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10/01/2002 | FRANCE | N°00/02437

France | France, Cour d'appel de Caen, 10 janvier 2002, 00/02437


Au cours de l'année 1988, Messieurs X... et D ... ont constitué, d'une part, la société civile immobilière SU... et, d'autre part, la société S... , cette dernière ayant fait l'acquisition du droit au bail portant sur les locaux acquis par la première. Aux termes de différents actes du 10 septembre 1993, les époux Y... ont : -fait l'acquisition de l'intégralité des parts de la société civile immobilière SU en exécution d'une promesse de cession de parts du 27 mai 1993, -résilié amiablement, par la société civile immobilière SU... , le bail commercial de la société S...

contre le paiement d'une indemnité d'éviction d'un montant de 1.050.000...

Au cours de l'année 1988, Messieurs X... et D ... ont constitué, d'une part, la société civile immobilière SU... et, d'autre part, la société S... , cette dernière ayant fait l'acquisition du droit au bail portant sur les locaux acquis par la première. Aux termes de différents actes du 10 septembre 1993, les époux Y... ont : -fait l'acquisition de l'intégralité des parts de la société civile immobilière SU en exécution d'une promesse de cession de parts du 27 mai 1993, -résilié amiablement, par la société civile immobilière SU... , le bail commercial de la société S... contre le paiement d'une indemnité d'éviction d'un montant de 1.050.000 francs, -constitué une société D... avec leur fils associé à concurrence de 20 % du capital et désigné gérant, consenti, un bail commercial à la société D... . L'administration fiscale a alors opéré le redressement au motif que l'opération devait s'analyser comme une cession du droit à bail de la société S... au profit de la société D... . Pour ce faire, elle a relevé la concomitance des différents actes, celle de la libération des lieux et de la jouissance par le nouveau preneur ainsi que l'identité de personnes entre les dirigeants de la société civile et les associés majoritaires de la société preneuse. La société D... a contesté ce redressement. Le jugement déféré l'a déboutée de son opposition, a confirmé la décision administrative de rejet, a retenu l'existence d'un abus de droit et a précisé que la société D... devait acquitter la somme de 88.200 francs au titre des droits de mutation à titre onéreux, celle de 75.852 francs pour les pénalités et celle de 5.292 francs pour les intérêts de retard. L'analyse de l'administration fiscale est fondée sur les dispositions de l'article 725 du code général des impôts aux termes duquel les dispositions du présent code concernant le regime fiscal des cessions de droit à bail ou du bénéfice d'une promesse de bail portant sur tout ou partie d'un immeuble, sont applicables à tous actes ou

conventions, quelles qu'en soient la nature, les modalités, la forme ou la qualification, qui ont pour effet, direct ou indirect, de transférer le droit à la jouissance d'immeubles ou de locaux entrant dans les prévisions " des articles L 145-1 à L 145-3 du code de commerce. Si l'opération conduite par les époux Y... leur a permis, par les personnes morales constituées à cette occasion, d'obtenir la libération des locaux commerciaux et la conclusion d'un nouveau bail de même nature, pour autant, la cession de droit à un bail ne peut intervenir qu'entre le preneur sortant et le preneur entrant.En l'espèce aucune convention ne lie les sociétés S... et D... et l'indemnisation de la première a été assurée par les époux Y... , par l'intermédiaire de la société civile SU... . Si la société D ... est contrôlée à 80 % par les époux Y... , le gérant en est leur fils et il n'est invoqué aucune fictivité de cette personne morale. En conséquence, le paiement de l'indemnité d'éviction par les époux Y... ... , par l'intermédiaire de la société civile SU... , n'est pas constitutif d'une cession de droit à bail de la société S... au bénéfice de la société D... . De même, l'abus de droit ne peut être fondé sur une cession de droit à bail inexistante en l'absence de fictivité des sociétés concernées nonobstant l'identité partielle des associés. En effet, si le loyer annuel de la société S... était d'un montant de 55.562,92 francs, alors qu'elle avait acquis le droit au bail pour la somme de 800.000 francs, celui versé par la société D... s'élève à 180.000 francs, ce qui explique l'absence d'indemnité compensatrice du droit au bail. Au demeurant ce loyer est passible de l'impôt sur le revenu pour les bailleurs et de la TV A à la charge du preneur si bien que l'économie de l'opération n'aboutit pas à éluder l'impôt mais conduit à une imposition différente. Dès lors, les choix juridiques effectués par les consorts Y... ne sont pas révélateurs d'un montage impliquant des sociétés réelles dans le but d'éluder

l'impôt. L'abus de droit n'est donc pas caractérisé et la contestation de la régularité de la procédure suivie de ce chef devient sans incidence. Le jugement est alors infirmé et l'avis de mise en recouvrement délivré le 09 juin 1995 à l'encontre de la société D... est annulé. En application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, la société D... doit être indemnisée de ses frais irrépétibles à concurrence de la somme de 2.200 euros. PAR CES MOTIFS -Infirme le jugement, -Annule l'avis de mise en recouvrement délivré le 09 juin 1995 à l'encontre de la société D... , -Condamne le Directeur Départemental des Services Fiscaux du X... ... à payer à la société D... la somme de 2.200 euros (14.431,05 francs) en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, -Rejette toute autre demande, - condamne le directeur départemental des services fiscaux du X... aux dépens de première instance et d'appel. -Accorde à la SCP S ... , avoué , le bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Numéro d'arrêt : 00/02437
Date de la décision : 10/01/2002

Analyses

IMPOTS ET TAXES - Redressement et vérification (règles communes) - Répression des abus de droit

Aux termes de l'article 725 du code général des impôts ,les dispositions du présent code concernant le régime fiscal des cessions des droits à bail portant sur tout ou partie d'un immeuble , sont applicables à tous actes ou conventions , qu'elles qu'en soient la nature , les modalités , la forme , la qualification , qui ont pour effet , direct ou indirect de transférer le droit à la jouissance d'immeubles ou de locaux. L'opération par laquelle une société paie une indemnité d'éviction suite à la résiliation amiable d'un bail commercial à une deuxième société , puis consent à une troisième société constituée des associés de la première mais gérée par une tierce personne , n'est pas constitutive d'une cession de droit à bail de la deuxième société au profit de la troisième. L' abus de droit ne saurait être fondé sur une cession de droit à bail inexistante en l'absence de fictivité desdites sociétés nonobstant l'identité partielle des associés. Au demeurant le loyer est passible de l'impôt sur le revenu pour le bailleur et de la TVA pour le preneur . Partant , l'opération suusvisée ne révèle pas un montage dans le but d'éluder l'impôt mais conduit à une imposition différente; l'abus de droit n'est donc pas caractérisé


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.caen;arret;2002-01-10;00.02437 ?
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