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19/06/2024 | FRANCE | N°23/05157

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 4ème chambre commerciale, 19 juin 2024, 23/05157


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE



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ARRÊT DU : 19 JUIN 2024









N° RG 23/05157 - N° Portalis DBVJ-V-B7H-NQHM







Monsieur [C] [R]

S.A.S. PR FINANCE & PARTICIPATION





c/



S.A.R.L. CP&A INVESTMENT























Nature de la décision : AU FOND

























Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la Cour : ordonnance rendue le 24 octobre 2023 (R.G. 2023O00224) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 14 novembre 2023





APPELANTS :



Monsieur [C] [R], demeurant [Adresse 2]



S.A.S. PR FINANCE & PARTICIPATI...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 19 JUIN 2024

N° RG 23/05157 - N° Portalis DBVJ-V-B7H-NQHM

Monsieur [C] [R]

S.A.S. PR FINANCE & PARTICIPATION

c/

S.A.R.L. CP&A INVESTMENT

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : ordonnance rendue le 24 octobre 2023 (R.G. 2023O00224) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 14 novembre 2023

APPELANTS :

Monsieur [C] [R], demeurant [Adresse 2]

S.A.S. PR FINANCE & PARTICIPATION prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège [Adresse 2]

Représentée par Maître Pierre FONROUGE de la SELARL KPDB INTER-BARREAUX, avocat au barreau de BORDEAUX assisté par Maître Olivier NICOLAS avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

S.A.R.L. CP&A INVESTMENT venant aux droits de laz SARL CP&A GROUP 28 [Adresse 4]

Représentée par Maître Ludovic BOUSQUET, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 mai 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sophie MASSON, Conseiller chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,

Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,

Madame Sophie MASSON, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE:

La société à responsabilité limitée CP & A Groupe, aux droits de laquelle vient la société à responsabilité limitée CP&A Investment a pour activité la prise de participation dans toutes entreprises ou sociétés et l'ingéniérie financière.

Par acte du 28 octobre 2016, la société à responsabilité limitée Ingefin, dont le gérant était Monsieur [C] [R], a cédé à la société CP&A Groupe, au prix de 65.000 euros, son fonds de commerce comprenant la clientèle, le nom commercial 'Ingefin', les noms de domaine sudouestcapital.com et ingefin.net et l'intégralité des éléments du site internet www.ingefin.net abrité sous l'application Office 365.

Cet acte de cession comporte notammentà l'article 9, une clause de non concurrence portant interdiction d'exercer une activité concurrente à celle du fonds cédé pendant cinq ans sur le territoire de la Gironde. Il est également interdit aux cessionnaires d'exercer des « manoeuvres permettant la reprise ou la conservation de la clientèle et amenant une concurrence déloyale ».

En exécution de l'acte de cession, la société Ingefin a, par décision en assemblée générale du 28 octobre 2016, changé de dénomination et d'objet social pour devenir la société PR Finance & Participation, exerçant l'activité de prestations de services en formation, missions de direction financière, missions de transition en entreprise et toutes prises de participation dans toutes sociétés ou entreprises industrielles, commerciales ou financières.

Elle a ensuite changé de structure pour devenir une société par actions simplifiée.

Monsieur [R] a fait l'acquisition d'une part sociale de la société CP & A Groupe et a été nommé co-gérant de celle-ci pour une durée de 2 ans par acte du 26 septembre 2016 ; il a également conclu le 27 janvier 2017 avec la société cessionnaire un contrat de consultant pour une durée de 22 mois.

M. [R] a cédé la part détenue dans le capital de la société CP&A Groupe et a quitté ses fonctions le 11 janvier 2019.

Par requête en date du 10 novembre 2022, à laquelle il a été fait droit par ordonnance du 14 novembre 2022, la société CP&A Groupe, excipant de la violation par M. [R] et la société PR Finance & Participation de leurs obligations contractuelles, a saisi le président du tribunal de commerce de Bordeaux d'une demande de désignation d'un commissaire de justice aux fins de recueil de documents avec l'assistance d'un expert informatique.

La société CP&A Groupe n'a pas fait signifier cette ordonnance du 14 novembre 2022 mais a déposé une deuxième requête en date du 7 décembre 2022 par laquelle elle demande que soit complétée l'ordonnance du 14 Novembre 2022 par l'ajout d'une injonction de communiquer les éléments d'accès aux ordinateurs visés par la mesure d'instruction.

Par ordonnance du 19 décembre 2022, le tribunal de commerce de Bordeaux a fait droit à cette requête.

Le commissaire de justice a procédé aux constatations le 16 mars 2023 et, par acte du 3 avril 2023, Monsieur [R] et la société PR Finance ont été sommés de communiquer la liste des documents dont ils ne souhaitaient pas la communication pour des motifs tirés du secret professionnel, des affaires ou de la vie privée.

Monsieur [C] [R] et la société PR Finance & Participation ont fait connaître, par courrier du 7 avril 2023 qu'ils s'opposaient à la communication de l'ensemble des éléments recueillis en ce qu'ils sont tous protégés par le secret professionnel, des affaires ou de la vie privée ; puis, par acte du 12 avril suivant, ils ont fait assigner la société CP&A Groupe devant le président du tribunal de commerce de Bordeaux en référé-rétractation.

Par ordonnance prononcée le 24 octobre 2023, la président du tribunal de commerce a statué ainsi qu'il suit :

- déboutons la société PR Finance & Participation et Monsieur [C] [R] de leur demande de rétractation de l'ordonnance du 14 novembre 2022 et de l'ordonnance modificative du 19 décembre 2022 ;

- enjoignons à Monsieur [C] [R] et à la société PR Finance & Participation d'indiquer, par voie de conclusions à déposer au greffe le vendredi 17 novembre 2023 à 12h00 au plus tard, la liste des pièces figurant sur la clé USB remise par l'huissier ainsi que les pièces, parmi celles figurant dans la liste, pour lesquelles ils s'opposent à la levée du séquestre en indiquant les raisons de cette opposition ;

- enjoignons à la société CP& A Groupe d'y répondre, également par voie de conclusions, à déposer au greffe le vendredi 1er décembre 2023 à 12h00 au plus tard ;

- renvoyons l'affaire à l'audience du mardi 5 décembre 2023 à 9h00 pour qu'il soit statué sur la demande de levée du séquestre ;

- sursoyons à statuer pour le surplus des demandes relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La société PR Finance et Participation et Monsieur [C] [R] ont relevé appel de cette décision par déclaration au greffe du 14 novembre 2023.

***

Par dernières conclusions notifiées le 24 avril 2024, Monsieur [C] [R] et la société PR Finance & Participation demandent à la cour de :

Vu l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme,

Vu les articles 15, 16, 17, 145, 495, 496 et 497 du code de procédure civile,

- infirmer l'ordonnance sur requête en rétractation du 24 octobre 2023 rendue par Madame la présidente du tribunal de commerce de Bordeaux ;

Et statuant à nouveau,

- prononcer la rétractation pure et simple de l'ordonnance du 14 novembre 2022 et de l'ordonnance modificative du 19 décembre 2022 rendues par Madame la présidente du tribunal de commerce de Bordeaux ;

- prononcer la nullité des mesures de saisie qui ont pu être pratiquées en vertu de ces ordonnances, et notamment la nullité du procès-verbal de constat établi le 16 mars 2023 par la société Lacaze & Crespy, commissaire de justice, [Adresse 1] ;

- écarter en toutes hypothèses des débats le procès-verbal de constat établi le 16 mars 2023 par la société Lacaze & Crespy, commissaire de justice, [Adresse 1] produite en pièce n°11 par la société CP&A Groupe ;

- ordonner au commissaire de justice commis, la société Lacaze & Crespy, commissaire de justice, [Adresse 1], de détruire l'ensemble des éléments recueillis et ce sur tout support, et d'avoir à en justifier dans un délai de cinq jours suivant le prononcé de l'ordonnance à intervenir, et d'avoir à remettre à Monsieur [R] et la société PR Finance et Participation les deux clés USB en sa possession ;

- débouter la société CP&A Groupe de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la société CP&A Groupe à verser à Monsieur [R] et à la société PR Finance et Participation la somme de 3.000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société CP&A Groupe aux entiers dépens.

***

Par dernières écritures notifiées par message électronique le 13 mai 2024, la société CP&A Investment, venant aux droits de la société CP & A Groupe, demande à la cour de :

Vu les articles 495, 496 et 497 du code de procédure civile,

Vu l'article 875 du même code,

- ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture au jour des plaidoiries ;

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance dont appel rendue le 24 octobre 2023 ;

- condamner solidairement Monsieur [C] [R] et la société PR Finance & Participation à payer à la société CP&A Investment 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens d'instance.

***

L'ordonnance de clôture est intervenue le 30 avril 2024.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1. Il y a lieu tout d'abord, en considération de l'évolution du litige entre les sociétés PR Finance & Participation et CP&A Investment et de la délivrance d'une assignation au fond le 6 mai 2024, de révoquer l'ordonnance de clôture et de prononcer la clôture au jour de l'audience, avant les plaidoiries.

1. Sur la signification de l'ordonnance

2. L'article 495 du code de procédure civile dispose :

« L'ordonnance sur requête est motivée.

Elle est exécutoire au seul vu de la minute.

Copie de la requête et de l'ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée.»

3. Au visa de ce texte, M. [R] et la société PR Finance & Participation rappellent que l'ordonnance du 14 novembre 2022 ne leur a pas été signifiée, seule l'ordonnance du 19 décembre suivant leur ayant été remise, de sorte qu'ils n'ont pas été mis en mesure de connaître les éléments sur lesquels s'était fondée la société CP&A Investment pour obtenir de façon non contradictoire une mesure d'instruction consistant en une recherche à leur domicile et la mise sous séquestre de documents et éléments contenus dans les ordinateurs personnels de ces derniers ; que, ainsi, ont été méconnus leur droit à un procès équitable et les droits de la défense.

Les appelants font valoir que le juge de la rétractation a retenu à tort que la requête du 7 décembre 2022 reprend les termes de la requête ayant donné lieu à l'ordonnance rendue le 14 novembre 2022 ; qu'il a également retenu à tort que l'ordonnance du 19 décembre 2022 reprendrait dans sa totalité les termes de l'ordonnance du 14 novembre 2022.

4. La société CP&A Investment répond que le dispositif des deux ordonnances est exactement le même, à l'exception du fait que la seconde ordonnance comprend un ajout au deuxième paragraphe qui enjoint à Monsieur [R] d'indiquer au commissaire de justice le nom de la société d'hébergement ou le logiciel d'hébergement de ses données et des sociétés qu'il dirige, l'identifiant et le mot de passe d'accès à cet hébergement extérieur ainsi que l'identifiant et le mot de passe d'accès à ses ordinateurs des sociétés qu'il dirige.

L'intimée ajoute que faire signifier la première ordonnance ne comportait donc aucune utilité puisque seul le dispositif de la seconde est à prendre en considération, cette ordonnance de décembre 2022 se suffisant à elle-même ; que, de la même manière, le contenu des motifs de la deuxième requête est parfaitement identique à celui de la première, de sorte que la signification de la première ordonnance ne présentait aucune utilité et que cette absence de signification ne fait absolument pas grief aux appelants ; que, ainsi, les prescriptions de l'alinéa 3 de l'article 495 du code de procédure civile ont été parfaitement respectées car la seule ordonnance qui est opposée à Monsieur [R] et à la société PR Finance & Participation est celle du 19 décembre 2022.

Sur ce,

5. L'examen de la première requête du 10 novembre 2022 ayant donné lieu à l'ordonnance du 14 novembre 2022 et de la deuxième requête du 7 décembre 2022 ayant donné lieu à l'ordonnance du 19 décembre 2022 met en évidence le fait que les motifs développés dans l'une et l'autre sont strictement les mêmes et que la société requérante, après la citation in extenso du dispositif de la première ordonnance, prie la présidente du tribunal de commerce d'ajouter une injonction portant sur la mise à disposition du commissaire de justice instrumentaire des codes d'accès aux équipements concernés par la mesure d'instruction.

6. Dès lors, la signification de la seule ordonnance du 19 décembre 2022 accompagnée de la requête était suffisante puisqu'elle reprenait intégralement les éléments contenus dans la première ordonnance et que ces documents mettaient parfaitement les appelants en mesure de connaître les motifs de la mesure d'instruction ordonnée.

Les droits de M. [R] et de la société PR Finance & Participation ont donc été respectés.

7. Il n'est par ailleurs pas discuté que la requête du 7 décembre 2022 a bien été signifiée aux appelants avec l'ordonnance du 19 décembre 2022, de sorte que les formes prescrites par l'article 495 du code de procédure civile ont été observées.

2. Sur la proportionnalité des mesures ordonnées

8. L'article 145 du code de procédure civile dispose :

« S'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.»

9. Au visa de ce texte, M. [R] et la société PR Finance & Participation indiquent qu'il est de principe que, pour être « légalement admissibles » au sens de l'article 145 du Code de procédure civile, les mesures d'instruction doivent cumulativement être circonscrites dans le temps et dans leur objet et être proportionnées à l'objectif poursuivi, c'est-à-dire limitées strictement à ce qui est nécessaire à l'établissement des faits dénoncés par le requérant.

Les appelants ajoutent que la mesure d'instruction ordonnée ne doit en aucun cas s'apparenter à une mesure d'investigation générale et que, pour cela, la mission du commissaire de justice doit être limitée, d'une part par l'usage de mots clés permettant de restreindre sa recherche aux seuls documents réellement pertinents, d'autre part en ce qui concerne son étendue qui doit se borner à des constatations matérielles en excluant toute interprétation juridique.

M. [R] et la société PR Finance & Participation soutiennent que la mission de l'huissier désigné n'a été limitée ni dans son objet ni dans le temps et qu'elle dépasse les pouvoirs qui peuvent être légalement dévolus à un commissaire de justice.

10. L'intimée réplique que la mission du commissaire de justice est délimitée au recueil de documents juridiques et comptables, à l'exception de tout autre document, et qu'il est laissé la possibilité à M. [R] et à la société PR Finance & Participation de s'opposer à la divulgation de tout document si cela devait porter atteinte à l'intimité de la vie privée ou au secret des affaires.

La société CP&A Investment soutient que les termes employés dans l'ordonnance ne définissent pas une mission dévolue au commissaire de justice mais précisément à la partie requérante, un expert ou à un juge, après l'apurement du litige concernant la divulgation de ces documents, de sorte qu'aucun pouvoir d'interprétation n'a été laissé au commissaire de justice.

L'intimée conclut que l'ordonnance rendue est mesurée et protectrice des intérêts des appelants, ce qui est établi par le fait que ceux-ci, utilisant la possibilité qui leur a été donnée de s'opposer à la divulgation des documents relatifs à la vie privée ou au secret des affaires, s'opposent en réalité à la divulgation de la totalité des documents saisis par les commissaires de justice.

Sur ce,

11. L'ordonnance du 19 décembre 2022 définit la mission de la société Lacaze et Crespy, commissaire de justice, en ces termes :

« Désigne (...) afin de se rendre au [Adresse 2] à [Localité 3], siège de la société PR Finance & Participation et domicile de son président Monsieur [C] [R], société ayant cédé son fonds de commerce à la société requérante, et à y pénétrer pour dresser un procès-verbal descriptif de constat des documents juridiques (contrats notamment) et comptables (devis et factures) permettant de vérifier la violation ou le respect par Monsieur [C] [R], à titre personnel ou en qualité de Président de la société PR Finance & Participation ou d'une autre entreprise créée par lui, de ses obligations de non-concurrence découlant de la cession de fonds de commerce conclue le 28 octobre 2016 ;

- enjoint à Monsieur [C] [R] d'indiquer aux commissaires de justice le nom de la société d'hébergement ou logiciel d'hébergement de ses données et des sociétés qu'il dirige, l'identifiant et le mot de passe d'accès à cet hébergement extérieur, ainsi que l'identifiant et mot de passe d'accès à ses ordinateurs et des sociétés qu'il dirige ;

- dit que le commissaire de justice instrumentaire devra se faire assister par un expert informatique, agréé par la cour d'appel de Bordeaux ou par une autre cour d'appel ou par la Cour de cassation ;

- autorise le commissaire de justice à consigner toutes déclarations faites au cours des opérations en relation avec sa mission, mais en s'abstenant de toutes interpellation autres que celles nécessaires à l'accomplissement de celle-ci ;

- dit que l'ensemble des éléments (documents, supports informatiques et/ou tous autres produits) recueillis par le commissaire de justice constatant sera conservé par lui, en séquestre, jusqu'à ce qu'il en soit autrement ordonné, par décision de justice contradictoire ou jusqu'à accord amiable entre les parties ;

- dit que le commissaire de justice communiquera à la partie auprès de laquelle il les aura obtenus à l'issue de sa mission, sur un support informatique adapté, une copie des pièces séquestrées, afin que cette dernière puisse sélectionner ceux des seuls éléments, pièces, à la communication desquelles elles s'opposent au titre du secret professionnel, des affaires ou du respect de la vie privée ;

- dit que le requérant devra mandater le commissaire de justice dans un délai de 1 mois à compter de l'ordonnance et que celui-ci devra instrumenter dans les 3 mois ;

- dit qu'il nous en sera référé en cas de difficultés ;

- dit que le commissaire de justice pourra bénéficier du concours de la force publique dans les conditions définies au code des procédures civiles d'exécution ;

- dit que le commissaire de justice dressera un procès-verbal de ses constatations dans les 8 jours de ses opérations qu'il devra déposer au greffe de ce tribunal ;

- dit que le requérant supportera provisoirement la charge des frais de la mesure d'instruction.»

12. Il résulte des termes de ce dispositif que si les documents comptables à recueillir sont expressément désignés, il n'en va pas de même des documents juridiques, en raison de l'emploi de l'adverbe 'notamment'.

De surcroît, l'assiette du recueil de ces documents n'est pas précisément définie, l'ordonnance n'ayant pas guidé le commissaire de justice à cet égard, qu'il s'agisse de la marque cédée ou du nom de clients ou de comptes cédés, dont l'identité est pourtant connue de la cessionnaire.

L'absence de mots clés mentionnés à l'ordonnance litigieuse a pour conséquence soit de contraindre le commissaire de justice à procéder par lui-même à l'évaluation des documents pertinents, soit de recueillir la totalité des pièces détenues par les appelants dans le cadre de leur activité commerciale.

13. Une telle mission, donnée dans un cadre non contradictoire, qui n'est pas circonscrite dans son objet, n'est dès lors pas proportionnée au but poursuivi par la société CP&A Investment, lequel est la recherche des éléments relatifs à l'utilisation de la marque 'Ingefin' et à la poursuite de relations commerciales entre les cessionnaires et les clients cédés.

14. Il y a donc lieu d'infirmer l'ordonnance prononcée le 24 octobre 2023 et, statuant à nouveau, de rétracter les ordonnances sur requête en date du 14 novembre 2022 et du 19 décembre 2022, de constater la nullité du procès-verbal de constat et d'ordonner la destruction des éléments recueillis en exécution de ces ordonnances.

L'intimée, partie succombante tenue aux dépens, sera condamnée à payer à l'appelante la somme de 2.000 euros en indemnisation des frais irrépétibles de celle-ci.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire en dernier ressort,

Dans les limites de sa saisine,

Révoque l'ordonnance de clôture et prononce la clôture des débats au jour des plaidoiries, avant l'audience.

Infirme l'ordonnance prononcée le 24 octobre 2023 par la présidente du tribunal de commerce de Bordeaux.

Statuant à nouveau,

Rétracte les ordonnances du 14 novembre 2022 et du 19 décembre 2022 prononcées par la présidente du tribunal de commerce de Bordeaux.

Constate la nullité des mesures de saisie qui ont pu être pratiquées en vertu de ces ordonnances, et notamment la nullité du procès-verbal de constat établi le 16 mars 2023 par la société Lacaze & Crespy, commissaire de justice, [Adresse 1],

Ordonne à la société Lacaze et Crespy, commissaire de justice, de détruire l'ensemble des éléments recueillis, ce sur tout support, d'en justifier dans un délai de cinq jours suivant la signification du présent arrêt, et de remettre à Monsieur [R] et la société PR Finance et Participation les deux clés USB en sa possession.

Y ajoutant,

Condamne la société CP&A Investment à verser à Monsieur [C] [R] et la société PR Finance & Participation la somme globale de 2.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société CP&A Investment à payer les dépens de l'appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 23/05157
Date de la décision : 19/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-19;23.05157 ?
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