AFFAIRE : N RG 07/00048
Code Aff. :
ARRET N
E.G
ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes d'AVRANCHES en date du 14 Décembre 2006 RG no F 06/0006
COUR D'APPEL DE CAEN
TROISIÈME CHAMBRE - SECTION SOCIALE 2
ARRET DU 14 SEPTEMBRE 2007
APPELANT :
Monsieur Patrice X...
...
50350 DONVILLE LES BAINS
Comparant et assisté de Me HAM, substituant Me Emmanuel LEBAR, avocats au barreau de COUTANCES
INTIME :
Monsieur Thierry A...
La Dorée
50800 LA LANDE D AIROU
Comparant et assisté de Me GUILLEVIN, avocat au barreau D'AVRANCHES
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur DEROYER, Président,
Monsieur COLLAS, Conseiller,
Mme GUENIER-LEFEVRE, Conseiller, rédacteur ,
DEBATS : A l'audience publique du 11 Juin 2007
GREFFIER : Madame POSE
ARRET prononcé publiquement le 14 Septembre 2007 à 14 h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile et signé par Monsieur DEROYER, Président, et Mademoiselle GOULARD, Greffier
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FAITS ET PROCÉDURE
Monsieur Patrice X... a été embauché par Monsieur Thierry A... en qualité d'ouvrier couvreur niveau I position 2 coefficient 170 à compter du 24 janvier 2005.
Il était placé en arrêt maladie à compter du 26 octobre 2005.
Contestant les conditions dans lesquelles il percevait sa rémunération il saisissait le conseil des prud'hommes d'Avranches le 11 janvier 2006 aux fins de voir prononcer la résiliation de son contrat de travail aux torts de son employeur.
Par la suite il faisait l'objet d'un licenciement pour inaptitude.
Le 14 décembre 2006, le conseil des prud'hommes rendait un jugement dont le dispositif est le suivant :
« - condamne Monsieur A... verser à monsieur X... la somme de 447 € au titre du maintien du salaire,
- Déboute Monsieur X... de tous les autres chefs de demande,
- Déboute Monsieur A... de sa demande reconventionnelle,
- Ordonne l'exécution provisoire de droit du présent jugement »
Vu les conclusions de monsieur Patrice X... appelant déposées le 18 mai 2007 et soutenues à l'audience,
Vu les conclusions de monsieur Thierry A... intimé déposé le 11 juin 2007 et soutenues à l'audience,
MOTIFS
I) sur les modalités de la rémunération pendant le congé maladie
A- sur le maintien du salaire
Il résulte de l'article 6.133 de la convention collective admise comme étant applicable par les parties, que lorsque le salarié est victime d'un accident ou d'une maladie qu'elle soit professionnelle ou non professionnelle, l'employeur doit verser une indemnité complémentaire aux indemnités journalières dans le but de garantir à son employé, pendant une durée variable d'au maximum 90 jours, le maintien de sa rémunération soit à 100 % soit au minimum à
75 %, les causes à l'origine de l'arrêt de travail et la durée initiale de ce dernier déterminant les modalités d'application de cette disposition.
Monsieur A... ne conteste pas avoir reçu de son salarié un arrêt maladie en date du 26 octobre 2005 et déclare avoir eu notification de ce que monsieur X... était reconnu victime d'une maladie professionnelle le 10 janvier 2006.
Ce faisant, il admet que les dispositions de la convention collective ci dessus rappelées étaient applicables à son salarié.
Or les bulletins de salaires de la période sur lesquels figure d'ailleurs la mention " arrêt du (...)maintien 50% SS(...)", révèlent que l'employeur n'a pas complété les indemnités journalières qu'il a admis par ailleurs percevoir dans le cadre de la subrogation, allant même jusqu'à reverser à ce dernier des sommes inférieures à celles à lui adressées par la caisse d'assurance-maladie.
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Ainsi le montant de la rémunération antérieurement équivalente à 1339,25 € par mois n'a jamais été maintenu à 100 %, 90% ou 75 % ni pendant les 48 premiers jours de l'arrêt de travail ni au-delà.
La régularisation intervenue à hauteur de 1060,43 € au moment du versement du salaire du mois de janvier 2006, somme dont le caractère d'indemnité complémentaire aux indemnités journalières n'est pas contesté, suffit d'ailleurs à démontrer que le maintien de la rémunération dès les premiers moments de l'arrêt de travail tel que prévu par la convention collective n'avait pas été mis en oeuvre.
Ce faisant, Monsieur A... n'a pas respecté ses obligations contractuelles.
B- sur le taux horaire appliqué à compter de l'arrêt de travail
L'employeur admet dans ses écritures (page cinq) que le salaire horaire de monsieur X... était depuis le 1er mars 2005 jusqu'à la date de son arrêt travail de 8,83 €.
Malgré la régularisation intervenue au mois de janvier 2006, compte tenu des sommes préalablement versées d'octobre à janvier 2006 inclus, il est manifeste que le taux horaire de 8,83 Euros n'a pas été respecté.
Il reste du sur cette base la somme de 402,48 € , outre les congés payés afférents soit un total de 442,71 €.
Le jugement du Conseil des Prud'hommes qui a alloué à ce titre la somme de 447 Euros sera donc réformé en ce qu'il n'a pas alloué l'exacte somme restant due.
De même l'examen du bulletin de salaires de février 2006 fait apparaître que le taux horaire retenu pour calculer le salaire est de 7,38 €.
Même si aucune demande n'est formulée à ce dernier titre, il convient de constater que la rémunération a été diminuée, sans qu'il puisse être excipé d'un accord du salarié sur ce point, l'employeur là encore ne respectant pas ses engagements contractuels.
C- sur les charges sociales prélevées
Des articles L. 242 – I alinéa 4 et R. 242 –I alinéa 1er du code de la sécurité sociale il résulte que les indemnités journalières, à l'opposé des indemnités dues en vue du maintien du salaire par l'employeur, ne sont pas soumises à cotisations sociales, seules la CSG et le RDS devant être déduites.
Or en l'espèce les bulletins de salaires de la période en cause ne permettent pas de constater que l'employeur a soustrait comme il prétend l'avoir fait, de la somme sur laquelle étaient calculées les cotisations de sécurité sociale celles correspondant aux indemnités journalières reçues dans le cadre de la subrogation et normalement reversées au salarié.
Dans cette mesure et alors que Monsieur A... ne propose aucune autre modalité de calcul il convient de considérer qu'il reste du au salarié à ce titre la somme de 750 €, sur la base d'un prélèvement excessif à hauteur de 30 %.
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II) sur le rappel d'heures supplémentaires
Sans que cela soit clairement précisé ou contesté, il peut être déduit de l'ensemble des éléments versés aux débats que les 35 heures de travail hebdomadaire étaient réparties de façon à ce que le travail s'arrête à 17 h 15 du lundi au jeudi et le vendredi midi.
Pour étayer la demande formulée au titre des heures supplémentaires, Monsieur X... verse aux débats diverses attestations (l'une émanant d'un maître d'ouvrage), dont il résulte qu'il travaillait régulièrement le vendredi après-midi et au-delà de 17 h 15 le reste de la semaine.
Cependant faute pour le salarié de fournir un décompte précis des heures effectuées au-delà de 17 h 15, que lui même fixe forfaitairement, il convient de considérer que les éléments versés ne suffisent pas à étayer la demande de ce chef.
En revanche et concernant les vendredis après-midi, alors que les attestations de monsieur C... et de Monsieur D... contiennent sur ce point des déclarations très précises, contre lesquelles l'employeur n'apporte aucun élément permettant d'exclure un travail effectif le vendredi après-midi, il convient de considérer dans la limite de la demande formée à ce titre que monsieur X... a travaillé à raison de quatre heures par vendredi après-midi pendant 22 semaines, soit 88 heures supplémentaires de travail ouvrant droit à majoration de 25 %.
Aucune rémunération de ces heures ne figurent sur les bulletins de salaire, l'employeur en déniant d'ailleurs l'existence.
Il sera donc alloué au salarié à ce titre une somme de 971,30 € outre les congés payés y afférent.
III) sur la résiliation judiciaire du contrat de travail
Le salarié dont l'employeur ne respecte pas ses engagements contractuels peut sur le fondement de l'article 1184 du Code civil saisir le conseil des prud'hommes afin que soit prononcée la résiliation judiciaire de son contrat de travail, laquelle si elle est prononcée aux torts de l'employeur produit les mêmes effets qu'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La date de rupture du contrat doit être fixée en cas de licenciement postérieur, à la date d'envoi de la lettre de licenciement.
En l'espèce il a été démontré ci dessus que l'employeur de monsieur X... avait failli à ses obligations contractuelles en ne maintenant pas un niveau de rémunération minimum telle que prévu par la convention collective applicable, en diminuant proprio motu le montant du salaire et en prélevant indûment des charges sociales sur les indemnités journalières.
L'ensemble de ces griefs tiennent à la violation d'obligations contractuelles essentielles que constituent le paiement de la rémunération due et l'application des règles de la protection sociale.
Dès lors la résiliation du contrat de travail doit être prononcée aux torts de Monsieur A....
En référence à la date de l'envoi de la lettre de licenciement pour inaptitude, la rupture du contrat de travail sera fixée au 29 décembre 2006.
Sans que ce point ait été contesté dans son principe, il sera en conséquence alloué à monsieur X... la somme de 1339,29 € à titre de préavis outre 133,92 € au titre des congés payés y afférents.
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En outre, alors que Monsieur X... totalisait moins de deux ans d'ancienneté à la date de la rupture du contrat dans une entreprise employant habituellement moins de 10 salariés, alors qu'il n'est justifié d'aucune période de chômage indemnisé, considération étant cependant prise de l'état d'inaptitude de l'intéressé à tout poste de couvreur, il convient d'allouer à titre de réparation du préjudice né de la rupture aux torts de l'employeur, une somme de 3.000 Euros.
IV) sur le travail dissimulé
Il résulte des articles L. 324 – 10 et suivants du code du travail que la mention sur les bulletins de paie d'un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué n'entraîne pas irrémédiablement une présomption de dissimulation intentionnelle laquelle doit être établie préalablement au prononcé de la sanction prévue à l'article L. 324 – 11 – 1 du code du travail.
En l'espèce, alors que le temps plein était fini le vendredi midi, il apparaît des conditions mêmes de l'emploi, que l'employeur ne pouvait ignorer que son salarié travaillait encore le vendredi après-midi ,et donc au delà du temps plein, aucun élément particulier ne laissant entendre le contraire.
Dès lors, le caractère intentionnel de la dissimulation tel qu'exigé par les dispositions susvisées est caractérisé et il sera alloué à ce titre la somme de 8.035,74 Euros, le jugement du Conseil des Prud'hommes étant également infirmé sur ce point.
En raison des circonstances de l'espèce, il apparaît équitable d'allouer à monsieur X... une indemnité en réparation de tout ou partie de ses frais irrépétibles dont le montant sera fixé au dispositif.
PAR CES MOTIFS
La Cour ,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Condamne Monsieur Thierry A... à verser à monsieur Patrice X... les sommes suivantes
- 402,48 € à titre de rappels de salaire et 40,24 € au titre des congés payés y afférents;
- 750 € à titre de remboursement de charges sociales indûment déduites,
- 971,30 € au titre des heures supplémentaires et 97,13 € au titre des congés payés y afférents;
- 8.035,74 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé,
Prononce la résiliation du contrat de travail unissant Monsieur A... Thierry à Monsieur Patrice X..., et ce, à compter du 29 décembre 2005,
Condamne en conséquence Monsieur Thierry A... à verser à monsieur Patrice X... les sommes suivantes:
-1339,29 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 133,92 € à titre d'indemnité de congés payés y afférent;.
- 3 000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture aux torts de l'employeur
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- 1 200 € d'indemnité au titre des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relatif à l'aide juridictionnelle.
Dit que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur en conciliation et que les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Dit que l'employeur sera tenu de présenter au salarié un décompte de cette somme ainsi que des bulletins de paie, certificat de travail et attestation ASSEDIC conformes aux termes de cette décision dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, et sous astreinte de 5 Euros par jour de retard au delà, la Cour se réservant la liquidation de l'astreinte,
Déboute les parties de leurs autres demandes.
Dit que les dépens en ce compris ceux de première instance, seront supportés par monsieur Thierry A... qui seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT
E. GOULARDB. DEROYER