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25/06/2024 | FRANCE | N°22/01866

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 4ème chambre commerciale, 25 juin 2024, 22/01866


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE



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ARRÊT DU : 25 JUIN 2024









N° RG 22/01866 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MU4K









S.A.S. AVENIR



c/



S.A.S.U. ALLIANCE PROMOTION























Nature de la décision : AU FOND


























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Grosse délivrée le :



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Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 mars 2022 (R.G. 2021F00475) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 13 avril 2022





APPELANTE :



S.A.S. AVENIR, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis [Adres...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 25 JUIN 2024

N° RG 22/01866 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MU4K

S.A.S. AVENIR

c/

S.A.S.U. ALLIANCE PROMOTION

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 mars 2022 (R.G. 2021F00475) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 13 avril 2022

APPELANTE :

S.A.S. AVENIR, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 1]

Représentée par Maître Alice RONDOT substituant Maître Fabrice DELAVOYE de la SELARL DGD AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

S.A.S.U. ALLIANCE PROMOTION, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 2]

Représentée par Maître Stéphanie BERLAND de la SELEURL CABINET SBA, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 mai 2024 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,

Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,

Madame Sophie MASSON, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE

La SASU Alliance promotion exerce une activité de promotion immobilière et marchand de biens.

Selon convention de prestations de services en date du 07 juillet 2015, la société Alliance promotion s'est vu confier, par la société Petite forêt, une mission de coordination et de contrôle des locataires d'ouvrage dans le cadre d'un projet de construction d'un ensemble d'habitation de 76 logements dans le domaine de la Petite forêt.

Le projet ayant été modifié, une convention de prestations de services et de maîtrise d'ouvrage déléguée a été régularisée le 1er avril 2018 entre la société Alliance promotion et les sociétés Petite forêt et Vermeil (respectivement lot n°14 et lot n°15 du domaine de la Petite forêt). Il était prévu une rémunération fixée en fonction de la performance de gestion du chantier sur une base forfaitaire de 5.000 euros HT mensuel à compter du 1er avril 2018, pour une durée prévisionnelle de 32 mois.

D'avril 2018 à septembre 2019, les notes d'honoraires émises par la société Alliance promotions ont été honorées par la société Petite forêt conformément à l'accord souscrit.

Le 28 janvier 2020, la société Alliance promotion a adressé une demande en paiement par lettre recommandée avec accusé de réception à la société Petit forêt. Elle a réitéré sa demande les 4 mars 2020 et 30 avril 2020, en vain.

Le 03 juin 2020, la société Alliance promotion a mis en demeure la société Petite forêt de lui régler la somme de 40.000,00 euros HT correspondant aux factures émises et impayés pour la période de septembre 2019 à mai 2020 et a précisé que la prestation serait suspendue jusqu'au parfait règlement.

La société Alliance promotion a assigné les sociétés Avenir, Vermeil et Petite forêt devant le Président du tribunal de commerce de Bordeaux qui n'a pas fait droit à sa demande et l'a invitée à se pourvoir au fond par ordonnance du 9 février 2021, ce qu'elle a fait par acte du 26 avril 2021.

Par jugement du 3 mars 2022, le tribunal de commerce de Bordeaux a :

- débouté les sociétés Petite forêt SAS, Vermeil SAS et Avenir SAS de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions,

- ordonné la résiliation judiciaire de la convention signée entre les parties à effet du 30 mai 2020,

- condamné solidairement les sociétés Petite forêt SAS, Vermeil SAS et Avenir SAS à payer à la société Alliance promotion SASU la somme de 48.000,00 euros (quarante-huit mille euros) augmentée des intérêts au taux légal à compter du 03 juin 2020,

- débouté la société Alliance promotion de sa demande indemnitaire au titre d'un préjudice financier,

- condamné solidairement les sociétés Petite forêt, Vermeil et Avenir à payer à la société Alliance promotion la somme de 4.000,00 euros (quatre mille euros) sur le fondement de I'article 700 du Code de Procédure Civile,

- condamné solidairement les Petite forêt, Vermeil et Avenir aux entiers dépens de l'instance,

- dit que l'exécution provisoire est de droit.

Par déclaration en date du 13 avril 2022, les sociétés Petite forêt, Vermeil et Avenir a relevé appel de ce jugement en ses chefs expressément critiqués intimant la société Alliance promotion.

Par conclusions d'incident du 31 mai 2022, la société Alliance promotion a sollicité la radiation de la procédure sur le fondement de l'article 524 du code de procédure civile. Elle s'est désistée de son incident le 09 août suivant à la suite de l'exécution par les appelantes des condamnations ordonnées en première instance. Ces dernières ont accepté ce désistement par conclusions notifiées le 26 septembre 2022.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par conclusions notifiées par RPVA le 14 mai 2024, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Avenir demandent à la cour de :

Vu les articles 1103 et 1104 du code civil,

Vu les article 1217 et suivants et 1231-1 et suivants du code civil,

Vu l'article 1235 et 1240 du code civil,

Vu les articles 9 et 700 du code de procédure civile,

Et vu les pièces versées aux débats,

-juger les demandes, fins et prétentions de la société Avenir recevables, régulières et fondées.

-juger les demandes, fins et prétentions de la société Alliance Promotion infondées.

-rejeter les demandes, fins et prétentions formées à l'encontre de la société Avenir.

Reformer le jugement du 3 mars 2022 rendu par le Tribunal de Commerce de Bordeaux en ce qu'il a :

-débouté les sociétés Petite Forêt Sas, Vermeil Sas et Avenir SAS de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions.

-ordonné la résiliation judiciaire de la convention signée entre les parties à effet du 30 mai 2020.

-condamné solidairement les sociétés Petite Forêt Sas, Vermeil Sas et Avenir SAS à payer à la société Alliance Promotion SASU la somme de 48.000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 03 juin 2020.

-condamné solidairement les sociétés Petite Forêt SAS, Vermeil SAS et Avenir SAS à payer à la société Alliance Promotion SASU la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

-condamné solidairement les sociétés Petite Forêt SAS, Vermeil SAS et Avenir SAS aux entiers dépens de l'instance.

ET STATUANT A NOUVEAU :

A titre principal :

-juger que les sociétés Petite Forêt, Avenir et Vermeil ne sont débitrices d'aucune

somme au profit de la société Alliance Promotion ;

-juger que les demandes, fins et prétentions de la société Alliance Promotion sont

infondées.

En conséquence :

-débouter la société Alliance Promotion de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions à l'encontre de la société Avenir ;

A titre reconventionnel :

-juger que les sociétés Petite Forêt et Vermeil ont versé une somme de 39 000 euros indue au profit de la société Alliance Promotion ;

En conséquence :

-condamner la société Alliance Promotion au paiement de la somme de 39 000 euros TTC au profit de la société Avenir, venant aux droits des sociétés Petite Forêt et Vermeil ;

A titre subsidiaire :

-juger que la société Alliance Promotion est défaillante dans l'exercice de ses missions

En conséquence :

-débouter la société Alliance Promotion de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

A titre très subsidiaire :

-juger que la société Alliance Promotion a elle-même reconnu avoir cessé de travailler pour les concluantes à la fin du mois de janvier 2020 ;

En conséquence :

-débouter la société Alliance Promotion de ses demandes de rémunération au titre des mois postérieurs au mois de janvier 2020 et, ainsi, limiter la demande de condamnation de la société Alliance Promotion à la lecture du mois de janvier 2020, soit au total 20 000 euros HT.

En tout état de cause :

-condamner la société Alliance Promotion à régler somme de 6 000 euros à la société Avenir au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par RPVA le 14 mai 2024, la société Alliance Promotion demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bordeaux en date du en date du 03 mars 2022 en ce qu'il a :

- condamné solidairement les sociétés Petite forêt, Vermeil et Avenir à payer à la société Alliance Promotion la somme de 48 000 euros TTC, au titre des factures 17 à 24 couvrant la période d'octobre 2019 à mai 2020 inclus, assortie de l'intérêt au taux légal à compter du 03 juin 2020, date de mise en demeure ;

- prononcé la résiliation judiciaire de la convention, à effet au 30 mai 2020, date d'arrêt des prestations de la société Alliance Promotion ;

- débouté les sociétés Petite forêt, Vermeil et Avenir de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

- condamné solidairement la société Petite forêt et la société Vermeil à payer à la société Alliance Promotion la somme de 4.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

- réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bordeaux en date du en date du 03 mars 2022 en ce qu'il a débouté la société Alliance Promotion de sa demande indemnitaire,

Statuant de nouveau sur ce point,

En application de l'article 1217 du code civil :

- condamner la sociéét Avenir à payer à la société Alliance Promotion la somme de 40.000 euros à titre de dommages et intérêts et en réparation du préjudice financier occasionné,

En toutes hypothèses,

Et y ajoutant,

- condamner la société Avenir à payer à la société Alliance Promotion une indemnité de 6.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

- condamner la société Avenir aux entiers dépens d'appel.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 30 avril 2024.

MOTIFS DE LA DECISION:

A titre liminaire, et compte tenu de l'accord des parties, il convient d'ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture, et de déclarer recevables les dernières conclusions notifiées le 14 mai 2024, qui tendent seulement à tenir compte de la fusion-absorption des sociétés Petite Forêt et Vermeil par la société Avenir, qui vient donc à leurs droits.

La clôture est prononcée à la date de l'audience, avant les plaidoiries.

Sur le montant de la créance de la société Alliance Promotion:

1- Au visa de l'article 1104 du code civil, la société Avenir soutient que la volonté des parties n'était pas de rémunérer la société Alliance pour une durée ferme de 32 mois, mais en fonction de la durée effective; que la convention a été conclue pour un montant de 6.000 euros TTC pour les chantiers des lots n°14 et 15 (chantiers d'une taille équivalente) de sorte qu'une somme de 3000 euros TTC par mois était exigible par chantier; que pour le lot n°14, il convient de retenir une rémunération pour une durée de 8 mois, soit du 1er avril au 31 décembre 2018 (le retard de chantier étant imputable à la société Alliance Promotion qui n'a pas su appréhender les difficultés relatives à la loi sur l'eau.

S'agissant du chantier du lot n°15, elle indique que le contrat de promotion immobilière a été résilié au courant du mois de juillet 2019 de sorte que la société Alliance Promotion n'aurait droit à rémunération que pour la période du 1er avril 2018 au 1er juillet 2019, soit 45.000 euros TTC (3.000 euros TTC x 15 mois).

Elle ajoute qu'aucune nouvelle convention n'a été régularisée pour le lot n°16 avec la société Alliance Promotion qui ne justifierait pas de l'exécution d'une quelconque mission de maîtrise d'ouvrage déléguée.

Elle considère en conséquence qu'elle trop versé la somme de 39.000 euros TTC à la société Alliance Promotion (108.000 euros TTC versés - 24.000 euros TTC euros dus pour le lot n°14 - 45.000 euros dus pour le lot n°15).

2- La société Alliance Promotion réplique qu'il existe une convention globale entre les parties intégrant les lots n°14, 15 et 16, et précise qu'il n'y a pas lieu de ventiler ce qui a toujours été conçu comme une rémunération forfaitaire fixe de 5.000 euros HT soit 6.000 euros TTC mensuel, sans considération de lots déterminés; cette rémunération étant exigible jusqu'à la fin des travaux et des livraisons qui ne correspond pas à la fin des chantiers.

Elle ajoute qu'initialement le lot n°16 a été attribué à la société Petite forêt en qualité de maître d'ouvrage et postérieurement à la société Avenir, que dans le cadre de relations d'affaires habituelles et des liens d'amitié unissant les dirigeants des sociétés en présence, il n'est pas apparu nécessaire aux parties de régulariser encore une convention pour l'intégration de la société Avenir, que la convention qui a vigueur entre les parties s'analyse bien à l'égard des trois sociétés Petite forêt, Vermeil et Avenir et pour les trois lots du domaine de la petite forêt identifiés n°14, 15 et 16, les parties conservant de part et d'autre les mêmes obligations l'une envers l'autre.

Pour le lot n°15, la société Alliance Promotion ajoute que la résiliation en juillet 2019 du contrat de promotion des appelantes a été sans incidence sur la continuité des relations contractuelles puisque, à la date de la résiliation, elle continuait d'exécuter ses prestations, dans les termes de la relation globale d'affaires, à la fois pour le lot n°14 toujours en cours et celui débuté du lot n°16.

Elle fait enfin valoir qu'elle a travaillé jusqu'en mai 2020 sur le lot n°16 et demande la confirmation du jugement qui a condamné les appelantes à lui verser la somme de 48.000 euros TTC au titre des factures d'octobre 2019 à mai 2020.

Sur ce:

3- Selon les dispositions de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

4- Le contrat d'entreprise est un contrat consensuel dont la validité ne dépend pas de la rédaction préalable d'un écrit; et le contenu de l'accord des parties peut être prouvé librement, dans un litige opposant deux sociétés commerciales, en application de l'article L.110-3 du code de commerce.

5- Il convient de relever qu'initialement, la société Alliance Promotion avait été désignée dans le cadre d'un contrat de prestation de services conclu uniquement par la société Petite Forêt, en date du 7 juillet 2015 (qui n'a pas eu de suite) avec une mission de suivi de chantier, mais uniquement pour le lot 14, pour un prix forfaitaire de 75000 euros HT (la durée prévisionnelle de l'opération étant alors fixée à 20 mois), de sorte que le montant de la prestation s'élevait à 3750 euros HT par mois.

6- Un acte sous seing privé a ensuite été signé le 1er avril 2018, entre, d'une part, les sociétés Petite Forêt et Vermeil et la société Alliance Promotion, d'autre part.

Il stipule pour l'essentiel que les maîtres d'ouvrages réalisent deux opérations de construction situées à [Localité 5], décomposées comme suit :

- un ensemble d'habitations de 75 logements référencé Lot 14,

- une résidence services de centre logements référencée Lot 15, dans le cadre d'un CPI pour 'les Sénioriales'; l'exécution et le suivi de chantier étant assuré par [I] [N], architecte à [Localité 4].

7- Ce contrat détaille les missions confiées à la société Alliance Promotion, dans le but de coordonner et de contrôler l'ensemble des différents intervenants sur le programme :

participation aux réunions de chantier, mise au point des mesures nécessaires pour redresser les anomalies constatées sur le planning de travaux, la qualité des prestations ou le non-respect de l'esprit des marchés, le suivi des décomptes des sommes dues aux entreprises vérifiées par les hommes de l'art, le contrôle des démarches faites par l'architecte auprès des compagnies concessionnaires de distribution d'eau, d'électricité et de gaz, des services techniques de la commune, le contrôle de la réception des travaux, la première visite avant livraison, les visites de contrôle avant la livraison, l'assistance à la livraison, le contrôle de la levée des réserves éventuelles, le contrôle des appels de fonds à réaliser auprès de l'acquéreur Gironde Habitat.

8- Le contrat stipule que le mode de rémunération sera fixé en fonction de la performance de gestion de chantier sur une base forfaitaire de 5000 euros hors-taxes mensuels à compter du 1er avril 2018 pour une première période de 32 mois, 'évaluation à ce jour de la durée prévisionnelle des deux chantiers' (la facturation étant mensuelle).

9- Il résulte des productions que par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 18 juin 2018 (pièce 5 de l'appelante), la société PVSenioriales Promotion et commercialisation a notifié à la société Vermeil la résiliation du contrat de promotion immobilière conclu le 30 janvier 2017, en invoquant plusieurs défaillances, et en particulier l'absence de communication par son co-contractant d'une garantie financière d'achèvement.

10- Il ressort toutefois des écritures des deux parties, concordantes sur ce point, que la date à prendre en compte pour la résillation de ce contrat de promotion relatif au lot numéro 15 est juillet 2019; la société appelante précisant même que la rémunération pour ce lot devait être calculée sur 15 mois, du 1er avril 2018 au 1er juillet 2019.

11- Ainsi que le fait valoir à juste titre la société Alliance Promotion, cette résiliation n'a pas eu d'effet sur les obligations à sa charge, puisqu'elle a eu en réalité la qualité de maître d'ouvrage déléguée chargée du suivi global des différents chantiers en cours.

12- En effet, les compte-rendus de chantier numéros 5 à 32 versés au débat, établis par le maître d'oeuvre (la société LS Architectes et associés) - pièce 9 de l'appelante - attestent que M. [G] [I] (gérant de la société Alliance Promotion) a été présent en qualité de représentant du maître de l'ouvrage, la société Avenir, à compter du 15 mai 2019 jusqu'au 15 mai 2020 (sauf pour la réunion n°27 du 20 mars 2020 du fait de la crise Covid-19) pour le suivi des opérations de construction du lot numéro 16 (résidence [3]).

Il ressort en outre du courriel adressé par [E] [P] au maître d'oeuvre le 6 avril 2020 à 21h57 (pièce 10 de l'appelante) que les deux chantiers relatifs aux lots 14 et 16 étaient tous deux en cours au moment de l'arrêt des travaux consécutif aux mesures de confinement liées à la crise sanitaire.

En outre, M. [I] [N], gérant de la SARL LS Architectes, a attesté le 28 octobre 2021 que M. [I] [G], gérant de la SAS Alliance Promotion, était présent aux réunions de chantier des lots 14-15-16 sur le site du Teich, que ce dernier avait assuré sa mission de maître d'ouvrage délégué jusqu'à fin mai 2020, et avait reçu de sa part les compte rendus de chantier, les situations de travaux et certificats de paiement au bénéfice des entreprises.

Dans son courriel adressé le 26 octobre 2021 à M. [N], M. [P] impute à l'architecte maître d'oeuvre la responsabilité du retard dans l'avancement du lot n°14, et détaille les surcoûts qui en résulte, en ce compris celui lié aux honoraires de [I] sur six mois.

Par ailleurs, la totalité des factures émises par la société Alliance Promotion du 18 avril 2018 au 9 septembre 2019, pour un montant mensuel de 5000 euros HT soit 6000 euros TTC ont été libellées à l'ordre de la SAS Petite Forêt, et payées par celle-ci, alors même qu'elles concernaient des prestations afférentes aux lots 14, 15 et 16 jusqu'en juillet 2019, puis ensuite aux lots 14 et 16.

Enfin, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 4 mars 2020, qui n'a donné lieu à aucune réponse ni à contestation, M. [I] [G], représentant légal de la société Alliance Promotion, rappelait à la société Petite Forêt qu'il lui incombait d'assurer le réglement des certificats de paiement établis par LS Architectes, datés et signés par ses soins.

13- Les circonstances précitées, précises et concordantes, constituent la preuve qu'en dépit de l'absence d'un contrat écrit relatif au lot n°16, la commune intention des sociétés Petite Forêt, Vermeil et Avenir, contrôlées toutes trois par la société Esteria, ayant elle-même pour unique associé M.[E] [P], était de confier à la société Alliance Promotion, ayant pour président M. [I] [G], ami de M. [P], l'exécution d'un contrat de maîtrise d'ouvrage déléguée, concernant les trois chantiers (Ardéa, Les sénioriales puis Arboréa), comprenant les mêmes prestations moyennant un prix forfaitaire et global de 5000 euros HT soit 6000 euros TTC, jusqu'à leur terme respectif.

14- Contrairement à ce que soutient la société appelante, les prestations confiées au maître d'ouvrage délégué n'ont pu s'achever à la date du 31 décembre 2018, correspondant à la date contractuelle de livraison du lot 14, que la société Petite Forêt s'était engagée à respecter en qualité de vendeur, dans l'acte de vente en l'état futur d'achèvement du 28 décembre 2017.

En effet, les actes d'engagement de la société [Localité 4] second-oeuvre (lot peinture) et de la société Entreprise Neveu (lot gros oeuvre) mentionnent tous deux une date de début des travaux en mars 2018 et une date de livraison en janvier 2020.

Il ressort en outre des propres pièces de la société Avenir (et notamment d'un plainte de l'association EDC du 26 juin 2020 adressée à M. [S], président de la société Petite Forêt) que le programme Ardéa a connu un retard très conséquent de livraison; qu'il existait des finitions à réaliser lors du constat d'huissier dressé le 6 janvier 2020 (services généraux non terminés, détecteurs d'éclairage des communs à installer, interphonie à réparer dans le bâtiment A, finitions de peinture et d'électricité à réaliser dans les appartements B013 et A112, portail électrique du parking à réparer).

Il résulte du courriel de l'architecte en date du 6 avril 2020 qu'à cette date, il restait à réaliser la levée des réserves du lot 14 pour les lots Peinture, Menuiseries intérieures Bois, enduits et peintures extérieures sur les façades des bâtiments.

Enfin, c'est seulement le 28 mai 2020 que les DGD de la société Revêtements Duret sols ont été validés par le cabinet d'architecte, en ce qui concerne les lots 10, 11 et 15 (faience, revêtements scellés, revêtements sols souples).

15- Contrairement à ce que soutient l'appelante, la société Alliance Promotion n'a nullement fait l'aveu qu'elle ne travaillait plus à compter de février 2020, et elle a seulement indiqué dans son courrier du 28 janvier 2020 qu'en raison de la réorganisation de l'encadrement, sa mission pouvait être allégée voir supprimée. Or, ce courrier n'a ps donné lieu à réponse de la part de la société Petite Forêt, de sorte que le maître d'ouvrage délégué était fondé à poursuivre ses prestations conformément à l'accord initial des parties qui incluait le contrôle de la levée des réserves.

C'est donc à juste titre que la société intimée sollicite paiement de ses prestations facturées pour ce lot jusqu'en mai 2020.

16- Au vu des comptes rendus de chantier du lot 16 et de l'attestation précitée de l'architecte, il est établi que la société Alliance Promotion a également effectué ses prestations jusqu'au mois de mai 2020 pour le lot Arboréa.

17- Il convient d'écarter, comme inopérant, l'arugment invoqué par la société appelante, tiré d'une défaillance de la société Alliance Promotion lors des travaux concernant le lot numéro 14.

Ainsi, il n'est nullement démontré en quoi le maître d'ouvrage délégué aurait manqué à ses obligations contractuelles, en ce qui concerne les déclarations nécessaires relatives à la loi sur l'eau, pour un immeuble comportant un sous-sol. La seule production, sur ce point, d'un récépissé de dépôt (en date du 26 février 2018) d'une demande d'examen au cas par cas préalable à la réalisation d'une étude d'impact n'est nullement probant.

Au demeurant, dans son courriel du 26 octobre 2021 adressé à l'architecte [N], M. [P] impute à ce dernier (mais sans plus en justifier) l'entière responsabilité de l'omission du dossier obligatoire loi sur l'eau ('faute 100% à toi'), qui aurait généré un retard de six mois dans l'avancement du lot 14, outre des réclamations de clients mécontents.

18- De même, rien n'établit que la société intimée soit responsable, par manque de diligence, des autres retards, des défauts de finitions et désordres apparus après réception, et la société Avenir ne lui a d'ailleurs adressé aucune observation ni mise en demeure, et n'a imputé la mauvaise marche des travaux qu'à la société d'architectes, dans les correspondances versées au débat.

19- Il apparaît en définitive que la société intimée a réalisé sa mission conformément à l'accord des parties, que les griefs relatifs à la qualité de ses prestations ne sont pas démontrés, de sorte qu'elle était parfaitement fondée à voir prononcer la résiliation judiciaire du contrat, avec effet au 30 mai 2020, par application des articles 1224 et 1228 du code civil, du fait de la carence prolongée des maîtres d'ouvrage dans leur obligation de payer les factures par terme mensuel.

20- C'est donc à bon droit que le tribunal a fait droit à ses demandes principales, en rejetant la demande en répétition de l'indû formée par les sociétés Petite Forêt, Avenir et Vermeil.

Sur l'appel incident de la société Alliance Promotion:

21- En application de l'article 1217 du code civil, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté ou l'a été imparfaitement, peut, notamment, provoquer la résolution du contrat et demander réparation des conséquences de l'inexécution.

22- Ces dommages-intérêts compensent le préjudice que la résolution du contrat occasionne au demandeur, par perte subie ou gain manqué.

23- En l'espèce, la société Alliance Promotion fait valoir à juste titre que la rupture des relations commerciales, consécutive à l'inexécution de l'obligation de paiement mensuel de ses honoraires, l'a privée de la possibilité de mener à son terme sa mission de maîtirse d'ouvrage déléguée, qui avait été prévue 'pour une première période prévisionnelle de 32 mois à compter du 1er avril 2018", et qui avait donc vocation à être exécutée au moins jusqu'au 30 novembre 2020.

24- Le décompte général dressé par l'architecte le 10 juin 2021 pour les lots 10, 11 et 15 (faience, revêtements scellés et revêtements sols souples et stratifiés) ne permet pas de détermienr avec certitude la date de livraison du lot 16 (Arboréa), mais il apparaît que des acomptes ont été perçus par la SARL Duret sols jusqu'au 1er février 2021.

Or, il entrait dans la mission de la société Alliance Promotion d'assurer le suivi des décomptes des sommes dues aux entreprises vérifiées par les hommes de l'art.

Elle aurait donc pu prétendre à paiement de ses honoraires jusqu'au 30 janvier 2021.

25- La carence fautive du maître d'ouvrage, qui justifiait la résiliation du contrat, lui a ainsi occasionné un préjudice de 8 x 5000 euros = 40 000 euros.

26- Il convient en conséquence d'infirmer sur ce point le jugement, et de condamner la société Avenir à payer à la société Alliance Promotion la somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Sur les demandes accessoires :

27- Il est équitable d'allouer à la société Alliance promotion une indemnité de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Partie perdante, la société Avenir supportera les dépens d'appel ainsi que ses propres frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort:

Ordonne la révocation de l'ordonnance de clôture,

Fixe la clôture à la date de l'audience, le 14 mai 2024, avant les plaidoiries,

Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bordeaux le 3 mars 2022, sauf en ce qu'il a débouté la société Alliance Promotion de sa demande de dommages-intérêts,

Statuant à nouveau de ce seul chef,

Condamne la société Avenir à payer à la société Alliance Promotion la somme de 40'000 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation de son préjudice financier,

Y ajoutant,

Condamne la société Avenir à payer à la société Alliance Promotion la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les autres demandes,

Condamne la société Avenir aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Magistrat


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 22/01866
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;22.01866 ?
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