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14/12/1998 | FRANCE | N°98-0907

France | France, Cour d'appel de Caen, 14 décembre 1998, 98-0907


I -SUR L' ACTION PUBLIOUE : 1) Sur le délit d'entrave au fonctionnement du Comité d'Entreprise : Aux termes du procès-verbal d'infraction de l'Inspection du Travail en date du 31 juillet 1995, il était constaté que lors de la réunion extraordinaire du Comité d'Etablissement de l'établissement X... et X... d' ARGENTAN, du 26 juin 1995, transcrite sur procès-verbal annexé, alors que treize sujets avaient été évoqués, cinq avaient fait l'objet de la part de M. M... V... , Président du Comité d'Etablissement d'un refus de toute discussion, dont quatre étaient de la compétence de

l'établissement, à savoir les questions quatre relative à la comm...

I -SUR L' ACTION PUBLIOUE : 1) Sur le délit d'entrave au fonctionnement du Comité d'Entreprise : Aux termes du procès-verbal d'infraction de l'Inspection du Travail en date du 31 juillet 1995, il était constaté que lors de la réunion extraordinaire du Comité d'Etablissement de l'établissement X... et X... d' ARGENTAN, du 26 juin 1995, transcrite sur procès-verbal annexé, alors que treize sujets avaient été évoqués, cinq avaient fait l'objet de la part de M. M... V... , Président du Comité d'Etablissement d'un refus de toute discussion, dont quatre étaient de la compétence de l'établissement, à savoir les questions quatre relative à la communication de la liste de classification du personnel de l' agence, cinq relative à la révision des niveaux et positions du personnel, neuf relative à la communication par mois de l'emploi concernant les jeunes, les stagiaires, les contrats, dix relative à la communication de la liste des jeunes employés durant les vacances, ces faits étant constitutifs du délit d'entrave au fonctionnement du Comité d'Entreprise. Le prévenu a contesté l'infraction et conclut à la confirmation du jugement aux motifs d'une part qu'au cours du semestre précédant les constatations du procès- verbal, l'information exigée par l'article l432-4-1 du Code du travail a été donnée ainsi qu'en attestent les procès-verbaux produits lors de réunions antérieures, certes de manière fractionnée mais aucune obligation légale n'imposant à l'employeur de donner cette information de façon unique, d'autre part que si l'analyse mois par mois de l'évolution des effectifs n'apparaît pas sur les procès-verbaux, cela ne signifie pas que cette analyse n'ait pas été faite, le procès-verbal ne constituant qu'un simple renseignement, et ses énonciations et donc sa force probante étant en l'espèce contestables, notamment en raison de leur caractère lapidaire. Il résulte de l'article I432-4-1 du Code du Travail, que chaque trimestre dans les entreprises d'au moins 300

salariés, chaque semestre dans les autres, le chef 4d'entreprise informe le Comité d'Entreprise de la situation de l'emploi qui est analysée en retraçant mois par mois l'évolution des effectifs et de la qualification des salariés par catégories de contrats de travail. En l'espèce le chef de l'établissement d' ARGENTAN, unité de moins de 300 salariés, est tenu d'une information semestrielle à l'égard du Comité d'Etablissement, doté aux termes de l'article l435-2 du Code du Travail d'un fonctionnement et de missions identiques à ceux du Comité d'Entreprise. Le devoir d'information édicté par ce texte suppose nécessairement une information unique, de l'ensemble des composantes de la situation de l'emploi au sein de l'entreprise, analysée mois par mois selon les catégories retenues, laquelle est seule susceptible d'assurer réellement et efficacement l'information souhaitée par le législateur, toute autre forme d'information notamment parcellaire et fractionnée équivalant en fait à l'absence au moins partielle d'information, comme mettant obstacle à la connaissance de l'intégralité de la situation de l'emploi dans l'entreprise. En l'espèce, il n'est pas contesté que l'information n'a pas été donnée dans sa généralité lors de la réunion du 26 juin 1995 contrairement à la pratique suivie lors de la réunion du 20 juin 1994, même si certaines informations visées par l'article l432-4-1 du Code du Travail ont été ponctuellement données lors de réunions précédentes; par ailleurs il n'apparaît pas sur le procès-verbal et même sur les procès-verbaux antérieurs que l'évolution des effectifs ait été analysée mois par mois. Or M. V... est mal fondé à mettre en doute les propos transcrits sur ce procès-verbal, dès lors qu'ils n'ont été contestés ni -en son absence -par son remplaçant à la réunion du 28 juillet 1995 le procès-verbal du 26 juin ayant été alors approuvé à l'unanimité, ni par lui même lors de la réunion du 25 août 1995. Dès lors, s'il est vrai que le procès-verbal d'une

réunion du Comité d'Entreprise n'a que la force probatoire d'un simple renseignement, il n'existe au dossier aucun élément de nature à anéantir son contenu. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le 26 juin 1995, le prévenu s'est délibérément abstenu de transmettre au Comité d'Etablissement d' ARGENTAN , les informations prévues par l'article l432-4-1 du Code du Travail; le délit est ainsi caractérisé dans ses éléments matériel et moral. En conséquence, le jugement entrepris sera réformé, l'infraction objet de la poursuite étant établie de ce chef, M. Marcel V... sera déclaré coupable de l'infraction visée à la poursuite et il sera fait une application à son encontre de la Loi pénale en tenant compte de la nature des faits commis et des éléments de sa personnalité . 2 Sur le délit d'entrave à l'exercice régulier des fonctions du délégué du personnel : Aux termes du procès-verbal d'infraction de l'Inspection du Travail en date du 31 juillet 1995, il était reproché à M. V... d'avoir supprimé à M. X... , délégué syndical, membre titulaire du Comité d'Etablissement lors de ses visites de chantier comprises dans ses heures de délégation, les 19 et 20 mars, 19 juin 1995, l'indemnité de trajet allouée conformément à la convention collective aux ouvriers dans la nécessité de se rendre quotidiennement sur le chantier, la dénonciation unilatérale par l' employeur de cette pratique ou usage régissant les conditions d ' exercice des fonctions de représentant du personnel entraînant selon le procès-verbal un trouble à l'exercice régulier de ces fonctions constitutif du délit d'entrave. Le prévenu a contesté l' infraction et conclut à la confirmation du jugement aux motifs que M. X... relève de la convention collective des employés, techniciens, et agents de maîtrise ( E...) , qu'en conséquence l'indemnité de trajet prévue par la convention collective des ouvriers non sédentaires des entreprises de Travaux Publics lui est inapplicable et qu'il ne rapporte par la preuve, qui lui incombe,

de J'usage par lui invoqué, alors qu'il n'a ni perçu, ni réclamé ce type d' indemnité en 1993, que celles perçues en 1994 résultent d'une erreur, et que la dénonciation d'un usage, à le supposer établi, ne constitue pas au surplus un agissement pénalement sanctionné, étant précisé que M. ... a toujours perçu une indemnité de repas et qu'il bénéficie lors de l'exercice de ses fonctions représentatives d'un véhicule à disposition, et qu'il est ainsi totalement défrayé. Les pièces du dossier ne démontrent pas que l' ensemble des représentants du personnel de l' établissement bénéficie de l' avantage litigieux, quelles que soit leurs qualifications professionnelles. Il n'est pas contesté que M. X..., contre-maître de chantier, relève à ce titre de la convention collective des E... des Travaux Publics du 21 juillet 1965, et non de la convention collective des ouvriers non sédentaires des entreprises des Travaux Publics, laquelle prévoit en son additif du 14 avri11976, une indemnité de trajet. M. X..., qui entend se prévaloir d'un usage en la matière doit en établir l'existence en ses trois éléments cumulatifs de constance, fixité et généralité. Or, ainsi que l'a jugé le Conseil de prud'hommes d'ARGENTAN par jugement du 26 mars 1996 actuellement définitif, le pourvoi formé contre cette décision ayant été rejeté par arrêt de la Cour de Cassation du 29 octobre 1998, M . X... ne rapporte la preuve ni de l'usage invoqué, ni de l'application aux salariés protégés de l'additif du 14 avril 1976 à la convention collective des Travaux Publics relatif aux frais de déplacements des ouvriers pour se rendre sur un chantier, la seule lecture des bulletins de salaire étant insuffisante pour établir si les frais perçus sont attribués au titre des déplacements de travail ou pour des missions de délégué. Au surplus, aucun texte n'impose à l'employeur l'obligation de rembourser à un représentant du personnel ou à un membre du Comité d' Entreprise les frais de déplacement qu'il peut engager dans l'exercice de sa mission. En conséquence, les

éléments constitutifs du délit d'entrave à l' exercice régulier des fonctions du délégué du personnel ne sont pas réunis, c'est à bon droit que le Tribunal a relaxé le prévenu de ce chef de poursuite, et le jugement sera confirmé sur ce point. II.SUR L' ACTION CIVILE- Le syndicat C.G.T. de l'entreprise X... Chaussé, partie civile appelant, sollicite 5.000 Frs de dommages-intérêts en réparation de son préjudice ainsi que 10.000 Frs sur le fondement de l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale. La partie civile sollicite en outre l'affichage de la décision au sein de l'agence X... Chaussé d' ARGENT AN et sa diffusion dans la presse départementale par voie de presse écrite locale. Le prévenu conclut à l'irrecevabilité de la constitution de partie civile aux motifs que le syndicat ne justifie pas du dépôt en mairie de la liste de ses administrateurs, et que M. X... ne justifie pas d'un mandat actuel. 1 Sur la recevabilité de la constitution de partie civile : Le syndicat C.G. T. de l'entreprise X... Chaussé d' ARGENTAN justifie de statuts régulièrement déposés en mairie le 10 juin 1996. M. X... justifie d'un mandat actuel exprès de représentation du syndicat sur la présente procédure. En conséquence la constitution de partie civile est recevable. 2 Au fond : L'infraction dont a été victime la partie civile caractérise pour celle-ci un préjudice dont la réparation peut être fixée à 5.000 Frs au vu des pièces justificatives produites. Enfin il apparaît équitable d'allouer à la partie civile 6.000 Frs d'indemnité en réparation de tout ou partie de ses frais irrépétibles. Les mesures d'affichage et de publicité étant inopportunes, les demandes de ce chef seront rejetées. PAR CES MOTIFS LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement ; Reçoit les parties en leurs appels ; Vu les articles I431-1 al.1, I432-4-1, I483-1 al.1, I424-1 à I424-6, I431-11, I482-1 et I482-1 al.1 du Code du Travail. Confirme le jugement entrepris sur la relaxe du chef d ' entrave à l' exercice

régulier des fonctions du délégué du personnel ; Le réforme pour le surplus ; Déclare M. Marcel V.. coupable du délit d'entrave au fonctionnement du Comité d'Etablissement de l'entreprise X... Chausse d' ARGENTAN, faits commis à ARGENTAN le 26 juin 1995 ; Le condamne à 20.000 Frs d'amende ; Prononce la contrainte par corps ; Reçoit le syndicat X... .G .T .de la Société X... Chaussé en sa constitution de partie civile ; Condamne M. Marcel V... à verser au syndicat X... .G .T .de la Société X... Chaussé, partie civile, en réparation de son préjudice 5.000 Frs à titre de dommages-intérêts et 6.000 Frs par application de l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale ; Rejette les demandes de la partie civile relatives aux mesures d' affichage et de publicité ; Condamne M. Marcel V... aux dépens de l'action civile. La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 frs dont est redevable le condamné


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Numéro d'arrêt : 98-0907
Date de la décision : 14/12/1998

Analyses

TRAVAIL - Comité d'entreprise - Prérogatives légales - Attributions du comité dans l'ordre économique - Question intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise - Consultation - Défaut

Le devoir d'information sur la situation et l'emploi au sein de l'entreprise incombant au chef d'entreprise conformément à l'article 432-4-1 du Code du travail implique une information complète, unique et globale; toute autre forme d'information notamment parcellaire et fractionnée équivaut à une absence, au moins partielle, d'information


Références :

Code du travail, article 432-4-1

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.caen;arret;1998-12-14;98.0907 ?
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