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21/11/2008 | FRANCE | N°07/01736

France | France, Cour d'appel de bourges, 03, 21 novembre 2008, 07/01736


SD / CG

R. G : 07 / 01736

Décision attaquée : du 28 novembre 2007 Origine : conseil de prud'hommes de BOURGES

M. Vincent X...

C /

SARL EXP RAYMOND
Notification aux parties par expéditions le : 21. 11. 08
Me NONIN-Me MERCIER
Copie : 21. 11. 08 21. 11. 08
Expéd. :
Grosse :
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 21 NOVEMBRE 2008
No 370-8 Pages

APPELANT :

Monsieur Vincent X......... 18100 VIERZON

Représenté par Me Serge NONIN (avocat au barreau de BOURGES)

INTIMÉE :

SARL EXP RAYMOND 15 rue du

Four à Chaux 18500 MEHUN SUR YEVRE

Représentée par Me MERCIER, membre de la SCP GERIGNY et ASSOCIES (avocats au barreau de BOURGES)

COM...

SD / CG

R. G : 07 / 01736

Décision attaquée : du 28 novembre 2007 Origine : conseil de prud'hommes de BOURGES

M. Vincent X...

C /

SARL EXP RAYMOND
Notification aux parties par expéditions le : 21. 11. 08
Me NONIN-Me MERCIER
Copie : 21. 11. 08 21. 11. 08
Expéd. :
Grosse :
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 21 NOVEMBRE 2008
No 370-8 Pages

APPELANT :

Monsieur Vincent X......... 18100 VIERZON

Représenté par Me Serge NONIN (avocat au barreau de BOURGES)

INTIMÉE :

SARL EXP RAYMOND 15 rue du Four à Chaux 18500 MEHUN SUR YEVRE

Représentée par Me MERCIER, membre de la SCP GERIGNY et ASSOCIES (avocats au barreau de BOURGES)

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats et du délibéré :
PRÉSIDENT : Mme VALLÉE
CONSEILLERS : Mme GAUDET M. LACHAL

GREFFIER D'AUDIENCE : Mme DELPLACE 21 novembre 2008

DÉBATS : A l'audience publique du 24 octobre 2008, le président ayant pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l'arrêt à l'audience du 21 novembre 2008 par mise à disposition au greffe.

ARRÊT : Contradictoire-Prononcé publiquement le 21 novembre 2008 par mise à disposition au greffe.

* * * * *EXPOSE DU LITIGE
Monsieur Vincent X... a travaillé pour l'agence Adecco au sein de l'entreprise utilisatrice, la Sarl Exploitation Raymond, suivant huit contrats de mission, de façon presqu'ininterrompue du 18 mai 2000 au 2 avril 2001. À compter du 11 juin 2001, il a été embauché par la Sarl Exploitation Raymond par contrat à durée indéterminée en qualité d'agent de fabrication. Il a été licencié pour motif économique par courrier du 19 février 2007 invoquant une réorganisation nécessaire pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, conduisant à supprimer son emploi, et précisant que son reclassement s'était avéré impossible.
Monsieur Vincent X... a saisi le conseil de prud'hommes de Bourges le 20 avril 2007 pour obtenir une indemnité de requalification consécutive à la requalification de ses missions de travail temporaire en contrat à durée indéterminée. Il demandait également des dommages et intérêts pour rupture abusive.
Par jugement du 28 novembre 2007, le conseil de prud'hommes de Bourges a débouté Monsieur Vincent X... de l'ensemble de ses demandes. Il a considéré d'une part qu'une augmentation sensible de près de 50 % du chiffre d'affaires de la Sarl Exploitation Raymond pendant la période d'emploi intérimaire de Monsieur Vincent X... correspondait à un accroissement d'activité, et que Monsieur Vincent X... ne pouvait invoquer une rupture abusive de son contrat de travail dès lors qu'il avait accepté une convention de reclassement personnalisé le 19 février 2007.
Monsieur Vincent X... a interjeté appel de ce jugement.
Suivant écritures du 17 octobre 2008 reprises à l'audience et auxquelles il est renvoyé, Monsieur Vincent X... demande la condamnation de la Sarl Exploitation Raymond à lui payer 1570, 50 € d'indemnité de requalification de missions d'intérim, et 18 846 € de dommages et intérêts pour rupture abusive ainsi que 1525 € au titre de ses frais irrépétibles.
21 novembre 2008
En ce qui concerne la requalification des missions d'intérim, il soutient qu'il effectuait en fait des tâches permanentes et durables au sein de l'entreprise, celle-ci ne rapportant pas la preuve de pics de production entre le 18 mai 2000 et le 8 juin 2001. Il soutient ensuite que l'adhésion à convention de reclassement personnalisé ne lui interdit pas de contester le caractère économique de son licenciement. Enfin il estime que n'est pas rapportée la preuve de menaces précises pesant sur la compétitivité du secteur d'activité de la Sarl Exploitation Raymond, que son poste n'a pas été réellement supprimé puisqu'au même moment la Sarl Exploitation Raymond a proposé à un salarié intérimaire de signer un contrat de travail à durée déterminée sur un poste d'agent de fabrication en tournage, que pour la même raison, il n'y a pas eu de tentative sérieuse de le reclasser. Enfin, il invoque le non respect des critères d'ordre de licenciement.
La Sarl Exploitation Raymond, développant à l'audience ses écritures du 23 octobre 2008 auxquelles il est renvoyé, demande la confirmation du jugement frappé d'appel et la condamnation de Monsieur Vincent X... à lui payer 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Elle soutient qu'elle rapporte la preuve de pics de production justifiant le recours à des salariés intérimaires, soulève l'irrecevabilité de la contestation du licenciement de Monsieur Vincent X... qui a accepté une convention de reclassement personnalisé et à titre subsidiaire expose qu'elle a été contrainte de réorganiser son entreprise pour sauvegarder sa compétitivité menacée par la décision de son donneur d'ordre de diminuer son volume d'activité. Si des recrutements ont eu lieu dans une période contemporaine du licenciement, c'était sur des postes pour lesquels Monsieur Vincent X... n'avait pas la compétence. Un seul recrutement de tourneur a été effectué à titre temporaire le 4 juin 2007, mais il a été préalablement proposé à Monsieur Vincent X... dans le cadre de la priorité de réembauchage, et refusé par l'appelant. Aucun poste disponible ne permettait le reclassement de Monsieur Vincent X.... Et tous les critères d'ordre de licenciement légaux ont été respectés.

SUR QUOI LA COUR

Attendu qu'au terme de l'article L 1251-5 du code du travail, le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice ; 21 novembre 2008

Attendu qu'en l'espèce, Monsieur Vincent X... a travaillé pour le compte de la Sarl Exploitation Raymond, par contrat de mission pendant plus d'une année sans interruptions autres que de trois jours maximum ; que la durée et la permanence de ce travail intérimaire milite en faveur d'un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice ;
Attendu que la Sarl Exploitation Raymond, pour justifier le recours à ces contrats de mission, soutient que dans le domaine de l'industrie mécanique, la production n'est jamais linéaire ce qui génère sur des périodes plus ou moins longues des pics d'activité ;
Que pour autant, la preuve de ses pics d'activité n'est pas rapportée ; qu'en effet, les chiffres de production, sommairement présentés par la pièce no13 de l'intimée, varient tantôt à la hausse tantôt à la baisse sur les cinq exercices annuels présentés sans détail, le chiffre de production pour la période 2000 / 2001 étant d'ailleurs inférieur à ceux des périodes 1998 / 1999 et 2001 / 2002 ; qu'il n'en ressort pas que les variations de production aient eu un caractère exceptionnel de mai 2000 à juin 2001, et aient pu expliquer le recours aux contrats de mission de Monsieur Vincent X... pendant plus d'une année ;
Que le jugement doit être infirmé, et les contrats de mission requalifiés en un contrat à durée indéterminée ouvrant droit à Monsieur Vincent X... à une indemnité de requalification de 1570, 50 € ;

Attendu que la fin de non-recevoir tirée par la Sarl Exploitation Raymond de la convention de reclassement personnalisé acceptée par Monsieur Vincent X..., doit être rejetée, l'adhésion d'un salarié à une convention de reclassement personnalisé, si elle entraîne une rupture qui est réputée intervenir d'un commun accord, ne privant pas le salarié de la possibilité de contester le motif économique de la rupture ;

Attendu que pour fonder le licenciement économique de Monsieur Vincent X..., la Sarl Exploitation Raymond invoque une réorganisation pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ; que la lettre précise que le secteur d'activité connaît des difficultés économiques, les prévisions d'avenir n'étant guère optimistes ; que la faiblesse de l'activité conduit de nombreuses entreprises à supprimer des emplois, et que ce contexte a des répercussions sur la Sarl Exploitation Raymond ; qu'elle indique ensuite que son 21 novembre 2008

principal client a annoncé une baisse de charge très importante d'environ 30 à 50 % de son chiffre d'affaires, qu'il ne prévoit pas de reprise d'activité à court ou moyen terme, et en tout cas pas avant le deuxième semestre 2007, et que la recherche de nouveaux clients dans la conjoncture actuelle de la mécanique s'avère très difficile ;
Attendu qu'il résulte de l'attestation de M. B..., expert-comptable, qu'une baisse très importante de la production a été observée entre octobre 2006 et mars 2007, qui s'explique par la dépendance de la Sarl Exploitation Raymond envers son client principal qui représente environ 95 % de sa production et appartient au secteur de l'aviation en ralentissement économique ; que l'expert-comptable rappelle les entretiens tenus avec les responsables de la Sarl Exploitation Raymond à la fin de l'exercice 2006, concernant la mise en place de licenciements pouvant être interrompus si le client reprenait une activité normale ; attendu que l'évolution du chiffre d'affaires a accusé une baisse sensible en janvier 2007 qui s'est poursuivie et fortement accentuée en juin, juillet et août 2007 ; Attendu que cette forte dépendance à un client appartenant à un secteur ralenti justifiait la nécessité pour la Sarl Exploitation Raymond d'anticiper une forte baisse d'activité qui s'est révélée réelle, et justifiait des licenciements économiques en vue de sauvegarder sa compétitivité ;

Attendu que Messieurs C..., D... et F..., régleur, programmeur régleur et responsable d'atelier à la Sarl Exploitation Raymond, attestent que le poste de Monsieur Vincent X... n'a pas été remplacé ; Attendu que si M. E..., tourneur intérimaire en mission à la Sarl Exploitation Raymond, atteste que cette dernière lui a proposé de signer un contrat à durée déterminée à compter du 13 février 2007 pour un poste d'agent de fabrication en tournage, après sept mois d'intérim, ce que réfute l'intimée, il convient d'observer que des dires mêmes du témoin, confirmés par l'attestation de la responsable d'agence d'intérim, ce contrat à durée déterminée n'a pas abouti, et que le contrat de mission de M. E... n'a pas été reconduit à la fin de sa mission le 9 février 2007, du fait de la suppression du poste d'opérateur sur tour ; qu'il ne peut donc être retenu de cette attestation que le poste de Monsieur Vincent X... n'ait pas été supprimé, ou encore que la sauvegarde de compétitivité de la Sarl Exploitation Raymond ne passait pas par la suppression d'un poste d'opérateur sur tour ;

Attendu que l'objet de la réorganisation pour sauvegarde de la compétitivité était notamment de limiter les effectifs salariés surabondants au regard de la production ; que la Sarl Exploitation
21 novembre 2008
Raymond ne pouvait donc proposer à Monsieur Vincent X..., licencié pour motif économique en même temps que deux autres salariés, un reclassement ; Que les considérations ci-dessus sur l'absence d'embauche de M. E... conduisent à écarter une possibilité de reclasser Monsieur Vincent X... sur un poste d'opérateur sur tour qui a été effectivement été supprimé ; que les embauches faites en mars, avril et juin 2007, telles qu'elles ressortent du registre du personnel versé au débat, concernent deux postes de fraiseur, un poste de secrétaire, un poste de responsable qualité et un poste d'agent des méthodes, pour lesquels Monsieur Vincent X... n'avait pas la formation initiale et les compétences nécessaires, s'agissant de métiers différents comme en attestent notamment Messieurs D... et F... ;

Attendu qu'en définitive, le licenciement économique de Monsieur Vincent X... repose sur une cause réelle et sérieuse ;

Attendu que Monsieur Vincent X... fonde subsidiairement sa demande de dommages et intérêts sur la privation d'emploi dont il serait victime à raison du non-respect des critères d'ordre de licenciements ;

Attendu que la Sarl Exploitation Raymond produit le tableau de notation de 33 salariés formant catégorie incluant l'appelant ; que le grief de Monsieur Vincent X... suivant lequel la catégorie n'aurait à l'époque comporté que 29 salariés, peut-être écarté, un plus grand nombre de salariés inclus dans sa catégorie ne pouvant pas nuire au salarié ; qu'il ressort de ce tableau que la Sarl Exploitation Raymond a notamment pris en compte les critères imposés par l'article L. 1233-5 du code du travail ; qu'ont été notamment évalués les charges de famille, l'ancienneté, et l'âge dans la colonne " réinsertion professionnelle difficile " ; que comme tous les opérateurs, Monsieur Vincent X... a été désavantagé par son absence de polyvalence, qu'il n'est pas le seul pour lequel les qualités professionnelles ont été appréciés dans la moyenne basse, ce qu'aucune pièce produite ne vient contredire ;
Attendu qu'au vu de ces éléments, la demande fondée sur le non-respect des critères d'ordre de licenciements doit être rejetée ;

Attendu que Monsieur Vincent X... invoque enfin, sans en tirer de conséquences financières, la violation de la priorité de 21 novembre 2008

réembauchage ; que pourtant, la seule embauche faite par la Sarl Exploitation Raymond dans l'année qui a suivi le licenciement de Monsieur Vincent X..., et qui correspondait aux compétences de ce dernier, à savoir un contrat de travail à durée déterminée du 4 juin au 22 août 2007 pour un poste de d'opérateur sur tour, a bien été proposé par la Sarl Exploitation Raymond à Monsieur Vincent X..., notamment par courrier recommandé reçu par l'intéressé qui n'y a pas donné suite ;

Attendu qu'en définitive, seule est due à Monsieur Vincent X... une indemnité de requalification de ses missions d'intérim ; Que dès lors, la Sarl Exploitation Raymond gardera la charge des dépens de première instance et d'appel, mais les demandes présentées au titre des frais irrépétibles seront rejetées ;

PAR CES MOTIFS :

La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement rendu le 28 novembre 2007 par le conseil de prud'hommes de Bourges ;
Statuant à nouveau,
Requalifie les contrats de mission effectués par Monsieur Vincent X... auprès de la Sarl Exploitation Raymond entre le 18 mai 2000 et le 8 juin 2001 en un contrat à durée indéterminée et condamne la Sarl Exploitation Raymond à payer à Monsieur Vincent X... à ce titre une indemnité de 1570, 50 € ;
Rejette la fin de non-recevoir tirée de l'acceptation par Monsieur Vincent X... d'une convention de reclassement personnalisé ;
Dit que le licenciement économique de Monsieur Vincent X... a une cause réelle et sérieuse, et que les critères d'ordre de licenciements ont été respectés, et déboute Monsieur Vincent X... de la demande de dommages et intérêts qu'il a présentée sur ces fondements ;
Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ; 21 novembre 2008

Condamne la Sarl Exploitation Raymond aux dépens de première instance et d'appel.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;
En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par Mme VALLÉE, président, et Mme DELPLACE, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,

S. DELPLACE N. VALLÉE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de bourges
Formation : 03
Numéro d'arrêt : 07/01736
Date de la décision : 21/11/2008
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement économique - Mesures d'accompagnement - Convention de reclassement personnalisé - Adhésion du salarié - Portée - // JDF

La fin de non-recevoir tirée par l’employeur de la convention de reclassement personnalisé acceptée par le salarié doit être rejetée : l’adhésion d’un salarié à une convention de reclassement personnalisé, si elle entraîne une rupture qui est réputée intervenir d’un commun accord, ne privant pas le salarié de la possibilité de contester le motif économique de la rupture.


Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Bourges, 28 novembre 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bourges;arret;2008-11-21;07.01736 ?
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