La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/01/1999 | FRANCE | N°97-0791

France | France, Cour d'appel de Caen, 28 janvier 1999, 97-0791


Par jugement du 10 février 1997, le Tribunal de Commerce d'Alençon a condamné Monsieur Jésus X..., caution solidaire des engagements de la société N... envers la société X à payer à cette dernière une somme globale de 541.889,54 F correspondant au solde dû au titre d'un prêt d'équipement d'un montant de 1.250.000 F consenti le 1er juin 1990 et d'une ouverture de crédit (crédilion professionnel) du 8 octobre 1990 ; Appelant de cette décision, Monsieur X... soutient d'abord que son consentement a été vicié par l'erreur qu'il a commise en considérant que son engagement était

lui-même garanti par la société S..., ensuite que la société X a com...

Par jugement du 10 février 1997, le Tribunal de Commerce d'Alençon a condamné Monsieur Jésus X..., caution solidaire des engagements de la société N... envers la société X à payer à cette dernière une somme globale de 541.889,54 F correspondant au solde dû au titre d'un prêt d'équipement d'un montant de 1.250.000 F consenti le 1er juin 1990 et d'une ouverture de crédit (crédilion professionnel) du 8 octobre 1990 ; Appelant de cette décision, Monsieur X... soutient d'abord que son consentement a été vicié par l'erreur qu'il a commise en considérant que son engagement était lui-même garanti par la société S..., ensuite que la société X a commis une faute, constitutive d'un dol par réticence, en ne le renseignant pas sur la nature et la portée exactes de l'obligation de cette société, et enfin que sa propre obligation n'a pas de cause, ou une fausse cause en l'absence de "contre-garantie" de la S... ; Il prétend aussi que la société X est encore fautive de lui avoir demandé, sans aucune garantie financière de sa part, de se porter caution pour la somme de 1.500.000 F ; Par ailleurs, il affirme que, membre de la société de caution mutuelle S..., il doit bénéficier de sa garantie ; Enfin, subsidiairement, il sollicite la possibilité de se libérer par versements mensuels de 2.000 F imputables sur le capital ; La société S... conclut à la confirmation en rappelant d'abord que c'est la société N..., et non Monsieur X... personnellement, qui a adhéré au dispositif de caution mutuelle, et en soutenant ensuite que l'appelant ne peut, ni bénéficier personnellement d'une quelconque garantie de sa part, ni exercer un recours à son encontre alors, d'une part qu'il n'a pas désintéressé le créancier et d'autre part que, son intervention étant contractuellement prévue à titre subsidiaire, elle n'a pas, à l'égard de Monsieur X..., la qualité de cofidéjusseur exigée par l'article 2033 du Code du Commerce; Elle ajoute aussi que, n'ayant aucun lien contractuel avec lui, elle n'était tenue d'aucune obligation de

renseignements envers lui ; La SA X conclut également à la confirmation en soutenant que les termes de l'engagement de caution de Monsieur X... excluent toute référence à la société S..., ce qui permet d'écarter les moyens de nullité soulevés par l'appelant Elle affirme que le patrimoine foncier de ce dernier constitue une assise suffisante pour souscrire la garantie personnelle dont il refuse maintenant l'application ; Sur la demande d'annulation des cautionnements Attendu que l'argumentation développée par Monsieur X... quant à la nullité de son consentement à l'acte de cautionnement souscrit en faveur de la X., qui est essentiellement basée sur les conditions et conséquences de l'intervention de la société S..., ne concerne que le prêt d'investissement de 1.250.000 F, l'ouverture de crédit (crédilion professionnel) n'étant pas garantie par cet organisme financier; Attendu que Monsieur X..., qui prétend qu'il n'a accepté de se porter caution de l'obligation de la société N... envers la banque que parce qu'il croyait que "son engagement était contre garanti par la présence de la S..." ne rapporte pas la preuve qu'une telle erreur ait pu être déterminante de son consentement ; Attendu, en effet, qu'il ressort des pièces produites, que le prêt sollicité par la société dont Monsieur X... était le gérant, a été accordé dans le cadre des accords conclus entre les sociétés S... et X. le 25 avril 1979; que cette dernière convention prévoit que les sommes restant dues au prêteur, au titre d'un crédit destiné, comme en l'espèce, au financement de l'installation d'une entreprise artisanale, en cas de défaillance de l'emprunteur, et après mise à exécution des garanties réelles et ou personnelles, seront versées à la société X. par imputation sur les produits du fonds de garantie et, en cas d'insuffisance, sur le fonds de garantie lui- même ; Attendu que le document, dénommé "conditions particulières aux prêts consentis par le X. avec le concours de la S...", signé par Monsieur

X... en sa qualité de gérant de la société N... pour approbation du versement à cette dernière du montant de la commission et de la cotisation au fonds de garantie par prélèvement sur les sommes prêtées, ne contient aucune indication de nature à laisser croire à l'existence d'une garantie, équivalente à une assurance, qui serait accordée par la société S... ; Attendu que ni le prêt lui-même, inclus dans l'acte de vente du fonds de commerce, ni la convention de cautionnement souscrite par l'appelant ne contiennent une référence ou même une mention à l'obligation souscrite par la société S... ; Attendu qu'au contraire les termes de l'acte constatant l'engagement de la caution sont clairs, et même explicatifs puisque le sens de la renonciation au bénéfice de division est exposé complètement; qu'il s'ensuit que Monsieur X... n'a certainement pas pu se méprendre sur la portée de son obligation, ni supposer que l'existence d'une autre caution aurait pour effet de rendre son engagement sans conséquences ; Attendu que la seule annonce de l'existence de l'engagement de la société S..., qui a bien été fournie à Monsieur X..., et la précision, contenue dans l'acte de cautionnement, de l'absence d'effet de cet engagement sur les droits de la société X. à l'encontre de la caution, constituent une information suffisante de cette dernière qui ne pouvait ainsi ignorer qu'elle devait répondre des obligations souscrites par la société N... en cas de défaillance de celle-ci ; qu'en conséquence, la société X. n'a certainement pas commis un dol par réticence envers Monsieur X...; Attendu que la cause de l'obligation de ce dernier se trouvant dans la mise à la disposition de la société N...des fonds prêtés, cette obligation ne peut être annulée pour absence de cause ou cause illicite ; Attendu qu'il s'ensuit que le consentement de Monsieur X... à l'acte de caution n'a pas été vicié et qu'en conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné à exécuter les

engagements librement et valablement souscrits ; Sur la demande reconventionnelle de Monsieur X... envers la société X. Attendu que Monsieur Y... que la société X. a fait preuve d'une légèreté fautive en lui faisant souscrire un cautionnement pour une somme globale de 1.400.000 F, alors que son patrimoine et ses revenus ne pouvaient constituer une assise suffisante proportionnée à un tel engagement; qu'il sollicite en conséquence la condamnation de la banque à lui payer des dommages et intérêts d'un montant équivalent à celui de sa dette et devant éteindre celle-ci par compensation ; Attendu toutefois que si la caution est tenue solidairement, sans pouvoir opposer à la banque créancière le bénéfice de discussion, il n'en demeure pas moins que cette dernière s'est fait consentir un nantissement sur le fonds de commerce acquis avec les fonds prêtés; que cette garantie, qui a d'ailleurs permis une réduction de la créance initiale du X. à concurrence de 690.000 F, versés par le liquidateur de la société N... le 28 décembre 1995, doit certainement être prise en considération pour l'appréciation de la portée réelle de l'engagement de Monsieur X..., qu'elle soit mise en oeuvre sur l'initiative du créancier, ce qui s'est effectivement produit, ou qu'elle soit transmise à la caution par application de l'article 2029 du Code du Commerce ; Attendu que les avis d'imposition de Monsieur Z... les années 1989 et 1990 font apparaître des revenus imposables pour les montants respectifs de 190.380 F et 219.130 F ; qu'il ressort des autres pièces produites que l'appelant avait en outre réalisé des investissements fonciers importants, lui conférant une assise patrimoniale stable, sans qu'un endettement insurmontable en soit la conséquence; Attendu qu'il ressort de ces éléments que l'engagement de Monsieur X... souscrit en faveur de la société X. n'apparaît pas disproportionné avec la situation de revenus et de patrimoine qui était alors la sienne; qu'il s'ensuit que l'appelant

n'a pas prouvé la faute qu'il impute à l'organisme bancaire et doit dès lors être débouté de sa demande de dommages et intérêts ; Sur les demandes de Monsieur X... envers la société S... Attendu que Monsieur X... prétend que la société S... devait "garantir le prêt" ; Attendu cependant que le document signé par Monsieur A... lequel l'intervention de la société S... est citée présente celle-ci comme la caution solidaire de la dette, non pas de Monsieur X... d'ailleurs, mais de la société N... envers la société X.; que les obligations souscrites sont ainsi juridiquement aisément identifiables ; Attendu qu'aucune des pièces du dossier n'établit l'existence d'un autre lien contractuel entre la société S... et N... ou Monsieur X...; qu'il n'existe donc aucun fondement à la prétention exprimée par l'appelant, les relations ci-dessus spécifiées n'ayant aucun trait commun avec celles nées d'un contrat d'assurance ; Attendu qu'en l'absence de toute relation conventionnelle entre la société S... et lui-même, Monsieur X... ne peut reprocher à cette dernière un quelconque manquement à une obligation d'information ; Attendu que les sommes perçues par la S... (commission, participation au fonds de garantie) constituent la rémunération de son engagement de caution, et il n'est nullement prouvé qu'elle soit excessive; qu'il résulte des documents fournis par Monsieur X... lui-même que, sans l'intervention de la S..., la société N...n'aurait probablement pas pu bénéficier d'un financement d'investissements que son gérant avait vainement sollicité auprès de plusieurs autres organismes bancaires ; que Monsieur X... ne peut donc faire grief à la société S... d'avoir perçu cette rétribution, contrepartie normale d'une garantie demandée par le préteur à son profit, et non à celui du débiteur principal ou d'une autre caution ; Attendu qu'il apparaît donc que Monsieur X... ne peut lui-même présenter directement aucune réclamation à la société S...; Attendu que celle-ci prétend que

l'appelant ne pourrait pas plus exercer à son encontre le recours ouvert à une caution envers ses cofidéjusseurs par l'article 2033 du Code du Commerce en ce qu'elle ne garantissait pas la même dette que lui envers la société X. ; Attendu cependant que si, pour l'exécution de son engagement, la société S... avait imposé à la société X. des conditions particulières, telles que la mise à exécution des autres garanties réelles ou personnelles, il n'en demeure pas moins que sa garantie envers le X. est afférente aux obligations nées, pour la société N..., du prêt d'investissement consenti le 1er juin 1990; que l'obligation de Monsieur X... concerne la même dette envers le même créancier ; Attendu toutefois que l'appelant ne justifie pas d'avoir, même partiellement, désintéressé le créancier commun; qu'il ne peut donc exercer en l'état aucun recours contre la société S... Sur la demande de délais de paiement Attendu que Monsieur X... ne produit aucune pièce pour justifier de sa situation prétendue de débiteur malheureux et de bonne foi; qu'il ne peut donc être fait droit à sa demande de délais. Sur les dépens et autres frais Attendu que Monsieur X..., partie perdante, devra supporter les dépens de l'instance; que les sociétés S... et X. ne doivent pas conserver à leur charge les frais qu'elles ont dû exposer à l'occasion de la présente procédure ; PAR CES MOTIFS -Confirme le jugement ; -Déboute Monsieur X... de toutes ses demandes ; -Condamne Monsieur X... à payer aux sociétés X. et S... la somme de 3.000 F chacune en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; -Le condamne aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Numéro d'arrêt : 97-0791
Date de la décision : 28/01/1999

Analyses

CAUTIONNEMENT - Caution solidaire - Pluralité

Une société de caution mutuelle qui a obtenu de la part d'une banque envers laquelle elle s'était engagée des conditions particulières, telles que la mise à éxecution préalable des autres garanties réelles ou personnelles, a néanmoins à l'égard d'une autre caution la qualité de cofidéjusseur, et peut faire l'objet d'un recours sur le fondement de l'article 2033 du code civil


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.caen;arret;1999-01-28;97.0791 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award