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19/06/2024 | FRANCE | N°24/00288

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 4ème chambre commerciale, 19 juin 2024, 24/00288


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE



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ARRÊT DU : 19 JUIN 2024









N° RG 24/00288 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-NTEW







Monsieur [D] [U]



c/



S.C.P. AMAUGER [W]

























Nature de la décision : AU FOND



























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Notifié par LRAR le :



Grosse délivrée le :



aux avocats



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 janvier 2024 (R.G. 03/00071) par le Tribunal judiciaire de PERIGUEUX suivant déclaration d'appel du 18 janvier 2024





APPELANT :



Monsieur [D] [U], ayant exploité un fonds de commerce de pépiniériste sous l'enseigne LES P...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 19 JUIN 2024

N° RG 24/00288 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-NTEW

Monsieur [D] [U]

c/

S.C.P. AMAUGER [W]

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 janvier 2024 (R.G. 03/00071) par le Tribunal judiciaire de PERIGUEUX suivant déclaration d'appel du 18 janvier 2024

APPELANT :

Monsieur [D] [U], ayant exploité un fonds de commerce de pépiniériste sous l'enseigne LES PEPINIERES DU VAL DE DRONNE, né le [Date naissance 2] 1970 à [Localité 3] (Allemagne), de nationalité Française, demeurant [Adresse 4]

Représenté par Maître Emilie FRIEDE de la SARL SARL ARCAMES AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

S.C.P. AMAUGER [W], ès-qualité de mandataire liquidateur de Monsieur [D] [U], domiciliée en cette qualité [Adresse 1]

Représentée par Maître Bénédicte LAGARDE-COUDERT de la SELAS NUNEZ-LAGARDE COUDERT-MARTINS DA SILVA, avocat au barreau de PERIGUEUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 mai 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sophie MASSON, Conseiller chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,

Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,

Madame Sophie MASSON, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

* * *

Monsieur [D] [U] a exercé à Brantôme (Dordogne) une activité commerciale sous l'enseigne 'les Pépinières du val de Dronne', qui a fait l'objet d'une liquidation judiciaire par décision du tribunal judiciaire de Périgueux en date du 5 janvier 2004.

Parmi les actifs de la liquidation judiciaire figurent des droits immobiliers propres de M. [U] ainsi que des droits indivis sur un immeuble situé à Brantôme.

Le 26 juillet 2011, le tribunal judiciaire de Périgueux a prononcé la licitation partage et la vente aux enchères de la nue-propriété de cet immeuble, avec une mise à prix initiale de 108.000 euros avec faculté de baisse de 40 %.

Par ordonnance du 24 mars 2022, le juge commissaire a autorisé la vente des droits immobiliers de M. [U] à Madame [J] [A] veuve [U], sa mère, pour la somme de 8.000 euros.

Par requête en date du 27 mars 2023, M. [U] a sollicité la clôture de la procédure de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actifs et a demandé au tribunal d'ordonner le rachat de l'ensemble immobilier par Madame [J] [A] aux conditions convenues.

Par jugement prononcé le 8 janvier 2024, le tribunal judiciaire a statué ainsi qu'il suit :

- rejette la demande de clôture de la procédure de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actifs formée par Monsieur [D] [U] par l'intermédiaire de son conseil ;

- ordonne la prorogation du délai de clôture de douze mois de la liquidation judiciaire ouverte à l'égard de M. [U] ;

- convoque les parties à l'audience du lundi 2 décembre 2024 à 14 h 30, la notification de la présente décision valant convocation à cette audience ;

- se déclare incompétent pour statuer sur la demande relative à la vente de l'ensemble immobilier de M. [U] ;

- renvoie Monsieur [D] [U] à mieux se pourvoir ;

- rejette la demande de Monsieur [D] [U] formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective.

Monsieur [D] [U] a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe du 18 janvier 2024.

***

Par dernières conclusions notifiées le 29 avril 2024, Monsieur [D] [U] demande à la cour de :

Vu le code de procédure civile et notamment son article 700,

Vu le code de commerce et notamment son article L.643-9,

Réformer et infirmer le jugement rendu le 8 janvier 2024 par le tribunal judiciaire de Périgueux en ce qu'il a :

-rejeté la demande de clôture de la procédure de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actifs formée par Monsieur [D] [U] par l'intermédiaire de son conseil,

-ordonné la prorogation du délai de clôture de douze mois de la liquidation judiciaire ouverte à l'égard de Monsieur [U],

-convoqué les parties à l'audience du 02 décembre 2024 à 14h30, la notification de la décision valant convocation à cette audience,

-rejeté la demande de Monsieur [D] [U] formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective ;

Statuant à nouveau,

- ordonner la clôture des opérations de liquidation judiciaire de Monsieur [D] [U] ;

- condamner la société civile professionnelle de mandataires judiciaires [R], prise en la personne d'[L] [W], en sa qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [D] [U], au paiement de la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à tous les dépens, sans que ces sommes ne rentrent dans les comptes de la liquidation judiciaire de Monsieur [D] [U] ;

- débouter la société civile professionnelle de mandataires judiciaires [R] de toutes ses demandes, fins et prétentions.

***

Par dernières écritures notifiées le 7 mai 2024, la société Amauger [W], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [D] [U], demande à la cour de :

Vu l'article L. 643 - 9 du code de commerce,

Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- déclarer recevable mais non fondé l'appel interjeté par Monsieur [D] [U] ;

- confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions ;

- débouter Monsieur [D] [U] de toutes ses demandes, fins et prétentions ;

Y ajoutant,

- condamner Monsieur [D] [U] à payer la somme de 3.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Monsieur [D] [U] aux dépens.

***

Par avis notifié le 26 mars 2024 aux parties, le procureur général s'en est remis à l'appréciation de la cour, notamment sur la question de la proportionnalité des intérêts en jeu.

Par ordonnance du 2 février 2024, l'affaire a été fixée à bref délai, conformément à l'article R.661-6 3° du code de commerce.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1. L'article L.643-9 du code de commerce dispose :

« Dans le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire, le tribunal fixe le délai au terme duquel la clôture de la procédure devra être examinée. Si la clôture ne peut être prononcée au terme de ce délai, le tribunal peut proroger le terme par une décision motivée.

Lorsqu'il n'existe plus de passif exigible ou que le liquidateur dispose de sommes suffisantes pour désintéresser les créanciers, ou lorsque la poursuite des opérations de liquidation judiciaire est rendue impossible en raison de l'insuffisance de l'actif, ou encore lorsque l'intérêt de cette poursuite est disproportionné par rapport aux difficultés de réalisation des actifs résiduels la clôture de la liquidation judiciaire est prononcée par le tribunal, le débiteur entendu ou dûment appelé.

Le tribunal peut également prononcer la clôture de la procédure en désignant un mandataire ayant pour mission de poursuivre les instances en cours et de répartir, le cas échéant, les sommes perçues à l'issue de celles-ci lorsque cette clôture n'apparaît pas pouvoir être prononcée pour extinction du passif.

Le tribunal est saisi à tout moment par le liquidateur, le débiteur ou le ministère public. Il peut se saisir d'office. A l'expiration d'un délai de deux ans à compter du jugement de liquidation judiciaire, tout créancier peut également saisir le tribunal aux fins de clôture de la procédure.

En cas de plan de cession, le tribunal ne prononce la clôture de la procédure qu'après avoir constaté le respect de ses obligations par le cessionnaire.»

Selon l'article 116 de l'Ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, ces dispositions sont applicables aux procédures en cours au 1er juillet 2014, de sorte qu'elles sont applicables à la procédure de liquidation judiciaire de M. [U], prononcée le 5 janvier 2004.

2. Au visa de ce texte, l'appelant fait grief au jugement déféré de l'avoir débouté de sa demande en clôture pour insuffisance d'actif de sa procédure de liquidation judiciaire et fait valoir qu'il existe une disproportion entre d'une part l'intérêt de la poursuite des opérations de liquidation et d'autre part les difficultés de réalisation des actifs résiduels.

M. [U] soutient que la difficulté de réalisation des actifs est le fruit de la défaillance des liquidateurs successifs qui se sont révélés incapables de trouver un acquéreur intéressé depuis le 26 juillet 2011, date de la licitation partage prononcée par le tribunal de grande instance de Périgueux. Il ajoute que sa mère, Madame [J] [A], a présenté des offres, en 2017 puis en 2021, de racheter sa part indivise, sans effet en dépit d'une autorisation du juge commissaire aujourd'hui caduque.

3. La société Amauger [W] répond qu'une procédure de liquidation judiciaire ne peut être prononcée lorsqu'il existe des actifs réalisables.

Elle ajoute que M. [U] a, par son comportement, fait durer cette procédure ; que celui-ci a ainsi passé sous silence le fait qu'il était héritier de son frère, dont la part indivise est donc venue en partie augmenter celle du débiteur, la portant de 6.750 euros à 39.500 euros.

L'intimée indique qu'il ne s'agit pas d'une inaction de sa part d'un désaccord sur le prix, M. [U] ayant d'abord tardivement répondu aux questions relatives à l'évaluation de ses droits indivis puis n'ayant pas tiré les conséquences du décès de son frère sur l'augmentation de ses droits ; que l'objectif de l'appelant est uniquement de distraire du droit de gage des créanciers un actif immobilier réalisable.

Sur ce,

4. Il doit tout d'abord être rappelé qu'il est constant en droit que, lorsqu'il existe un actif réalisable de nature à désintéresser en tout ou partie les créanciers, la violation du droit du débiteur à être jugé dans un délai raisonnable et de celle, qui en résulte, de son droit d'administrer ses biens et d'en disposer, n'est pas sanctionnée par la clôture de la procédure de liquidation judiciaire mais lui ouvre l'action en réparation prévue à l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire, qu'il peut exercer au titre de ses droits propres.

Il est également de principe que la clôture pour insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire ne peut être prononcée lorsqu'il subsiste des actifs réalisables du débiteur susceptibles de désintéresser, même partiellement, les créanciers ; que, ainsi, le nu-propriétaire peut disposer de l'immeuble indépendamment du droit réel d'usufruit dont il est grevé qui peut s'exercer en quelques mains que la chose se trouve.

Une difficulté de réalisation ou la perspective d'un faible prix de cession ne constituent pas l'impossibilité de poursuivre les opérations de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif, sous réserve de la disproportion de l'intérêt de cette poursuite par rapport aux difficultés de réalisation des actifs résiduels.

5. En l'espèce, il est établi que Monsieur [D] [U] est propriétaire en propre de parcelles de terrain d'une surface de 5229 m² à Brantôme (Dordogne) et titulaire de droits en nue-propriété sur un immeuble également situé à Brantôme, en indivision avec sa mère, Madame [A] veuve [U] qui est également usufruitière, ainsi que son frère Monsieur [P] [U] et sa soeur Madame [B] [U] épouse [M].

Le débiteur réside dans cet immeuble avec sa mère.

Compte tenu des difficultés et du coût de la vente judiciaire de la part indivise en nue-propriété de M. [U], des échanges ont été engagés entre celui-ci et le liquidateur pour une vente amiable de cette part à Mme [A].

Cette vente a été autorisée le 2 mai 2022 par le juge commissaire du tribunal judiciaire de Périgueux pour un montant de 8.000 euros net vendeur, l'acte devant être reçu dans un délai de six mois par Maître [Y], notaire à Brantôme.

Cette ordonnance est aujourd'hui caduque.

6. Il faut relever que, alors que Mme [A] et M. [U] discutaient le montant du prix de cession amiable qui a ensuite été consacré par l'ordonnance mentionnée ci-dessus, le liquidateur judiciaire n'était pas avisé du décès, le 1er avril 2021, de Monsieur [P] [U], frère du débiteur, qui a modifié l'étendue des droits indivis de ce dernier ; l'appelant ne communique pas l'acte de dévolution successorale qui permettrait de déterminer les actifs de cette succession ainsi que de fixer avec précision les droits de chacun, dont ceux de Mme [A], dans la succession de Monsieur [P] [U] et, en conséquence, l'élargissement de l'assiette du gage des créanciers de la liquidation judiciaire de Monsieur [U].

7. Puisqu'il est admis que la solution de vente amiable est la plus adaptée à la fois pour les intérêts des créanciers et les droits de Mme [A] et de son fils qui résident dans l'immeuble sur lequel celui-ci détient des droits désormais élargis, il doit être considéré que la réalisation des actifs résiduels de la liquidation judiciaire de M. [U] ne rencontre aucune difficulté de nature à engendrer des coûts susceptibles de réduire les droits des créanciers, la seule difficulté tenant ici à la détermination exacte de la part de Monsieur [D] [U] dans la succession de son frère, dont la consistance n'est par ailleurs pas connue, et à la revalorisation, par Mme [A], de son offre d'acquisition.

8. Dès lors, la poursuite des opérations de liquidation n'est pas disproportionnée. Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [U] de sa demande en clôture de la procédure de liquidation judiciaire et en ce qu'il a prolongé le délai de clôture de cette procédure collective, ainsi qu'en ses chefs relatifs aux frais irrépétibles des parties et à la charge des dépens.

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles. Les dépens de l'appel seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire en dernier ressort,

Dans les limites de sa saisine,

Confirme le jugement prononcé le 8 janvier 2024 par le tribunal judiciaire de Périgueux.

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure collective.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 24/00288
Date de la décision : 19/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-19;24.00288 ?
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