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05/06/1998 | FRANCE | N°980017

France | France, Cour d'appel de Caen, 05 juin 1998, 980017


Le conseil du prévenu plaide au principal l ' irrecevabilité de son appel en raison du défaut de la requête visée à l' article 507 du Code de Procédure Pénale, la décision déférée ne mettant pas fin à la procédure. Subsidiairement sur le fond, X... Y... fait plaider le caractère involontaire des faits qui lui sont reprochés et conteste la qualification volontaire des faits sollicitée par la partie civile. Le Tribunal Correctionnel siégeant à juge unique était saisi outre d'une contravention de défaut de ,maîtrise, de blessures involontaires commises le 23 juillet 1996 à

l' occasion de la conduite d'un véhicule automobile et dont Mme X..., ...

Le conseil du prévenu plaide au principal l ' irrecevabilité de son appel en raison du défaut de la requête visée à l' article 507 du Code de Procédure Pénale, la décision déférée ne mettant pas fin à la procédure. Subsidiairement sur le fond, X... Y... fait plaider le caractère involontaire des faits qui lui sont reprochés et conteste la qualification volontaire des faits sollicitée par la partie civile. Le Tribunal Correctionnel siégeant à juge unique était saisi outre d'une contravention de défaut de ,maîtrise, de blessures involontaires commises le 23 juillet 1996 à l' occasion de la conduite d'un véhicule automobile et dont Mme X..., épouse du prévenu, a été la victime. Appréciant que les faits reprochés procédaient d'un comportement volontaire, c'est pour une exacte application des dispositions de l'article 398-1 du Code de Procédure Pénale que le premier juge a retenu que la qualification susceptible d' être appliquée aux faits poursuivis relevait de la juridiction correctionnelle collégiale, dès lors qu'étaient retenues deux circonstances aggravantes du délit de , violences volontaires, en l' espèce l' arme par destination et la qualité de conjoint de l'auteur. Mais en se déclarant incompétent et en renvoyant le Ministère Public à mieux se pourvoir, sans fixer de date à laquelle l' affaire serait à nouveau appelée et en abandonnant au Ministère Public le soin de délivrer une nouvelle citation, ce que ce dernier retrouvant son pouvoir d'appréciation de l'opportunité des poursuites n'était nullement tenu de faire, le premier juge, interrompant le cours de la justice, a rendu une décision qui a mis fin au sens de l'article 507 du Code de Procédure Pénale, à la procédure dont il était saisi. Dès lors l'appel de X... Y... est immédiatement recevable nonobstant l'absence de la requête prévue à l'alinéa 4 du texte susvisé . Les dispositions de l'article 398-2 du Code de Procédure Pénale imposaient au Tribunal de renvoyer l'affaire sans se dessaisir de la

poursuite en fixant une date de renvoi. La méconnaissance de ces dispositions impose d' annuler le jugement et d ' évoquer conformément à l'article 520 du Code de Procédure Pénale. Sur le fond Mme Y..., partie civile, fait plaider que les agissements incriminés relèvent de la qualification de violences volontaires avec ITT de plus de 8 jours sur conjoint et avec arme par destination. Le Ministère Public maintient la qualification involontaire. X... Y... la revendique. Il résulte du dossier et des débats les faits suivants : Le 23 juillet 1996, vers 9 h 30, Mme Y... empruntait le trottoir à V ALFRAMBERT pour se rendre chez son employeur. Elle entendait le bruit d'un véhicule arrivant derrière elle dont le moteur rétrogradait puis accélérait juste avant qu'elle ne soit violemment heurtée par ce véhicule. Sans se retourner elle avait reconnu qu'il s'agissait de la Peugeot 309 de son mari dont elle était séparée depuis le 11 avril 1996 et qui avait l'habitude d'effectuer une surveillance constante de ses faits et gestes, et notamment une fois par semaine en passant près d'elle en voiture à faible allure sans rien lui dire, alors qu'elle se rendait à son travail. Mme Y... affirmait que lors de l' accident aucun autre véhicule ne circulait dans la rue en sens inverse de sa progression. X... Y... a déclaré que roulant au volant de sa Peugeot en direction du bourg, il avait été gêné par un véhicule arrivant face à lui. Obligé de serrer à droite il était monté sur le trottoir et avait heurté un piéton qui s' était révélé être son épouse. Le véhicule terminait sa course dans l'angle du mur d'une habitation. Contestant les manouvres de moteur perçues par son épouse, X... Y... a déclaré avoir refusé la séparation de corps demandée par celle-ci après qu' elle eût quitté le domicile conjugal, Il savait qu'il s'agissait du lieu de passage habituel de son épouse, mais a contesté toute filature. En confrontation les deux époux ont maintenu leurs déclarations. L'ITT de Mme Y... s'est étendue du 23

juillet au 30 octobre 1996. C'est à bon droit que la partie civile invoque le caractère volontaire des blessures dont elle a été victime. En effet alors que l' accident s ' est déroulé en plein jour sur une chaussée large de 4,70 m, X... Y... a été dans l'incapacité de fournir le moindre élément de nature à identifier le véhicule qui selon lui l'a gêné. En confrontation, Mme Y... a maintenu que juste avant l'accident, il n'y avait eu aucun véhicule circulant en sens inverse. Aucune trace de freinage tant sur la chaussée que sur les graviers du trottoir qu'empruntait son épouse n'a été relevée par les gendarmes, ce qui établit que le prévenu n' a même pas cherché à éviter le piéton. X... Y... a reconnu en confrontation qu' il connaissait l' itinéraire habituel de son épouse pour se rendre à son travail ainsi que I 'heure à laquelle, sauf exception, elle embauchait soit 9 h 30, précisément l'heure de l'accident. Ainsi, compte tenu du contexte familial de la séparation de fait des époux Y..., du harcèlement de X... Y... rapporté par son épouse alors que leur fils a confirmé qu'à plusieurs reprises sa mère lui avait signalé les surveillances dont elle était l'objet sur son trajet pour se rendre au travail, la Cour retiendra que les blessures infligées à la victime, épouse de l'auteur, ont un caractère volontaire. Enfin l'instrument des blessures a été le véhicule de X... Y... utilisé comme une arme par destination. La poursuite sera donc requalifiée en délit de violences volontaires avec arme, ayant entraîné une ITT de plus de 8 jours exercées par le conjoint de la victime, prévu et réprimé par l'article 222-12 al.1 6° et 10° et al.2 du Code Pénal et X... Y... sera déclaré coupable de cette infraction. La requalification est possible dès lors qu'elle ne porte sur les seuls faits visés dans la citation saisissant les premiers juges, que la juridiction du fond peut interpréter souverainement et que X... Y... , lors des débats à l'audience d'appel, en raison des moyens et demandes invoqués par la

partie, s'est expliqué sur cette nouvelle qualification. Il sera fait application de la loi pénale à son encontre en tenant compte de l' absence d ' antécédent à son casier judiciaire et de la nature des faits commis . Sur l'action civile Mme Y... demande à la Cour en cas d ' évocation dans le dispositif de ses conclusions, une expertise médicale et une provision de 30.000 Y... à valoir sur la réparation de ses préjudices. X... Y... doit être déclaré responsable des conséquences dommageables de l' infraction. Certains éléments de préjudices matériels évoqués dans les motifs de ses écritures pouvant intéresser les prestations des organismes sociaux, il convient de surseoir à statuer sur toutes ces demandes y compris celles relatives au préjudice moral, d ' ordonner une mesure d ' expertise et d ' allouer, compte tenu des préjudices d' ores et déjà acquis, une provision de 20.000 Y... PAR CES MOTIFS LA COUR, Statuant publiquement et par arrêt contradictoire ; Reçoit le prévenu en son appel ; Vu les articles 520 du Code de Procédure Pénale, 222-11, 222-12 al.1 et 2, 222-44, 222-45 et 222-47 al.1 du Code Pénal; Annule le jugement entrepris ; Evoquant ; Requalifie la poursuite du chef de blessures involontaires suivies d'une ITT de plus de 3 mois lors de la conduite d'un véhicule et de défaut de maîtrise en délit de violences volontaires ayant entraîné une ITT de plus de 8 jours, avec arme, avec cette circonstance que les violences ont été exercées par le conjoint de la victime, délit prévu et réprimé par l'article 222-12 al.1 6° et 10° et al.2 du Code Pénal ; Déclare X... Y... coupable de ce délit ; Condamne X... Y... à 12 mois d'emprisonnement avec sursis ; Sur la peine d'emprisonnement avec sursis Le Président a averti le condamné que si dans le délai de 5 ans à compter du prononcé de cette peine, il commettait à nouveau un crime ou un délit suivi d'une nouvelle peine privative de liberté sans sursis, cette dernière condamnation entraînerait l' exécution de la présente condamnation,

avec sursis sans confusion possible. A l'inverse, en l'absence dans le même délai de 5 ans de nouvelle condamnation privative de liberté, la présente condamnation sera réputée non avenue ; Prononce contre X... Y... la privation des droits de l'article 131-263° et 4° du Code Pénal pendant 5 ans ; Sur l'action civile Déclare X... Y... responsable des dommages subis par Yvette X... épouse Y... ; Condamne X... Y... à verser à Mme X... épouse Y... 20.000 Y... de provision à valoir sur la réparation de tous les chefs de préjudice ; Ordonne une expertise médicale aux fins d'examiner Mme X... épouse Y... ; Commet pour y procéder Mme le Docteur X..., traumatologue, expert, avec pour mission : 1- examiner la victime Mme Yvette X... épouse Y..., décrire les lésions qu'elle impute à l'accident dont elle a été victime, indiquer après s'être fait communiquer tous documents relatifs aux examens, soins et interventions dont la victime a été l' objet, leur évolution et les traitements appliqués; préciser si ces lésions sont bien en relations directe et certaine avec l'accident ; 2- déterminer la durée de l'incapacité temporaire de travail en indiquant si elle a été totale ou si une reprise partielle est intervenue, dans ce cas en préciser les conditions ou la durée ; 3- fixer la date de consolidation des blessures ; 4- dégager, en les spécifiant, les éléments propres à justifier une indemnisation au titre de la douleur et éventuellement du préjudice esthétique en les qualifiant de très léger, léger, modéré, moyen, assez important, important ou très important 5- dire si du fait des lésions constatées initialement, il existe une atteinte permanente d'une ou plusieurs fonctions, et, dans l'affirmative, après en avoir précisé les éléments chiffrer le taux de déficit physiologique résultant, au jour de l'examen de la différence entre la capacité antérieure, dont le cas échéant les anomalies devront être discutées et évaluées, et la capacité actuelle ; 6) dire si l'état de la victime est susceptible de modification en

aggravation ou amélioration; dans l'affirmative , fournir au Tribunal toutes précisions utiles sur cette évolution, son degré de probabilité, et, dans le cas où un nouvel examen apparaîtrait nécessaire, indiquer le délai dans lequel il devra y être procédé ; 7- dire, si malgré son incapacité permanente, la victime est au plan médical physiquement et intellectuellement apte à reprendre dans les conditions antérieures ou autrement l'activité qu'elle exerçait lors de l'accident ; 8- et plus spécialement, dit que l'expert pourra recueillir les déclarations de toutes personnes informées, qu'il aura la faculté de s'adjoindre tout spécialiste de son choix et qu'il en sera référé à X... le Président ; Dit que l'expert commis devra déposer son rapport au Greffe de cette Cour dans le délai de CINQ MOIS à compter du jour de sa saisine ; Dit que Mme X... consignera dans le mois suivant le prononcé de l'arrêt une somme de 2.200 Y... au Greffe de la Cour à titre de provision sur la rémunération de l'expert ; Dit que X... Z... sera chargé du suivi des opérations ; Renvoie la cause et les parties à l'audience du 2 décembre 1998 à 14 heures ; Dit que Mme X... devra mettre en cause l'organisme social dont elle dépend pour cette date ; Sursoit à statuer sur les autres demandes de Mme X... ; Condamne X... Y... aux dépens de l'action civile ; La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 Y... dont est redevable le condamné.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Numéro d'arrêt : 980017
Date de la décision : 05/06/1998

Analyses

APPEL CORRECTIONNEL OU DE POLICE - Décisions susceptibles - Décision mettant fin à la procédure (article 507 du Code de procédure pénale) - Renvoi sans fixation de date - /

En se déclarant incompétent et en renvoyant le Ministère Public à mieux se pourvoir sans fixer de date à laquelle l'affaire serait de nouveau appelée, le premier juge a rendu une décision qui, au sens de l'article 507 du Code de procédure pénale, a mis fin à la procédure dont il était saisi, rendant l'appel du prévenu immédiatement recevable nonobstant l'absence de la requête prévue à l'alinéa 4 de l'article précité


Références :

Code de procédure pénale, article 507

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.caen;arret;1998-06-05;980017 ?
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