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05/07/2023 | FRANCE | N°21/02813

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 4ème chambre commerciale, 05 juillet 2023, 21/02813


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE



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ARRÊT DU : 5 JUILLET 2023









N° RG 21/02813 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MDRR







Monsieur [T] [L]





c/



Monsieur [V] [L]

S.A.S. ACR CUISINES COMBETTES

S.A.S. CABINET KERMEL























Nature de la décision : AU FOND











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Grosse délivrée le :



aux avocats



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 avril 2021 (R.G. 2020001098) par le Tribunal de Commerce de LIBOURNE suivant déclaration d'appel du 17 mai 2021







APPELANT :



Monsieur [T] [L], né le [Date naissance 2] 1947 à [Localité 8]

de n...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 5 JUILLET 2023

N° RG 21/02813 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MDRR

Monsieur [T] [L]

c/

Monsieur [V] [L]

S.A.S. ACR CUISINES COMBETTES

S.A.S. CABINET KERMEL

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 avril 2021 (R.G. 2020001098) par le Tribunal de Commerce de LIBOURNE suivant déclaration d'appel du 17 mai 2021

APPELANT :

Monsieur [T] [L], né le [Date naissance 2] 1947 à [Localité 8]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 7]

représenté par Maître David LARRAT de la SELARL H.L. CONSEILS, avocat au barreau de PERIGUEUX

INTIMÉS :

Monsieur [V] [L], né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 6]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]

S.A.S. ACR CUISINES COMBETTES, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 5]

représentés par Maître Amélie RUDLER, avocat au barreau de LIBOURNE

S.A.S. CABINET KERMEL, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 4]

représentée par Maître Flore HARDY, substituant Maître Xavier LAYDEKER de la SCP LAYDEKER - SAMMARCELLI - MOUSSEAU, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 17 mai 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sophie MASSON, Conseiller chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Sophie MASSON, Conseiller faisant fonction de Président,

Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,

Madame Hélène BUI-VAN, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE :

Le 1er octobre 2017, Monsieur [T] [L] a cédé à Monsieur [V] [L] les 50 parts qu'il détenait au capital de la société à responsabilité limitée ACR Cuisines Combettes, ce au prix total de 10.000 euros.

Monsieur [T] [L] a, le 24 juin 2020, fait assigner la société ACR Cuisines Combettes, la société Cabinet Kermel et Monsieur [V] [L] devant le tribunal de commerce de Libourne en nullité de cette de cession pour vil prix et paiement de diverses sommes.

Par jugement contradictoire prononcé le 23 avril 2021, le tribunal de commerce a statué ainsi qu'il suit :

- déboute Monsieur [T] [L] de sa demande en nullité de la cession de ses parts de la société ACR Cuisines Combettes ;

- déboute Monsieur [T] [L] de sa demande de dommages et intérêts et de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- déboute Monsieur [V] [L] de sa demande au titre de la mauvaise foi ;

- condamne Monsieur [T] [L] à payer à Monsieur [V] [L] et à la société ACR Cuisines Combettes 1.500 euros chacun en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamne Monsieur [T] [L] à payer à la société Cabinet Kermel la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonne l'exécution provisoire du présent jugement ;

- condamne Monsieur [T] [L] aux dépens de l'instance, en ce compris le coût du présent jugement.

Monsieur [T] [L] a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe du 17 mai 2021 et intimé Monsieur [V] [L], la société ACR Cuisines Combettes et la société Cabinet Kermel.

***

Par dernières conclusions notifiées le 29 juillet 2021, Monsieur [T] [L] demande à la cour de :

- réformer la décision dont appel en ce qu'elle a :

- débouté Monsieur [T] [L] de sa demande en nullité de la cession de ses parts de la société ACR Cuisines Combettes,

- débouté Monsieur [T] [L] de sa demande de dommages et intérêts, et de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur [T] [L] à payer à Monsieur [V] [L] et à la société ACR Cuisines Combettes 1.500 euros chacun en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur [T] [L] à payer à la société Cabinet Kermel la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur [T] [L] aux dépens de l'instance ;

Statuant à nouveau,

- prononcer la nullité de la cession des actions de la société ACR Cuisines Combettes ;

- condamner Monsieur [V] [L] à payer à Monsieur [T] [L] la somme de 90.500 euros à titre de solde dû sur la valeur réelle des parts sociales ;

- condamner Monsieur [V] [L] à payer à Monsieur [T] [L] la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

- condamner in solidum le Cabinet Kermel et Monsieur [V] [L] à payer à Monsieur [T] [L] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner in solidum le Cabinet Kermel et Monsieur [V] [L] aux dépens sur le fondement de l'article 696 du code de procédure civile.

***

Par dernières écritures notifiées le 15 octobre 2021, Monsieur [V] [L] et la société ACR Cuisines Combettes demandent à la cour, au visa des articles 1103 et 1104 du code civil, de :

- confirmer toutes les dispositions du jugement rendu par le tribunal de commerce de Libourne le 23 avril 2021 ;

En conséquence,

- débouter Monsieur [T] [L] de ses demandes l'encontre de Monsieur [V] [L] et la société ACR Cuisines Combettes ;

- condamner Monsieur [T] [L] à verser à la société ACR Cuisines Combettes la somme de 3.000 euros au titre de procédure abusive ;

- condamner Monsieur [T] [L] à verser à Monsieur [V] [L] la somme de 3.000 euros au titre de procédure abusive ;

- condamner Monsieur [T] [L] à verser à Monsieur [V] [L] et à la société ACR Cuisines Combettes la somme de 3.500 euros chacun sur le fondement de l'article 700 ;

- condamner Monsieur [T] [L] aux dépens d'instance dont distraction au profit de Maître Amélie Rudler, avocat, sur ses affirmations de droit.

***

Par dernières conclusions notifiées le 14 octobre 2021, la société Cabinet Kermel demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Libourne le 23 avril 2021 ;

En conséquence,

- débouter Monsieur [T] [L] de ses demandes à l'encontre de la société Cabinet Kermel ;

- condamner Monsieur [T] [L] à verser à la société Cabinet Kermel une indemnité de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Monsieur [L] aux dépens de l'instance dont distraction au profit de la société Laydeker Sammarcelli Mousseau, avocat, sur ses affirmations de droit.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 3 mai 2023.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1. L'article 1178 du code civil dispose :

« Un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul. La nullité doit être prononcée par le juge, à moins que les parties ne la constatent d'un commun accord.

Le contrat annulé est censé n'avoir jamais existé.

Les prestations exécutées donnent lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9.

Indépendamment de l'annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation du dommage subi dans les conditions du droit commun de la responsabilité extracontractuelle.»

Selon l'article 1658 du même code :

« Indépendamment des causes de nullité ou de résolution déjà expliquées dans ce titre, et de celles qui sont communes à toutes les conventions, le contrat de vente peut être résolu par l'exercice de la faculté de rachat et par la vileté du prix.»

2. Au visa de ces textes, Monsieur [T] [L] fait grief au jugement déféré de l'avoir débouté de sa demande en nullité de la cession de ses actions de la société par actions simplifiée ACR Cuisines Combettes.

L'appelant fait valoir que plusieurs éléments majeurs n'ont pas été pris en compte dans la détermination de la valeur de la société ACR Cuisines Combettes : le compte courant, l'épargne, le matériel, les stocks, le capital social et la valeur du fonds de commerce ; il ajoute que la minoration de la valeur de l'immeuble a entraîné irrémédiablement une baisse de la valeur des parts de la société.

Monsieur [T] [L] soutient qu'il n'a perçu que 10 % de la valeur réelle de ses actions et en tire la conséquence du vil prix de la cession dont il demande, en conséquence, la nullité.

3. Monsieur [V] [L] et la société ACR Cuisines Combettes lui opposent le fait qu'il gérait la société depuis sa création, de sorte qu'il en connaissait la valeur mais était également informé des charges et dettes de l'entreprise.

Les intimés ajoutent que Monsieur [T] [L] a agréé le prix de cession, qui n'est ni dérisoire ni inexistant ; ils font enfin valoir que l'appelant ne produit aucun élément de preuve à l'appui de son action.

4. La cour observe que Monsieur [T] [L] produit aux débats une étude de Monsieur [O] [K], expert comptable, réalisée sur les données comptables de l'entreprise du 31 décembre 2014 au 31 décembre 2017, dont les conclusions valorisent la société dans une fourchette se situant entre 191.000 euros et 201.000 euros au 31 décembre 2017.

Toutefois, l'auteur de cette étude amiable rappelle, dans sa proposition de mission en date du 5 février 2020, qu'il attire l'attention de son client « sur la différence entre la valeur estimée de cette entreprise et sa valeur marchande car de nombreux critères non quantifiables peuvent influer sur le prix de vente d'une entreprise ».

Egalement, Monsieur [O] [K] souligne à titre préliminaire dans son

étude que, « dans le cadre d'une cession, la valeur finale de l'entreprise peut être très différente de la valeur déterminée dans cette étude.»

Or, en l'espèce, il est constant que Monsieur [T] [L] a cédé ses actions à son fils [V] [L], qui oeuvrait avec lui au sein de l'entreprise depuis 2003, date à laquelle Monsieur [T] [L] a apporté le fonds de commerce qu'il avait créé dans le courant des années 1990 à une société à responsabilité limitée constituée avec ses deux fils, [V] et [M], devenue par la suite une société par actions simplifiée. Cette considération de la transmission familiale du patrimoine est essentielle à l'appréciation du prix de vente litigieux, particulièrement dans un contexte de relations contractuelles déjà anciennes entre membres d'une même famille.

De plus, il est de principe que le prix librement consenti et accepté s'impose aux parties en application de l'article 1103 du code civil, le caractère réel et sérieux du prix ne se confondant pas avec la valeur du bien vendu.

Ainsi, Monsieur [T] [L], dont le premier juge souligne à juste titre qu'il connaissait nécessairement la valeur de la société qu'il avait lui-même créée et gérée jusqu'à la cession, ne démontre pas qu'il n'aurait pas librement consenti au prix de vente discuté avec son fils, co-associé et futur gérant.

Enfin, la cour rappelle qu'il est constant en droit que le juge ne peut se fonder sur les conclusions de la seule expertise amiable, dès lors qu'elle a été réalisée à la demande de l'une des parties.

En l'espèce, l'étude de Monsieur [O] [K] n'est corroborée par aucune autre pièce, étant relevé que l'appelant indique à plusieurs reprises que le prix de cession qu'il discute aujourd'hui aurait été déterminé par la société Cabinet Kermel, mais ne produit aucun élément émanant de cet expert comptable.

5. La cour confirmera donc le jugement déféré en ce qu'il a débouté Monsieur [T] [L] de sa demande en nullité de la cession de parts du 1er octobre 2017 ainsi que des demandes accessoires en paiement du solde estimé de la valeur des actions et en allocation de dommages et intérêts pour procédure abusive.

6. Monsieur [V] [L] et la société ACR Cuisines Combettes demandent à la cour de « confirmer toutes les dispositions du jugement rendu par le tribunal de commerce de Libourne le 23 avril 2021 ; en conséquence, condamner Monsieur [T] [L] à verser à la société ACR Cuisines Combettes la somme de 3.000 euros au titre de procédure abusive ; condamner Monsieur [T] [L] à verser à Monsieur [V] [L] la somme de 3.000 euros au titre de procédure abusive.»

7. La cour observe cependant que le tribunal de commerce a en réalité débouté Monsieur [V] [L] et la société ACR Cuisines Combettes de cette demande et s'en tiendra au principal du dispositif des intimés qui tend à la confirmation de 'toutes les dispositions du jugement', ce qui comprend le débouté des demandes au titre de l'indemnisation du préjudice qui résultera de l'abus de procédure.

8. Le jugement déféré sera également confirmé quant à ses chefs dispositifs relatifs aux frais irrépétibles des parties et à la charge des dépens.

Y ajoutant, la cour condamnera Monsieur [T] [L] à payer les dépens de l'appel et à verser à la société Cabinet Kermel la somme de 3.000 euros et une somme globale de 800 euros à Monsieur [V] [L] et la société ACR Cuisines Combettes.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement prononcé le 23 avril 2021 par le tribunal de commerce de Libourne.

Y ajoutant,

Condamne Monsieur [T] [L] à payer à la société Cabinet Kermel la somme de 3.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne Monsieur [T] [L] à payer à la société ACR Cuisines Combettes et à Monsieur [V] [L] la somme globale de 800 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne Monsieur [T] [L] à payer les dépens de l'appel.

Le présent arrêt a été signé par Mme Masson, conseiller faisant fonction de présidente, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 21/02813
Date de la décision : 05/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-05;21.02813 ?
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