Ordonne la restitution de l'immeuble précité par M. B... à M. X... et à Mme Y..., son épouse divorcée, tous deux assistés de leurs curateurs respectifs, M. A... et l'ATMP de la Manche,
Ordonne la restitution par M. X... et Mme Y..., dûment assistés, à M. B... du prix de vente, soit la somme de 79 273 EUR, TVA incluse,
Dit que les sociétés précitées, respectivement agent immobilier et notaire, ont engagé leur responsabilité dans les conditions de négociation et de conclusion de la vente annulée, M. B..., ayant toutefois contribué à la réalisation de son propre préjudice,
En conséquence,
Condamne in solidum la SCP de Notaires précitée et la SARL Immobilier du Château à payer à M. B... une somme de 8000 EUR, à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice né et actuel, après partage de responsabilités,
Dit que le préjudice éventuel, survenant par l'absence de restitution totale ou partielle du prix de vente, reste réservé au sort d'une éventuelle instance ultérieure,
Déboute les parties de leurs autres demandes,
Condamne in solidum M. B..., la SCP de Notaires précitée et la SARL Immobilier du Château à payer aux consorts X..., dûment assistés, une somme de 1700 EUR, en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile,
Condamne in solidum M. B..., la SCP de Notaires précitée et la SARL Immobilier du Château aux dépens de première instance et d'appel,
Accorde aux SCP d'Avoués et à Me Tesnière, Avoué, droit de recouvrement direct dans les termes de l'article 699 du Nouveau Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
C. GALAND J. BOYER