AFFAIRE : N RG 06 / 01173
Code Aff. :
ARRET N
C. P
ORIGINE : Décision du Tribunal paritaire des baux ruraux d' AVRANCHES en date du 29 Mars 2006- RG no 51. 04. 8
COUR D' APPEL DE CAEN
TROISIEME CHAMBRE- SECTION SOCIALE 1
ARRET DU 14 SEPTEMBRE 2007
APPELANTS :
Monsieur Pierre X...
...50320 BEAUCHAMPS
Comparant en personne, assisté de la SCP TERRADE- DARTOIS, avoué près la Cour d' Appel et par Me LETEURTOIS, avocat au barreau d' AVRANCHES
Madame MarieThérèse Z... épouse X...
...50870 TIREPIED
Représentés par la SCP TERRADE DARTOIS, avoués à la Cour, et par Me LETEURTOIS, avocat au barreau d' AVRANCHES
INTIMES :
Monsieur Michel A...
Madame Régine B... épouse A...
... 50870 TIREPIED
Représentés par Me Didier PETIT ETIENNE, avocat au barreau de COUTANCES
DEBATS : A l' audience publique du 30 Mars 2007, tenue par Monsieur VILLETTE, Conseiller, Magistrat chargé d' instruire l' affaire lequel a, les parties ne s' y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré
GREFFIER : Madame POSE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Monsieur POUMAREDE, Président,
Madame CLOUET, Conseiller,
Monsieur VILLETTE, Conseiller, rédacteur
ARRET prononcé publiquement le 14 Septembre 2007 à 14 heures par mise à disposition de l' arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l' article 450 du nouveau Code de procédure civile et signé par Monsieur POUMAREDE, Président, et Madame POSE, Greffier
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Les consorts X... sont appelants suivant déclaration reçue au greffe le 14 avril 2006 d' un jugement rendu le 29 mars 2006 par le tribunal paritaire des baux ruraux d' Avranches.
Aux termes de cette décision à laquelle il est en tant que de besoin expressément renvoyé pour le plus ample exposé des faits et de la procédure en son état antérieur, les premiers juges, saisis par courrier reçu au greffe le 26 août 2004, ont :
- fait droit à la demande des époux A...- B... tendant à ce que leur soit reconnu le bénéfice d' un bail sur 2 parcelles sises sur le territoire de la commune de Tirepied et cadastrées ZM no 46 et ZM no 53, à compter de la cessation d' activité des époux X..., appartenant en nue- propriété à Monsieur Pierre X... et en usufruit à Madame Thérèse X...,
- déclaré recevable l' action en fixation du prix du fermage des parcelles objet d' un bail consenti suivant acte sous seing privé en date du 27 septembre 1983 et renouvelé pour la dernière fois le 29 septembre 2001,
- ordonné avant dire droit sur la fixation du prix du fermage des parcelles objet du dit bail un transport sur les lieux concernant les parcelles cadastrées ZM no 46 et ZM no 53,
- débouté les consorts X... de leur demande tendant à la condamnation des époux A...- B... à leur payer la somme de 8. 000 euros à titre de dommages intérêts pour résistance abusive et injustifiée.
Aux termes de leurs conclusions déposées le 27 mars 2007, les consorts X... demandent :
- que la décision entreprise soit infirmée,
- que les époux A...- B... soient déboutés de leur demande tendant à se voir reconnaître le bénéfice de l' existence d' un bail sur les parcelles cadastrées ZM no 46 et ZM no 53,
- qu' ils soient déclarés irrecevables ou en tout cas mal fondés dans leur demande tendant à la révision du prix du fermage du bail objet de l' acte sous seing privé en date du 27 septembre 2003,
- qu' il soit fait droit à leur demande de dommages- intérêts pour résistance abusive et injustifiée.
Ils demandent en outre que les époux A...- B... soient condamnés à leur payer la somme de 2. 000 euros par application des dispositions de l' article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Aux termes de leurs conclusions déposées le 30 mars 2007 ainsi que de leurs explications d' audience, les époux A...- B... demandent par voie d' appel incident que la décision entreprise soit réformée en ce qu' a été ordonné un transport sur les lieux sur les parcelles cadastrées ZM no 46 et ZM no 53, lesquelles ne sont pas concernées par le bail sous seing privé en date du 27 septembre 2003.
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Ils sollicitent pour le surplus que la décision entreprise soit confirmée et les consorts X... déboutés de leur demande de dommages- intérêts.
Ils demandent enfin que les mêmes soient condamnées à leur payer la somme de 1. 500 euros par application des dispositions de l' article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Sur quoi,
Sur la demande en reconnaissance de l' existence d' un bail.
Vu les dispositions de l' article L. 411- 1 du Code rural,
Sont soumises au statut du fermage les ventes d' herbe qui, malgré leur caractère purement saisonnier, sont reconduites au cours de périodes successives au profit d' un même exploitant agricole ayant eu la jouissance de l' ensemble des fruits produits par le fonds.
Il n' est pas contesté en l' espèce que les justificatifs de vente de foin en date des 17 octobre 1988 et 22 avril 1989, ainsi que les justificatifs de vente d' herbe en date des 15 avril 1989 et 20 avril 1994 (rien ne permettant d' écarter cette pièce comme ayant été prétendument extorquée à Madame Marie- Thérèse X...), se rapportent à la cession des fruits de l' exploitation des parcelles cadastrées ZM 46 et ZM 53 consentie aux époux A...- B....
Les justificatifs datés de 1988 et de 1989 font apparaître que cette cession s' est répétée au cours de périodes successives et qu' ainsi les époux A...- B... sont bien fondés à se prévaloir de l' existence d' un bail rural à leur profit, sans toutefois que les autres éléments vantés par eux permettent d' affirmer que leur droits de preneurs soient nés avant le 31 mars 1988 que l' on réputera être la date du début de la période de période de regain ayant donné lieu au paiement de la première vente d' herbe au cours du mois d' octobre 1988.
Sur la validité du bail contestée à raison du prétendu défaut de concours d' un nu- propriétaire.
L' infraction à la règle impérative énoncée aux termes de l' alinéa 4 l' article 595 du Code civil est de nature à entraîner la nullité relative du bail pour la protection du seul nu- propriétaire.
Celui- ci doit exercer son action ou faire valoir son exception tendant à la constatation de la nullité du bail dans le délai de cinq ans à compter de la date à laquelle il a eu connaissance de l' existence de celui- ci, à charge pour le preneur d' établir en défense que le nu- propriétaire avait eu connaissance de l' existence du bail depuis plus de cinq ans à la date de sa demande.
Le bail consenti par le propriétaire apparent de la chose louée étant toutefois opposable au véritable propriétaire lorsque le locataire a traité de bonne foi sous l' empire de l' erreur commune, il appartient au juge du fond de rechercher si, au cas où l' allègue le preneur auquel incombe l' obligation de vérifier l' étendue des pouvoirs de son cocontractant, l' usufruitier s' est comporté à son égard en propriétaire apparent, une telle qualité ne résultant ni de l' ignorance par le preneur de sa seule qualité d' usufruitier, ni du fait que l' usufruitier se soit comporté comme seul et unique propriétaire.
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Diverses attestations sont produites par les époux A...- B... et s' analysent comme suit, après rectification de leurs identiques erreurs grammaticales et de syntaxe qui ne sont pas suffisantes à leur faire encourir les griefs de mauvaise foi que leur adressent légèrement les consorts X..., témoignant seulement, compte tenu de l' âge de leurs auteurs, de l' absence de nouveauté des insuffisances d' acquisition de la langue française qui font pourtant aujourd' hui l' actualité :
- attestation Marcel COTRELdu 4 août 2004 : " leur fils X... Pierre était au courant que c' était bien Monsieur Michel A... qui exploitait (les parcelles litigieuses) "
- attestation Jean- Louis E... du 7 août 2004 : " leur fils Pierre X... était bien au courant car il venait régulièrement chez ses parents "
- attestation Simone A... du 10 août 2004 : " leur fils Pierre X... demeurant à Beauchamp était au courant que c' était bien Monsieur et Madame A... Michel qui exploitait (les parcelles litigieuses) et (...) à la tempête fin de 1999, il y a eu un hangar de tombé et (...) Monsieur Pierre X... a aidé Michel A... à nettoyer l' emplacement en 2000. "
- attestation Michel G... : " leur fils Pierre X... demeurant à Beauchamp était au courant que c' était bien Monsieur A... qui exploitait (les parcelles litigieuses) "
Ces énonciations certes concordantes sont évidemment insuffisamment circonstanciées pour établir que Monsieur Pierre X..., qui justifie aux débats de sa qualité de nu- propriétaire, ait eu connaissance de l' existence du bail plus de cinq ans avant d' en alléguer la nullité.
Il est en revanche valablement soutenu que Madame Thérèse Z... épouse X..., initialement pleine propriétaire des parcelles litigieuses, et qui, suivant acte authentique en date du 24 janvier 1987, a fait donation de leur nue- propriété à son fils Pierre X..., a pu, en prenant l' initiative de ventes d' herbe manifestement contraires au démembrement de propriété qu' elle venait de consentir à son fils, apparaître comme étant la propriétaire apparente des terres concernées, particulièrement aux yeux des époux A...- B... qui, en l' absence d' une quelconque manifestation contraire de Monsieur Pierre X... fréquentant pourtant habituellement les lieux, se sont alors légitimement mépris sur l' étendue des droits de leur cocontractante.
Sur la demande de révision du prix du fermage.
Aucune " irrecevabilité " de la demande formée à cet égard par les époux A...- B... ne saurait résulter du fait que n' aient pas été appelés en cause les nus- propriétaires des parcelles concernées, alors que les dispositions ci- dessus rappelés de l' article 595 du Code Civil s' appliquent à la conclusion du bail, voire à son renouvellement, actes assimilés à des actes de disposition compte tenu de l' effet qu' il ont sur la disponibilité patrimoniale des biens concernés, mais pas aux actes d' administration, tels que la fixation du prix du bail qui n' intéresse que la sauvegarde des intérêts de l' usufruitier.
Les consorts X... ne discutant pas la recevabilité au regard des dispositions de l' article L. 411- 13 du Code rural de l' action en révision exercée par les époux A...- B..., mais seulement le bien- fondé de celle- ci en considération de la valeur des terres, il n' y a lieu de ce chef à réformation que pour réparer l' erreur matérielle manifeste entachant le dispositif de la décision.
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Sur les dépens et les demandes relatives à l' indemnisation des frais irrépétibles.
Les dépens seront supportés par les consorts X... qui succombent dans leur appel.
Aucune considération d' équité ne s' oppose à ce qu' il soit fait droit aux prétentions des époux A...- B... fondées sur les dispositions de l' article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Il leur sera alloué de ce chef une indemnité justement évaluée à la somme mentionnée au dispositif ci- après.
Par ces motifs,
et ceux des premiers juges en ce qu' ils ne sont pas contraires aux énonciations du présent arrêt,
la cour,
réforme la décision entreprise,
fixe au 31 mars 1988 la date d' effet du bail dont sont titualires les époux A...- B... sur les parcelles cadastrées ZM 46 et ZM 53,
dit que le transport sur les lieux ordonné s' effectuera sur les terres objet du bail sous seing privé en date du 27 septembre 1983,
confirme pour le surplus,
condamne les consorts X... aux dépens,
condamne les mêmes à payer aux époux A...- B... la somme de 1. 500 euros par application des dispositions de l' article 700 du nouveau Code de procédure civile outre les intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et ce jusqu' à parfait règlement pour valoir indemnisation des frais irrépétibles par eux exposés en cause d' appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
V. POSEA. POUMAREDE