ARRET RENDU PAR LA
COUR D'APPEL DE BORDEAUX
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Le : 25 Juillet 2024
CHAMBRE DES EXPROPRIATIONS
N° de rôle : N° RG 22/03561 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MZYS
Etablissement Public BORDEAUX METROPLE
c/
S.C.I. ESTOUR
COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
à :
Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.
Le 25 Juillet 2024
Par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président
La COUR d'APPEL de BORDEAUX, CHAMBRE DE L' EXPROPRIATION, a, dans l'affaire opposant :
BORDEAUX METROPLE
[Adresse 11]
représenté par Maître Clotilde GAUCI substituée par Maître Amandine NAVARRO, avocats au barreau de BORDEAUX
Appelante d'un jugement rendu le 16 juin 2022 par le juge de l'expropriation du département de la Gironde suivant déclaration d'appel en date du 28 juin 2022,
à :
S.C.I. ESTOUR
[Adresse 1]
représentée par Maître Guillaume ACHOU-LEPAGE, avocat au barreau de BORDEAUX
COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT DU DEPARTEMENT
Direction Générale des Finances Publiques Pôle d'évaluation domaniale [Adresse 2]
Comparant en la personne de Monsieur [D] [U], inspecteur divisionnaire des finances publiques.
Intimés,
Rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue le 22 mai 2024 devant :
Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,
Madame Sophie MASSON, Conseillère, Madame Marie GOUMILLOUX, Conseillère,
Greffier lors des débats : François CHARTAUD
en présence de Monsieur [D] [U], inspecteur divisionnaire, entendu en ses conclusions,
et qu'il en ait été délibéré par les Magistrats du siège ci-dessus désignés.
FAITS ET PROCÉDURE
Par arrêté du 29 mars 2019, la préfète de la Gironde a déclaré d'utilité publique les travaux d'amélioration de la desserte en transports en commun de la zone aéroportuaire de [Localité 13], sur le territoire des communes de [Localité 13], [Localité 12] et [Localité 14], et a autorisé l'Établissement Public de Coopération Intercommunale (ci-après EPCI) Bordeaux Métropole à procéder aux acquisitions foncières nécessaires à l'opération, par voie amiable ou d'expropriation.
La société civile immobilière Estour était propriétaire de la parcelle AZ n° [Cadastre 5], d'une contenance de 556 m², issue de la parcelle cadastrée AZ n°[Cadastre 3] d'une contenance initiale de 8 202 m² divisée en vue de l'expropriation, située [Adresse 6] à [Localité 13].
Le 14 octobre 2020, Bordeaux Métropole a adressé son offre à la société Estour, qui l'a refusée, puis a saisi le juge de l'expropriation de la Gironde par mémoire reçu au greffe le 12 juillet 2021 en fixation des indemnités pour la dépossession de ce bien.
Le juge de l'expropriation s'est transporté sur les lieux le 29 novembre 2021 puis, par jugement prononcé le 16 juin 2022, a statué ainsi qu'il suit :
- fixe les indemnités de dépossession revenant à la société civile immobilière Estour pour l'expropriation de la parcelle cadastrée section AZ n° [Cadastre 5], d'une contenance cadastrale de 556 m2, située [Adresse 6] à [Localité 13], libre de toute occupation, aux sommes suivantes :
- indemnité principale : 256.000 euros,
- indemnité de remploi : 26.600 euros,
- indemnité pour perte de places de stationnement : 360.000 euros,
- indemnité pour perte de revenus issus de la location d'un panneau publicitaire : 6.441 euros,
- indemnité pour dépréciation du surplus: 40.000 euros ;
- dit que Bordeaux Métropole déplacera à ses frais l'enseigne 'Interior's', la fosse à compteur d'eau potable et le compteur électrique situés sur la parcelle cadastrée section AZ n° [Cadastre 5] sise [Adresse 6] à [Localité 13], sous la réserve de la validation de leur futur emplacement par la société Estour ;
- dit que la prise en charge par Bordeaux Métropole des frais de déplacement du panneau d'indication des parkings présent sur la parcelle cadastrée section AZ n° [Cadastre 5] sise [Adresse 6] à [Localité 13] n'interviendra que sur son accord ;
- condamne Bordeaux Métropole à payer à la société civile immobilière Estour la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- déboute la société civile immobilière Estour pour le surplus ;
- condamne Bordeaux Métropole aux dépens.
L'EPCI Bordeaux Métropole a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe du 28 juin 2022.
La société Estour a formé un appel incident.
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Bordeaux Métropole a déposé son mémoire d'appelant accompagné de 16 pièces le 22 septembre 2022.
Il a été notifié le lendemain au commissaire du gouvernement et au conseil de la société Estour qui s'était constitué le 1er septembre précédent, lesquels l'ont reçu le 26 septembre 2022.
L'appelant y demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu le 16 juin 2022 par le juge de l'expropriation de la Gironde en ce qu'il a :
-fixé à la somme de 256.000 euros l'indemnité principale revenant à la société Estour, propriétaire de la parcelle cadastrée section AZ n°[Cadastre 5] d'une contenance de 556 m², située [Adresse 6], sur le territoire de la commune de [Localité 13],
-fixé à la somme de 26.600 euros l'indemnité de remploi revenant à la société Estour, propriétaire de la parcelle cadastrée section AZ n°[Cadastre 5] d'une contenance de 556 m², située [Adresse 6], sur le territoire de la commune de [Localité 13],
-fixé à la somme de 360.000 euros l'indemnité pour perte de places de stationnement revenant à la société Estour, propriétaire de la parcelle cadastrée section AZ n°[Cadastre 5] d'une contenance de 556 m², située [Adresse 6], sur le territoire de la commune de [Localité 13],
-fixé à la somme de 6.441 euros l'indemnité pour perte de revenus issus de la location d'un panneau publicitaire revenant à la société Estour, propriétaire de la parcelle cadastrée section AZ n°[Cadastre 5] d'une contenance de 556 m², située [Adresse 6], sur le territoire de la commune de [Localité 13],
-dit que Bordeaux Métropole déplacerait à ses frais l'enseigne 'Interior's ', la fosse à compteur d'eau potable et le compteur électrique situés sur la parcelle cadastrée section AZ n°[Cadastre 5] sise [Adresse 6] à [Localité 13], sous la réserve de la validation de leur futur emplacement par la société Estour,
-dit que la prise en charge par Bordeaux Métropole des frais de déplacement du panneau d'indication des parkings présents sur la parcelle cadastrée section AZ n°[Cadastre 5] sis [Adresse 6] à [Localité 13], n'interviendrait que sur son accord,
-débouté la société Estour pour le surplus ;
- infirmer le jugement rendu le 16 juin 2022 par le juge de l'expropriation de la Gironde en ce qu'il a fixé à la somme de 40.000 euros l'indemnité pour dépréciation du surplus revenant à la société Estour, propriétaire de la parcelle cadastrée section AZ n°[Cadastre 5] d'une contenance de 556 m², située [Adresse 6], sur le territoire de la commune de [Localité 13] ;
- en conséquence de cette infirmation, débouter la société Estour de sa demande d'indemnité relative à la dépréciation du surplus de la parcelle cadastrée section AZ n°[Cadastre 5] d'une contenance de 556 m² ;
- rejeter toute demande plus ample ou contraire ;
- condamner la société Estour aux dépens de l'instance et à verser la somme de 3.000 euros à Bordeaux Métropole au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
***
La société civile immobilière Estour a déposé le 22 décembre 2022 son mémoire d'intimée, qui a été notifié le 3 janvier 2023 au commissaire du gouvernement et au conseil de Bordeaux Métropole, lesquels l'ont reçu le lendemain.
L'intimée y demande à la cour de :
- confirmer le jugement dont appel quant aux indemnités d'expropriation devant revenir à la société Estour en contrepartie de la dépossession de 556 m² détachés de la parcelle AZ n°[Cadastre 3] et nouvellement cadastrée AZ n°[Cadastre 5], sis [Adresse 6] sur la commune de [Localité 13] : l'indemnité principale, l'indemnité de remploi, le prix unitaire des places de stationnement standard ;
- confirmer le jugement dont appel en ce que Bordeaux Métropole déplacera à ses frais l'enseigne 'Interior's', la fosse à compteur d'eau potable et le compteur électrique situés sur la parcelle cadastrée section AZ n°[Cadastre 5] sis [Adresse 6] à [Localité 13], sous la réserve de la validation de leur futur emplacement par la société Estour et que la prise en charge des frais de déplacement du panneau d'indication des parkings présents sur la parcelle cadastrée section AZ n°[Cadastre 5] sis [Adresse 6] à [Localité 13] n'interviendra que sur son accord ;
- réformer le jugement dont appel et fixer à :
-20.000 euros le prix unitaire d'une place de stationnement PMR,
-68.804 euros la perte de revenus capitalisés suite à la suppression du panneau publicitaire,
-1.520.000 euros le montant de l'indemnité à raison de la dépréciation du surplus,
- condamner Bordeaux Métropole à payer à la société Estour la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
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L'EPCI Bordeaux Métropole a déposé un deuxième mémoire le 10 mars 2023, notifié le même jour par voie électronique au conseil de l'intimée.
L'appelant y présente un dispositif ainsi modifié :
- infirmer le jugement rendu le 16 juin 2022 par le juge de l'expropriation de la Gironde en ce qu'il a fixé à la somme de 40.000 euros l'indemnité pour dépréciation du surplus revenant à la société Estour, propriétaire de la parcelle cadastrée section AZ n°[Cadastre 5] d'une contenance de 556 m², située [Adresse 6] sur le territoire de la commune de [Localité 13] ;
- en conséquence de cette infirmation, débouter la société Estour de ses demandes d'indemnité relatives aux places de stationnement PMR, à la perte de revenus capitalisés à la suite de la suppression du panneau publicitaire, et à la dépréciation du surplus de la parcelle cadastrée section AZ n°[Cadastre 5] d'une contenance de 556 m².
Monsieur le commissaire du gouvernement n'a pas déposé de mémoire.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1. Sur la date de référence
1. L'article L.321-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique dispose :
« Les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.»
Il résulte des dispositions combinées des articles L.322-1 et L.322-2 du même code que le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété. Les biens sont estimés à la date de la décision de première instance.
Toutefois, et sous réserve de l'application des dispositions des articles L.322-3 à L.322-6, est seul pris en considération l'usage effectif des immeubles et droits réels immobiliers un an avant l'ouverture de l'enquête prévue à l'article L.1 du code de l'expropriation ou, dans le cas prévu à l'article L.122-4, un an avant la déclaration d'utilité publique ou, dans le cas des projets ou programmes soumis au débat public prévu par l'article L.121-8 du code de l'environnement ou par l'article 3 de la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, au jour de la mise à disposition du public du dossier de ce débat ou, lorsque le bien est situé à l'intérieur du périmètre d'une zone d'aménagement concerté mentionnée à l'article L.311-1 du code de l'urbanisme, à la date de publication de l'acte créant la zone, si elle est antérieure d'au moins un an à la date d'ouverture de l'enquête publique préalable à la déclaration d'utilité publique.
Il est tenu compte des servitudes et des restrictions administratives affectant de façon permanente l'utilisation ou l'exploitation des biens à la date correspondante pour chacun des cas prévus au deuxième alinéa, sauf si leur institution révèle, de la part de l'expropriant, une intention dolosive.
Quelle que soit la nature des biens, il ne peut être tenu compte, même lorsqu'ils sont constatés par des actes de vente, des changements de valeur subis depuis cette date de référence, s'ils ont été provoqués par l'annonce des travaux ou opérations dont la déclaration d'utilité publique est demandée, par la perspective de modifications des règles d'utilisation des sols ou par la réalisation dans les trois années précédant l'enquête publique de travaux publics dans l'agglomération où est situé l'immeuble.
2. Il est constant en droit que la date de référence doit elle-même s'apprécier à la date de la décision de première instance, soit ici le 16 juin 2022.
Il est également de principe qu'une modification du plan local d'urbanisme qui n'affecte pas les caractéristiques de la zone litigieuse, telle que la hauteur des immeubles, ne peut être retenue pour fixer la date de référence au sens de l'article L.213-4 a) du code de l'urbanisme, même si le périmètre de la zone dans laquelle est située la parcelle expropriée est lui-même modifié.
3. En l'espèce, il doit être rappelé que l'emprise litigieuse est grevée d'un emplacement réservé S365 portant sur l'élargissement de l'[Adresse 7], ce qui commande l'application de l'article L.322-6 du code de l'expropriation en vertu duquel, d'une part le terrain doit être considéré, pour son évaluation, comme ayant cessé d'être compris dans un emplacement réservé, d'autre part la date de référence est celle de l'acte le plus récent rendant opposable le plan local d'urbanisme, le document d'urbanisme en tenant lieu ou le plan d'occupation des sols et délimitant la zone dans laquelle est situé l'emplacement réservé.
Il n'est pas discuté par les parties que la date de référence qui s'applique au bien exproprié est le 19 mai 2019, date à laquelle est devenu opposable aux tiers l'arrêté du 29 mars précédent de mise en compatibilité du Plan local d'urbanisme ; à cette date, la parcelle litigieuse était située en zone UPZ7-3 du Plan local d'urbanisme, ce qui correspond aux zones d'aménagement commercial identifiées au schéma de cohérence territoriale de l'aire métropolitaine bordelaise.
2. Sur la consistance du bien et son usage effectif
4. Le juge de l'expropriation, qui s'est transporté sur les lieux, décrit ainsi le bien :
« Longue bande de terrain située le long de l'[Adresse 7] à [Localité 13], axe principal de desserte de la zone commerciale très attractive de [Localité 13], l'emprise est asphaltée et à usage d'une part de large voie d'accès à double sens depuis l'avenue de la Somme et d'autre part de stationnement, supportant 36 emplacements de stationnement dont deux pour personnes à mobilité réduite. Elle accueille également un panneau à l'enseigne Interior's, un long panneau bas en aggloméré et métal indiquant les entrées du parking, un panneau publicitaire, une fosse à compteur pour l'eau potable et un compteur EDF.
Le reliquat de la parcelle dont elle est issue, désormais cadastré section AZ n°[Cadastre 4], est de forme quasi-triangulaire, longeant l'[Adresse 8] sur l'un des côtés et le [Adresse 10] sur l'autre côté ; elle dispose d'un accès à chacun d'eux et supporte cinq locaux commerciaux dans un bâtiment composé de trois ailes, autour duquel sont positionnés des emplacements de stationnement et une voie de circulation.»
La parcelle expropriée, non bâtie, est d'une contenance de 556 m² et présente une dépression charretière en son centre afin de permettre le passage des véhicules.
3. Sur l'indemnisation de la société Estour
5. Les chefs de dispositif du jugement déféré relatifs à l'indemnité principale, l'indemnité de remploi et le prix unitaire des places de stationnement standard ne sont pas discutés par les parties.
La saisine de la cour est limitée aux questions suivantes : le principe et le montant d'une indemnisation pour dépréciation du surplus, la fixation du prix unitaire des deux places de stationnement réservées aux personnes à mobilité réduite, l'indemnisation de la perte des revenus provenant de la location d'un emplacement pour affichage publicitaire.
A.] L'indemnisation de la dépréciation du surplus
6. La société Estour fait grief au jugement déféré d'avoir évalué à la somme de 40.000 euros l'indemnisation de la dépréciation du surplus ; elle fait valoir que les conséquences de l'expropriation sur la parcelle restante seront une perte substantielle de commercialité depuis l'avenue de la Somme en raison de la suppression de l'accès direct et à double sens sur son fonds.
L'intimée rappelle que l'expropriant lui-même a évalué à 7300 passages quotidiens de véhicules par l'avenue de la Somme ; que l'implantation d'un arrêt de tramway, qui n'est d'ailleurs pas précisée par Bordeaux Métropole, ne peut compenser la nécessité pour sa clientèle d'utiliser une voiture afin de repartir avec ses achats de meubles, notamment.
La société Estour ajoute qu'elle subit une perte d'accès des poids lourds au quai de déchargement des marchandises en expliquant que l'accès des poids lourds se faisait par l'avenue de la Somme et que la nouvelle configuration du site ne permettra pas aux camions de manoeuvrer sur la largeur de 4,85 mètres qui subsistera après expropriation, ce dont elle fait dresser constat par huissier de justice.
L'intimée indique enfin que la bande de roulement autour des commerces implantés sur son fonds sera plus étroite et que deux places de stationnement réservées aux personnes à mobilité réduite (ci-après PMR) seront supprimées.
7. Bordeaux Métropole répond que la commercialité du fonds de la société Estour n'est aucunement remise en cause puisque les commerces seront toujours accessibles en voiture et désormais en tramway grâce à l'implantation d'une station proche des lieux concernés ; que, en ce qui concerne la perte de la voie circulaire, la configuration du site restera inchangée puisque la principale modification se situe à l'angle Ouest du bâtiment dont la situation est déjà contrainte par la présence d'un pilier dans l'emprise de la voie; que la circulation à double sens sera néanmoins conservée.
L'appelant soutient l'accessibilité n'est pas affectée par le projet puisque seuls l'accès par l'[Adresse 7] et une sortie du parking se situent dans l'emprise expropriée et que les deux autres accès, [Adresse 10] et [Adresse 8], seront conservés, de sorte que le quai de déchargement sera toujours accessible.
Bordeaux Métropole conclut en faisant valoir que les deux places de stationnement PMR seront certes supprimées par l'effet de l'expropriation mais seront recréées quelques mètres plus loin ; que leur perte est, de plus, d'ores et déjà dédommagée par l'indemnité pour perte de places de stationnement.
Sur ce,
8. Les travaux d'aménagement projetés par Bordeaux Métropole étaient en cours lorsque la société Estour a requis Maître [S], huissier de justice, de procéder au constat des difficultés d'accès des poids lourds telles que détaillées dans le mémoire de l'expropriée.
Maître [S] a ainsi pu observer l'effet du rétrécissement de la voie privée qui longe l'[Adresse 7] et dont une partie est désormais détachée.
Or l'huissier de justice a, les 21 et 28 juillet 2022, mis en évidence la difficulté pour les poids-lourds d'accéder au quai de déchargement de l'un des locataires de la société Estour, ce qui contraint le personnel à des manipulations supplémentaires de la marchandise.
9. Par ailleurs, l'expropriant ne peut soutenir que la suppression des places PMR est sans incidence en raison de leur nouvelle implantation toute proche.
En effet, la nouvelle implantation de ces deux places est projetée sur la parcelle restante de la société Estour, ainsi qu'il résulte de l'examen du projet versé aux débats par Bordeaux Métropole, d'une part, et du plan cadastral figurant à la note d'expertise amiable de M. [B] versée à son dossier par la société Estour, d'autre part.
Or l'article 3 de l'arrêté du 20 avril 2017 relatif à l'accessibilité aux personnes handicapées des établissements recevant du public lors de leur construction et des installations ouvertes au public lors de leur aménagement impose que ces stationnements spécifiques présentent une largeur minimale de 3,30 mètres et une longueur minimale de 5 mètres, outre une surlongueur de 1,20 m outre pour les places situées en épi ou en bataille.
Les dimensions recommandées pour les stationnements standard sont une largeur de 2,30 mètres pour une longueur de 5 mètres, ainsi que le rappelle l'appelant.
Il résulte de ces éléments qu'une partie du surplus de la parcelle sera modifiée par la création de ces deux places à laquelle est contrainte la société Estour en vertu de l'article L.122-3 du code de la construction et de l'habitation puisqu'elle donne à bail ces locaux à des établissements recevant du public.
10. Il apparaît ainsi que la société Estour est fondée à soutenir que le surplus de sa parcelle subira une dépréciation en raison de l'expropriation. Toutefois, l'évaluation de cette dépréciation par son expert amiable, M. [B], ne peut être suivie dans la mesure où la valeur du bien immobilier litigieux n'est pas dépréciée à hauteur de 20 % par l'effet de la suppression d'un seul accès et de l'aménagement de deux nouvelles places de stationnement PMR ; en effet, la situation de la parcelle de la société Estour bénéficie d'une commercialité exceptionnelle en raison de sa visibilité sur trois côtés et de son accessibilité d'une part par le [Adresse 10] et d'autre part par l'[Adresse 9] ; elle va de surcroît bénéficier d'une visibilité accrue grâce aux déplacements supplémentaires permis par l'implantation des voies du tramway, dont l'expropriant établit, par la production du plan de son itinéraire, qu'un arrêt est projeté à quelques mètres de la parcelle litigieuse.
11. Dès lors, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a justement indemnisé la dépréciation du surplus à la somme de 40.000 euros.
B.] l'indemnisation des places PMR
12. La société Estour fait grief au jugement déféré de ne pas avoir distingué, pour l'indemnisation de la perte de 36 places de stationnement, les places de stationnement standard et les places de stationnement PMR.
L'intimée explique que la suppression de deux places PMR bouleversera les conditions d'exploitation commerciale de l'immeuble, particulièrement celles du local donné à bail à la société Interior's qui disposait jusqu'alors de stationnements réservés aux personnes à mobilité réduite au droit de son commerce.
13. Bordeaux Métropole répond que ces places PMR seront reconstituées quelques mètres plus loin sans qu'il soit nécessaire d'en supprimer d'autres ; qu'il ne peut donc être soutenu que les conditions d'exploitation des locataires commerciaux de la société Estour seront bouleversées.
Sur ce,
14. La perte des deux places de stationnement litigieuses fait l'objet d'une réparation comprise dans l'évaluation de l'indemnisation pour dépréciation du surplus.
15. Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Estour à ce titre.
C.] l'indemnisation de la perte des revenus provenant de la location d'un emplacement pour affichage publicitaire
16. L'intimée fait grief au juge de l'expropriation d'avoir limité à la somme de 6.441 euros l'indemnisation de la perte de revenus résultant de la suppression du panneau d'affichage implanté sur la parcelle expropriée.
Elle se prévaut à cet égard de l'expertise amiable réalisée par M. [B], qui estime qu'il peut être appliqué à cette perte de revenus la méthode d'évaluation par capitalisation et propose à cet égard un taux de rendement de 8 %, soit une perte de valeur de 75.245 euros.
17. Toutefois, cette méthode ne peut être appliquée à la perte de revenus ici considérée dans la mesure où la nature de l'équipement qui génère ces revenus -tel que présenté en page 18 du rapport de M. [B]- permet une ré-implantation aisée sur une surface réduite de la parcelle restante ; il ne s'agit donc pas d'une perte définitive résultant de l'expropriation qui justifierait donc l'application de cette méthode.
18. Le premier juge a donc à juste titre indemnisé cette perte -avérée- de revenus par l'appréciation de la durée des opérations de déplacement du panneau publicitaire considéré et de la conclusion d'un nouveau contrat. La durée d'une année retenue par le jugement entrepris est justement évaluée, compte tenu des possibilités offertes par l'emplacement exceptionnel en ce qui concerne la visibilité commerciale de la parcelle appartenant à la société Estour.
19. Le jugement sera donc confirmé de ce chef, ainsi qu'en ses chefs relatifs aux frais irrépétibles des parties et à la charge des dépens de première instance.
Bordeaux Métropole, qui succombe à titre principal, sera condamnée à payer les dépens de l'appel et à verser à l'intimée une somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire en dernier ressort,
Confirme le jugement prononcé le 16 juin 2022 par le juge de l'expropriation de la Gironde,
Y ajoutant,
Condamne l'Établissement Public de Coopération Intercommunale Bordeaux Métropole à payer à la société Estour la somme de 2.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne l'Établissement Public de Coopération Intercommunale Bordeaux Métropole à payer les dépens.
L'arrêt a été signé par Jean-Pierre FRANCO, Président et par François CHARTAUD, Greffier, auquel a été remis la minute signée de la décision.
Le greffier, Le président,