SD/CG
R.G : 07/00443
Décision attaquée :
du 12 mars 2007
Origine : conseil de prud'hommes de BOURGES
Mme Jocelyne X...
C/
DACTYL BURO DU CENTRE
Notification aux parties par expéditions le : 8/02/2008
Me NONIN-Me VERNAY
Copie : 8.02.08 8.02.08
Expéd. :
Grosse :
COUR D'APPEL DE BOURGES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 8 FÉVRIER 2008
No 48 - 8 Pages
APPELANTE :
Madame Jocelyne X...
...
18570 LA CHAPELLE ST URSIN
Représentée par Me Serge NONIN (avocat au barreau de BOURGES)
INTIMÉE :
S.A. DACTYL BURO DU CENTRE
11, rue de la Halle
18945 BOURGES CEDEX 9
Représentée par Me VERNAY- AUMEUNIER membre de la SCP SOREL, AUBERT, PILLET, CHAMBOULIVE, VERNAY- AUMEUNIER, BANGOURA, VOISIN, RAYMOND & JAMET (avocats au barreau de BOURGES)
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats et du délibéré :
PRÉSIDENT : Mme VALLÉE
CONSEILLERS : Mme GAUDET
M. LACHAL
GREFFIER D'AUDIENCE : Mme DELPLACE
8 février 2008
DÉBATS : A l'audience publique du 11 janvier 2008, le président ayant pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l'arrêt à l'audience du 8 février 2008 par mise à disposition au greffe.
ARRÊT : contradictoire - Prononcé publiquement le 8 février 2008 par mise à disposition au greffe.
* * * * *
EXPOSE DU LITIGE
Pour un exposé complet du litige, il est renvoyé au jugement du 12 mars 2007 dont appel.
Il sera seulement rappelé que Madame X... a été embauchée à compter du 1er octobre 1970 par la société Dactyl Buro en qualité de facturière.
Elle a fait une première déclaration de maladie professionnelle le 21 février 1995 qui a donné lieu à une prise en charge par la caisse primaire d'assurance-maladie du Cher suivant décision portée à la connaissance de l'employeur le 14 novembre 1995. Le 20 janvier 2003, elle a fait une seconde déclaration de maladie professionnelle avec demande de reconnaissance pour une atteinte dégénérative de l'épaule droite. Cette maladie, inscrite au tableau no 57 a été prise en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels suivant décision de la caisse primaire d'assurance-maladie du Cher du 19 juin 2003.
À la suite d'un nouvel arrêt de travail jusqu'au 1er mai 2005 ordonné par son rhumatologue mais sans mention du caractère professionnel de l'arrêt, Madame X... a fait l'objet d'une première visite de reprise le 3 mai 2005. Le médecin du travail a conclu : «inapte au poste actuel. Apte à un poste sans : travail sur écran, antépulsion $gt;90o, gestes répétitifs, abduction des bras, travail bras tendus, station debout prolongée - poste à très faible pénibilité - à revoir dans 15 jours après étude du reclassement avec l'employeur».
Une nouvelle fiche de visite était établie à l'issue de la seconde visite du 18 mai 2005 qui concluait à nouveau : «2ème visite d'inaptitude au poste – après étude du reclassement avec l'employeur – inapte au poste actuel – apte à un poste sans : travail sur écran, gestes répétitifs, abduction des bras, travail bras tendu, station debout prolongée, antépulsion $gt; 90o – apte à un poste à très faible pénibilité.»
À la suite d'un entretien préalable qui s'est déroulé le 2 juin 2005, Madame X... a été licenciée par lettre du 7 juin 2005 pour
8 février 2008
inaptitude à son poste et impossibilité de reclassement.
Elle a saisi le conseil de prud'hommes de Bourges le 7 octobre 2005 de la contestation de son licenciement. Elle sollicitait une indemnité de préavis, un solde d'indemnité de licenciement et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, réclamations fondées sur le défaut de respect par l'employeur des dispositions applicables au licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle. Elle demandait également un rappel de congés payés et sa participation aux bénéfices.
Par jugement du 12 mars 2007, le conseil de prud'hommes de Bourges a débouté Madame X... de l'ensemble de ses demandes, considérant principalement qu'il n'était pas établi que l'employeur ait eu connaissance de la maladie professionnelle lors de l'entretien préalable, inaptitude n'ayant pas fait l'objet d'argumentation à ce sujet.
Madame X... a interjeté appel de ce jugement.
Reprenant à l'audience ses écritures du 3 janvier 2008 auxquelles il est renvoyé, Madame X... demande à la cour de dire que son licenciement ne repose sur aucun motif réel et sérieux et de condamner la société Dactyl Buro à lui payer
– 3044,16 € d'indemnité de préavis ainsi que 304,41 € de congés payés afférents
– 9 030,13 € de solde d'indemnité de licenciement
– 54 794,08 € de dommages et intérêt pour licenciement dépourvu de motif réel et sérieux
– 1344,50 € de rappel de congés payés
– 180 € au titre de sa participation aux bénéfices
– 1525 € de frais irrépétibles.
Elle soutient avoir fait l'objet d'un licenciement verbal que ne saurait remettre en cause la seconde attestation délivrée par la personne l'ayant assistée lors de l'entretien préalable. Elle prétend également que le licenciement était consécutif à une inaptitude d'origine professionnelle connue de l'employeur et que la méconnaissance par ce dernier des mesures devant accompagner un tel licenciement et notamment la consultation des délégués du personnel sur le reclassement lui ouvre droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à 12 mois salaire. Elle fait état de son ancienneté, de son âge et de sa santé déficiente pour solliciter une indemnité équivalente à 36 mois de salaire.
La société Dactyl Buro, reprenant oralement ses écritures du 9 janvier 2008 auxquelles il est renvoyé, demande la confirmation du
8 février 2008
jugement déféré et la condamnation de Madame X... à lui verser 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle conteste tout licenciement verbal au cours de l'entretien préalable, faisant en outre valoir que cela ne constituerait pas un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle expose que les arrêts de travail fournis pour la période ayant abouti aux visites de reprise et au licenciement pour inaptitude, n'étaient pas liés à une maladie professionnelle et qu'en tout cas, l'employeur ne pouvait en avoir connaissance, le courrier de la caisse primaire d'assurance-maladie du 15 juin 2005, indiquant à Madame X... que ces arrêts étaient pris en charge au titre de sa maladie professionnelle, étant postérieur au licenciement. En l'absence du caractère professionnel de l'inaptitude, elle conclut qu'elle n'avait pas à consulter les délégués du personnel sur le reclassement, que l'indemnité de préavis n'est pas due non plus que la double indemnité de licenciement et les dommages et intérêts
SUR QUOI LA COUR
- sur le licenciement verbal :
Attendu que Mme A..., salariée de la société Dactyl Buro, qui a accompagné Madame X... lors de l'entretien préalable, a attesté le 3 juin 2005 que le représentant de l'employeur, lors de cet entretien, a lu les inaptitudes professionnelles de Madame X... à son emploi figurant sur le compte-rendu du médecin du travail et a conclu qu'il n'y avait pas dans la société Dactyl Buro de poste permettant son reclassement ; que de ce fait, le licenciement a été prononcé ;
Que Madame X... se fonde sur ce témoignage pour invoquer un licenciement verbal qui fonderait ses demandes d'indemnités liées à un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Mais attendu d'une part que par attestation du 27 décembre 2005, Mme A... a précisé que le représentant de la société Dactyl Buro, s'il avait évoqué l'éventualité du licenciement et ses modalités lors de l'entretien préalable, n'avait par contre pas dit que la décision de licencier était prise ;
Que d'autre part, une décision de licenciement prise à l'issue de l'entretien préalable avant l'envoi de la lettre de licenciement motivé, constitue une irrégularité de procédure qui n'a pas pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse ;
8 février 2008
Que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont rejeté l'existence d'un licenciement verbal ;
- sur l'origine professionnelle de l'inaptitude ayant conduit au licenciement et ses conséquences :
Attendu que les pièces versées au débat ne permettent pas de connaître la maladie déclarée le 21 février 1995 dont le caractère professionnel a été reconnu par la caisse primaire d'assurance-maladie du Cher le 14 novembre 1995 ;
Attendu par contre que la déclaration de maladie professionnelle du 20 janvier 2003, dont l'employeur a nécessairement eu connaissance puisqu'il la produit au débat (pièce no24 de la société Dactyl Buro), indiquait une maladie dégénérative de l'épaule droite ; que cette maladie, inscrit au tableau no57, a été prise en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels, par décision de la caisse primaire d'assurance-maladie du Cher du 19 juin 2003 ; que si la société Dactyl Buro indique n'avoir jamais reçu la moindre modification de la caisse à ce titre, elle a toutefois indiqué dans ses écritures de première instance que Madame X... lui a aussitôt transmis l'information de cette reconnaissance de maladie professionnelle ; qu'en outre, elle a été destinataire d'un certificat médical maladie professionnelle établi le 3 juillet 2003 par le rhumatologue de Madame X..., faisant état d'une atteinte dégénérative calcique de l'épaule droite, ainsi que d'un certificat médical de prolongation maladie professionnelle établie le 1er août 2003 par le même médecin faisant état de deux épaules dégénératives ; qu'enfin le même médecin établissait le 5 septembre 2003 un nouveau certificat de prolongation constatant un dérangement interne de l'épaule droite ;
Attendu que ces constatations du rhumatologue coïncidaient avec les maladies du tableau no 57, qui vise les affections périarticulaires provoquées par certains gestes et posture de travail et notamment les atteintes douloureuses à l'épaule ;
Attendu ces éléments permettent d'établir un lien de causalité entre la maladie professionnelle déjà reconnue pour une atteinte dégénérative de l'épaule droite et une partie de l'inaptitude ayant conduit au licenciement de Madame X..., puisque que cette inaptitude est fondée notamment sur une impossibilité d'un poste avec abduction des bras, travail bras tendus et antépulsion $gt; 90o ;
Attendu qu'en conséquence, la société Dactyl Buro, qui, au jour du licenciement avait connaissance, tant de l'existence chez sa
8 février 2008
salariée d'une maladie dégénérative de l'épaule droite déjà prise en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels décidée par la caisse primaire d'assurance-maladie du Cher le 19 juin 2003, que des motifs de l'inaptitude tenant notamment à l'impossibilité de l'utilisation normale par la salariée de ses bras, ne pouvait ignorer l'origine professionnelle de l'inaptitude et devait observer les prescriptions légales de l'article L122-32-5 du code du travail régissant les licenciements pour inaptitude d'origine professionnelle ;
Attendu qu'il est constant qu'en violation des dispositions légales précitées, la société Dactyl Buro n'a pas recueilli l'avis des délégués du personnel sur le reclassement de Madame X..., bien que la question fût d'ailleurs posée par cette dernière lors de l'entretien préalable ; qu'en application de l'article L. 122-32-7 du code du travail, il convient d'octroyer à Madame X... une indemnité qui ne peut être inférieure à 12 mois de salaire, et qui, pour tenir compte de son ancienneté dans l'entreprise, de son âge, et de ses perspectives sur le marché du travail, doit être fixée à 36 000 € ;
Attendu que s'agissant d'une inaptitude d'origine professionnelle, Madame X... est également en droit de prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, calculée sur la base de deux mois de salaire, soit 3044,16 € outre 304,41 € de congés payés afférents ; qu'elle a également droit à l'indemnité spéciale de licenciement prévue par l'article L. 122-32-6 du code du travail, soit un solde dû par la société Dactyl Buro de 9 030,13 € ;
- sur le rappel de congés payés :
Attendu que se fondant sur son bulletin de salaire de mai 2005 faisant ressortir un droit ouvert à congés payés de 26,5 jours, Madame X... demande paiement de l'indemnité compensatrice, soit la somme de 1344,50 €;
Que la société Dactyl Buro fait valoir que Madame X... n'a pas pu prendre ses congés en raison de sa maladie, pendant laquelle son salaire a été maintenu, de sorte que l'indemnité compensatrice n'est pas due ;
Mais attendu que les 26,5 jours de congés payés ouverts au titre de la période du 1er juin 2004 au 31 mai 2005 pouvaient être pris par Madame X... entre le 1er mai et le 30 octobre 2005, de sorte que les jours de congés payés non pris à la date du
8 février 2008
licenciement, le 7 juin 2005, doivent être indemnisés par la somme de 1344,50 € ;
- participation aux bénéfices du 1 juillet 2004 au 9 juin 2005 :
Attendu que Madame X... réclame 180 € au titre de sa part de la réserve de participation pour la période de l'exercice 2004/2005 où elle était encore salariée ; que la société Dactyl Buro ne s'explique pas sur ce point ;
Attendu que cette demande, qui découle du contrat de travail liant les parties, est de la compétence du juge prud'homal ;
Attendu que Madame X... produit sa fiche individuelle de participation aux résultats de l'entreprise pour l'exercice 2004/2005 ; que la somme de 180 € qu'elle réclame et qui ne fait l'objet d'aucune contestation de la part de la société Dactyl Buro, apparaît compatible avec la fiche individuelle produite ; qu'il doit être fait droit à cette demande ;
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement rendu 12 mars 2007 par le conseil de prud'hommes de Bourges ;
Statuant à nouveau,
Dit que la rupture du contrat de travail de Madame X... est fondée sur une inaptitude dont l'origine est professionnelle ;
En conséquence, condamne la société Dactyl Buro à payer à Madame X...
- 3044,16 € d'indemnité de préavis ainsi que 304,41 € de congés payés afférents
– 9030,13 € de solde d'indemnité spéciale de licenciement
– 36 000 € de dommages et intérêts en application de l'article L. 122-32-7 du code du travail
– 1344,50 € de rappel de congés payés
8 février 2008
– 180 € au titre de la participation de la salariée aux bénéfices pour la période du 1 juillet 2004 au 9 juin 2005
– 1000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Dactyl Buro aux dépens de première instance et d'appel.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;
En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par Mme VALLÉE, président, et Mme DELPLACE, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT,
S. DELPLACE N. VALLÉE