AFFAIRE : N RG 06/02279
Code Aff. :
ARRET N
C.P
ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes de CAEN en date du 07 Juillet 2006 RG no F 05/0797
COUR D'APPEL DE CAEN
TROISIEME CHAMBRE - SECTION SOCIALE 2
ARRET DU 14 SEPTEMBRE 2007
APPELANTS :
Madame Michelle X...
Monsieur VALLEE
Fumichon
14710 ST MARTIN DE BLAGNY
Comparants en personne, assistés de Me CHEVRET, avocat au barreau de CAEN
INTIME :
Monsieur Jean-Pierre Z...
Retot
14330 LE MOLAY LITTRY
Comparant en personne, assisté de par Me FOUET, avocat au barreau de CAEN
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur DEROYER, Président,
Monsieur COLLAS, Conseiller, rédacteur
Madame GUENIER-LEFEVRE, Conseiller,
DEBATS : A l'audience publique du 11 Juin 2007
GREFFIER : Madame POSE
ARRET prononcé publiquement le 14 Septembre 2007 à 14 heures par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile et signé par Monsieur DEROYER, Président, et Mademoiselle GOULARD, Greffier
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Faits - Procédure :
Monsieur Jean-Pierre Z... a verbalement été engagé le 1er septembre 1973, pour une durée indéterminée, en qualité d'ouvrier agricole qualifié par Monsieur et Madame X..., exploitants agricoles à SAINT MARTIN DE BLAGNY.
Le contrat de travail a été rompu le 30 septembre 2004 dans des conditions qui sont l'objet du litige opposant les parties.
Estimant en effet à la fois irrégulière et abusive la rupture à cette date de son contrat, Monsieur Z... a saisi le 29 juillet 2005 le Conseil de prud'hommes de CAEN de diverses demandes indemnitaires à ces titres.
Vu le jugement rendu le 7 juillet 2006 par le dit Conseil de prud'hommes qui a partiellement fait droit aux demandes de Monsieur Jean-Pierre Z....
Vu les conclusions déposées et oralement soutenues à l'audience par Monsieur et Madame X..., appelants principaux et intimés incidents.
Vu les conclusions déposées le 1er juin 2007 et oralement soutenues à l'audience par Monsieur Jean-Pierre Z..., intimé principal et appelant incident.
MOTIFS
- Sur l'imputabilité de la rupture
Le contrat de travail conclu sans détermination de durée peut cesser à l'initiative d'une des parties contractantes (article L 122-4 du Code du Travail).
Il peut également être résilié du commun accord des parties.
La rupture à l'initiative du salarié prend la forme, soit d'une démission, soit d'un refus de poursuivre l'exécution du contrat motivé par des manquements à ses obligations qu'il reproche à son employeur auquel il entend, de ce fait, imputer la responsabilité de celle-ci.
La rupture qui intervient dans cette hypothèse produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.
La démission ne peut elle-même résulter que d'une manifestation non équivoque de volonté du salarié de mettre un terme au contrat.
Enfin, l'employeur qui prend l'initiative de rompre le contrat de travail, ou le considère comme rompu du fait du salarié, doit mettre en oeuvre la procédure de licenciement.
Telles sont les seules hypothèses dans lesquelles peut être rompu un contrat de travail à durée indéterminée comme l'était celui de Monsieur Z....
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Il n'est contesté par aucune des parties que celui-ci a été rompu le 30 septembre 2004.
Les seuls documents qui attestent de la réalité de la rupture à cette date sont, d'une part, le reçu pour solde de tout compte remis ce jour à Monsieur Jean-Pierre Z... par Monsieur Jacques X... son employeur, lequel est régulièrement signé par eux qui ont l'un et l'autre fait précédé leur signature de la mention manuscrite "Lu et approuvé", document aux termes duquel le premier atteste avoir reçu du second la somme de 7.553 € à raison de son licenciement motivé par la cessation d'activité de Monsieur et Madame X... et, d'autre part, l'attestation destinée à l'ASSEDIC remise le même jour au salarié par ses employeurs laquelle mentionne "licenciement pour cessation d'activité" comme motif de la rupture du contrat de travail.
A contrario, il n'existe ni écrit du salarié exprimant sa volonté de mettre un terme au contrat, ni écrit entérinant un hypothétique accord des parties à sa résiliation.
Nonobstant, les époux X... soutiennent que Monsieur Z... a volontairement quitté l'emploi qu'il occupait à leur service parce que, eux-mêmes envisageant prendre leur retraite et céder leur exploitation à un repreneur, lequel, en la personne de Monsieur Nicolas B..., avait été pressenti, celui-ci leur a indiqué ne pas vouloir travailler avec ce nouvel employeur car, notamment, il ne voulait pas être commandé par un jeune.
Outre que cette hypothèse n'est pas contestée par Monsieur Z..., il est justifié de ce que, courant 2004 au moins, Monsieur et Madame X..., souhaitant prendre leur retraite et donc cesser d'exploiter, ont cherché un repreneur à leur exploitation qu'ils ont trouvé en la personne de Monsieur Nicolas B... et celui-ci a été autorisé, par arrêté préfectoral du 15 octobre 2004, à exploiter les terres jusqu'alors exploitées par les époux X....
En réalité, ainsi qu'il ressort à la fois d'un courrier daté du 15 septembre 2006 du Centre d'Economie Rurale du Calvados et d'une longue attestation manuscrite de cinq pages établie le 4 janvier 2007 par Monsieur Hubert C..., qui s'y présente comme technicien et responsable clientèle au sein d'un groupe laitier, la reprise de l'exploitation par Monsieur B..., un temps envisagée, n'a pu se faire, la Commission Départementale des structures ayant refusé celle-ci le 21 octobre 2004.
La Cour ignore si la reprise de l'exploitation des époux X... a pu en définitive se réaliser, l'identité de l'éventuel repreneur et la date éventuelle de celle-ci.
Les époux X... en particulier sont entièrement taisants sur la question.
Il n'est toutefois ni contestable, ni contesté que, lorsque le 30 septembre 2004 a été rompu le contrat de travail de Monsieur Z..., la reprise de l'exploitation des époux X... par Monsieur B... était l'hypothèse envisagée, laquelle, par définition, n'était pas réalisée.
Or, dans cette hypothèse, et quelles que soit du reste la personne du repreneur, devaient recevoir application les dispositions de l'article L 122-12, 2ème alinéa du Code du Travail, lesquelles sont d'ordre public, et les cédants n'avaient donc pas à prendre en considération les souhaits par rapport à l'avenir de sa situation professionnelle, de leur salarié en prenant l'initiative de rompre son contrat avant même la reprise seulement envisagée à une date alors incertaine.
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Non seulement donc il n'existe aucune expression d'une volonté non équivoque du salarié de rompre son contrat, non plus qu'aucune expression d'une volonté commune de le rompre, mais les seuls documents matérialisant la rupture émanent de l'employeur et mentionnent le licenciement motivé par la cessation d'activité des exploitants comme cause de celui-ci.
Seule cette hypothèse est donc conforme à la réalité.
Il est constant et non contesté que l'employeur s'est ici entièrement affranchi des règles prescrites par les articles L 122-14 à L 122-14-2 qui s'imposaient à lui en l'hypothèse.
Le licenciement de Monsieur Z..., qui ne lui a donc été notifié que verbalement, est dès lors dépourvu de cause réelle et sérieuse.
- Sur les conséquences indemnitaires du licenciement
Si Monsieur Z... comptait 31 années ininterrompues d'ancienneté au service des époux X... à la date de rupture de son contrat, il n'est pas contesté qu'il était leur unique salarié.
Doit en conséquence, pour déterminer le montant de son indemnisation au titre de la rupture, recevoir application l'article L 122-14-4 pour ce qui est de celle au titre de l'inobservation de la procédure de licenciement et l'article L 122-14-5 pour ce qui est de l'évaluation du préjudice né de la rupture elle-même.
Il est ici constant que l'employeur s'est entièrement affranchi du respect de la procédure de licenciement codifiée à l'article L 122-14.
Cette circonstance justifie d'allouer au salarié l'indemnisation maximum, équivalente à un mois de salaire, prévue par l'article L 122-14-4.
Par nature, un licenciement motivé par la cessation d'activité de l'employeur, lequel motif est celui par lui porté sur les documents remis à son salarié à la rupture de leurs relations, est un licenciement pour motif économique.
En application des articles L 122-9 et R 122-2 du Code du Travail alors applicables, Monsieur Z... est donc en droit de percevoir une indemnité légale de licenciement dont le montant est double par rapport à l'hypothèse d'un licenciement prononcé pour motif inhérent à la personne du salarié.
Il est expressément reconnu par les époux X... que, s'ils lui ont réglé une indemnité légale de licenciement lorsqu'il a quitté leur service, ils ont calculé celle-ci sur la base des règles applicables au licenciement pour un motif inhérent à la personne du salarié.
Il y a lieu en conséquence de faire droit à la demande d'indemnité complémentaire de licenciement de Monsieur HARDY dont le montant ne souffre aucune contestation puisque égal à la somme qui lui a déjà et spontanément été allouée par ses employeurs au même titre.
Monsieur Z... était âgé de 55 ans à la rupture de son contrat.
Il a été payé jusqu'au 31 octobre 2004 bien qu'il n'ait pas travaillé ce dernier mois, ce qu'il reconnaît.
Il percevait une rémunération mensuelle brute de 1.453 €.
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Il a retrouvé du travail, dans la même spécialité et sous la même qualification, dès le mois de février 2005, d'abord à temps plein, puis à temps partiel.
Il est aujourd'hui rémunéré pour 70 heures mensuelles de travail et cumule son revenu d'activité avec une indemnisation par l'ASSEDIC d'un montant pratiquement équivalent à son revenu salarial.
Sa perte mensuelle nette de revenu par rapport à l'époque où il était au service des époux X... est voisine de 170 €.
Ces différents éléments d'appréciation de son préjudice né de son licenciement pris en compte, celui-ci sera justement évalué à 4.000 €.
Il apparaît équitable de mettre à la charge des époux X... une partie, évaluée à 1.600 € pour l'ensemble de la procédure, première instance et appel réunis, des frais de caractère irrépétibles exposés par Monsieur Z... dans le cadre de celle-ci.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Confirme le jugement rendu le 7 juillet 2006 par le Conseil de prud'hommes de CAEN en ce qu'il a dit abusive la rupture du contrat de travail de Monsieur Jean-Pierre Z... en l'imputant à Monsieur et Madame X... ses employeurs.
Le réforme du chef de l'indemnisation qui lui a été allouée.
Condamne Monsieur et Madame X... à verser à Monsieur HARDY les sommes de :
- 6.650 € à titre d'indemnité légale de licenciement complémentaire ;
- 4.000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive de son contrat ;
- 1.453 € à titre de dommages et intérêts pour inobservation de la procédure de licenciement;
Déboute les époux X... de leurs propres demandes.
Les condamne aux entiers dépens de première instance et d'appel et à verser à Monsieur Z... une indemnité de 1.600 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
E. GOULARDB. DEROYER