E.M./N.V.R.G : 05/02028 05/02069 JONCTIONDécision attaquée :
du 05 Décembre 2005Origine : Conseil de Prud'hommes de NEVERS SA ANCIENS ETABLISSEMENTS RENE AARONC/M. Jean-François X... Notification aux parties par expéditions le : Me CIMADEVILLA-Me BORIECopie : Expéd. :
Grosse :COUR D'APPEL DE BOURGESCHAMBRE SOCIALEARRET DU 20 OCTOBRE 2006No - PagesAPPELANTE :
SA ANCIENS ETABLISSEMENTS RENE AARON 1 bis, rue Léon Jouhaux 75010 PARIS Représentée par Me MARGOSSIAN, collaboratrice de Me Marie-Christine CIMADEVILLA (avocat au barreau de PARIS)INTIME :Monsieur Jean-François X...
... 58640 COULANGES LES NEVERS Représenté par Me Jean-Louis BORIE (avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND)COMPOSITION DE LA COURLors des débats et du délibéré :PRESIDENT : MME VALLEE CONSEILLERS : M. LOISEAU
MME BOUTETGREFFIER D'AUDIENCE : MME DUCHET 20 Octobre 2006DEBATS : A l'audience publique du 22 Septembre 2006, le Président ayant pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l'arrêt à l'audience du 20 Octobre 2006 par mise à disposition au greffe.ARRET :
CONTRADICTOIRE - Prononcé en audience publique le 20 Octobre 2006 par MME VALLEE, Président assistée de MME DUCHET, Greffier, par mise à disposition au Greffe.-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-
Monsieur Jean-François X... a été embauché le 2 JANVIER 1995 par la SA ANCIENS ETABLISSEMENT RENE AARON, entreprise textile, en qualité de directeur de production/secrétaire général. Il a exercé à compter
du 1er SEPTEMBRE 1998 les fonctions de directeur industriel/secrétaire général.
Il a été désigné le 19 JUIN 2003 en qualité de délégué et représentant syndical, désignation annulée par arrêt de la Cour de cassation du 27 OCTOBRE 2004.
Monsieur X... a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail le 16 NOVEMBRE 2004. Il a par ailleurs été licencié le 23 FEVRIER 2005, pour faute grave pour avoir violé des règles de confidentialité de l'entreprise.
Par jugement du 5 DECEMBRE 2005, dont les deux parties ont interjeté appel, le conseil de prud'hommes de NEVERS a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail et condamné l'employeur à verser :
- 42 073, 65 ç à titre d'indemnité contractuelle de licenciement,
- 90 480 ç à titre d'indemnité compensatrice de délai-congé et 9 048 ç au titre des congés payés,
- 2 000 ç sur le fondement de l'article 700 du NCPCet rejeté les autres demandes dont celle portant sur des dommages-intérêts au titre de la rupture.
Les parties ont développé oralement à l'audience leurs conclusions écrites au détail desquelles il est renvoyé et dont il résulte en substance ce qui suit : 20 Octobre 2006
La SA ANCIENS ETABLISSEMENTS RENE AARON conteste avoir privé son salarié de toute autonomie et l'avoir contraint à établir des rapports circonstanciés avant toute décision, en représailles à sa désignation en qualité de délégué syndical. Les échanges entre la direction générale et les directeurs ont été de tous temps nombreux et fréquents, étant observé qu'en réalité, à compter de la contestation de sa désignation, Monsieur X... s'est constitué des preuves à lui-même pour faire croire qu'il n'avait pas les prérogatives et pouvoirs d'un employeur. Il ne rapporte pas la preuve
que la société aurait donné directement des instructions à ses propres collaborateurs en dehors de ses périodes d'absences, fréquentes à compter de 2002. La sous-traitance relève de la compétence de plusieurs services et les méthodes habituelles ont été maintenues. La société conteste également avoir voulu déconsidérer le salarié en faisant réaliser des études sur la productivité qui étaient devenues nécessaires en raison de la crise à laquelle elle se trouvait confrontée depuis 2000 avec son principal client. L'appelante estime que les conditions du harcèlement moral allégué par Monsieur X... ne sont pas réunies, la chronologie des faits démontrant l'absence de lien de causalité entre les problèmes de santé de l'intéressé et ses prétendus agissements.
Le jugement devra donc être infirmé en ce qui concerne la résiliation judiciaire du contrat de travail.
La société fait par ailleurs valoir que ses dirigeants ont appris fortuitement en DECEMBRE 2004 que le personnel de l'entreprise VELDEMAN literies était régulièrement autorisé au moins depuis JANVIER 2004 à effectuer des travaux de coupe dans l'entreprise, endommageant la lame de la machine à tronçonner, ce qu'a constaté le contrôleur de gestion de production le 13 DECEMBRE 2004 qui en a avisé les responsables, lesquels ont immédiatement mis fin à cette pratique résultant d'un accord passé avec Monsieur X.... Celui-ci a donc été licencié pour faute grave pour avoir ainsi ouvert à des personnes étrangères la possibilité de prendre connaissance des méthodes et secrets de fabrication de l'entreprise. En effet celle-ci met au point de nouveaux tissus et certaines de ses inventions font l'objet de brevets ou sont maintenues secrètes. Elle est la seule entreprise française du secteur à avoir obtenu l'ECOLABEL. Elle est encore fournisseur agréé de TDA ARMEMENTS SAS, joint venture entre THALES et EADS. Dans ces conditions, elle se montre particulièrement
vigilante sur les visites du site qui font l'objet d'un protocole strict. Les salariés sont tenus par contrat à une obligation de discrétion la plus absolue et Monsieur X... lui-même est tenu au plus strict secret professionnel, tout 20 Octobre 2006manquement étant considéré comme une faute lourde. De plus, l'intéressé, qui n'a pas facturé les interventions de la société VELDEMAN, a voulu dissimuler cette activité qui se pratiquait le vendredi après-midi, alors que la plupart des salariés sont partis et, contrairement à ce qu'il prétend, n'a jamais obtenu l'accord de la direction, sa défense reposant sur une fausse déclaration de Monsieur Y..., dirigeant de VELDEMAN, datée du 11 MAI 2004 que ce dernier reconnaît avoir effectuée sous la pression de Monsieur X....
Celui-ci a donc commis une faute grave qui, parvenue à la connaissance de l'employeur le 13 DECEMBRE 2004, n'est pas prescrite et qui a été exactement sanctionnée par le licenciement contesté. Subsidiairement, il convient de limiter le montant des dommages-intérêts au regard du préjudice réellement subi par le salarié et de cantonner les autres indemnités aux dispositions contractuelles résultant de l'avenant du 5 OCTOBRE 1995 ou de considérer que les dispositions de l'article 5 du contrat de travail initial constituent une pénalité manifestement excessive faisant échec au droit de l'employeur de rompre le contrat de travail.
La société sollicite enfin l'allocation de 6 000 ç sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
Monsieur X... rétorque qu'à compter de sa nomination comme délégué et représentant syndical, l'employeur n'a cessé d'entretenir un conflit permanent en le privant de ses fonctions de directeur industriel et en adoptant une attitude tatillonne qu'il a dénoncée par courrier dès le 30 JUILLET 2003. Son état de santé s'en est trouvé affecté. Ayant été privé de fonctions, fait l'objet
d'agissements destinés à le "court circuiter" en sa qualité de directeur industriel ou visant à le déconsidérer comme directeur industriel vis- à vis des salariés.
Le jugement doit donc être confirmé sauf à faire droit à sa demande de dommages-intérêts à hauteur de 270 000 ç.
Subsidiairement, il conclut, d'une part, à la prescription de la faute invoquée au soutien de son licenciement, d'autre part, à l'absence de cause réelle et sérieuse : l'accord passé avec la société VALDEMAN literie était connu de la direction et lui-même était en congé maladie depuis MAI 2004, aucun élément ne permettant d'imputer à cette société le dommage causé à la lame. Enfin, la société VALDEMAN literies n'est pas un concurrent puisque qu'elle ne fabrique que des matelas et non des alèses et les secrets de fabrication allégués ne correspondent pas à la réalité. Il a du reste été délivré de sa clause de non concurrence le 7 MARS 2005. 20 Octobre 2006
Il maintient donc à ce titre l'intégralité de ses demandes déjà précisées dans le cadre de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et sollicite 4 000 ç sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
SUR CE
Attendu que s'agissant du même litige, il convient de prononcer la jonction des instances inscrites au rôle de la Cour d'Appel sous les numéros 05/02028 et 05/02069 ;
Attendu qu'il convient d'analyser en premier lieu la contestation du jugement qui a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail et, éventuellement, en second lieu le licenciement ;
Attendu que le contrat de travail initial de Monsieur X... précise qu'il travaillera en qualité de directeur de production/secrétaire
général-statut-cadre- qu'il collaborera avec le directeur d'usine qui le tiendra informé de ses travaux et de leur état d'avancement, qu'il possède les connaissances et techniques qui lui permettent d'organiser, gérer, contrôler, diriger l'ensemble des services Technique et Fabrication, qu'il applique ou adapte les programmes de production aux besoins de la clientèle, assumant par à même la charge intégrale de la fourniture des articles vendus par le service commercial ; qu'en sa qualité de secrétaire général, il rendra directement compte de ses fonctions et responsabilités au président de la société personnellement ;
qu'il faut en retirer que Monsieur X... bénéficiait dans l'une ou l'autre de ses fonctions de la plus large autonomie à laquelle correspondaient tant la hauteur de sa rémunération, à l'origine de 40 000 F par mois, que le caractère forfaitaire de celle-ci au regard de son temps de travail ;
Attendu que l'ensemble des pièces produites conduit à constater une dépossession des pouvoirs du directeur industriel par Monsieur et Madame Z..., respectivement directeur général délégué et président-directeur-général de la société ;
qu'ainsi une première restriction apparaît avec une note du 19 AOUT 2002 en vue d'un débat systématique avec la direction générale pour embaucher du personnel, la décision de recruter ou non étant prise en accord avec elle ; qu'il ressort en définitive des divers courriers échangés à ce sujet courant 2003 que la direction voulait que ces recrutements soient débattus et discutés mais quelle n'était pas à l'origine de l'imprimé mis au point pour 20 Octobre 2006formaliser son accord ; qu'elle a cependant donné celui-ci sur une certain nombre d'entre eux ;
que le 16 AVRIL 2004 Monsieur X... a fait une proposition de plan
de charge dont la dirigeante de l'entreprise,Madame Z..., a estimé qu'il devait être discuté; qu'elle est suivie d'un rapport de Monsieur X... portant sur une simulation demandée ;
qu'une note de Monsieur Z..., directeur général délégué, du 12 MARS 2004, outre une remarque sur l'impossibilité de joindre le salarié entre 13 heures 45 et 14 heures 10 et une demande d'indication des heures de bureau d'ARLEUF, porte sur l'achat de ventilateurs pour permettre l'évaporation des solvants avec demande d'entreposer des rouleaux d'HLE dans la salle de réunion le week-end et de maintenir le chauffage, sauf meilleure solution ;
que ce même directeur général délégué s'immisce dans l'organisation du service production, plus précisément en ce qui concerne le plan de charge, les embauches nécessaires en raison des absences et les heures supplémentaires et demande à Monsieur X... un état sur les "maquillages" d'encarts intervenus récemment pour pouvoir mettre en place des solutions plus économiques et plus rationnelles ;
que cette dépossession des prérogatives du salarié en tant que directeur de la production ressort encore de plusieurs notes suivantes, notamment celles du 13 MAI 2004 et du 30 DECEMBRE 2003 qui donnent des instructions directes et précises ;
qu'un comité de pilotage a été formé le 30 MARS 2004 en vue de la modernisation et automatisation de l'équipement industriel d'ARLEUF sous l'autorité de la direction générale ;
Attendu qu'il résulte de ce qui précède que Monsieur et Madame Z..., qui ont succédé au dirigeant qui avait embauché Monsieur X..., n'ont pas respecté son contrat de travail et ne se sont pas contentés, comme l'affirme la société, d'entretenir des rapports normaux avec le salarié ;
qu'à juste titre le premier juge en a conclu que la rupture de ce contrat devait lui être imputé ;
Attendu que l'appelante conteste qu'il soit fait application des clauses du contrat de travail portant sur la rupture de celui-ci, invoquant l'avenant conclu ultérieurement ;
que cependant ce document unilatéral établi par Monsieur X... est une renonciation aux dispositions de cet article "uniquement pour la partie traitant des avantages concédés en cas de modification du capital de la société" et confirme qu'il "n'entend 20 Octobre 2006pas bénéficier de la disposition (lui) permettant de constater la rupture de son contrat de travail dans le délai de 12 mois à compter de la modification de la détention du capital intervenue" ; que ne sont donc pas visées par cette renonciation les dispositions portant sur le préavis ou l'indemnité compensatrice ni l'indemnité de licenciement ;
que, si l'indemnité conventionnelle de licenciement, calculée en fonction de la durée de présence du salarié dans l'entreprise sur la base d'un demi-mois de salaire par année de présence sur le fondement du salaire des six derniers mois de salaire hors prime d'intéressement, en tout cas limitée à 12 mois, n'est pas de nature à faire échec au droit de l'employeur de rompre le contrat de travail, il n'en est pas de même du préavis en l'espèce d'une durée d'un an au lieu de 4 mois selon la convention collective applicable ; que par application des dispositions de l'article 1152 du code civil l'indemnité de préavis sera donc limitée à six mois de salaire, soit 45 240, 48 ç outre 4524,05 ç au titre des congés payés ;
Attendu que Monsieur X... doit être également indemnisé du préjudice subi à la suite de cette rupture ;
que compte tenu des circonstances de la cause et de son ancienneté, la société sera condamnée à lui verser 90 000 ç à titre de dommages-intérêts ;
Attendu que, sur le fondement de l'article L 122-14-4 du code du travail, la société sera condamnée à rembourser à l'organisme social les indemnités de chômage versées à Monsieur X... dans la limite de 3 mois ;
Attendu que la société, qui succombe majoritairement, supportera les dépens et versera à Monsieur X... 1 000 ç sur le fondement de l'article 700 du NCPC en cause d'appel ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
STATUANT publiquement et contradictoirement,
Prononce la jonction sous le numéro 05/02028 des procédures inscrites au rôle de la Cour d'Appel sous les numéros 05/02028 et 05/2069 ;
CONFIRME le jugement en ce qu'il a déclaré la rupture du contrat de travail à la charge de la SA ANCIENS ETABLISSEMENTS RENE AARON et condamné celle-ci à verser 20 Octobre 2006à Monsieur X... 42 073, 65 ç à titre d'indemnité contractuelle de licenciement et 2 000 ç sur le fondement de l'article 700 du NCPC,
INFIRMANT pour le surplus,
CONDAMNE la SA ANCIENS ETABLISSEMENTS RENE AARON à verser à Monsieur X... :
- 45 240, 48 ç à titre d'indemnité de préavis et 4 524, 05 ç au titre des congés payés,
- 90 000 ç à titre de dommages-intérêts,
- 1 000 ç sur le fondement de l'article 700 du NCPC en cause d'appel,
ORDONNE le remboursement à l'organisme concerné des indemnités de chômage versées à Monsieur X... dans la limite de trois mois,
REJETTE les demandes plus amples ou contraires,
CONDAMNE la SA ANCIENS ETABLISSEMENTS RENE AARON aux entiers dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;
En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par MME VALLEE, Président, et MME DUCHET, Greffier.LE GREFFIER, LE PRESIDENT, A. DUCHET N. VALLEE