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09/04/2024 | FRANCE | N°22/01613

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 4ème chambre commerciale, 09 avril 2024, 22/01613


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE



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ARRÊT DU : 09 AVRIL 2024









N° RG 22/01613 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MUGL







S.A.R.L. JDC AUTO

CAISSE REGIONALE D'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES CENTRE-ATLANTIQUE



c/



S.A.S. OBTA

CAISSE REGIONALE D'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES [Localité 9] VAL DE LOIRE























N

ature de la décision : AU FOND





























Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 mars 2022 (R.G. 2021F00027) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 31 mars 2022


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COUR D'APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 09 AVRIL 2024

N° RG 22/01613 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MUGL

S.A.R.L. JDC AUTO

CAISSE REGIONALE D'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES CENTRE-ATLANTIQUE

c/

S.A.S. OBTA

CAISSE REGIONALE D'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES [Localité 9] VAL DE LOIRE

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 mars 2022 (R.G. 2021F00027) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 31 mars 2022

APPELANTES :

S.A.R.L. JDC AUTO, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 6] - [Localité 4]

CAISSE REGIONALE D'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES CENTRE-ATLANTIQUE, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 1] - [Localité 5]

représentés par Maître Fabien DUCOS-ADER de la SELARL DUCOS-ADER / OLHAGARAY & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉES :

S.A.S. OBTA, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 3] - [Localité 4]

représentée par Maître Marie BAISY, avocat au barreau de BORDEAUX et assistée par Maître Anastasia ETMAN de l'AARPI ASKOLDS, avocat au barreau de PARIS

CAISSE REGIONALE D'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES [Localité 9] VAL DE LOIRE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 2] - [Localité 7]

représentée par Maître Christophe BAYLE de la SCP BAYLE - JOLY, avocat au barreau de BORDEAUX et assistée par Maître François Xavier RADUCANOU de la SELARL DESNOIX, avocat au barreau de TOURS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 février 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,

Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,

Monsieur Nicolas GETTLER, Vice-Président Placé,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE:

La société OBTA, exerçant sous l'enseigne Transakauto, achète et revend des voitures et véhicules automobiles légers.

Elle a confié à la société JDC Auto, aux fins de réparation, un véhicule Audi A6, immatriculé DP417ZX, dont elle avait fait l'acquisition le 27 avril 2019 pour un prix de 20000 euros, et qui présentait un bruit anormal du moteur.

Après réalisation de travaux de réparation d'une fuite d'eau et changement du turbo, pour un montant de 4776 euros, la société JDC Auto a informé la société OBTA que des réparations complémentaires seraient nécessaires pour mettre fin au bruit moteur qui demeurait perceptible.

La société OBTA a refusé de payer les réparations initiales, et le principe de réparations complémentaires.

Alors qu'il était demeuré dans les locaux de la société JDC Auto, durant la période des congés d'été, le véhicule a gravement endommagé lors d'un incendie survenu dans la nuit du 21 au 22 aout 2019.

Le sinistre a été déclaré par la société OBTA à son assureur la compagnie Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles [Localité 9] Val de Loire (ci-après également désignée Groupama [Localité 9] Val de Loire), auprès de laquelle elle avait souscrit un contrat dénommé Garassur à effet au 3 juillet 2019, pour tous les véhicules de sa flotte, et la société JDC Auto a fait de même avec son propre assureur, la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Centre-Atlantique (ci-après également désignée compagnie CRAMA Centre-Atlantique).

La compagnie Groupama [Localité 9] Val de Loire a diligenté une expertise qui a conclu à une valeur du véhicule sinistré de 18.500,00 euros TTC.

Faute d'accord entre la société OBTA et son assureur, et suite à la déchéance de garantie opposée par la compagnie Groupama Val de Loire, la société OBTA a saisi le tribunal judiciaire de Bordeaux au fond, par assignation en date du 13 octobre 2020 avant de se désister de cette instance.

Par ordonnance en date du 15 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Bordeaux a constaté l'extinction de l'instance et le dessaisissement du tribunal.

Par acte en date du 21 décembre 2020, la société OBTA a saisi le tribunal de commerce de Bordeaux de demandes indemnitaires suite au sinistre incendie de son véhicule.

Par jugement contradictoire du 10 mars 2022, le tribunal de commerce de Bordeaux a statué comme suit :

- déboute la société JDC Auto et la compagnie Groupama Centre-Atlantique de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions,

- condamne solidairement la société JDC Auto et la compagnie Groupama Centre-Atlantique à payer à la société OBTA la somme de de 18.500,00 euros,

- déboute la société OBTA de sa demande d'indemnisation au titre des frais de gardiennage,

- déboute la société OBTA de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- déboute la compagnie Groupama [Localité 9] Val de Loire de sa demande reconventionnelle,

- condamne solidairement la société JDC Auto et la compagnie Groupama Centre-Atlantique à payer à la société OBTA la somme de 2.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamne la société OBTA à payer à la compagnie Groupama [Localité 9] Val de Loire la somme de 1.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamne solidairement la société JDC Auto et la compagnie Groupama Centre-Atlantique aux entiers dépens de l'instance.

La société JDC Auto et la compagnie Groupama Centre-Atlantique ont relevé appel de cette décision par déclaration au greffe du 31 mars 2022.

La compagnie Groupama [Localité 9] Val de Loire et la société OBTA ont relevé appel incident.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:

Par dernières écritures notifiées par message électronique le 15 février 2023, auxquelles la cour se réfère expressément, la société JDC Auto et la compagnie Groupama Centre-Atlantique demandent à la cour de :

Vu les dispositions des articles 1927, 1928 et 1933 du Code civil,

Vu les articles 1103, 1104, 1231-1 et suivants du Code civil,

- réformer le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 10 mars 2022 en ce qu'il a débouté la société JDC Auto et la compagnie Groupama Centre-Atlantique de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions et les a condamnées à payer à la société OBTA la somme de 18.500,00 euros ainsi que 2.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société OBTA de ses demandes d'indemnisation au titre des frais de gardiennage et de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

- dire et juger que la société JDC Auto tenue d'une simple obligation de moyen en qualité de dépositaire n'a commis aucune faute à l'origine de la survenance de l'incendie volontaire de l'Audi A6 appartenant à la société OBTA, qui constitue une cause étrangère ;

En conséquence,

- dire et juger que l'absence de faute et la cause étrangère exonèrent le garage JDC Auto et son assureur de toutes responsabilités et indemnisations ;

- débouter la société OBTA ainsi que la compagnie Groupama [Localité 9] Val de Loire de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions formulées à l'encontre de la compagnie Groupama Centre Atlantique ;

- condamner la société OBTA ou toute partie succombante à verser à la compagnie Groupama Centre Atlantique une indemnité de 1.500,00 euros au titre des frais irrépétibles ;

- la condamner aux dépens.

Par dernières écritures notifiées par message électronique le 18 janvier 2023, auxquelles la cour se réfère expressément, la société OBTA demande à la cour de :

Vu l'article 1217, 1231-1, 1353, 1382 et 1982,

Vu l'article L. 113-5 du Code des assurances,

Vu l'article 9 du Code de procédure civile,

Vu les articles L. 112-4 et 124-3 du Code des assurances,

Vu les pièces versées au débat,

Vu la jurisprudence ci-avant précitée,

- déclarer la société JDC Auto et la compagnie Groupama Centre-Atlantique mal fondées en leur appel principal et les en débouter ;

- déclarer la compagnie Groupama [Localité 9] Val de Loire mal fondée en son appel incident, en conséquence, l'en débouter ;

- déclarer la société OBTA recevable et bien fondée en son appel incident et en ses demandes et y faire droit ;

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bordeaux le 10 mars 2022 en toutes ses dispositions favorables à la société OBTA et notamment en ce qu'il a :

* débouté la société JDC Auto et la compagnie Groupama Centre-Atlantique de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions,

* condamné solidairement la société JDC Auto et la compagnie Groupama Centre-Atlantique à payer à la société OBTA la somme de de 18.500,00 euros,

* débouté la compagnie Groupama Centre-Atlantique (erreur : en réalité, [Localité 9] Val de Loire) de sa demande reconventionnelle,

* condamné solidairement la société JDC Auto et la compagnie Groupama Centre-Atlantique à payer à la société OBTA la somme de 2.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

* condamné solidairement la société JDC Auto et la compagnie Groupama Centre-Atlantique aux entiers dépens de l'instance.

- infirmer le jugement du 10 mars 2022 du tribunal de commerce de Bordeaux en ce qu'il a :

* débouté la société OBTA de sa demande d'indemnisation au titre des frais de gardiennage,

* débouté la société OBTA de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

* condamné la société OBTA à payer à la compagnie Groupama [Localité 9] Val de Loire la somme de 1.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Et statuant à nouveau,

- condamner in solidum la compagnie Groupama Centre-Atlantique, la compagnie Groupama [Localité 9] Val de Loire et la société JDC Auto à payer à la société OBTA la somme de 18.500,00 euros au titre de son contrat d'assurance outre les intérêts capitalisés au taux légal à compter du 1er juillet 2020 jusqu'à complet paiement ;

- condamner in solidum la compagnie Groupama Centre-Atlantique et la société JDC Auto à payer à la société OBTA la somme de 7.215,48 euros (sauf à parfaire) au titre des frais de gardiennage de l'épave ;

- condamner in solidum la compagnie Groupama Centre-Atlantique et la compagnie Groupama [Localité 9] Val de Loire à payer à la société OBTA la somme de 2.000,00 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

- condamner in solidum la compagnie Groupama Centre-Atlantique, la compagnie Groupama [Localité 9] Val de Loire et la société JDC Auto à payer à la société OBTA la somme de 5.000,00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner in solidum la compagnie Groupama Centre-Atlantique et la compagnie Groupama [Localité 9] Val de Loire aux entiers dépens dont distraction sera prononcée au profit de Maître Anastasia Etman conformément au droit prévu à l'article 699 du Code de procédure civile.

Par dernières écritures notifiées par message électronique le 25 novembre 2022, auxquelles la cour se réfère expressément, la compagnie Groupama [Localité 9] Val de Loire demande à la cour de :

Vu les articles 1134 (ancien), 1231-3, 1231-6, 1302 et suivants, 1315, 1353 et 1927 et suivants du Code civil,

Vu les articles R. 114-1 et L. 113-2 et 5 du Code des assurances,

Vu les articles 9, 15, 700 du Code de procédure civile,

Vu la jurisprudence visée aux présentes,

Vu les conditions générales et particulières du contrat d'assurance,

Vu les présentes écritures recevables et bien fondées, et en conséquence,

- déclarer la JDC Auto et la compagnie Groupama Centre-Atlantique mal fondées en leur appel et les en débouter ;

- déclarer la compagnie Groupama [Localité 9] Val de Loire recevable et bien fondée en son appel incident et ses demandes, et y faire droit.

Et, en conséquence,

A titre principal,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bordeaux en ce qu'il a :

* débouté la société JDC Auto et la compagnie Groupama Centre-Atlantique de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions,

* condamné solidairement la société JDC Auto et la compagnie Groupama Centre-Atlantique à payer à la société OBTA la somme de de 18.500,00 euros,

* débouté la société OBTA de sa demande d'indemnisation au titre des frais de gardiennage,

* débouté la société OBTA de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

* condamné la société OBTA à payer à la compagnie Groupama [Localité 9] Val de Loire la somme de 1.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

* condamné solidairement la société JDC Auto et la compagnie Groupama Centre-Atlantique aux entiers dépens de l'instance.

- débouter la société JDC Auto et la compagnie Groupama Centre-Atlantique de leur appel ainsi que de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires aux présentes ;

A titre subsidiaire,

Si par extraordinaire, la cour de céans devait infirmer le jugement,

- infirmer le jugement et statuant à nouveau :

A titre principal,

- déclarer que seule la responsabilité de la société JDC Auto peut être retenue dans la survenance de ce sinistre et, en conséquence,

- déclarer qu'il revient exclusivement à la société JDC Auto et à la compagnie Groupama Centre-Atlantique, son assureur, d'indemniser la société OBTA pour ses préjudices subis ;

A titre subsidiaire,

- déclarer régulière et bien fondée la déchéance totale de garantie prononcée par la compagnie Groupama [Localité 9] Val de Loire le 24 janvier 2020 à l'encontre de la société OBTA pour le sinistre « incendie » survenu en août 2019 et en conséquence,

- débouter la société OBTA de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires aux présentes ;

A titre très subsidiaire,

- limiter l'indemnisation à laquelle pourrait prétendre la société OBTA pour le sinistre survenu au véhicule Audi, en application du contrat souscrit, à la somme de 17.132,00 euros, franchise déduite ;

- débouter la société OBTA de l'ensemble de ses demandes tendant à obtenir la prise en charge de ses frais de gardiennage, ainsi que l'allocation de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive ;

A titre infiniment subsidiaire,

- prononcer la résolution judiciaire des contrats d'assurance souscrit par la société OBTA auprès de la compagnie Groupama [Localité 9] Val de Loire pour le véhicule Audi A6 immatriculé [Immatriculation 8] et ordonner que la société OBTA doit, en conséquence, être privée de tout droit à garantie au titre du sinistre « incendie » survenu en août 2019 ;

- ordonner à la société OBTA la production du bon de réservation et des attestations établies par Monsieur [W] [F] originaux en vue d'une expertise graphologique dans le but de déterminer si Monsieur [W] [F] est le rédacteur et le signataire du bon de réservation et des attestations produites, qui sera réalisée aux seuls frais du demandeur ;

A titre reconventionnel,

- condamner la société OBTA à verser à la compagnie Groupama [Localité 9] Val de Loire la somme de 153,60 euros au titre de ses frais engagés ;

En tout état de cause,

- condamner toute partie succombante à verser à la compagnie Groupama [Localité 9] Val de Loire la somme de 4.000,00 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître Christophe Bayle, avocat aux offres de droit.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 février 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.

MOTIFS DE LA DECISION:

Sur la responsabilité de la société JDC Auto:

1- Se fondant sur les articles 1217, 1131-1 et 1932 du Code civil, la société OBTA soutient que la société JDC Auto, en sa qualité de dépositaire gardien du véhicule, est présumée responsable de toutes les conséquences dommageables du sinistre dans la mesure où elle se trouve dans l'impossibilité de restituer la chose qui lui avait été confiée et qu'elle ne rapporte pas la preuve qu'elle disposait d'un système de sécurité suffisant pour éviter le sinistre ni qu'elle avait pris les précautions nécessaires à la protection du véhicule confié.

Elle ajoute que la société JDC Auto ne peut prétendre que l'incendie criminel qui a détruit le véhicule présenterait des caractères de la force majeure.

2- La société Groupama [Localité 9] Val de Loire soutient que seule la responsabilité de la société JDC Auto peut être retenue dans la survenance du sinistre, de sorte que cette dernière est tenue à indemnisation.

Elle ajoute qu'il peut lui être reproché de ne pas avoir mis tout en 'uvre sur les mesures de sécurité destinées à éviter un tel sinistre, s'agissant d'un incendie d'origine criminelle de sorte qu'elle ne peut s'exonérer de sa responsabilité en qualité de dépositaire.

3- La société JDC Auto et la Caisse Régionale d'Assurances mutuelles agricoles centre Atlantique répliquent que toutes les préconisations nécessaires avaient été prises dans la garde de la chose déposée, et que la garagiste avait apporté les mêmes soins que ceux qu'il apporte dans la garde des choses lui appartenant; puisque le sinistre est intervenu dans un lieu clos, équipé d'une caméra de surveillance et d'un dispositif d'alarme.

Sur ce:

4- Selon les dispositions de l'article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

5- Selon les dispositions de l'article 1927 du code civil, le dépositaire doit apporter, dans la garde de la chose déposée, les mêmes soins qu'il apporte dans la garde des choses qui lui appartiennent.

6- Selon les dispositions de l'article 1929 du code civil, le dépositaire n'est tenu, en aucun cas, des accidents de force majeure, à moins qu'il n'ait été mis en demeure de restituer la chose déposée.

7- Il est constant qu'en matière de dépôt, le dépositaire salarié, quoique tenu d'une obligations de moyens, doit, en cas de détérioration de la chose déposée, prouver qu'il y est étranger, en établissant qu'il a donné à cette chose les mêmes soins qu'il aurait apportés à la garde des choses lui appartenant ou en démontrant que la détérioration est due à la force majeure.

8- En l'espèce, le véhicule Audi A6 de la société OBTA a été détruit par incendie dans le 22 aout 2019, vers 0h00, alors qu'il se trouvait stationné à l'intérieur de l'enceinte du garage exploité par la société JDC Auto, entre le bâtiment et la voie publique.

9- Il ressort des productions et en particulier du rapport d'investigation réalisé le 25 septembre 2019 par le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Gironde à la demande du Procureur de la République que le point de départ de l'incendie se situe au niveau de l'avant-droit du véhicule Audi A6, auquel il s'est d'abord propagé, avant de se communiquer au véhicule Audi A4 stationné immédiatement à côté, puis ensuite au bureau d'accueil, qui a été partiellement endommagé.

Le rapport exclut toute origine naturelle ou mécanique, et conclut que seule l'origine humaine peut être retenue.

10- Il ressort des conclusions du rapport d'expertise de la société Saretec Dommages Aquitaine, en date du 5 janvier 2019, et des constatations des services de police que le sinistre est survenu alors que le garage était fermé depuis le 2 aout 2019.

M. [K] a précisé aux enquêteurs qu'il avait disposé un rack de pneus devant les deux véhicules, et que ces derniers étaient fermés à clé, ce qui n'est pas contesté.

L'enceinte du garage était entièrement clôturée, il existait par ailleurs une surveillance par caméra-vidéo, avec un transmetteur téléphonique en direction du portable de M. [G] [K], qui a indiqué avoir été prévenu par l'alarme à 0h23 (ce qui n'est pas contesté).

Ce dispositif a d'ailleurs été détruit dans l'incendie puisque les éléments le composant figurent dans la liste des dommages, pour une valeur à neuf de 3810 euros.

Il n'apparaît pas que des précédents ou des risques particuliers auraient rendu nécessaires d'autres précautions à l'égard de ce véhicule d'occasion d'une valeur de 20000 euros.

Seule la violence de l'incendie, causé par une action criminelle, qui en une quinzaine de minutes, a embrasé les deux véhicules avant de gagner le bureau d'accueil explique le sinistre.

11- Au regard de ces circonstances, il apparaît que la société JDC Auto avait apporté à la garde du véhicule les mêmes soins qu'il aurait apportés à la garde des choses lui appartenant et les intimés ne précisent nullement en quoi ce dispositif aurait été défaillant.

La seule circonstance qu'un incendie d'origine criminelle ait pu être allumé à l'intérieur de l'enceinte du garage ne suffit pas à caractériser la défaillance du dépositaire.

12- En conséquence, la responsabilité de la société JDC Auto doit donc être écartée et la cour infirmera le jugement en ce qu'il a condamné celle-ci à indemnisation.

Sur l'action directe exercée contre la société Groupama Centre-Atlantique:

13- Dès lors que la responsabilité de la société JDC Auto est écartée, l'action directe contre son assureur, exercée sur le fondement de l'article L.124-3 du code des assurances ne peut qu'être également rejetée.

Le jugement sera donc également infirmé, en ce qu'il a fait droit à la demande exercée contre Groupama Centre Atlantique.

Sur les demandes de la société OBTA contre la société Groupama Val de Loire:

14- La société OBTA sollicite la condamnation de son assureur, la société Groupama [Localité 9] Val de Loire, à lui payer une indemnité sur le fondement du contrat d'assurance multirisques professionnels souscrit le 5 juillet 2019, au titre du risque incendie.

Elle conteste toute incohérence dans sa déclaration de sinistre ou fausse déclaration, rappelle qu'elle est présumée de bonne foi, et demande à la cour d'écarter les allégations de la compagnie d'assurances.

Elle ajoute qu'en toutes hypothèses, la clause de déchéance de garantie ne lui est pas opposable, à défaut d'être rédigée en caractères très apparents.

15- La société Groupama [Localité 9] Val de Loire conclut au rejet des demandes formées à son encontre par la société OBAT, au motif que celle-ci a commis une fausse déclaration intentionnelle en produisant des documents qui ont été rédigés par M. [S] [D] et non comme elle le prétend par M. [F], client qui aurait annulé la réservation du véhicule incendié.

Elle souligne que l'article 3.4.7 des conditions générales est opposable à l'assuré, dès lors que cette clause répond aux exigences de clarté, de précision et d'apparence requises par l'article L.112-4 du code des assurances.

Sur ce:

16- Selon les dispositions de l'article L.112-4 dernier alinéa du code des assurances,

les clauses des polices édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents.

17- L'article 3-4-7 des conditions générales du contrat d'assurance Garrasur stipule qu'en cas de fausses déclarations faites sciemment sur la nature, les causes, les circonstances d'un sinistre, l'assuré perd, pour ce sinistre, le bénéfice des garanties du contrat.

18- Le titre de l'article 3.4.7 Fausses déclarations est rédigé dans la même police et avec des caractères de même taille que le titre des autres articles.

Le texte de cet article est rédigé en caractères apparents et en gras, mais de la même taille que la typographie des autres articles des conditions générales, qui ne sont pas des clauses de nullité, déchéance ou exclusion.

De plus, il convient de relever que plusieurs mentions sont également rédigés en caractères gras dans la même page 16, et notamment à l'article 3.4.6 (Non respect des formalités), à l'article 3.4.8 (Assurances multiples), à l'article 3.4.9 (Expertise), et à l'article 3.4.10 (Délai de règlement de l'indemnité), alors que ces clauses n'instauraient pas toutes des cas de nullité, déchéance ou exclusion. Tel est ainsi le cas des articles 3.4.9 et 3.4.10, dans lesquels sont précisées en gras les délais de désignation d'un expert, ou de règlement de l'indemnité.

Enfin, et contrairement aux clauses d'exclusion générales du contrat, en pages 6 à 8, l'article 3.4.7 ne figure pas dans un encadré bleu.

19- Il en résulte qu'aucun moyen typographique suffisant n'a été mis en 'uvre pour attirer spécialement l'attention de l'assuré sur cette clause de déchéance de garantie, qui n'est donc pas mentionnée en caractère très apparents; et qui ne peut donc être utilement opposée à la société OBTA.

Sur la demande au titre de l'inexécution contractuelle:

20- A titre subsidiaire, la société Groupama centre Atlantique souligne qu'en application du principe de bonne foi issu des articles, 1103, 1104 et 1219 du code civil, elle était dispensée de faire figurer dans le contrat d'assurance une clause reproduisant les sanctions de la fausse déclaration intentionnelle du risque, et qu'elle était donc fondée à invoquer l'exception d'inexécution d'origine légale en sollicitant en l'espèce la résolution du contrat d'assurance compte tenu de la fraude commise par son assurée à l'occasion de sa déclaration du sinistre.

21- La société OBTA réplique que le contrat d'assurance est un contrat dérogatoire au droit commun protecteur de l'assuré, de sorte que la fausse déclaration du sinistre ne peut être sanctionnée que par une clause de déchéance de garantie valable et opposable.

Elle ajoute qu'à défaut, aucune sanction ne peut frapper le fraudeur, et précise que la jurisprudence invoquée par l'assureur concerne exclusivement les conséquences d'une fausse déclaration du risque et non d'une fausse déclaration de sinistre.

Elle conteste en toutes hypothèses avoir procédé à une déclaration frauduleuse.

Sur ce:

22- Il sera relevé à titre liminiaire que le tribunal n'a pas statué sur cette demande.

23- Il est constant qu'à défaut d'un commun accord, un contrat d'assurance ne peut être résilié que suivant les modalités prévues par les dispositions d'ordre public de l'article L.113-3 du code des assurances (en ce sens, Cour de cassation, Deuxième chambre civile 2 octobre 2008 / n° 07-18.327).

24- Il en résulte que la fausse déclaration commise par l'assuré sur les circonstances du sinistre ne peut donner lieu qu'à une déchéance de garantie, lorsque celle-ci est valable et opposable à l'assuré, et n'ouvre pas à l'assureur le droit de solliciter la résolution judiciaire sur le fondement de l'article 1227 du code civil.

25- En conséquence, il convient de rejeter la demande formée par la société Groupama centre Atlantique tendant à voir prononcer la résolution du contrat, au motif que l'assurée aurait produit une fausse attestation sur la situation administrative du véhicule, et en particulier sur le fait que M. [F] aurait annulé la réservation qu'il avait faite, après avoir appris que l'Audi A6 était irréparable à la suite d'un incendie.

26- La demande en remboursement de la somme de 153.60 euros formée par l'assureur au titre des frais engagés doit être rejetée dès lors que la demande en résolution est elle-même rejetée. Le jugement sera confirmé de ce chef par motifs substitués.

Sur la demande d'indemnisation formée par la société OBTA:

Concernant le préjudice matériel:

27- Les conditions particulières de la police souscrite par la société OBTA (sa pièce 1) lui ouvrent droit à garantie des dommages aux véhicules, pour tous risques (dont le risque incendie), avec, pour ce risque, l'application d'une franchise de 10% des dommages avec un minimum de 3.40 fois l'indice PRVP et un maximum de 6.80 fois l'indice PRVP.

28- En application des conditions générales de la police, l'indemnité doit être fixée conformément aux conclusions du cabinet Expertise & Concept Bordeaux, désigné par l'assureur, qui après examen du véhicule, l'a considéré comme économiquement et techniquement irréparable, en l'évaluant:

-à 21500 euros TTC s'il avait été en état standart, sans problème mécanique,

-à 18500 euros TTC, avec une panne, telle que décrite dans la déclaration.

29- Il n'y a donc pas lieu de déduire à nouveau une somme au titre des travaux de remise en état qui restaient nécessaires, après réalisation de la première réparation facturée 4776 euros, qui était insuffisante pour mettre fin au bruit du moteur.

30- Déduction faite de la franchise d'un montant de 1368 euros, l'indemnité s'élève à la somme de 17132 euros en principal, au paiement de laquelle la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles [Localité 9] Val de Loire sera condamnée, avec intérêt au taux légal à compter du 1er juillet 2020, date de mise en demeure.

31- Il ne ressort ni des conditions particulières, ni des dispositions générales du contrat Garrasur que l'assurée ait droit à la prise en charge par l'assureur des frais de gardiennage du véhicule sinistré; et au demeurant la demande de la société OBTA n'est formée à ce titre que contre la société JDC Auto et son assureur Groupama Centre-Atlantique.

32- Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de la société OBTA tendant au remboursement de la somme de 7215 euros au titre des frais de gardiennange réclamés par la société Ferreol par courrier du 23 septembre 2020 pour un montant de 7215.48 euros TTC, suite au remorquage du véhicule Audi A6 dans ses locaux, le 28 aout 2019.

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive :

33- La société OBTA ne démontre pas que la société Groupama ait commis une faute ayant fait dégénérer en abus son droit de se défendre en justice, et ne justifie par aucune pièce pas avoir subi un préjudice distinct de celui indemnisé par les intérêts moatoires.

34- La demande de dommages-intérêts a donc été rejetée à bon droit par le tribunal.

Sur les demandes accessoires:

35- Il est équitable d'allouer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile:

-la somme de 3500 euros à la société OBTA,

-la somme de 1500 euros à la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Centre Atlantique.

Les autres demandes de ce chef doivent être rejetées, en équité.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort:

Confirme le jugement, en ce qu'il a :

-débouté la société OBTA de sa demande au titre des frais de gardiennage,

-débouté la société OBTA de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive,

-débouté la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles [Localité 9] Val de Loire de sa demande reconventionnelle,

Infirme le jugement pour le surplus de ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Dit que l'absence de faute exonère la société JDC Auto de sa responsabilité en qualité de dépositaire du véhicule Audi A6 immatriculé DP417ZX,

Rejette en conséquence les demandes formées par la société OBTA à l'encontre de la société JDC Auto et de son assureur la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Centre Atlantique,

Y ajoutant,

Rejette les demandes de la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles [Localité 9] Val de Loire,

Condamne la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles [Localité 9] Val de Loire à payer à la société OBTA la somme de 17132 euros, avec intérêt au taux légal à compter du 1er juillet 2020,

Condamne la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles [Localité 9] Val de Loire à payer à la société OBTA la somme de 3500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société OBTA à payer à la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Centre Atlantique la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles [Localité 9] Val de Loire aux dépens de première instance et d'appel, et autorise Maître Anastasia Etman, avocate, à recouvrer ceux dont elle aurait fait l'avance sans recevoir provision, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 22/01613
Date de la décision : 09/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-09;22.01613 ?
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