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18/01/1999 | FRANCE | N°970810

France | France, Cour d'appel de Caen, 18 janvier 1999, 970810


Compte tenu de la nécessité de réaliser un ouvrage de protection contre la mer en enrochements, Monsieur le Préfet de la Manche, par arrêté du 15 novembre 1994 a, suite aux précédents arrêtés du 25 avril 1994 prescrivant l'ouverture d'une enquête préalable à la déclaration d'utilité publique et du 26 juillet 1994 portant déclaration d'utilité publique, déclaré cessibles au profit de l'Association S... de JULLOUVILLE-NORD diverses parcelles dont celle cadastrée AB 570 en nature de dune appartenant à Madame Marie-Thérèse X..., et ce pour une emprise de 113 m2 sur les 271 m

2 de superficie de ladite parcelle, laquelle fait corps avec la parcel...

Compte tenu de la nécessité de réaliser un ouvrage de protection contre la mer en enrochements, Monsieur le Préfet de la Manche, par arrêté du 15 novembre 1994 a, suite aux précédents arrêtés du 25 avril 1994 prescrivant l'ouverture d'une enquête préalable à la déclaration d'utilité publique et du 26 juillet 1994 portant déclaration d'utilité publique, déclaré cessibles au profit de l'Association S... de JULLOUVILLE-NORD diverses parcelles dont celle cadastrée AB 570 en nature de dune appartenant à Madame Marie-Thérèse X..., et ce pour une emprise de 113 m2 sur les 271 m2 de superficie de ladite parcelle, laquelle fait corps avec la parcelle AB 600 pour une contenance totale de 2.542 m2. Par ordonnance du 14 février 1995, le juge de l'expropriation du département de la Manche à déclaré la parcelle en cause expropriée pour cause d'utilité publique. Un transport sur les lieux a été effectué le 4 décembre 1996. Par jugement du 21 janvier 1997, le juge de l'expropriation a fixé à 1 franc l'indemnité devant être allouée à Madame X... pour l'emprise de 113 m2 opérée sur sa parcelle AB 570 sise Commune de JULLOUVILLE. Madame X... a interjeté appel de cette décision par déclaration du 6 mars 1997 en déposant un mémoire le jour-même. Celui-ci a été notifié par lettres recommandées avec accusés de réception du 11 avril 1997. Elle fait état de la valeur des terrains en bord de mer qui sont constructibles et formule une demande sur la base de 800 F le m2, soit 90.400 F, outre une indemnité de remploi correspondante. Par lettres recommandées avec accusés de réception du 15 octobre 1998, les parties ont été convoquées à l'audience du 7 décembre 1998. L'Association expropriante a déposé son mémoire le 18 novembre 1998. Celui-ci, ainsi que les pièces jointes, ont été notifiés par lettres recommandées du 19 novembre 1998. Demandant l'application des dispositions de l'article Y... 13- 12 du code de l'expropriation, les travaux d'enrochement provoquant une augmentation de la valeur du

reste de la propriété de Madame X..., elle conclut à une indemnité d'expropriation réduite à néant, la plus-value de 327.943,75 F étant bien supérieure aux 90.400 F réclamés, ou fixée à la somme de 1 F. Elle réclame en outre une somme de 5.000 F en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La Direction Générale des Impôts a déposé ses conclusions le 18 novembre 1998. Elles ont été notifiées par lettres recommandées avec accusés de réception du 19 novembre 1998. Faisant état de ce que la parcelle expropriée, si elle fait partie d'un terrain à bâtir, n'est pas elle-même constructible et ne diminue en rien les possibilités de construction sur le reste du terrain, de la servitude de passage large de 3 mètres sur l'emprise en question et des accords à l'amiable intervenus avec les autres titulaires de droits réels pour des biens comparables, le Commissaire du Gouvernement conclut à une valeur de 1 franc. Par mémoire complémentaire du 18 novembre 1998, notifié par lettres recommandées avec accusés de réception du 19 novembre 1998, Madame X... expose que l'administration a occupé l'emprise en cause sans consignation préalable, que cette parcelle expropriée avait bien été prise en compte lors de l'acquisition du terrain et qu'il a été tenu compte, lors de sa revente, de cette amputation. L'intimée a déposé un nouveau mémoire le 19 novembre 1998, notifié par lettres recommandées avec accusés de réception du jour-même. Elle demande d'écarter toute demande qui serait formulée pour une éventuelle emprise irrégulière. Par un dernier mémoire en date du 27 novembre 1998, notifié par lettres recommandées avec accusés de réception du jour-même, l'appelante rejette, comme nouvelle en cause d'appel, l'argumentation tirée de la plus-value réalisée sur le terrain non exproprié. En toute hypothèse, elle estime que la revente de ce terrain dans de bonnes conditions est étrangère à l'affaire. SUR CE Toutes les formalités prévues par les

textes ayant été remplies dans les délais fixés, l'appel est recevable. Les derniers éléments soutenus par Madame X... quant à une occupation de la partie expropriée sans consignation préalable de la somme de 1 F et d'une emprise irrégulière sur 17 m2 supplémentaires, outre le fait que ce dernier point n'est justifié par aucune des pièces versées aux débats et que Madame X... ne tire aucune conclusion et ne formule aucune demande précise de ces chefs, sont sans incidence sur la présente procédure. Il résulte, en effet, des pièces produites par l'intimée que Madame X... a refusé de communiquer ses coordonnées bancaires ce qui a obligé l'association expropriante à consigner la somme de 1 F, en application de l'article R 13-65 du Code de l'Expropriation, et ce le 13 octobre 1998. Quant à l'emprise supplémentaire, à supposer qu'elle existe, ce qui n'est aucunement démontré, le juge de l'expropriation chargé de fixer une indemnité d'expropriation est incompétent pour en connaître. I) Sur l'indemnité d'expropriation Les deux parcelles AB 570 et AB 600 (anciennement AB 13) forment un tout, pour une superficie totale de 2.542 m2, et il n'est pas contesté qu'elles soient situées dans un secteur constructible, selon les dispositions du P.O.S. Toutefois, la parcelle AB 570 de 271 m2, sur laquelle porte l'emprise de 113 m2, ne peut en aucun cas supporter une quelconque construction, si ce n'est un enrochement ou une digue pour lutter contre l'effet d'érosion marine. Il s'agit, en effet, d'une étroite bande de sable, à caractère dunaire, avec une forte déclivité, menacée d'érosion, déjà partiellement encombrée par un enrochement provisoire, et supportant une servitude de passage public côtier sur une largeur de trois mètres, applicable sur tout le littoral français. Ces éléments ont été mis en évidence lors du transport sur les lieux du 4 décembre 1996 et sont confirmés par les pièces produites, notamment les photographies régulièrement notifiées. La valeur de la parcelle

expropriée ne peut donc, en aucun cas, être celle d'un terrain à bâtir comme le prétend Madame X... Z... les éléments de comparaison produits, que ce soit dans le cadre de la présente opération (7 expropriés sur 9) ou dans le cadre d'une précédente déclaration d'utilité publique pour même motif en 1990 sur la même commune (la totalité des 16 expropriés) , font état d'un prix de cession à l'amiable (ou pour deux d'entre eux lors du transport sur les lieux de l'opération réalisée en 1990) au prix total de 1 F par parcelle expropriée. Si l'emprise ne modifie en rien les possibilités de construire sur la parcelle AB 600, il y a lieu cependant de tenir compte de ce que la parcelle AB 570 y fait corps et, en fonction des éléments de fait et de droit ci-dessus énumérés, de fixer la valeur de cette dernière parcelle à 1 F le m2, soit une indemnité principale de 113 F. Quand bien même la parcelle expropriée n'est pas, ou seulement difficilement susceptible de remplacement comme en l'espèce, ce qui ne constitue pas une cause d'exclusion prévue par l'article R 13-46 du Code de l'expropriation, il est dû une indemnité de remploi. Dans ses écrits devant la Cour, Madame X... formule une demande de ce chef sur la base de 90.400 F pour l'indemnité principale. Sur l'indemnisation de 113 F, l'indemnité de remploi au taux de 16% s'élève à 18 F. L'indemnité totale d'expropriation est, en conséquence, de 131 F. II) Sur la plus-value L'association expropriante demande expressément application, en cause d'appel, des dispositions de l'article Y... 13-12 du Code de l'expropriation. Ce texte précise que "si l'exécution des travaux doit procurer une augmentation de valeur immédiate au reste de la propriété, le juge statue sur cette augmentation par une disposition distincte. A... montant de la plus-value se compense en tout ou partie avec l'indemnité d'expropriation." Bien qu'elle n'ait pas été formulée en première instance par l',association expropriante, la demande

d'application de ce texte en appel est recevable. Au surplus, la revente de son terrain par Madame X..., même si le premier juge en connaissait le principe et le montant, n'est devenue opposable à l'association expropriante que le 23 janvier 1997, date de sa publication à la Conservation des hypothèques d'AVRANCHES, soit postérieurement au jugement qui a été rendu le 21 janvier 1997. Madame X... avait acquis de Monsieur Y..., par acte notarié du 10 avril 1994, les deux parcelles AB 13 (actuellement AB 600) et AB 570, formant un tout cohérent, pour le prix principal de 750.000 F. Elle a revendu les mêmes parcelles (la seconde étant en outre amputée des 113 m2 expropriés) par acte notarié du 16 novembre 1996 à la société Manche Promotion (pour le prix principal de 1.300.000 F TVA incluse, soit un prix hors taxes de 1.077.943,60 F. En presque deux années et demi, la plus-value réalisée est donc de 327.943,60 F. Celle-ci est due d'une part à l'augmentation de la valeur des terrains en bord de mer au cours de la période considérée (avril 1994 -septembre 1996) , ce qui ne peut être sérieusement contesté, mais aussi d'autre part aux travaux d'endiguement, qui sont l'objet même de l'expropriation en cause, et dont l'arrêté préfectoral de déclaration d'utilité publique du 26 juillet 1994 faisait état en mentionnant les travaux de construction par l'Association S... de JULLOUVILLE-NORD d'un ouvrage de protection contre la mer en enrochements. Ces travaux ont consolidé le terrain considéré qui était antérieurement et régulièrement érodé par la mer comme en justifient les pièces produites, notamment photographiques, et qui se trouve désormais stabilisé, favorisant ainsi la construction d'un immeuble d'habitation. Sa valeur s'en est trouvée nécessairement augmentée et, compte tenu de l'évolution du prix des terrains évoquée ci-dessus, il doit être retenu que la plus-value apportée aux parcelles AB 600 et AB 570, qui forment un tout, a été de la moitié de la différence

entre le prix d'acquisition et le prix de revente de celles-ci, soit un montant de 163.971,80 F. La plus-value ainsi apportée est importante, certaine et immédiate, d'ailleurs déjà réalisée par la revente avec profit desdites parcelles par Madame X..., et il doit, en application des dispositions de l'article Y... 13-12 du Code de l'expropriation, être opéré compensation avec l'indemnité globale d'expropriation. Force est de constater que la plus-value réalisée par les travaux est bien supérieure à ladite indemnité, laquelle est donc réduite à néant. Il ne revient de ce fait aucune somme à Madame X... A... jugement entrepris sera réformé en ce sens. III) Sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et les dépens Il résulte de l'article Y... 13-5 du Code de l'expropriation que l'expropriant supporte les dépens de première instance. Il en est ainsi même si, comme en l'espèce, l'expropriée succombe en appel. Toutefois, en fonction des termes de l'article R 13-38 du même code applicable en cause d'appel, il y a lieu de condamner Madame X... qui succombe en ses prétentions, aux dépens d'appel. Les dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile sont applicables par les juridictions d'expropriation. Si aucune indemnité de ce chef ne peut être fixée au profit de l'association expropriante pour la première instance, celle-ci est cependant recevable à formuler une demande à ce titre en cause d'appel. L'Association S... de JULLOUVILLE-NORD, même si elle bénéficie de subventions, voit ses membres, personnes physiques, participer financièrement, au moins pour partie, à son fonctionnement. Sa demande d'application est ainsi justifiée dans son principe et dans son montant qui est de 5.000 F. Il convient d'y faire droit. PAR CES MOTIFS -Déclare recevable l'appel interjeté par Madame B...- Thérèse X... contre le jugement rendu le 21 janvier 1997 par le juge de l'expropriation du département de la Manche ; -Vu les dispositions de l'article Y... 13-12

du Code de l'expropriation, -Réforme le jugement entrepris ; -Fixe l'indemnité d'expropriation due par l'Association S... de JULLOUVILLE-NORD à Madame Marie-Thérèse X..., pour l'emprise de 113 m2 sur la parcelle AB 570 sise à JULLOUVILLE, à la somme globale de 131 F, soit 113 F au titre de l'indemnité principale et 18 F au titre de l'indemnité de remploi -Déclare recevable la demande formulée au titre de la plus-value -Fixe la plus-value apportée aux parcelles de Madame X... par les travaux réalisés par l'expropriante à la somme de 163.971,80 F Constate que, par compensation, f'indemnité globale d'expropriation est réduite à néant -Condamne l'Association Syndicale expropriante aux dépens de première instance -Condamne Madame Marie-Thérèse C... à verser à l'Association S... de JULLOUVILLE-NORD une somme de 5.000 F en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile en cause d'appel -Condamne Madame Marie-Thérèse X... aux dépens d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Numéro d'arrêt : 970810
Date de la décision : 18/01/1999

Analyses

EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITE PUBLIQUE - Indemnité - Fixation

En application des dispositions de l'article L13-12 du code de l'expropriation, une compensation totale entre l'indemnité d'expropriation et le montant de la plus-value réalisée sur le terrain non exproprié de l'appelant doit être opérée. En raison notamment des travaux d'endiguement ayant consolidé ledit terrain qui était antérieurement et régulièrement érodé par la mer et qui se trouve desormais stabilisé, favorisant ainsi la construction d'un immeuble d'habitation, l'indemnité d'expropriation peut être réduite à néant


Références :

Code de l'expropriation, article L 13-12

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.caen;arret;1999-01-18;970810 ?
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