A. M. / H. L.
COPIES
la SCP AMBIEHL, KENNOUCHE, TREINS, POULET, VIAN
Me Charles SIRAT
LE : 20 décembre 2007
Expéditions aux parties le : COUR D'APPEL DE BOURGES
CHAMBRE DES EXPROPRIATIONS
ARRÊT DU 20 DÉCEMBRE 2007
No-Pages
Numéro d'Inscription au Répertoire Général : 06 / 00001
Décision déférée à la Cour : Arrêt rendu par la Cour de Cassation en date du 23 novembre 2005 cassant un arrêt de la Cour d'Appel de LIMOGES du 22 mars 2004 statuant sur appel d'un jugement rendu le 13 juin 2002 par le Tribunal de Grande Instance de LIMOGES
PARTIES EN CAUSE :
I-Mme Brigitte X... veuve Y...
née le 15 Décembre 1952 à PASCOS SABROSA (PORTUGAL)
...
87220 FEYTIAT
-Mme Sandrine Y... divorcée Z...
née le 13 Mars 1974 à LIMOGES (HAUTE VIENNE)
...
87100 LIMOGES
comparants en personne
assistées de la SCP AMBIEHL, KENNOUCHE, TREINS, POULET, VIAN, avocats au barreau de RIOM
DEMANDERESSES au renvoi de cassation suivant lettre recommandée du 05 avril 2006 reçue au Greffe de la Cour d'Appel de BOURGES le 06 avril 2006
APPELANTES
20 DÉCEMBRE 2007
No / 2
II-COMMUNE DE FEYTIAT, agissant poursuites et diligences de son maire en exercice
Hôtel de Ville
87220 FEYTIAT
représentée par Me Charles SIRAT, avocat au barreau de PARIS
DÉFENDERESSE au renvoi de cassation
INTIMÉE
III-FRANCE DOMAINE-TRÉSORERIE GÉNÉRALE DE LA RÉGION LIMOUSIN ET DE LA HAUTE-VIENNE (aux lieu et place de la Direction des Services Fiscaux de la Haute-Vienne)
31 rue Montmailler
87043 LIMOGES CEDEX
représentée par M. Patrick CABANES, Receveur Percepteur du Trésor Public, Chef de division Etat à la Trésorerie Générale du CHER, muni d'un pouvoir demeuré annexé au dossier
DÉFENDERESSE au renvoi de cassation
INTIMÉE
20 DÉCEMBRE 2007
No / 3
COMPOSITION DE LA COUR :
M. LOISEAU Président titulaire de la Chambre des Expropriations
M. CHIRON Juge de l'expropriation de CHÂTEAUROUX
M. REBOULOT Juge de l'Expropriation de NEVERS
respectivement désignés par Ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de BOURGES en date du 26 décembre 2006
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GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme MINOIS
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L'affaire a été débattue le 23 Octobre 2007 en audience publique.
Monsieur le Président a été entendu en son rapport,
la SCP AMBIEHL, KENNOUCHE, TREINS, POULET, VIAN pour les appelantes a été entendue en sa plaidoirie,
Me SIRAT a été entendu en ses explications,
M. CABANES a été entendu en ses observations,
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ARRÊT : CONTRADICTOIRE
prononcé en audience publique par mise à disposition de l'arrêt au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile.
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Vu le jugement rendu le 13 juin 2002 par le juge de l'expropriation du Tribunal de Grande Instance de Limoges,
Vu l'arrêt rendu par la Chambre spéciale des expropriations de la Cour d'appel de Limoges le 22 mars 2004,
Vu l'arrêt rendu le 23 novembre 2005 par la troisième chambre civile de la Cour de Cassation,
Vu le mémoire du commissaire du gouvernement du 21 mai 2007,
Vu le mémoire déposé par la commune de Feytiat le 16 mai 2007 ainsi que son mémoire complémentaire du 8 octobre 2007,
Vu le mémoire récapitulatif déposé par les consorts Y... le 24 septembre 2007
Après rapport à l'audience et l'envoi des notes en délibéré.
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
La commune de Feytiat est propriétaire de parcelles situées au lieudit " Le Ponteix " cadastrées AA 64, AA 162, AA164 et AA 111 pour une superficie de 31 249m ².
Ces parcelles ont été louées à Monsieur et Madame Y... le 25 janvier 1969. Suivant convention intitulée bail emphytéotique du 7 novembre 1978 remplaçant la précédente, la commune de Feytiat a loué ces parcelles aux époux Y... pour une durée de 50 ans à compter du 1er janvier 1978.
Sur ce terrain ont été construits une maison d'habitation en 1978 et un bâtiment industriel en 1998.
Madame Brigitte veuve Y... et sa fille Sandrine Y... viennent aux droits de Monsieur Adrien Y....
La commune de Feytiat a décidé d'aménager ce secteur pour créer la zone d'activité du Ponteix et une procédure d'expropriation a été engagée.
Par jugement du 13 juin 2002, le juge de l'expropriation a fixé l'indemnité revenant aux consorts Y... à la somme de 432 426,04 € outre 1 200 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Sur appel des consorts Y..., la Cour de Limoges a porté le montant de l'indemnisation à la somme de 659 100 €.
Par arrêt du 23 novembre 2005, la Cour de Cassation a cassé cet arrêt, reprochant à la Cour de Limoges d'avoir déclarer recevables les pièces déposées après l'expiration du délai de 2 mois à dater de l'appel et d'avoir retenu qu'il ne s'agissait que de pièces complémentaires déposées pour conforter le mémoire initial non modifié.
Le dossier a été renvoyé devant la Cour de Bourges.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Les consorts Y... demandent à la Cour :
-de dire que le bail litigieux est un bail emphytéotique,
-de réformer la décision entreprise,
-de fixer à 1 190 671 € toutes causes de préjudices confondues l'indemnité devant être mise à la charge de la commune de Feytiat pour l'éviction des parcelles visées dans la procédure,
-de condamner la commune de Feytiat au paiement d'une indemnité de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Pour l'essentiel, ils soutiennent que leur appel est recevable ; qu'il s'agit d'un bail emphytéotique ; qu'ils subissent un préjudice pour perte de jouissance du terrain et des constructions même si une stipulation prévoit qu'au terme du bail les constructions élevées deviennent propriété du bailleur ; que l'étude des termes de comparaison et la lecture d'expertises amiables démontrent l'insuffisance des offres de la commune de Feytiat.
La commune de Feytiat demande à la Cour ;
-de déclarer les consorts Y... déchus de leur appel,
-subsidiairement, au fond, de constater que le bail ne peut recevoir la qualification d'emphytéotique
-de dire que les consorts Y... sont titulaires d'un bail de droit commun, et qu'ils ne peuvent prétendre qu'à la réparation du préjudice subi suite à la résiliation anticipée du bail,
-de dire que les consorts Y... ne peuvent prétendre à aucune allocation au titre des constructions édifiées sur le terrain,
-de fixer le réparation du préjudice sur la base de 0,40 € le m ², confirmant la décision déférée sur ce point,
-d'allouer, au total, indemnité de remploi comprise, une somme de 318 523,03 € aux consorts Y...,
-de condamner les consorts Y... au versement d'une indemnité de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La commune de Feytiat soutient que l'acte d'appel remonte au 5 avril 2006, date à laquelle la Cour d'appel de Bourges a été saisie par le conseil des époux Y.... Or un délai excédant un an s'est écoulé sans qu'aucune écriture n'ait été déposée. Des lors, elle estime que la forclusion de l'article R 13. 49 du code de l'expropriation est encourue.
Sur le fond, la commune de Feytiat soutient que le contrat ne constitue pas un bail emphytéotique, qu'il s'agit d'un contrat de droit commun qui prévoit l'accession au terrain des constructions édifiées en fin de bail et ce sans indemnité.
S'agissant de l'indemnisation revenant aux expropriés, la commune de Feytiat conclut à la confirmation des chiffres retenus par le premier juge.
Monsieur le Commissaire du Gouvernement demande à la Cour de prononcer la déchéance de l'appel formé par les consorts Y... et, en conséquence, de dire définitives les sommes allouées par le premier juge.
SUR QUOI, LA COUR :
-Sur la déchéance de l'appel :
En application de l'article 631 du Nouveau Code de Procédure Civile, l'instruction de l'affaire est reprise en l'état de la procédure non atteinte par la cassation. L'éventuelle déchéance doit donc être recherchée dans la phase procédurale qui a précédé l'arrêt de la Cour d'appel de Limoges. Aucun retard n'est allégué au cours de cette phase et, en conséquence, les consorts Y... ne seront pas déchus de leur appel.
-Sur la nature du contrat de bail :
Il n'appartient pas à la juridiction de l'expropriation de statuer sur la nature du bail et la commune de Feytiat sera renvoyée à mieux se pourvoir sur cette difficulté.
Dans la présente procédure, le juge n'a pas à indemniser la perte d'une propriété mais uniquement le préjudice résultant de la privation de jouissance d'un terrain, d'une maison et d'un bâtiment industriel pendant les 25 années et demi restant à courir sur le bail de 1978. Cette appréciation doit conduire à écarter les termes de comparaison portant sur des expropriation de propriétaires. De la même manière, la clause du bail prévoyant l'accession des biens construits au fond du propriétaire en fin de bail sans indemnité, n'interdit pas l'indemnisation de la perte de jouissance sur la maison et le bâtiment industriel.
-Sur la perte de jouissance du terrain :
Pour fixer l'indemnisation revenant aux consorts Y..., il convient d'analyser les termes de comparaison significatifs versés aux débats.
La cession de bail des Carrières de Condat fait ressortir une estimation de 0,40 € le m ² par année restant à courir. Cet élément ne peut être retenu : en effet, ainsi que le soulignent les consorts Y... sans être contredits, ils ont eux mêmes cédé une partie de leur parcelle contiguë à la société BGC en 1982 au prix de 60,10 F le m ². Or la transaction citée à titre de référence est intervenus en 2000 sur la base de 57 F le m ². La valeur des terrains n'a pas pu diminuer en 18 ans. Ce terme de comparaison ne sera retenu en raison d'une certaine incohérence.
Au cours de la procédure d'expropriation sur le même secteur, des accords amiables ont été conclus entre des expropriés et la commune de Feytiat. Avec beaucoup de difficultés, les consorts Y... ont pu obtenir les montants de ces transactions alors que la commune se montrait extrêmement réticente pour communiquer ces pièces, communications essentielles pour établir un débat loyal et transparent.
Le rapport A..., établi en 2003, faisait état de ces transactions et les communications de pièces intervenues en début 2007 viennent accréditer les appréciations de cet expert.
Dans le dossier F..., la commune a accepté de transiger sur la base de 5,84 F soit 0,89 € le m ² alors qu'il restait 19 ans à courir.
Dans le dossier B..., le prix au mètre est de 7,39 F soit 1,13 € alors qu'il reste 43 ans à courir.
Dans le dossier QUICK INVEST, le prix retenu, après une succession de ventes, s'élève à 6,66 F le m ² (1,02 €) alors qu'il restait 88 ans à courir.
On peut encore constater qu'au cours de ces différentes ventes ‘ QUICK INVEST ", une transaction est intervenue sur la base de 2,47 F (0,38 €) entre la SCI ALCHIE et la SARL " Les PORTES DE FEYTIAT "
Au total, et en éliminant d'une part le terme de comparaison des " Carrières de Condat " et celui, trop favorable du dossier " B...", on parvient à une moyenne de 4,99 F le m ² (0,76 €) par année restant à courir. La Cour retiendra cette valeur.
Les superficies expropriées retenues par le premier juge n'étant pas contestées, il y a donc lieu d'effectuer le calcul suivant :
Terrain non-encombré : 24 749 m ² x 0,76 € x 25,5 ans = 479 635,62 €
Terrain encombré : 6 500m ² x 0,76 € x 25,5 x 0,60 = 75 582 €
total terrain : 555 217,62 €
-Sur la perte de jouissance de la maison d'habitation :
Il sera rappelé que l'article 12 du bail stipule qu'en fin de bail les constructions élevées par le preneur deviendront propriété de la bailleresse sans aucune indemnité ni compensation. Cependant, ainsi que le rappelle le premier juge, II existe un préjudice distinct correspondant, comme pour le terrain, à la perte de jouissance des constructions pour la durée du bail restant à courir.
Le premier juge, au vu des éléments de comparaison versés par le commissaire du gouvernement et de l'expertise C..., a, à juste titre, fixé une valeur de 5 000 F le m ². Cette estimation sera retenue. C'est encore à juste titre qu'il a procédé à un abattement au vu de le situation défavorable de cet immeuble sur un terrain industriel.
Les appréciations contenues dans la décision déférée sur la valeur de la maison, de la dépendance, de l'abattement et du terrain occupé par cette maison seront donc retenues soit 31 985,94 €.
-Sur la perte de jouissance du bâtiment industriel :
La même réflexion s'impose sur l'application de l'article 12 du contrat.
Par adoption des termes de comparaison cités par le premier juge, la valeur de ce bâtiment sera fixée à 950 F le m ². Après déduction de la surface nécessaire à ce bâtiment, l'indemnité prorata temporis sera fixée à 414 885 F soit 62 248,81 €.
Total des indemnités pour perte de jouissance :
-terrain............................................................................................. 555 217,62 €
-maison............................................................................................... 31 985,94 €
-bâtiment industriel...................................................................... 62 248,81 €
Total...................... 649 452,37 €
-Sur l'indemnité de remploi :
Les bases de calcul de l'indemnité de remploi appliquées par le premier juge seront reprises pour la détermination de celle-ci.
Pour le terrain :
15 % jusqu'à 15 244 €.................................................................... 2 286,60 €
10 % sur le surplus......................................................................... 53 997,36 €
total pour le terrain............ 56 283,96 €
Pour la maison et le bâtiment : conformément au calcul effectué par le premier juge : 3 960,84 € et 13 412,01 €.
Total indemnité de remploi :
52 283,96 + 3 960,84 + 13 412,01 = 69 656,81 €
Total revenant aux consorts Y... :
Indemnité pour perte de jouissance.......................................... 649 452,37 €
indemnité de remploi..................................................................... 69 656,81 €
total.............. 719 109,18 €
-Sur les frais irrépétibles :
Pour obtenir une juste indemnisation de leur préjudice, les consorts Y... ont du engager des frais irrépétibles qui seront compenser par une indemnité de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Déboute la commune de Feytiat de sa demande visant à voir prononcer la déchéance des consorts Y... de leur appel ;
Renvoie la commune de Feytiat à mieux se pourvoir quant à sa demande sur la nature du bail ;
Réforme partiellement le jugement du juge de l'expropriation de la Haute-Vienne du 13 juin 2002 ;
Fixe l'indemnité due par la commune de Feytiat à Madame Brigitte X... veuve Y... et à Madame Sandrine Y... à la somme de 719 109,18 € (sept cent dix neuf mille cent neuf euros et dix huit centimes) ;
Condamne la commune de Feytiat à verser aux consorts Y... la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile (étant précisé que la condamnation à 1 200 € fixée sur le même fondement en première instance est confirmée).
Dit que les dépens d'appel seront supportés par la commune de Feytiat.
L'arrêt a été signé par M. LOISEAU, Président, et par Mme MINOIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
A. MINOIS H. LOISEAU