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14/10/1999 | FRANCE | N°98-0252

France | France, Cour d'appel de Caen, 14 octobre 1999, 98-0252


Par jugement du 5 décembre 1997, le Tribunal de commerce de HONFLEUR a prononcé la nullité de la convention de location d'un stock de vidéogrammes consentie par la SARL N.... à Madame Solange X... en retenant l'absence de cause, à défaut de réelle contrepartie à l' obligation du preneur de payer le prix de la location ; Appelante de cette décision, la société N... soutient qu'elle n'avait pas à rechercher l'intérêt commercial que pouvait présenter pour , Madame X... ... la location de ces cassettes et que cette dernière ne fait pas la preuve de l'impossibilité manifeste d'ass

urer un écoulement normal des cassettes et donc d' atteindre l' o...

Par jugement du 5 décembre 1997, le Tribunal de commerce de HONFLEUR a prononcé la nullité de la convention de location d'un stock de vidéogrammes consentie par la SARL N.... à Madame Solange X... en retenant l'absence de cause, à défaut de réelle contrepartie à l' obligation du preneur de payer le prix de la location ; Appelante de cette décision, la société N... soutient qu'elle n'avait pas à rechercher l'intérêt commercial que pouvait présenter pour , Madame X... ... la location de ces cassettes et que cette dernière ne fait pas la preuve de l'impossibilité manifeste d'assurer un écoulement normal des cassettes et donc d' atteindre l' objectif commercial qu' elle s' était fixée ; Madame X... conclut à la confirmation en soutenant que la position géographique de la commune où elle exploite son commerce rend illusoire l' apport d'une clientèle intéressée par la location de vidéocassettes et provenant d'autres agglomérations, ou même du marché local ; Attendu qu'il est constant que Madame X... a accepté de prendre en location le stock de vidéogrammes appartenant à la société N ... en vue de le proposer elle-même en location à sa clientèle afin d'en tirer un bénéfice; Attendu qu'il appartenait à Madame X..., qui prétend que son obligation est dépourvue de cause, de prouver qu'il était manifestement impossible d'atteindre cet objectif, c'est-à-dire de parvenir au moins au seuil de rentabilité de cette nouvelle activité commerciale ; Attendu qu'il est constant que l'intimée exploitait son commerce dans une petite commune de 1 'Yonne, comptant 287 habitants; Que la carte routière produite aux débats fait apparaître que cette petite agglomération se situe à proximité immédiate de VILLENEUVE SUR YONNE chef ; Attendu que les chances de succès de toute entreprise commerciale dépendent largement de l'importance de la clientèle potentielle susceptible de s 'y intéresser ; Attendu que si l'on peut considérer que cette clientèle, lorsqu'elle vit dans une petite agglomération, peut se rendre

naturellement vers une plus grande pour y trouver les commerces susceptibles de l'attirer , le mouvement , inverse ne pourrait être retenu comme possible que s'il était certain que des commerces du genre considéré ne peuvent être trouvés dans les centres urbains plus importants ; Attendu que Madame X... ... produit aux débats diverses pièces (imprimés publicitaires, extraits de l'annuaire téléphonique) qui établissent que des loueurs de cassettes vidéo exercent leur activité à SENS, et même à VILLENEUVE SUR YONNE ; Qu'il s'ensuit que son commerce n'aurait pu présenter un intérêt pour les consommateurs habitant dans des communes éloignées que dans la mesure où elle aurait proposé un stock très important de titres divers, loués à des conditions avantageuses ; Attendu qu'il ressort des termes de la convention que ce stock ne comptait que cent vidéogrammes et ne pouvait être échangé qu'une fois, ce qui constitue une offre maximum de deux cents titres étalée sur cinq mois; Que ce nombre apparaît totalement dérisoire lorsqu'on le compare à l'offre du magasin exploité à l'enseigne " ...Vidéo..." qui propose un choix permanent de plus de 4.500 titres ; Attendu qu'il résulte de ces éléments que Madame X... n'avait, à l'évidence, aucune chance d'attirer une clientèle autre que celle fréquentant habituellement son établissement, c'est-à-dire une clientèle locale ; Que l'estimation de la clientèle potentielle effectuée par la société N... (environ 2.800 personnes) n'est aucunement réaliste; Qu'il convient donc de rechercher si le niveau de rentabilité pouvait être atteint par la diffusion des vidéogrammes parmi environ quatre cents personnes ; Attendu que les pièces produites par Madame X... ... permettent d' avoir une idée exacte des prix pratiqués sur ce marché; Que même si on écarte les avantages accessoires proposés (une location gratuite offerte dans certains cas, une remise opérée certains jours) on doit retenir un prix maximum toutes taxes comprises de 20 Frs ; Attendu

que, sur cette base, pour rentabiliser son opération, Madame X... ... devait effectuer, sur les six mois pendant lesquels elle avait la , disposition du stock, une moyenne de 230 locations par mois, ce qui suppose qu' au moins un habitant sur deux (y compris les enfants) aurait dû louer une casse]e par mois à l'intimée ; Attendu qu'un tel objectif, qui n'a aucune commune mesure avec les habitudes des consommateurs en ce domaine, ne pouvait certainement pas être atteint; Qu'il s'ensuit que le Tribunal a justement affirmé la nullité de la convention conclue entre les parties le 13 avril 1995 ; Que sa décision doit être confirmée ; Attendu que Madame X... ... ne doit pas conserver à sa charge les frais qu' elle a dû exposer pour la présente procédure ; PAR CES MOTIFS -Confirme le jugement. -Condamne la société N... à payer à Madame X... une somme de 6.000 Frs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. -La condamne aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Numéro d'arrêt : 98-0252
Date de la décision : 14/10/1999

Analyses

CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES - Cause - Absence - Défaut de contrepartie réelle - /

Dès lors qu'une convention de location d'un stock de vidéogrammes ne porte que sur cent cassettes échangeables une fois et que l'exploitation, du fait de sa localisation ne pouvait attirer qu'une clientèle locale, cette convention peut être annulée pour absence de cause, toute réelle contrepartie à l'obligation pour le preneur de payer le prix de la location faisant défaut


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.caen;arret;1999-10-14;98.0252 ?
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