La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/06/2024 | FRANCE | N°22/02595

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 4ème chambre commerciale, 10 juin 2024, 22/02595


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE



--------------------------







ARRÊT DU : 10 JUIN 2024









N° RG 22/02595 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MXF5







CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL D'AQUITAINE



c/



Monsieur [V] [U]

S.A.R.L. AZUR MARINE MEDOC























Nature de la décision : AU FOND











>


















Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 mai 2022 (R.G. 2021F00126) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 31 mai 2022





APPELANTE :



CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL D'AQUITAINE, agi...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 10 JUIN 2024

N° RG 22/02595 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MXF5

CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL D'AQUITAINE

c/

Monsieur [V] [U]

S.A.R.L. AZUR MARINE MEDOC

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 mai 2022 (R.G. 2021F00126) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 31 mai 2022

APPELANTE :

CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL D'AQUITAINE, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 1]

Représentée par Maître Sylvaine BAGGIO de la SELARL C.A.B., avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

Monsieur [V] [U], né le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 5] (92), de nationalité Française, demeurant [Adresse 4]

Représentée par Maître Annie TAILLARD de la SCP ANNIE TAILLARD AVOCAT, avocat au barreau de BORDEAUX, et assisté de Maître Karola WOLTERS CHRISTOFOLI, avocat au barreau de BEZIERS

S.A.R.L. AZUR MARINE MEDOC, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 3]

Non représentée, assignée selon procès-verbal de recherches infructueuses (article 659 du code de procédure civile)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 avril 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,

Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,

Madame Sophie MASSON, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

- par défaut

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

Le 13 janvier 2016, la société Crédit Agricole d'Aquitaine (ci-après la banque) a consenti à la SARL unipersonnelle Azur Marine Médoc, ayant pour activité la maintenance nautique et la vente de bateaux de plaisance, une ouverture de crédit en compte courant d'un montant de 25 000 euros à un taux d'intérêt de 4,17%.

Par le même acte, M. [U], gérant de la société, s'est porté caution solidaire des engagements de celle-ci dans la limite de 32 500 euros.

M. [U] a démissionné de ses fonctions de gérant en 2018.

Par courrier en date du 23 décembre 2019, la banque a dénoncé à la société Azur Marine Médoc la ligne d'ouverture de crédit en compte courant et a mis en demeure cette dernière de régulariser la situation dans les 60 jours. Elle a informé la caution de cette dénonciation par courrier du même jour.

Par courrier du 2 mars 2020, la banque a mis en demeure la société Azur Marine Médoc de lui régler la somme de 32 070,76 euros au titre du solde du compte courant. Le même jour, la même mise en demeure a été adressée à la caution.

Par actes des 21 et 28 janvier 2021, la société caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Aquitaine a assigné M, [U] et la société Azur Marine Medoc en paiement de sa créance.

Par jugement réputé contradictoire du 3 mai 2022, le tribunal de commerce de Bordeaux a statué comme suit :

Constate la non-comparution de la société Azur Marine Medoc SARL ;

Déboute la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel d'Aquitaine de sa demande à l'encontre de Monsieur [V] [U] en raison de la disproportion entre ses engagements donnés à la banque et ses biens et revenus,

Condamne la société Azur Marine Medoc SARL à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel d'Aquitaine la somme de 35.584,09 euros avec intérêts à 4,17 % à compter du 3 mars 2021,

Ordonne la capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil,

Déboute Monsieur [V] [U] de sa demande au titre de la production par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel d'Aquitaine des actes de caution depuis 2013 ainsi que de l'astreinte de 500,00 euros par jour de retard,

Déboute Monsieur [V] [U] de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 35.000,00 euros relative à la carence fautive de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel d'Aquitaine,

Condamne la société Azur Marine Medoc SARL à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel d'Aquitaine la somme de 900 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Aquitaine à payer à Monsieur [V] [U] la somme de 1.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Azur Marine Medoc SARL aux entiers dépens.

Par déclaration au greffe du 31 mai 2022, la société Caisse régionale de crédit agricole a relevé appel du jugement.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par dernières écritures notifiées par message électronique le 2 janvier 2023, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Aquitaine demande à la cour de :

Vu les articles 1103, 1104, 1217, 1231 à 1231-7, 1344 à 1344-2, 2288 et suivants du code civil,

Infirmer le jugement du tribunal de commerce du 5 mai 2022 en ce qu'il a débouté la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel d'Aquitaine de sa demande de condamnation à paiement de M. [V] [U] en sa qualité de caution de la Sarl Azur Marine Medoc et en ce qu'il a condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel d'Aquitaine à verser une indemnité article 700 de 1.000 euros à M. [V] [U] ;

En conséquence, condamner solidairement la SARL à associé unique Azur Marine Médoc et M. [V] [U] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel d'Aquitaine la somme de 35.584,09 euros, avec intérêts à 4,17 % à compter du 3 mars 2021, dans la limite de 32.500 euros s'agissant de M. [V] [U] ;

Confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts et dire que son point de départ est le 21 janvier 2021, date de l'assignation, en application de l'article 1343-2 du code civil ;

Condamner solidairement la SARL à associé unique Azur Marine Médoc et M. [V] [U] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel d'Aquitaine la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Les condamner solidairement aux entiers dépens.

Par dernières écritures notifiées par message électronique le 4 avril 2024, auxquelles la cour se réfère expressément, M. [V] [U] demande à la cour de :

Vu les pièces versées au débat

Vu le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 5 mai 2022 dont appel

Vu les articles L332-1 et L 343-4 du code de la consommation

Vu les articles L313.22 du code monétaire et financier

Vu les articles 1104 et 1130 du code civil

Vu l'article 1343.5 du code civil

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la banque de ses demandes en paiement de la caution ;

Constater le caractère excessif des cautionnements souscrits par Monsieur [U] ;

Constater l'absence de communication des actes de cautions sollicitées par courriel officiel du conseil de Monsieur [U] le 6 janvier 2022 de transmettre ces différents actes de cautionnements ;

Par conséquent :

Confirmer la décharge de la caution en l'état de la disproportion du cautionnement souscrit le 13 janvier 2016 ;

Débouter la banque de ses demandes injustes et infondées à l'encontre de Monsieur [U] ;

Accueillir l'appel incident de Monsieur [U] s'agissant du chef de demande critiquées à savoir la condamnation à 35 000 euros à titre de dommages et intérêts et la décharge des intérêts et indemnités de la caution ;

Infirmer le jugement entrepris sur ce point ;

Et statuant à nouveau :

Condamner la Caisse régionale du crédit agricole Mutuel d'Aquitaine à lui verser une somme de 35 000 euros à titre de dommages et intérêts correspondant au préjudice subi consistant en la perte de chance de pouvoir actionner la SARL Azur Medoc.

Procéder à l'éventuelle compensation de cette somme avec les sommes qui seraient dues par Monsieur [U] en tant que caution

Vu les articles L 313-22 du code monétaire et financier et L 341-6 du code de la consommation,

Constater l'absence d'information annuelle de la caution ;

Dire et juger que la caution sera déchargée des intérêts et de l'indemnité de recouvrement de 2000 euros ;

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la Caisse régionale du crédit agricole Mutuel d'Aquitaine à lui verser 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés devant le tribunal de commerce de Bordeaux.

Y ajoutant,

Condamner la Caisse régionale du crédit agricole Mutuel d'Aquitaine au paiement de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Subsidiairement :

Accorder à Monsieur [U] les plus larges délais de paiement soit 2 années pour s'acquitter de toute somme restant due à la banque.

Dire et juger que les sommes dues porteront intérêt au taux légal ;

Débouter la banque de toutes ses autres demandes à l'encontre de Monsieur [U].

La société Azur Marine Médoc à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 1er août 2022 et les conclusions le 20 octobre 2022 selon procès-verbaux de recherches infructueuses n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 avril 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 29 avril 2024, date à laquelle elle a été plaidée et mise en délibéré.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le caractère manifestement disproportionné du cautionnement :

1-Aux termes des dispositions de l'article L.341-4 ancien du code de la consommation, en vigueur à la date de l'engagement et devenu l'article L.343-4 à compter du 1er juillet 2016, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

2- Ce texte est applicable à toute caution personne physique, qu'elle soit ou non commerçante ou dirigeante de société. La sanction de la disproportion est non pas la nullité du contrat, mais l'impossibilité pour le créancier de se prévaloir du cautionnement.

3- Il appartient à la caution de prouver qu'au moment de la conclusion du contrat, son engagement était manifestement disproportionné à ses biens et revenus. L'appréciation de la disproportion se fait objectivement, en comparant, au jour de l'engagement, le montant de la dette garantie avec les biens et revenus de la caution tels que déclarés par elle, dont le créancier, en l'absence d'anomalies apparentes, n'a pas à vérifier l'exactitude.

4- Un cautionnement est disproportionné si la caution ne peut manifestement pas y faire face avec ses biens et revenus.

5- La disproportion manifeste du cautionnement s'apprécie au regard de la capacité de la caution à faire face, avec ses biens et revenus, non à l'obligation garantie, selon les modalités de paiement propres à celle-ci, mais au montant de son propre engagement.

6- Il incombe au créancier professionnel qui entend se prévaloir d'un contrat de cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion aux biens et revenus de la caution, personne physique, d'établir que, au moment où il appelle la caution, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation.

7- En l'espèce, la banque soutient que les premiers juges ont à tort retenu que le cautionnement était manifestement disproportionné lors de sa conclusion. En tout état de cause, la caution qui dispose de revenus réguliers et qui demeure propriétaire indivis de sa résidence principale pouvait faire face à son engagement à hauteur de 32 500 euros à la date à laquelle il a été appelé.

8- M. [U] affirme que son cautionnement était manifestement disproportionné compte tenu des deux précédents cautionnements souscrits à hauteur de 125 000 euros et pour 110 000 euros auprès de la même banque, outre un cautionnement à hauteur de 300 000 euros. Il affirme en outre que la banque ne rapporte pas la preuve qu'il pouvait faire face à ses engagements à la date de l'assignation, car elle refuse toujours de communiquer les autres cautionnements qu'il avait souscrits.

Sur ce :

9- Il est produit une fiche de renseignements remplie par la caution à la demande de la banque.

10- Il conviendra en premier lieu de relever que cette fiche ne comporte pas de mention relative aux revenus de la caution.

11- M. [U] indique en page 5 de ses conclusions qu'il justifie, par la production de sa pièce 11, de ses revenus pour l'année 2015 à hauteur de 8983 euros annuels, le cautionnement ayant été conclu le 13 janvier 2016.

12- Or, sa pièce 11, intitulée par erreur IR 2017, comportent deux pièces distinctes:

- l'avis d'imposition 2016 sur les revenus 2015 de sa compagne,

- son avis d'imposition 2017 sur ses revenus 2016.

13- Cette pièce, qui n'apporte à la cour que des renseignements sur les revenus de la caution postérieurs à la date de souscription du cautionnement litigieux, ne peut dès lors être retenue.

14- M. [U] produit en outre une pièce 17, intitulée bulletin de salaires 2015, dont il ne fait pas état dans ses conclusions. Cette pièce concerne cependant ses salaires de novembre et décembre 2021 et n'éclaire pas la cour sur ses revenus en 2015.

15- Ses pièces, qui apparaissent être identiques à celles produites en première instance, ne permettent pas à la cour de connaître les revenus de la caution en 2015, seuls revenus à prendre en compte pour évaluer le caractère disproportionné du cautionnement donné à hauteur de 32 500 euros le 13 janvier 2016.

16- Dès lors, sans qu'il y ait lieu de déterminer le montant des précédents cautionnements à prendre en compte dans le calcul de son endettement, il sera jugé que la caution ne rapporte pas la preuve du caractère manifestement disproportionné de son cautionnement. La demande de ce chef sera écartée.

17- La décision de première instance sera infirmée.

Sur l'information annuelle de la caution :

18- Il résulte des dispositions de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier dans sa version applicable à ce litige que les établissements de crédit ou les sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.

Le défaut d'accomplissement de la formalité prévue à l'alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.

19- Le texte susvisé n'impose aucune règle à l'établissement de crédit pour informer la caution. Cette dernière peut dès lors être informée par courrier simple. L'établissement de crédit doit néanmoins prouver par tous moyens la preuve de l'envoi de cette information. Le texte ne lui impose pas d'établir la preuve de sa réception.

20 - Il est produit aux débats une copie des différents courriers d'information adressés par la banque à la caution de 2017 à la date de l'assignation. La banque justifie en outre de l'envoi de ses courriers par la production de procès-verbaux dressés par un huissier de justice chaque année de 2016 à 2020.

21- La caution ne justifie ainsi pas que la banque n'a pas rempli son obligation d'information. Elle sera déboutée de sa demande sur ce fondement.

Sur les sommes dues par la caution :

22- Il convient de condamner solidairement la société Azur Marine Médoc et M. [V] [U] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel d'Aquitaine la somme de 35.584,09 euros correspondant au solde du compte courant majorée d'une indemnité de recouvrement de 2000 euros, avec intérêts à 4,17 % à compter du 3 mars 2021, dans la limite de 32.500 euros s'agissant de M. [V] [U].

Sur la demande de dommages et intérêts formée par la caution en raison de 'la carence fautive' de la banque :

23- La caution reproche à la banque d'avoir manqué à son obligation de conseil en ne prenant pas de garantie auprès du nouveau gérant de la société Azur Marine Médoc et en ne sollicitant pas que celui-ci lui transmette les comptes annuels. Il affirme qu'il appartenait à la banque de l'informer des incidences de sa démission en mars 2018. Elle soutient que le laxisme de la banque, qui n'était même pas informée de la cessation d'activité de la société, lui a causé un préjudice constitué par une perte de chance de ne pas être appelée en tant que caution qui justifie que celle-ci soit condamnée à lui régler la somme de 35 000 euros.

24- La banque rétorque qu'il appartenait à M. [U] de faire le nécessaire auprès du nouveau gérant afin d'obtenir une novation de garantie. Elle ajoute en outre qu'aucune faute de négligence ne peut lui être imputée.

Sur ce :

25- La banque a une obligation de non-immixtion dans les affaires de sa cliente. Dès lors, elle ne peut exiger que celle-ci lui communique ses comptes annuels. Il ne lui appartient pas non plus de conseiller le gérant sur les effets de sa démission, seul celui-ci pouvant prendre l'initiative d'une novation de garantie qui ne peut en aucun cas être imposée par la banque au nouveau gérant. Il n'est pas établi enfin que la banque ait laissé perdurer le dépassement de découvert pendant une période excessive.

26- M. [U] n'établit ainsi pas une faute de la banque. Il sera débouté de sa demande.

Sur la demande de délais de paiement:

27- M. [U] sollicite un délai de deux ans pour s'acquitter de la dette. La banque s'y oppose aux motifs que M. [U] a déjà bénéficié de larges délais de fait, ne fait aucune offre de paiement et n'indique pas en quoi il serait plus à même de faire face à son obligation dans quelques mois plutôt qu'immédiatement.

28- M. [U] a effectivement déjà bénéficié de larges délais de paiement. Il ne formule aucune proposition de règlement concrète et ne justifie pas que ses ressources et ses charges sont susceptibles de lui permettre de régler sa dette dans un délai de deux ans. Il sera dès lors débouté de cette demande.

Sur les demandes accessoires :

29- M. [U] qui succombe sera condamné aux dépens de première instance et d'appel solidairement avec la société Azur Marine Médoc.

30- Il sera condamné solidairement avec la société Azur Marine Médoc à verser la somme de 2000 euros à la société Crédit Agricole d'Aquitaine au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

statuant publiquement, par décision par défaut et en dernier ressort,

Infirme la décision du tribunal de commerce de Bordeaux du 3 mai 2022 dans ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'elle a :

- ordonné la capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil,

- débouté Monsieur [V] [U] de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 35.000,00 euros relative à la carence fautive de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel d'Aquitaine,

et statuant à nouveau,

Condamne solidairement la société Azur Marine Médoc et M. [V] [U] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel d'Aquitaine la somme de 35.584,09 euros avec intérêts à 4,17 % à compter du 3 mars 2021, dans la limite de 32.500 euros s'agissant de M. [V] [U],

Déboute M. [V] [U] de sa demande de déchéance du droit aux intérêts,

Déboute M. [V] [U] de sa demande de délais de paiement,

y ajoutant,

Condamne M. [V] [U] aux dépens de première instance et d'appel in solidum avec la société Azur Marine Médoc,

Condamne in solidum M. [V] [U] et la société Azur Marine Médoc à verser la somme de 2000 euros à la société Crédit Agricole d'Aquitaine au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 22/02595
Date de la décision : 10/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-10;22.02595 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award