La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/04/2024 | FRANCE | N°22/05396

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 4ème chambre commerciale, 08 avril 2024, 22/05396


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE



--------------------------







ARRÊT DU : 08 AVRIL 2024









N° RG 22/05396 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-M76O









CAISSE DE GARANTIE IMMOBILIERE DU BATIMENT



c/



CAISSE D'EPARGNE AQUITAINE POITOU-CHARENTES























Nature de la décision : AU FOND














r>















Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 novembre 2022 (R.G. 2021F00875) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 29 novembre 2022





APPELANTE :



CAISSE DE GARANTIE IMMOBILIERE DU BATIMENT, agissant en la...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 08 AVRIL 2024

N° RG 22/05396 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-M76O

CAISSE DE GARANTIE IMMOBILIERE DU BATIMENT

c/

CAISSE D'EPARGNE AQUITAINE POITOU-CHARENTES

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 novembre 2022 (R.G. 2021F00875) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 29 novembre 2022

APPELANTE :

CAISSE DE GARANTIE IMMOBILIERE DU BATIMENT, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 2]

représentée par Maître Mathieu RAFFY de la SELARL MATHIEU RAFFY - MICHEL PUYBARAUD, avocat au barreau de BORDEAUX et assistée par Maître Jacques CHEVALIER, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

CAISSE D'EPARGNE AQUITAINE POITOU-CHARENTES, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 1]

représentée par Maître Benjamin HADJADJ de la SARL AHBL AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 février 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,

Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,

Monsieur Nicolas GETTLER, Vice-Président Placé,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

* * *

La société Caisse de garantie immobilière du bâtiment (ci-après CGI Bâtiment) a délivré à la société Quadri, constructeur de maisons individuelles, une garantie de livraison limitée à un encours de dix maisons et pour un montant de garantie de 1 200 000 euros TTC. Cette garantie a été contre-garantie par une garantie à première demande accordée par la société Caisse d'Epargne Aquitaine Poitou Charentes à la société CGI Bâtiment à hauteur de 50 000 euros portée à 75 000 euros par avenant du 8 septembre 2011.

Par courrier du 7 février 2014, la Caisse d'Epargne Aquitaine Poitou Charentes a dénoncé la convention de garantie à première demande à effet au 10 avril 2014.

La société Quadri a été placée en liquidation judiciaire par décision du tribunal de commerce de Bordeaux du 5 décembre 2018.

Soutenant que la garantie restait active pour tous les chantiers ayant fait l'objet d'une garantie de livraison avant la dénonciation de la convention, la société CGI Batiment, par courrier du 12 avril 2021, a mis en demeure la caisse d'Epargne de lui régler la somme de 69 582,33 euros au titre de deux garanties de livraison délivrées avant la dénonciation de la garantie à première demande.

Puis, le 19 juillet 2022, elle a fait assigner en paiement la société Caisse d'Epargne Aquitaine Poitou Charentes devant le tribunal de commerce de Bordeaux.

Par décision du 4 novembre 2022, le tribunal de commerce de Bordeaux a déclaré la demande irrecevable, celle-ci étant prescrite.

Par acte du 29 novembre 2022, la société CGI Batiment a formé appel de cette décision et a intimé la société Caisse d'Epargne Aquitaine Poitou Charentes.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 20 février 2023, la société CGI Batiment demande à la cour de :

- juger recevable et bien fondé l'appel de la Caisse de garantie immobilière du bâtiment,

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux, en date du 4 novembre 2022.

Statuant à nouveau :

- condamner la Caisse d'Epargne Aquitaine Poitou Charentes au paiement d'une somme de 62 053,64 euros avec intérêts de droit, à compter du 12 avril 2021.

- condamner la Caisse d'Epargne Aquitaine Poitou Charentes au paiement d'une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts.

- condamner la Caisse d'Epargne Aquitaine Poitou Charentes au paiement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner la Caisse d'Epargne Aquitaine Poitou Charentes en tous les dépens, dont distraction au profit de la Selarl Mathieu Raffy - Michel Puybaraud.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 21 avril 2023, la société Caisse d'Epargne Aquitaine Poitou Charentes demande à la cour de :

- confirmer le jugement du tribunal de commerce du 04/11/2022 ;

- débouter la Caisse de Garantie Immobilière du Bâtiment (CGI BATIMENT) de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la Caisse de Garantie Immobilière du Bâtiment (CGI BATIMENT) à payer à la Caisse d'Epargne Aquitaine Poitou Charentes la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la Caisse de Garantie Immobilière du Bâtiment (CGI BATIMENT) aux entiers dépens.

L'affaire a été clôturée par ordonnance du 5 février 2024 et fixée à l'audience de plaidoirie du 19 février 2024.

MOTIFS

Sur la prescription :

1- Les premiers juges ont déclaré l'action de la CGI Bâtiment prescrite au motif que celle-ci a été engagée plus de cinq années après la dénonciation par la banque de la garantie à première demande.

2- Dans le cadre de cet appel, la société appelante fait valoir que son action ne vise pas à contester la régularité de la dénonciation de la garantie à première demande mais l'application de cette garantie. Elle explique à cet effet que la dénonciation ne vaut que pour les engagements souscrits postérieurement à cette dénonciation contrairement à ce que soutient la banque et qu'elle n'a été informée du fait que la banque contestait cette interprétation du contrat qu'à réception d'un courrier de celle-ci du 31 octobre 2019.

3- La société intimée soutient que la demande formée sept ans après l'extinction de la garantie est prescrite. Elle rappelle qu'en matière de garantie à première demande, la garantie s'éteint à l'échéance du terme.

Sur ce :

4- Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

5- En l'espèce, l'appelante ne conteste pas les conditions de la dénonciation du contrat intervenue le 10 avril 2014 mais ses effets. Elle justifie avoir adressé à la banque, le 11 décembre 2015 puis le 5 septembre 2016, un courrier aux termes duquel elle lui indiquait qu'elle était toujours dans l'attente de la levée de réserve pour certains chantiers et qu'il ne serait mis fin à la garantie à première demande que lorsque toutes les garanties de livraison délivrées pendant sa période de validité auront cessé. Le 18 décembre 2018, elle lui adressait enfin un courrier l'informant du placement en liquidation judiciaire de la société Quadri et de l'existence de deux garanties de livraison faisant l'objet de procédures judiciaires couvertes par la garantie à première demande.

6- Ce n'est que le 31 octobre 2019 que la Caisse d'Epargne lui répondait qu'aucun appel en garantie ne pouvait plus être effectué depuis le 10 avril 2014.

7- L'appelante soutient ainsi à juste titre qu'elle n'a été informée du fait que la Caisse d'Epargne daignait sa garantie que le 31 octobre 2019 et que cette date doit être retenue comme point de départ de la prescription.

8- La CGI Batiment ayant assigné la Caisse d'épargne avant le 31 octobre 2024, son action n'est pas prescrite. La décision de première instance sera infirmée de ce chef.

Sur le fond :

9- L'appelante soutient que la garantie accordée, bien qu'intitulée garantie à première demande, est une garantie accessoire qui suit l'obligation garantie. Les dispositions de l'article 2321 du code civil ne sont dès lors pas applicables. Elle fait valoir ainsi que la garantie donnée est indexée sur la réalisation ou non des chantiers faisant l'objet de la garantie de livraison, s'agissant d'une garantie fréquente en matière de construction appelée garantie glissante.

10- L'intimée rétorque que le contrat conclu est une garantie à première demande qui prend fin à la date de résiliation du contrat. Elle fait valoir qu'il s'agit d'une garantie autonome qui contrairement au cautionnement ne permet pas de distinguer obligation de couverture et obligation de règlement. Elle affirme que le contrat ne prévoyait pas de mécanisme de garantie glissante et fait valoir que l'engagement de payer dans la limite d'un certain montant toute somme réclamée par le bénéficiaire sans pouvoir différer le paiement consiste en une garantie autonome.

Sur ce :

11- Aux termes de l'article 2321 du code civil, la garantie autonome est l'engagement par lequel le garant s'oblige, en considération d'une obligation souscrite par un tiers, à verser une somme soit à première demande, soit suivant des modalités convenues.

Le garant n'est pas tenu en cas d'abus ou de fraude manifestes du bénéficiaire ou de collusion de celui-ci avec le donneur d'ordre.

Le garant ne peut opposer aucune exception tenant à l'obligation garantie.

Sauf convention contraire, cette sûreté ne suit pas l'obligation garantie.

12- L'acte litigieux est intitulé 'garantie à première demande'. Il stipule que la convention de garantie a pour objet la délivrance d'une garantie de livraison qui doit être signée entre la société CGI Bâtiment et la société Quadri et qui prévoit une garantie inconditionnelle de paiement de 50 000 euros.

13- L'acte stipule que 'la Caisse d'épargne et de prévoyance Aquitaine Poitou-Charentes s'engage irrévocablement à garantir pour le compte du donneur d'ordre, le bénéficiaire contre les conséquences pécuniaires de l'inexécution ou de la mauvaise exécution des obligations mises à la charge du donneur d'ordre aux termes du contrat qui a été conclu entre eux [...].

Le garant s'interdit de discuter et de différer l'exécution son engagement pour quelque motif que ce soit sauf cas d'appel de garantie manifestement abusif ou frauduleux et, notamment dans l'hypothèse où le débiteur garanti contesterait en tout ou partie sa dette, par quelque moyen que ce soit [...].

La présente garantie pourra être appelée en une ou plusieurs fois, si bon semble au bénéficiaire. Le présent engagement est délivré pour une durée de un an à compter de sa signature et sera ensuite renouvelé pour la même durée par tacite reconduction, sauf dénonciation par la caisse d'épargne par lettre recommandée avec avis de réception, adressé par ledit établissement, moyennant un préavis d'un mois.

Il sera mis fin au présent engagement lorsque les conditions ci-après énoncées auront été remplies : en matière de garantie de livraison : à la présentation de tous les procès-verbaux de réception sans réserve ou avec levée la totalité des réserves de toutes les maisons pour lesquels les garanties ont été délivrées durant la période du présent engagement et de ses renouvellements successifs, sans pouvoir excéder le montant maximum de 50'000 euros en principal, intérêts, frais accessoires compris.'

14- Cette clause est claire et précise et n'a pas à donner lieu à interprétation sous peine de dénaturation. Elle se rapporte à une garantie autonome et non à un mécanisme de cautionnement puisque le garant s'engage à verser une certaine somme à première demande, sans pouvoir opposer aucune exception tenant à l'obligation garantie, et non en cas de défaillance avérée du débiteur comme c'est le cas en matière de cautionnement. Par ailleurs, les parties n'ont pas pris la précaution de prévoir un système de garantie glissante.

15- Dès lors, la banque soutient avec raison que la garantie délivrée tacitement reconduite pouvait être résiliée chaque année sous la seule condition du respect du délai de préavis, sans qu'il y ait de contradiction avec la clause qui prévoit en tout état de cause une extinction de la garantie ' à la présentation de tous les procès-verbaux de réception sans réserve ou avec levée la totalité des réserves de toutes les maisons pour lesquels les garanties ont été délivrées durant la période du présent engagement et de ses renouvellements successifs'.

16- La CGI Bâtiment ne pouvait dès lors plus faire de demande de mise en jeu de la garantie à première demande à compter de la date d'effet de la dénonciation de celle-ci par la banque, dont la régularité n'est pas contestée.

17- La société CGI Bâtiment sera déboutée de sa demande en paiement.

18- La société CGI Bâtiment qui succombe sera condamnée aux dépens.

19- Elle sera condamnée à verser la somme de 3000 euros à la société Caisse d'Epargne Aquitaine Poitou Charentes au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour

statuant publiquement, par décision contradictoire et en dernier ressort,

Infirme la décision du tribunal de commerce de Bordeaux du 4 novembre 2022, sauf en ce qui concerne la condamnation aux dépens et au paiement d'une indemnité de procédure,

et statuant à nouveau,

Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription,

Déboute la société Caisse de garantie immobilière du bâtiment de ses demandes,.

Condamne la société Caisse de garantie immobilière du bâtiment à verser la somme de 3000 euros à la société Caisse d'Epargne Aquitaine Poitou Charentes au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,ainsi qu'aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 22/05396
Date de la décision : 08/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-08;22.05396 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award