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17/01/2008 | FRANCE | N°07/01075

France | France, Cour d'appel de Caen, 17 janvier 2008, 07/01075


AFFAIRE : N RG 07 / 01075
Code Aff. :
ARRÊT N
MH NP




ORIGINE : DECISION en date du 08 Janvier 2007 du Tribunal de Grande Instance de CAEN-RG no 06 / 02059




COUR D'APPEL DE CAEN
PREMIÈRE CHAMBRE-SECTION CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 17 JANVIER 2008






APPELANTE :


LA SCI PELE-MELE
37 Rue Saint Gabriel
14000 CAEN
prise en la personne de son représentant légal


représentée par la SCP MOSQUET MIALON D'OLIVEIRA LECONTE, avoués
assistée de la SELARL GRIFFITHS-GRIFFITHS D

UTEIL ASSOCIES, avocats au barreau de LISIEUX




INTIMES :


LA SARL FORME & BEAUTE
37 Rue Saint Gabriel
14000 CAEN


Monsieur Laurent Y...


......

AFFAIRE : N RG 07 / 01075
Code Aff. :
ARRÊT N
MH NP

ORIGINE : DECISION en date du 08 Janvier 2007 du Tribunal de Grande Instance de CAEN-RG no 06 / 02059

COUR D'APPEL DE CAEN
PREMIÈRE CHAMBRE-SECTION CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 17 JANVIER 2008

APPELANTE :

LA SCI PELE-MELE
37 Rue Saint Gabriel
14000 CAEN
prise en la personne de son représentant légal

représentée par la SCP MOSQUET MIALON D'OLIVEIRA LECONTE, avoués
assistée de la SELARL GRIFFITHS-GRIFFITHS DUTEIL ASSOCIES, avocats au barreau de LISIEUX

INTIMES :

LA SARL FORME & BEAUTE
37 Rue Saint Gabriel
14000 CAEN

Monsieur Laurent Y...

...

14000 CAEN

Madame Corinne X... divorcée Y...

...

14000 CAEN

représentés par la SCP GRAMMAGNAC-YGOUF BALAVOINE LEVASSEUR, avoués
assistés de la SCP DOREL LECOMTE MASURE MARGUERIE, avocats au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame HOLMAN, Conseiller, faisant fonction de Président, rédacteur,
Madame BOISSEL DOMBREVAL, Conseiller,
Mme VALLANSAN, Conseiller,

DÉBATS : A l'audience publique du 29 Novembre 2007

GREFFIER : Mme LE GALL, greffier

ARRÊT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 17 Janvier 2008 et signé par Madame HOLMAN, Conseiller, faisant fonction de Président, et Mme LE GALL, Greffier

* *
*

La SCI PELE MELE a interjeté appel du jugement rendu le 8 janvier 2007 par le Tribunal de Grande Instance de CAEN dans un litige l'opposant à la SARL FORME ET BEAUTE, M. Laurent Y..., Mme Corinne X... divorcée Y....

* *
*

Aux termes d'un acte authentique du 30 juin 2000 à effet du 1er juillet 2000, la SCI PELE MELE a consenti à la société FORME ET BEAUTE un bail commercial pour une durée de neuf ans portant sur une partie des locaux d'un immeuble situé à CAEN, 37, Rue St Gabrielet 3 Boulevard Dunois, moyennant un loyer annuel de 171. 360 F (23. 123, 66 €) indexé, payable par trimestre et d'avance outre les impôts et taxes afférents à l'immeuble, " remboursables au bailleur en même temps que chaque terme de loyer ", afin d'y exploiter une activité de remise en forme, gymnastique, hygiène et beauté.

A titre exceptionnel il a été prévu que le loyer annuel serait réduit pour la première année à la somme de 155. 040 F hors taxes, soit 38. 760 F hors taxes par trimestre, et le premier terme de juillet 2000 à la somme de 25. 840 F hors taxes, pour la deuxième année à la somme de 163. 200 F hors taxes.

En substitution du dépôt de garantie, le preneur s'est engagé à remettre une caution bancaire correspondant à six mois de loyer annuel et taxes soit 117. 680 F réactualisée automatiquement tous les ans à la date anniversaire du bail devant durer " pendant tout le temps de l'occupation des locaux par le preneur et son successeur ", et il était stipulé que " tout désistement ou interruption de cette caution bancaire entraînerait immédiatement le versement par le preneur d'une somme égale à six mois de loyer toutes taxes, impôts fonciers compris, à titre de dépôt de garantie ".

M. Laurent Y... et Mme Corinne X... épouse Y..., gérante de la société FORME ET BEAUTE, se sont portés cautions de l'exécution du bail.

Par courrier du 18 juillet 2000 le preneur a sollicité l'accord du bailleur pour divers aménagements détaillés dans un plan joint, que celui-ci a autorisés par courrier du 28 juillet 2000.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 novembre 2000, la gérante de la société FORME ET BEAUTE, s'est plainte de l'existence d'infiltrations d'eaux pluviales préjudiciables à l'exploitation de son commerce, constatées par procès-verbal d'huissier du 4 avril 2001.

A sa requête et par ordonnance de référé du 28 juin 2001, une expertise a été ordonnée.

Le rapport d'expertise a été déposé le 21 novembre 2003 ; il a été relevé d'une part, l'existence d'une fuite et d'autre part, la présence d'une attaque de la charpente par du capricorne et de la vrillette.

L'expert a précisé que le traitement de cette charpente nécessitait la dépose et repose de l'ensemble de la couverture et conclu que ces dommages touchaient le clos et le couvert de l'immeuble et relevaient de travaux à la charge du propriétaire. Il a évalué le montant des travaux à la somme de 73. 785 €.

Le 4 septembre 2003, le 9 mars 2004 et le 2 juillet 2004, la SCI PELE MELE a fait délivrer à la SARL FORME ET BEAUTE trois commandements de payer visant la clause résolutoire stipulée au bail.

Par le commandement du 4 septembre 2003, la SCI PELE MELE a sommé son preneur de :

-lui faire connaître une ou plusieurs dates de disponibilités de façon à pouvoir visiter librement les lieux loués,

-délivrer sous un délai d'un mois un nouvel acte de caution conforme aux stipulations du bail,

-justifier de la souscription d'une police d'assurance conforme au bail,

-procéder à l'entretien et aux menues réparations de la toiture et notamment au remplacement de tuiles cassées,

-régler la somme de 14. 416, 55 € en principal au titre de loyers et d'impôts fonciers impayés.

Par le commandement du 9 mars 2004, le bailleur a réclamé à son preneur le paiement d'une somme de 38. 258, 62 € intégrant une somme de 19. 742, 64 € correspondant à six mois de loyers au motif que la SARL FORME ET BEAUTE n'avait pas remis de nouvel acte de caution, celui du CCF du 30 novembre 2000 ayant expiré le 30 novembre 2003.

Par le commandement du 12 juillet 2004, le bailleur a demandé à son preneur de lui régler une somme de 45. 612, 62 € et de remettre en état les lieux, des travaux ayant été réalisés sans son accord notamment la création d'une mezzanine et l'édification d'une cloison.

Considérant que le preneur n'avait pas déféré à ces commandements, par actes des 13 et 14 décembre 2004, la SCI PELE MELE a fait assigner la SARL FORME ET BEAUTE et les époux Y... en qualité de cautions devant le Présent du Tribunal de Grande Instance statuant en référé afin :

-de faire constater l'acquisition de la clause résolutoire,

-d'ordonner, en conséquence, l'expulsion dans un délai de dix jours, et passé ce délai sous astreinte de 1. 000 € par jour de retard,

-de faire condamner solidairement la SARL FORME ET BEAUTE et les époux Y..., à régler à titre provisionnel à la SCI PELE MELE la somme de 50. 336, 19 € en principal,

-de faire désigner un expert judiciaire afin de déterminer le coût des travaux devant être mis à la charge de la SARL FORME ET BEAUTE de façon que les locaux soient restitués en bon état d'entretien et conformément à la disposition des lieux autorisée par le bailleur,

-de faire condamner le preneur à une somme de 15. 000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par l'ordonnance du 24 février 2005, le Président du Tribunal a :

-accordé à la société FORME ET BEAUTE un délai de dix mois à compter de la signification de la décision afin de régulariser sa situation,

-dit que pendant ce délai, la réalisation et les effets de la clause résolutoire seraient suspendus et que la clause ne jouerait pas si le locataire se libérait dans les conditions fixées,

-débouté les parties de leurs autres demandes,

-condamné la société FORME ET BEAUTE au paiement d'une somme de 800 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par arrêt du 3 novembre 2005, cette Cour :

-a confirmé l'ordonnance en ses dispositions relatives à la caution bancaire,

-l'a réformée en ses autres dispositions,

-a dit n'y avoir lieu à référé sur le loyer et les taxes, l'entretien des lieux loués, les travaux d'aménagement et la demande d'expertise, et ce aux motifs de l'existence d'une contestation sérieuse,

-a déclaré irrecevables les demandes de la SARL FORME ET BEAUTE nouvelles en cause d'appel.

Par acte du 15 mai 2006, la SCI PELE MELE a fait assigner la SARL FORME ET BEAUTE devant le Tribunal aux fins de voir :

-constater ou à défaut prononcer la résiliation du bail du 30 juin 2000 en raison des manquements commis par les preneurs,

-condamner in solidum la SARL FORME ET BEAUTE et les époux Y... au paiement de la somme de 50. 589, 95 € toutes taxes comprises augmentée des intérêts légaux capitalisés par année à compter de la date d'exigibilité des loyers,

-ordonner en tant que de besoin la compensation entre cette somme et les indemnités éventuellement allouées à la SARL FORME ET BEAUTE,

-désigner un expert pour chiffre les travaux de remise en état rendus nécessaires par l'occupation de la SARL FORME ET BEAUTE.

La société FORME ET BEAUTE a formé des demandes reconventionnelles en autorisation de réaliser les travaux préconisés par l'expert aux frais avancés de la SCI PELE MELE, et en condamnation au paiement des sommes de 73. 785 € hors taxes à valoir sur le montant des travaux, 19. 439, 72 € en réparation de préjudice, 15. 000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par le jugement déféré, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal a :

-condamné solidairement la SARL FORME ET BEAUTE et les ex-époux Y... à payer à la SCI PELE MELE la somme de 23. 520 € majorée des intérêts légaux à compter de la signification du jugement,

-dit que ces intérêts se capitaliseraient par année entière par application de l'article 1154 du code civil,

-autorisé la SARL FORME ET BEAUTE à faire réaliser par toute entreprise de son choix les travaux nécessaires à la réfection de la toiture de l'immeuble tels que prescrits par l'expert judiciaire dans son rapport du 23 novembre 2003,

-condamné la SCI PELE MELE à verser à cette fin à la SARL FORME ET BEAUTE dans le délai de deux mois une provision d'un montant de 46. 000 € à valoir sur le coût des travaux.

-dit que la SARL FORME ET BEAUTE devrait justifier, dans ce même délai, de la réalisation des travaux de nettoyage des feuilles et gravois obstruant l'évacuation des eaux

pluviales de la terrasse et de l'installation d'un système de ventilation suffisant pour remédier aux phénomènes de condensation ainsi que de la réparation du plancher du passage,

-accordé à la SARL FORME ET BEAUTE un délai de six mois pour supprimer la mezzanine installée par ses soins dans les lieux et pour justifier de l'enlèvement de la cloison du rez-de-chaussée,

-dit qu'à défaut de ce faire dans ce délai, le bail serait résilié de plein droit,

-désigné à nouveau M. B... pour assurer la maîtrise d'oeuvre et vérifier la bonne exécution des travaux de réfection de la toiture, de suppression de la mezzanine, de reprise de la ventilation de la terrasse et du sol du passage,

-condamné la SCI PELE MELE à payer à la SARL FORME ET BEAUTE une somme de 10. 000 € en réparation de son trouble de jouissance,

-dit que les parties verseraient chacune par moitié au greffe du Tribunal, une provision de 800 € à valoir sur la rémunération de l'expert sus-désigné.

* *
*

Vu les écritures signifiées :

* le 11 avril 2007 par la SCI PELE MELE qui conclut à la réformation du jugement en ses dispositions relatives à la suspension des effets de la clause résolutoire, à la mission de l'expert, au quantum des sommes dues, à la substitution des preneurs pour effectuer les travaux et au montant de ceux-ci, ainsi que des troubles de jouissance et sollicite le prononcé de l'expulsion du preneur sous astreinte de 1. 000 € par jour à compter de l'arrêt, ainsi que le paiement de la somme de 52. 112, 42 € toutes taxes comprises avec intérêts au taux légal à compter des commandements et capitalisation, à la confirmation du jugement en ses autres dispositions outre 10. 000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

* le 8 octobre 2007 par la SARL FORME ET BEAUTE, M. Y..., Mme X... qui concluent à la réformation du jugement en ses dispositions relatives au montant de la provision pour travaux et de l'indemnité allouée en réparation du trouble de jouissance et demandent de ces chefs paiement des sommes respectives de 73. 785 € hors taxes et 25. 124, 27 € avec compensation, à la

confirmation du jugement en ses autres dispositions, outre une somme de 10. 000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

* *
*

I Sur l'acquisition de la clause résolutoire

En application de l'article 1134 du code civil, lorsque le bailleur sollicite l'application de la clause résolutoire, le juge ne dispose d'aucun pouvoir d'appréciation quant à la gravité des manquements contractuels et à leur persistance au-delà du délai contractuel imparti ; dès lors que l'infraction est constituée, il ne peut que constater que sont réunies les conditions de la clause résolutoire, ou en suspendre les effets sous condition que le locataire répare l'infraction dans les délais qu'il fixe.

Cependant, en application du principe d'exécution de bonne foi édicté par le texte sus-visé, le bailleur qui n'invoque pas de bonne foi la clause résolutoire ne peut obtenir le constat de la résiliation de celui-ci.

Par ailleurs, en application de l'article 1184 du code civil, l'interdépendance des obligation réciproques résultant d'un contrat synallagmatique comme le bail permet à l'une des parties de ne pas exécuter son obligation lorsque l'autre n'exécute pas la sienne, sous réserve d'une certaine proportionnalité.

Enfin, l'inobservation par le preneur des délais qui lui ont été octroyés par le juge pour se conformer à ses obligations entraîne irrévocablement l'acquisition de la clause résolutoire même si le preneur s'est exécuté quelques jours après l'expiration de ces délais, et le juge du fond ne peut impartir au preneur de nouveaux délais, une fois expirés ceux qui lui ont été accordés par le juge des référés.

En l'espèce, la SCI PELE MELE sollicite que soit constatée la résiliation du bail par le jeu de la clause résolutoire contractuelle, rappelée dans les trois commandements laquelle précisait expressément que son effet ne pouvait être remis en cause par des offres réelles ultérieures.

1o Les loyers et taxes

Il résulte des pièces produites par les parties et il n'est pas contesté que la société FORME ET BEAUTE a régulièrement réglé le loyer courant et que seules restaient dues un mois après les commandements les sommes correspondant à l'indexation du loyer soit 469, 42 € au titre de l'exercice 2003, dont la société FORME ET BEAUTE justifie s'être acquittée, le dernier règlement étant daté du 11 mai 2005, 1. 554, 90 € au titre de l'exercice 2002 (et non 2004 comme indiqué par erreur dans l'arrêt du 3 novembre 2005).

Concernant la taxe foncière, il restait dû un mois après les commandements une somme de 4. 890, 99 € toutes taxes comprises au titre de l'exercice 2003, que la société FORME ET BEAUTE reconnaît devoir, de même que la taxe foncière sur l'exercice 2004, d'un montant de 5. 100, 98 € toutes taxes comprises, incluse dans les commandements à concurrence de 3. 668, 25 € correspondant aux acomptes de 30 % calculés sur le montant de la taxe foncière 2003.

Cependant, alors que le rapport d'expertise est déposé depuis le 4 novembre 2003 et démontre que le bailleur a manqué à son obligation de délivrance et de jouissance paisible, et qu'à la date des commandements ces conclusions étaient connues des parties, le bailleur n'a à ce jour toujours pas fait exécuter les travaux préconisés par l'expert.

Le refus de paiement des indexations et taxes foncières correspond à un inexécution limitée de l'obligation de paiement pesant sur le locataire.

Le Tribunal a donc justement considéré qu'il existait une proportion entre la fraction de ses obligations refusée par le preneur et l'inexécution reprochable au bailleur, de nature à paralyser de ce chef le jeu de la clause résolutoire.

2o La caution bancaire

Par courrier du 3 juin 2003, la banque CCF a informé la SCI PELE MELE de ce qu'elle dénonçait à échéance du 30 novembre 2003, l'engagement de caution délivré à la société FORME ET BEAUTE le 30 novembre 2000.

La SCI PELE MELE ne saurait, sans mauvaise foi, soutenir que la caution CCF remise le 30 novembre 2000 n'était pas conforme aux stipulations contractuelles, puisque dans le commandement du 9 mars 2004, il a été indiqué " selon les termes du bail (pages 15 et 16) le preneur a fourni une caution bancaire du CCF ", dénoncée par la banque avec effet au 30 novembre 2003, et que pour ce motif le bailleur a alors demandé, conformément aux clauses contractuelles, règlement immédiat d'une somme égale à six mois de loyers indexés outre impôts fonciers, ce dont il doit être déduit que le bailleur reconnaissait la conformité de la caution initiale avec les stipulations contractuelles, et notamment que dans la commune intention des parties, la mention " elle la caution durera tout le temps de l'occupation des locaux par le preneur " visait à assurer la pérennité de la caution durant l'intégralité du bail, mais ne contraignait pas le preneur à se faire délivrer une caution d'une durée de neuf ans, le preneur demeurant libre de négocier avec son banquier des renouvellements de la caution initiale.

Ainsi, lors du commandement du 4 septembre 2003, la société FORME ET BEAUTE bénéficiait toujours, et ce jusqu'au 30 novembre 2003, de la caution bancaire contractuellement prévue. Elle n'avait donc pas à déférer à la sommation.

Par contre, lors des commandements du 9 mars et 12 juillet 2004, la société FORME ET BEAUTE ne disposait plus de cette caution et conformément aux clauses contractuelles sus-visées, le bailleur était fondé à lui réclamer une somme égale à six mois de loyer à titre de dépôt de garantie.

En effet, si la société FORME ET BEAUTE a produit une facturation de frais de caution du 1er janvier au 31 mars 2004, elle ne justifie nullement de ce que la banque serait revenue sur la dénonciation d'engagement de caution figurant dans son courrier du 3 juin 2003.

Les causes du commandement étant restées sur ce point infructueuses, l'acquisition de la clause résolutoire était acquise.

Cependant, l'ordonnance du 24 février 2005, confirmée de ce chef par l'arrêt du 3 novembre 2005, qui accordait à la société FORME ET BEAUTE un délai de dix mois pour régulariser la situation, a été signifiée le 18 avril 2005, le délai expirait donc le 18 février 2006.

Lors de l'audience devant la Cour, alors que le délai n'était pas expiré le preneur a produit une attestation datée du 5 octobre 2005, ainsi libellée :

" Nous.... CREDIT AGRICOLE.... certifions que le financement sollicité par la SARL FORME ET BEAUTE.... a été accepté... aux conditions suivantes :

montant : 17. 808 €
Objet : caution bancaire correspondant à six mois de loyer y compris taxe foncière ".

Le montant indiqué est jugé insuffisant par la SCI PELE MELE qui affirme qu'à cette époque, la caution devait, en exécution des clauses contractuelles être fixée à 23. 492, 69 €.

Cette réclamation est manifestement erronée puisque par courrier du 22 juillet 2006, postérieur de neuf mois, le notaire mandaté par le bailleur lui-même a fixé le montant de garantie contractuelle à la somme de 22. 437, 88 € et a sollicité du CREDIT AGRICOLE confirmation de sa caution pour ce montant, alors qu'il n'est ni allégué, ni démontré que durant cette période le loyer et les charges aient diminué.

L'acte de caution correspondant à l'attestation n'ayant jamais été produit, et en l'absence d'indication sur l'attestation, de sa date de prise d'effet et de sa durée, celle-ci doit être considérée comme étant indéterminée.

Il est ainsi établi qu'antérieurement au 18 février 2006, la société FORME ET BEAUTE a régularisé la situation et en conséquence que la clause résolutoire est réputée n'avoir jamais joué de ce chef d'infraction.

La production par la SARL FORME ET BEAUTE d'une attestation du CREDIT AGRICOLE datée du 27 octobre 2006 aux termes de laquelle la banque " accorde à la SARL FORME ET BEAUTE une caution bancaire à hauteur de 24. 000 € pour une durée de trois ans au profit de la SCI PELE MELE, et de l'acte de caution incluant une indexation reproduisant les termes du contrat de bail, datée du même jour, ne démontre pas, comme prétendu par la société appelante, l'inanité de l'attestation du 5 octobre 2005.

Cette pièce établit au contraire que jusqu'au 27 octobre 2009, c'est-à-dire au-delà de l'expiration du bail, la SARL FORME ET BEAUTE bénéficie d'une caution conforme quant à son montant aux exigences contractuelles puisque supérieure à la somme arrêtée par le notaire du bailleur, étant précisé que le changement de banque a été nécessairement autorisé par le bailleur, puisque le courrier de son notaire sus-visé, daté du 22 juillet 2006 établit l'intervention du notaire du bailleur dans les pourparlers précédant l'établissement de l'acte de caution.

3o Les travaux d'aménagement

Aux termes du bail, le preneur ne peut faire dans les locaux aucun travaux de quelque nature qu'ils soient.

La société FORME ET BEAUTE ne conteste pas avoir créé, en août 2000, une mezzanine à l'étage et édifié une cloison au rez-de-chaussée mais argue d'une autorisation du bailleur, laquelle est contestée par celui-ci.

Il résulte des pièces produites que ces travaux ne sont pas inclus dans la liste établie par le preneur dans son écrit du 18 juillet 2000, agréée par le bailleur le 28 juillet 2000.

S'il est exact que par ordonnance de référé du 21 mars 2002, la SCI PELE MELE a été déboutée de sa demande d'expertise portant sur ces travaux, c'est seulement à raison de ce qu'elle n'avait alors pas produit les pièces justifiant de la réalité d'aménagement autres que ceux autorisés.

Les attestations d'un électricien qui affirme avoir rencontré à plusieurs reprises le propriétaire des lieux lors des travaux par lui réalisés en août 2000 dans les locaux loués, et du menuisier précisant que présent sur le toit pour réparer la toiture, le propriétaire pouvait voir les travaux s'effectuant dans son local ainsi que les camions de différents artisans ne suffisent pas à démontrer l'existence d'un accord tacite du bailleur pour ces travaux précis, et ce d'autant plus que dans l'autorisation par lui donnée le 28 juillet 2000, il attirait expressément l'attention du preneur sur la nécessité d'éviter toute surcharge sur le sol.

Or, il résulte de la note technique de l'ingénieur du bâtiment et des travaux publics, consulté par la SCI PELE MELE, rédigée le 28 avril 2004 et connue de la société FORME ET BEAUTE depuis l'assignation en référé du 13 décembre 2004, que la mezzanine étant suspendue à la charpente par boulonnage des solives maîtresses dans l'entrait, son poids et les surcharges d'exploitation génèrent des contraintes supplémentaires sur les éléments de charpente

dimensionnés à l'origine pour ne supporter que la couverture-les fissures constatées sur les doublages de rampants de toiture résultent directement des déformations de la charpente, principalement en raison des surplus de charges appliqués par la mezzanine. A défaut de justification par le calcul et compte tenu des désordres allégués par le locataire, notamment ceux se rapportant aux infiltrations et à l'attaque de parasites, il conviendrait de déposer la mezzanine, ou du moins de la supporter autrement que par l'intermédiaire de la charpente.

Cette mezzanine n'ayant été démontée que postérieurement au jugement déféré, la clause résolutoire était incontestablement acquise au jour où le Tribunal a statué.

Ces travaux ne sauraient constituer une riposte proportionnée au refus du bailleur de réaliser les travaux de couverture lui incombant puisqu'ils ont été réalisés avant toute dénonciation de sinistre-la première plainte du locataire datant de novembre 2000-et donc avant l'expertise judiciaire et les commandements de payer, et qu'eu égard à la teneur de la note technique, cette infraction est d'une particulière gravité.

Enfin, la société FORME ET BEAUTE soutient que le bailleur a mis en oeuvre la clause résolutoire dans le seul but de s'exonérer de ses propres obligations, à savoir de se dispenser de l'exécution des travaux préconisés par l'expert judiciaire, ce qui constitue une initiative exclusive de toute bonne foi, autorisant le juge à écarter la clause résolutoire.

Cependant le fait pour le bailleur d'avoir exigé de son locataire le respect des clauses du bail, après que celui-ci l'avait attrait devant le juge des référés en vue d'obtenir le respect de ses propres engagements ne suffit pas à caractériser la mauvaise foi, et ce alors qu'eu égard à la teneur de la note technique ci-dessus précisée, l'enlèvement de la mezzanine revêtait un caractère d'urgence.

La clause résolutoire est donc acquise depuis le 12 août 2004 à raison de ce manquement non régularisé dans le délai contractuel imparti, le preneur ne peut se prévaloir de l'exception d'inexécution ou de la mauvaise foi du bailleur dans la mise en oeuvre de la clause, et ce sans qu'il soit besoin d'examiner l'argumentation développée par les parties relative au défaut d'entretien des lieux loués.

II Sur la suspension des effets de la clause résolutoire

La Cour ayant en son arrêt du 3 novembre 2005 réformé les dispositions de l'ordonnance de référé ayant accordé à la société FORME ET BEAUTE un délai de dix mois pour remettre les lieux en conformité, et donc pour démonter la mezzanine, il doit être considéré que le preneur demeure recevable à solliciter à nouveau des délais devant le juge du fond.

Cependant, alors que l'infraction aux clauses du bail s'est maintenue durant trente mois puisque la mezzanine n'a été démontée qu'en exécution du jugement déféré, ainsi qu'il a été constaté par procès-verbal d'huissier le 27 février 2007, alors que le preneur, qui avait connaissance depuis

le 14 décembre 2004 de la note technique susvisée, ne pouvait ignorer la gravité du manquement, il n'existe aucun motif de faire droit à la demande de suspension des effets de la clause résolutoire, le jugement sera réformé de ce chef, et il sera fait droit à la demande d'expulsion selon des modalités précisées au dispositif du présent arrêt.

III Sur l'expertise judiciaire

Les dispositions du jugement relatives à la désignation de l'expert, non contestées, seront confirmées par motifs adoptés.

La société FORME ET BEAUTE ne critique pas la demande de modification de mission formulée par la SCI PELE MELE au motif justifié que le jugement est sur ce point inexécutable, et il y sera fait droit selon les modalités précisées au dispositif du présent arrêt.

IV Les loyers et frais

Il résulte du décompte du 2 novembre 2006 et il n'est pas contesté que la société FORME ET BEAUTE est redevable, au titre de l'année 2002 des taxes foncières des années 2003 à 2006 incluse, d'une somme totale de 22. 415, 94 €.

La caution bancaire ayant été rétablie dans les termes contractuels ainsi qu'il a été ci-dessus exposé, il n'y a pas lieu de faire droit à la réclamation relative au dépôt de garantie.

Par ailleurs, le Tribunal a justement considéré, par des motifs pertinents que la Cour adopte, qu'à raison du comportement procédural fautif du bailleur et de sa carence dans l'exécution de ses propres obligations, il n'y avait pas lieu d ‘ appliquer dans leur intégralité les clauses du bail relatives aux intérêts et frais, laissé à la charge du bailleur la moitié des sommes réclamées à ce titre, et considéré également que la somme de 4. 484, 65 € sollicitée du chef des " frais de recouvrement et de poursuites " n'était pas justifiée.

Les stipulations contractuelles relatives à la clause pénale n'étant pas contestées, celle-ci s'élève à :

(22. 415, 94 + 397, 50) x 10 % = 2. 281, 34 €.

Le montant des sommes dues s'élève donc à :

22. 415, 94 + 397, 50 + 2. 281, 34 = 27. 376, 12 €

et le jugement sera réformé.

Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du jugement à concurrence de la somme de 23. 520 €, à compter du présent arrêt pour le surplus, étant précisé que les dispositions du jugement relatives à la solidarité, non contestées, seront confirmées par motifs adoptés.

IV Sur les demandes reconventionnelles

1o L'autorisation d'exécution de travaux

A raison de la résiliation du bail, la demande d'autorisation à exécuter elle-même les travaux préconisés par l'expert judiciaire, présentée par la société FORME ET BEAUTE, sera rejetée comme étant désormais sans objet.

2o Le trouble de jouissance

Il résulte des attestations, des constats d'huissiers et du rapport d'expertise qu'entre le 7 novembre 2000 et le 12 août 2004, date de résiliation du bail que si les fuites de la toiture n'ont pas " affecté d'une façon significative l'usage des locaux, comme l'a indiqué l'expert, la société exploitante a subi un trouble de jouissance caractérisé par une dégradation des conditions d'exploitation et une atteinte à l'image commerciale qui eu égard à sa durée, mais également à son caractère limité a été exactement chiffré par le Tribunal et le jugement sera confirmé de ce chef.

Compensation sera ordonnée entre les créances respectives des parties.

Sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile et les dépens

Succombant partiellement en cause d'appel, chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles et de ses dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

-Réforme le jugement en ses dispositions relatives à la suspension des effets de la clause résolutoire, la mission de l'expert, le montant des loyers et frais, l'autorisation d'exécution de travaux ;

-Constate l'acquisition de la clause résolutoire à la date du 12 août 2004 ;

-Dit que la SARL FORME ET BEAUTE devra quitter les lieux dans un délai de trois mois à compter de la signification du présent arrêt, et passé ce délai prononce son expulsion sous astreinte de 500 € par jour de retard ;

-Dit que M. C..., expert nommé par le Tribunal en remplacement de M. B..., aura pour mission de :

* se faire communiquer tout document utile à l'accomplissement de sa mission,

* se rendre sur place et entendre les parties,

* décrire les travaux permettant la réparation et la remise en état des locaux au vu du procès-verbal de constat d'entrée dans les lieux dressé le 6 juillet 2000 par Maître D... et du commandement délivré le 12 juillet 2004 par Maître E... à la SARL FORME ET BEAUTE,

* en chiffrer le coût,

* s'expliquer sur toute cause de préjudice subi par la SCI PELE MELE.

-Condamne solidairement la SARL FORME ET BEAUTE, M. Laurent Y... et Mme Corinne X... à payer à la SCI PELE MELE la somme de 27. 376, 12 € avec intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 2007 sur la somme de 2. 520 €, à compter du présent arrêt pour le surplus ;

-Déboute la société FORME ET BEAUTE de sa demande d'autorisation d'exécution de travaux ;

-Confirme le jugement en ses autres dispositions ;

-Ordonne la compensation entre les créances respectives des parties ;

-Dit que chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles et de ses dépens en cause d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

N. LE GALLM. HOLMAN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Numéro d'arrêt : 07/01075
Date de la décision : 17/01/2008
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Caen


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-01-17;07.01075 ?
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