AFFAIRE : N RG 06 / 00724
Code Aff. :
ARRÊT N
MH NP
ORIGINE : DECISION en date du 08 Février 2006 du Tribunal de Grande Instance de LISIEUX-RG no 04 / 1701
COUR D'APPEL DE CAEN
PREMIÈRE CHAMBRE-SECTION CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 25 OCTOBRE 2007
APPELANTS :
Monsieur Philippe X...
GROUPE X...
...
27110 LE NEUBOURG
L'EURL NATURE ET LIN
Rue de l'Homme de Bois
14600 HONFLEUR
prise en la personne de son représentant légal
représentés par la SCP GRANDSARD DELCOURT, avoués
assistés de Me Jean-Louis DEBRE, avocat au barreau d'EVREUX
INTIMEES :
LE CREDIT LYONNAIS
4 Place Berthelot
14600 HONFLEUR
pris en la personne de son représentant légal
non comparant, bien que régulièrement assigné,
Madame Inès Y...
...
14800 DEAUVILLE
représentée par la SCP MOSQUET MIALON D'OLIVEIRA LECONTE, avoués
assistée de la SCP VIAUD-REYNAUD-BLIN-LION-BLIN, avocats au barreau de LISIEUX
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame HOLMAN, Conseiller, faisant fonction de Président, rédacteur,
Madame BOISSEL DOMBREVAL, Conseiller,
Mme VALLANSAN, Conseiller,
DÉBATS : A l'audience publique du 20 Septembre 2007
GREFFIER : Mme LE GALL, greffier
ARRÊT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 25 Octobre 2007 et signé par Madame HOLMAN, Conseiller, faisant fonction de Président, et Mme LE GALL, Greffier
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M. Philippe X... et L'EURL NATURE ET LIN ont interjeté appel du jugement rendu le 8 février 2006 par le Tribunal de grande instance de LISIEUX dans un litige les opposant au CREDIT LYONNAIS (la banque) et Mme Inès Y....
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Par acte sous seing privé du 17 décembre 2002, Mme Y... a consenti à M. X... un bail commercial portant sur des locaux situés à DEAUVILLE,95, rue du Général Leclerc, avec faculté pour le preneur de " se substituer une tierce personne ou une société ", au loyer mensuel de 1. 300 €.
Il était inséré au bail une clause résolutoire prévoyant la résiliation du bail de plein droit un mois après un commandement de payer ou une sommation demeurée sans effet.
Le preneur a quitté les lieux le 9 juillet 2004
Mme Y... a fait délivrer des commandements, visant la clause résolutoire, le 10 septembre 2004 et le 20 janvier 2005 à M. X..., l'un pour défaut de paiement des loyers, l'autre pour inexploitation des lieux.
Ces commandements sont demeurés infructueux.
Par acte du 6 décembre 2004, M. X... a formé opposition au commandement du 10 septembre 2004.
Par acte du 24 février 2005, M. X... a formé opposition au commandement du 20 janvier 2005.
Par acte du 31 mai 2005, Mme Y... a dénoncé la procédure au CREDIT LYONNAIS, créancier nanti.
Les procédures ont été jointes et par le jugement déféré, assorti de l'exécution provisoire le Tribunal a :
-constaté l'acquisition de la clause résolutoire,
-ordonné l'expulsion de L'EURL NATURE ET LIN ou de tous occupants de son chef, dans le délai d'un mois suivant la signification du jugement, si besoin est, avec le concours de la force publique et sous astreinte provisoire de 100 € par jour de retard,
-condamné solidairement M. X... et L'EURL NATURE ET LIN à payer à Mme Y... la somme de 8. 040 € à titre de loyers et charges au 1er janvier 2005 et, postérieurement une indemnité d'occupation correspondant au montant du loyer et des charges, outre une somme de 1. 200 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
-autorisé Mme Y... à conserver le dépôt de garantie à titre de clause pénale.
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Vu les écritures signifiées :
* le 26 juin 2007 par M. X... et L'EURL NATURE ET LIN qui concluent à l'infirmation du jugement, au prononcé de la résiliation du bail aux torts de Mme Y... et demandent paiement des sommes de 44. 200 € et 3. 900 € à titre de dommages et intérêts,3. 500 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
* le 14 août 2007 par Mme Y... qui conclut à la confirmation du jugement et demande paiement d'une somme complémentaire de 3. 000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Le CREDIT LYONNAIS, régulièrement assigné, n'a pas constitué avoué.
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Contrairement aux allégations de l'intimée, les appelants ont intérêt à contester les dispositions du jugement relatives à l'acquisition de la clause résolutoire puisqu'ils soutiennent que le jeu de cette clause doit être écarté à raison de la mauvaise foi du bailleur, et que la résiliation du bail doit être prononcée aux torts de celui-ci, moyens qu'ils développent à l'appui de leurs réclamations en dommages et intérêts.
En conséquence leur appel de ce chef est recevable.
Au fond, les appelants soutiennent que Mme Y... a délibérément décidé de faire échouer la cession de droit au bail envisagée par L'EURL au profit des consorts A..., et ce dans le but de vendre les murs de son immeuble libres de toute occupation à l'acquéreur qui s'était présenté, ce qu'elle a réussi à faire puisque les consorts A..., qui avaient signé une promesse synallagmatique de vente le 19 mars 2004, la régularisation de la cession devant intervenir le 1er juin 2004, ont indiqué dans un courrier de leur notaire du 8 juin 2004 ne pas donner suite à leur projet, d'une part à raison de leur inquiétude sur la durée du bail commercial, d'autre part de leur crainte " que le retard apporté dans ce dossier quant à la régularisation ne leur soit préjudiciable sur le plan commercial ".
La promesse du 19 mars 2004 au prix de 44. 200 € sous déduction de la commission de l'agence et augmentée de 3. 900 € au titre du dépôt de garantie comportait la clause suivante : " lors de la convention définitive, Mme Y... devra avoir impérativement et par écrit confirmé le montant des charges à 40 € par mois ainsi que la date de départ effectif du bail, faute de quoi les présentes seront nulles et non avenues ".
Il résulte des différents courriers échangés entre les parties et leurs notaires que la difficulté tendant à la " date de départ effectif du bail " résultait du fait que cet acte, rédigé en trois exemplaires, bien que prévoyant une durée de neuf ans, était conclu pour la période " ayant commencé à courir au 1er mars 2003 pour se terminer au 1er mars 2013 " (sur deux exemplaires), " au 1er mars 2002 pour se terminer au 1er mars 2013 " sur l'exemplaire initialement remis par M. X... à son notaire, ce qui constitue manifestement une erreur puisque Mme Y... a acquis l'immeuble le 30 octobre 2002.
Il ne peut être reproché à Mme Y... d'avoir omis de produire l'original de l'acte au notaire chargé de rédiger l'acte de cession puisque l'accomplissement de cette formalité incombait exclusivement au cédant seul cocontractant des consorts A... et que celui-ci a d'ailleurs remis cet original le 4 juin 2004, étant précisé surabondamment que les différences de mentions de date avaient un intérêt limité puisque d'une durée inférieure à douze ans, le bail était en tout état de cause soumis au statut des baux commerciaux et que la date d'échéance 1er mars 2013 était identique sur les deux exemplaires.
Mme Y... n'a par ailleurs commis aucune faute en refusant de comparaître pour régularisation de l'acte de cession du bail du local " loué à L'EURL NATURE ET LIN " dont le siège social était " rue de l'homme des bois à HONFLEUR ", puisqu'à l'exception des règlements de loyers effectués par cette société, ce qui est manifestement insuffisant pour valoir information de substitution, elle n'a jamais été avisée de la substitution, et que, si le compromis de cession du 13 mars 2004 désigne bien au titre de cédant L'EURL NATURE ET LIN représentée par M. X..., les courriers échangés entre les notaires des parties et adressés à Mme Y... ne font jamais référence à L'EURL mais seulement à la " cession du droit au bail de M. X... ".
Le Tribunal a donc justement considéré que Mme Y... n'était pas responsable de l'abandon du projet de cession au profit des consorts A....
Les appelants prétendent que le bailleur a persisté dans son comportement malveillant, cause de l'échec de la seconde tentative de cession au profit de la société EMILE GARCIN.
Aux termes des écrits échangés entre les parties et leurs notaires, postérieurement à l'échec de la cession A..., Mme Y... a proposé à son locataire une résiliation amiable du bail moyennant une indemnité de 23. 000 € qualifiée par celui-ci de " misérable ".
M. X..., qui n'était pas hostile au principe de cession amiable, a réclamé-par courrier de son notaire du 29 juin 2004-une indemnité de 30. 000 €, outre remboursement du dépôt de garantie.
Le 9 juillet 2004, une convention a été passée entre M. X... et la société EMILE GARCIN, ainsi rédigée :
" La société EMILE GARCIN devant acquérir les murs de la boutique occupée par Monsieur X...,95 rue du Général Leclerc à DEAUVILLE, indemnisera Monsieur X... pour son départ suivant les accords intervenus récemment et devant être régularisés chez les Notaires choisis par les parties.
Monsieur X... ayant vidé les lieux dès maintenant remets (sic) ce jour les clefs de sa boutique à la société acquéreur afin de faciliter l'établissement des devis de travaux qu'elle doit entreprendre ".
Par courrier du 27 août 2004, Mme Y... a fait connaître au notaire rédacteur de l'acte de promesse de vente des murs qui l'avait contactée pour un rendez-vous de signature qu'elle renonçait à son projet de vente, arguant de " différents reports, courriers sans réponse, multiples décisions de rendez-vous de dernière minute avec annulation pour défaut de pièces, et autres avatars ", et a averti le représentant de la société GARCIN de ce que le magasin serait disponible à la location avec bail à compter du 1er octobre 2004 au loyer mensuel de 1. 525 €.
Cependant, aucune pièce du dossier n'établit l'existence d'un accord de Mme Y... quant à la cession et au prix de cession, elle n'était pas partie à la convention du 9 juillet 2004, dont la caducité ne saurait dès lors lui être imputée.
Le Tribunal a justement considéré qu'avant la signature de toute promesse de vente, Mme Y... était libre de disposer de son bien comme elle l'entendait et que l'échec de la cession de bail résulte uniquement de la non réalisation-non fautive pour les motifs ci-dessus exposés-de la vente des murs.
En conséquence le jugement sera confirmé.
Succombant en leur appel, M. X... et L'EURL NATURE ET LIN ont contraint Mme Y... à exposer des frais irrépétibles qui seront en équité fixés à 3. 000 €.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
-Confirme le jugement ;
Y additant,
-Condamne M. X... et L'EURL NATURE ET LIN à payer à Mme Ines Y... la somme de 3. 000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
-Les condamne aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
N. LE GALLM. HOLMAN