La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/05/2024 | FRANCE | N°24/02188

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 2ème chambre civile - hsc, 13 mai 2024, 24/02188


JURIDICTION DU

PREMIER PRÉSIDENT



2ème CHAMBRE

---------------------------



Recours en matière

d'Hospitalisations

sous contrainte

--------------------------



Monsieur [H] [V]



C/



CENTRE HOSPITALIER DE [Localité 3]

--------------------------



N° RG 24/02188 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-NYIB

--------------------------



du 13 MAI 2024

--------------------------







































Notifications



le :





Grosse délivrée



le :









ORDONNANCE

--------------





Rendue par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au de...

JURIDICTION DU

PREMIER PRÉSIDENT

2ème CHAMBRE

---------------------------

Recours en matière

d'Hospitalisations

sous contrainte

--------------------------

Monsieur [H] [V]

C/

CENTRE HOSPITALIER DE [Localité 3]

--------------------------

N° RG 24/02188 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-NYIB

--------------------------

du 13 MAI 2024

--------------------------

Notifications

le :

Grosse délivrée

le :

ORDONNANCE

--------------

Rendue par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Le 13 MAI 2024

Nous, Valérie COLLET, Conseillère à la cour d'appel de Bordeaux, désignée en l'empêchement légitime du premier président par ordonnance du 08 décembre 2023 assistée de François CHARTAUD, Greffier ;

ENTRE :

Monsieur [H] [V], né le 04 Décembre 1981 à [Localité 2] (78), actuellement hospitalisé au CH de [Localité 3]

assisté de Maître Aurélie TESTU, avocat au barreau de BORDEAUX

régulièrement avisé, comparant à l'audience, accompagné d'un personnel soignant,

Appelant d'une ordonnance (R.G. 24/000197) rendue le 30 avril 2024 par le Juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de PERIGUEUX suivant déclaration d'appel du 06 mai 2024

d'une part,

ET :

CENTRE HOSPITALIER DE [Localité 3], demeurant [Adresse 1]

régulièrement avisés, non comparants à l'audience,

Intimé,

d'autre part,

Le Ministère Public, en ses réquisitions écrites en date du 07 mai 2024,

Avons rendu publiquement l'ordonnance réputée contradictoire suivante après que la cause a été appelée devant nous, assistée de François CHARTAUD, greffier, en audience publique, le 10 Mai 2024

LES FAITS ET LA PROCÉDURE

Vu la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge, modifiée par la loi n° 2013-869 du 27 septembre 2013,

Vu le décret n° 2011-846 du 18 juillet 2011 relatif à la procédure judiciaire de mainlevée ou de contrôle des mesures de soins psychiatriques, modifié par le décret n°2014-897 du 15 août 2014,

Vu le code de la santé publique et notamment les articles L.3211-2-2, L 3211-12-1, L 3211-12-2, L 3212-1 et suivants, les articles R 3211-8, R 3211-27 et R 3211-28,

Vu l'admission de Monsieur [H] [V], né le 4 décembre 1981 à [Localité 2] (78), en hospitalisation complète par décision du directeur du Centre Hospitalier de [Localité 3], en date du 19 avril 2024 à 14h00,

Vu la requête du directeur du Centre hospitalier de [Localité 3], reçue au greffe du juge des libertés et de la détention de [Localité 3] le 25 avril 2024, aux fins de voir statuer avant l'expiration du délai de 12 jours sur la poursuite de l'hospitalisation complète de Monsieur [H] [V];

Vu les pièces jointes à la dite requête et notamment les certificats médicaux établis en application de l'article L 3211-2-2 du code de la santé publique ainsi que l'avis motivé établi en application des dispositions de l'article L 3211-12-1 du même code,

Vu l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Périgueux en date du 30 avril 2024 prononçant le maintien de M. [H] [V] en hospitalisation complète,

Vu l'appel formé par Monsieur [H] [V] reçu au greffe le 3 mai 2024 à 13h58,

Vu la convocation des parties à l'audience du 10 mai 2024,

Vu l'avis médical du docteur [K] [B], en date du 7 mai 2024, conformément aux dispositions de l'article L 3211-12-4 du code de la santé publique,

Vu les réquisitions du ministère public en date du 7 mai 2024 aux fins de confirmer l'ordonnance entreprise,

A l'audience publique,

Le ministère public n'était pas représenté mais avait pris les réquisitions écrites susvisées,

Il a été donné connaissance des réquisitions du ministère public et du contenu de l'avis médical établi le 7 mai 2024 par le Docteur [B],

Monsieur [H] [V] sollicite la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète expliquant qu'il prend ses médicaments depuis 15 jours, qu'il avait arrêté de les prendre car il n'y était pas obligé et qu'il souhaite sortir d'hospitalisation car son AAH a été diminuée.

Entendu Maître Testu, avocat au Barreau de Bordeaux, en sa plaidoirie aux termes de laquelle elle sollicite l'infirmation de l'ordonnance querellée et le prononcé de la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète. Elle soutient en substance, en se fondant sur les dispositions de l'article L.3211-2-2 du code de la santé publique, que le certificat médical de 72h a été établi, en réalité, à 73h de l'heure d'admission de M. [H] [V] au sein de l'établissement et que cette tardiveté a nécessairement fait grief à son client. Elle ajoute que ce même certificat ne caractérise aucun trouble mental rendant impossible le consentement de M. [H] [V] et qu'il ne caractérise pas plus la nécessité d'une surveillance médicale constante.

Monsieur [H] [V] a eu la parole en dernier,

Il a été indiqué à l'audience que la décision serait rendue le lundi 13 mai 2024 à 16h00.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'article L. 3211-2-2 du code de la santé publique dispose :

« Lorsqu'une personne est admise en soins psychiatriques en application des chapitres II ou III du présent titre, elle fait l'objet d'une période d'observation et de soins initiale sous la forme d'une hospitalisation complète.

Dans les vingt-quatre heures suivant l'admission, un médecin réalise un examen somatique complet de la personne et un psychiatre de l'établissement d'accueil établit un certificat médical

constatant son état mental et confirmant ou non la nécessité de maintenir les soins psychiatriques au regard des conditions d'admission définies aux articles L. 3212-1ou L. 3213-1. Ce psychiatre ne peut être l'auteur du certificat médical ou d'un des deux certificats médicaux sur la base desquels la décision d'admission a été prononcée.

Dans les soixante-douze heures suivant l'admission, un nouveau certificat médical est établi dans les mêmes conditions que celles prévues au deuxième alinéa du présent article.

Lorsque les deux certificats médicaux ont conclu à la nécessité de maintenir les soins psychiatriques, le psychiatre propose dans le certificat mentionné au troisième alinéa du présent article la forme de la prise en charge mentionnée aux 1° et 2° du I de l'article L.3211-2-1 et, le cas échéant, le programme de soins. Cette proposition est motivée au regard de l'état de santé du patient et de l'expression de ses troubles mentaux. »

Cet article prévoit qu'à compter de la décision d'admission en soins psychiatriques sans consentement, une période d'observation s'ouvre, durant laquelle le patient est en hospitalisation complète.

Cette période a pour finalité de déterminer si la mesure continue de se justifier et, le cas échéant, la forme qu'elle doit prendre.

Elle donne lieu à un examen somatique dans les 24h ainsi qu'à la rédaction par un psychiatre de l'établissement d'accueil de deux certificats médicaux constatant l'état mental du patient et confirmant ou non la nécessité de maintenir les soins. Si les deux certificats concluent à une telle nécessité, le second certificat préconise la forme des soins (hospitalisation complète ou programme de soins).

Selon les termes mêmes de l'article L. 3211-2-2 du code de la santé publique, le premier certificat doit être établi « dans les 24 h », le second « dans les 72 h ».

Le point de départ des délais des 24 et 72 h impartis pour constater la nécessité du maintien de la mesure est la date de la décision d'admission, quel que soit le lieu de prise en charge (1re Civ., 20 novembre 2019, pourvoi n°18-50.070).

Les délais des 24 et 72 h dans lesquels les certificats médicaux de la période d'observation doivent être établis se calculent d'heure à heure et en l'absence de respect de ces délais, la mainlevée de la mesure ne peut être prononcée que s'il en était résulté une atteinte aux droits de la personne, conformément à l'article L. 3216-1, alinéa 2, du code de la santé publique (1re Civ., 26 octobre 2022, pourvoi n°20-22.827 , publié).

Il convient, en effet, de rappeler que, selon l'article L. 3216-1, alinéa 2, du code de la santé publique, l'irrégularité affectant les décisions administratives de soins psychiatriques sans consentement n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet, l'appréciation du critère de l'atteinte aux droits du malade relevant du pouvoir d'appréciation souveraine des juges du fond (1re Civ., 15 octobre 2020, pourvoi n°20-15.691).

En l'espèce, la décision d'admission de M. [V] au Centre hospitalier de [Localité 3] date du 19 avril 2024 à 14h. Or, le certificat médical dit des 72h a été rédigé le 22 avril 2024 à 15h00 soit 73h après l'admission de M. [V] au Centre Hospitalier de [Localité 3]. Ce certificat médical a donc été établi tardivement.

Cependant, contrairement à ce que soutient le conseil de M. [V], l'établissement avec une heure de retard du certificat médical dit des 72h ne fait pas nécessairement grief au patient. Or, la cour ne peut que constater que M. [V] ne démontre ni même n'allègue une quelconque atteinte à ses droits résultant de la tardiveté du second certificat médical. Le moyen tiré de la tardiveté du certificat médical de 72h ne permet donc pas d'ordonner la mainlevée de l'hospitalisation complète de M. [V].

S'agissant du second moyen soutenu par M. [V], il est rappelé qu'aux termes de l'article L 3212-1 du code de la santé publique, une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L 3222-1 du même code que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement,

2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° de l'article L 3211-2-1.

Le directeur de l'établissement prononce la décision d'admission lorsqu'il s'avère impossible d'obtenir une demande dans les conditions prévues au 1° du présent II et qu'il existe, à la date d'admission, un péril imminent pour la santé de la personne, dûment constaté par un certificat médical établi dans les conditions prévues au troisième alinéa du même 1°. Ce certificat constate l'état mental de la personne malade, indique les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins.

Aux termes de l'article L 3211-12-1 du même code, l'hospitalisation complète d'un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le directeur de l'établissement, ait statué sur cette mesure avant l'expiration d'un délai de douze jours à compter de l'admission.

En l'espèce, le certificat médical initial établi par le Docteur [L] [C], le 19 avril 2024, fait état de ce que M. [V] était hospitalisé depuis plusieurs mois pour un trouble psychiatrique chronique et que depuis 3 jours, il refusait de prendre ses traitements ce qui a généré chez le patient une 'tension intérieure, une agitation psychomotrice à l'entretien. Aucune conscience de la pathologie. Insomnie sans fatigue. Logorrhée. Agressivité envers l'équipe soignante.'

Dans le certificat médical de 24h, du 20 avril 2024 à 11h50, le Dr [R] [W] rappelle tout d'abord l'état clinique du patient lors de son admission puis explique que M. [V] est 'moins tendu qu'à son admission dans le service', qu'il ne montre plus d'agitation psychomotrice, qu'il se montre coopérant et plus compliant pour la prise du traitement, sans agressivité et dans l'acceptation de la prise des médicaments. Le médecin note toutefois que M. [V] n'a toujours pas conscience de sa maladie et de la nécessité de poursuivre des soins de sorte que malgré l'amélioration progressive des troubles, l'équilibre était encore 'précaire' avec des risques de comportement inadapté avec mise en danger. Le médecin conclut alors au maintien de l'hospitalisation complète pour continuer l'observation clinique, adapter le traitement et mettre en place un projet de soins adapté.

Le Dr [K] [B], dans son certificat médical de 72h, établi le 22 avril 2024 à 15h, rappelle l'état clinique de M. [V] lors de son admission, puis son évolution clinique, tout en indiquant que si les traitements habituels ont pu être remis en route, l'état clinique du patient reste fragile. Il insiste sur le fait que l'absence de conscience de ses troubles par M. [V] est à l'origine de son arrêt des traitements, ce qui doit conduire, selon le médecin, à maintenir l'hospitalisation complète du patient sans son consentement.

Enfin, dans son avis médical motivé du 7 mai 2024, le Dr [B] indique que M. [V] est connu pour un trouble schizoaffectif pour lequel il est suivi depuis la fin de son adolescence, précisant que lors de son admission, l'intéressé présentait un tableau maniaque franc. Il ajoute que M. [V] a commencé par refuser le traitement ce qui a aggravé son état maniaque (manifesté par un état désinhibé, familier, euphorique). Il explique que M. [V] 'manifeste toujours un syndrome maniaque franc qui nécessite et justifie clairement la poursuite des soins sans consentement' et que le maintien en hospitalisation complète sans consentement est toujours nécessaire.

Il résulte de ce qui précède que le péril imminent retenu par le directeur de l'établissement hospitalier est caractérisé et que les éléments médicaux, notamment, les certificats médicaux de 24h et de 72h, mentionnent clairement les troubles mentaux dont M. [V] est atteint, rendant impossible, du fait de son absence de conscience desdits troubles, son consentement et rendant nécessaires des soins immédiats assortis d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète. En effet, la prise en charge dans un cadre contenant et sécurisé s'impose encore, et ce malgré l'amélioration de l'état de son état de santé, afin de garantir l'observance des soins indispensables à son état et la mise en place d'un traitement adapté et accepté, une sortie prématurée présentant en outre un risque trop important de rechute.

Il convient dès lors de confirmer l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention.

PAR CES MOTIFS

Rejette les exceptions soulevées par Monsieur [H] [V] tendant à contester la régularité de la procédure de soins sans consentement,

Confirme l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Périgueux en date du 30 avril 2024 en toutes ses dispositions,

Dit que la présente décision sera notifiée à l'intéressé, à son avocat, au directeur de l'établissement où il est soigné ainsi qu'au ministère public,

Dit que les dépens seront laissés à la charge de l'Etat.

La présente décision a été signée par Valérie COLLET, conseillère, et par François CHARTAUD, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Conseillère déléguée,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre civile - hsc
Numéro d'arrêt : 24/02188
Date de la décision : 13/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-13;24.02188 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award