COUR D'APPEL DE BORDEAUX
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 10 MAI 2023
N° RG 21/01270 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-L7A6
Monsieur [U] [B]
c/
BANQUE CIC SUD OUEST
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 janvier 2021 (R.G. 2019F01037) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 02 mars 2021
APPELANT :
Monsieur [U] [B], né le [Date naissance 2] 1955 à [Localité 5], de nationalité Française, demeurant [Adresse 4]
représenté par Maître Céline GARNIER-GUILLAUMEAU de la SELARL CABINET GARNIER-GUILLAUMEAU, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
BANQUE CIC SUD OUEST, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 3]
représentée par Maître Adrien REYNET, substituant Maître Carolina CUTURI-ORTEGA de la SCP JOLY ' CUTURI ' WOJAS ' REYNET DYNAMIS AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 08 mars 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sophie MASSON, Conseiller chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,
Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,
Madame Sophie MASSON, Conseiller,
Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
EXPOSE DU LITIGE :
Par contrat du 11 octobre 2012, la société anonyme Banque CIC Sud Ouest a consenti un prêt d'un montant de 131.500 euros à la société à responsabilité limitée L'Univers de Mercitrouille, amortissable en 84 échéances mensuelles au taux nominal de 2,70 % l'an.
Ce prêt a été garanti par le nantissement, par Monsieur [U] [B], gérant de la société L'Univers de Mercitrouille, de son compte bancaire à hauteur de 110.000 euros, ainsi que par le nantissement en premier rang du fonds de commerce de la société emprunteuse à hauteur de 131.500 euros en principal et accessoires évalués à hauteur de 26 300 euros.
Par acte séparé en date du 31 janvier 2013, M. [B] s'est porté caution solidaire de tous les engagements de la société dans la limite de 30.000 euros pour une durée de cinq années.
Le 5 juillet 2015, le tribunal de commerce de Bordeaux a prononcé la liquidation judiciaire de la société L'Univers de Mercitrouille et la société Banque CIC Sud Ouest a déclaré sa créance le 8 septembre suivant.
Sur contestation de la créance de la société Banque CIC Sud Ouest, le tribunal de commerce de Bordeaux a, par jugement du lundi 9 avril 2018, prononcé l'admission au passif de la liquidation judiciaire de la société L'Univers de Mercitrouille de la créance de la société Banque CIC Sud Ouest pour :
A titre nantis et échus :
- 84.307,99 euros au titre du capital restant dû au 15 juillet 2015
- 4.215,39 euros au titre de l'indemnité conventionnelle
A titre nantis et à échoir :
- les intérêts au taux de 2,70 % du 9 septembre 2015 jusqu'à parfait paiement.
Le 8 janvier 2019, la société Banque CIC Sud Ouest a reçu la somme de 12.284,53 euros ainsi qu'un certificat d'irrécouvrabilité quant au reste de sa créance.
La banque a, par ailleurs, reçu le solde du compte nanti pour un montant de 40.516,14 euros.
Après mises en demeure des 8 septembre 2015, 18 octobre 2016 et 6 août 2019, la société Banque CIC Sud Ouest a fait assigner M. [B] devant le tribunal de commerce de Bordeaux en paiement de la somme principale de 30.000 euros au titre du cautionnement du 31 janvier 2013.
Par jugement prononcé le 25 janvier 2021, le tribunal de commerce a statué ainsi qu'il suit :
- condamne Monsieur [U] [B], caution solidaire, à payer à la Banque CIC Sud Ouest la somme de 30.000 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 6 août 2019 ;
- déboute Monsieur [U] [B] de l'intégralité de ses demandes ;
- ordonne la capitalisation des intérêts par années entières ;
- ordonne l'exécution provisoire du présent jugement ;
- condamne Monsieur [U] [B] à payer à la Banque CIC Sud Ouest la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Monsieur [U] [B] aux dépens de l'instance.
M. [B] a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe du 2 mars 2021.
***
Par dernières conclusions communiquées le 20 février 2023 par voie électronique, Monsieur [U] [B] demande à la cour de :
A titre principal,
- infirmer la décision de première instance en date du 25 janvier 2021 ;
- ordonner le rejet des demandes de la Banque CIC Sud Ouest en raison de l'inopposabilité de l'engagement de caution invoqué à son encontre souscrit à durée déterminée ;
Si par impossible l'inopposabilité de l'engagement n'était point retenue,
- rejeter les demandes mal fondées de la Banque CIC Sud Ouest, l'engagement de caution étant inopposable en raison de sa disproportion ;
- déclarer mal fondée la Banque CIC Sud Ouest ;
- la débouter de ses demandes, fins et conclusions ;
A titre subsidiaire, si l'inopposabilité du cautionnement n'était pas retenue,
- condamner la Banque CIC Sud Ouest au paiement de la somme de 40.000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de ses manquements à son obligation d'information et de mise en garde au bénéfice de Monsieur [U] [B] et ordonner la compensation judiciaire des sommes réciproquement dues ;
Dans un même temps ou à défaut,
- rejeter les demandes de la Banque CIC Sud Ouest ;
Statuant sur l'inopposabilité de tout acte de nantissement souscrit par M. [B] à titre personnel ou à défaut l'absence de mentions nécessaires et écrites d'un acte de nantissement,
- ordonner à la Banque CIC Sud Ouest la restitution de 40.516,14 euros indûment prélevés (notamment sur le fondement de la répétition de l'indu et à défaut d'un enrichissement sans cause) ;
Si par impossible il était fait droit de façon partielle ou totale aux demandes de la Banque CIC Sud Ouest à l'encontre de M. [B] sur le fondement du cautionnement,
- ordonner la compensation de cette somme à restituer de 40.516,14 euros avec toute condamnation à venir ;
A défaut,
Si par impossible la cour ne rejette pas purement et simplement les demandes de la Banque CIC Sud Ouest au titre du cautionnement et/ou n'ordonnait pas la restitution de la somme totale,
- ordonner alors que la somme relative au nantissement à hauteur de 20.258,20 euros soit restituée à M. [B], marié sous le régime de la séparation de biens ;
A défaut, à titre également subsidiaire,
- prononcer la déchéance du droit aux intérêts en application des dispositions de l'article 313-22 du code monétaire et financier et de l'article L. 341-6 du code de la consommation ;
- prononcer la déchéance des intérêts et de toute pénalité en application de que l'article L. 341-1 du code de la consommation ;
En tout état de cause,
- condamner la Banque CIC Sud Ouest à payer à M. [B] une somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile - la condamner aux dépens de l'instance.
Par dernières écritures communiquées le 14 février 2023 par voie électronique, la société Banque CIC Sud Ouest demande à la cour de :
Vu les articles 1103, 1342 et suivants ainsi que 1343-2 du code civil,
Vu les articles L. 341-1, L. 341-2, L. 341-3 et L. 341-4 du code de la consommation,
Vu l'article L. 313-22 du code monétaire et financier,
Vu l'article L. 341-6 du code de la consommation,
Vu l'article 2224 du code civil,
Vu l'article L. 110-4 du code de commerce,
Vu les articles 2360 et suivants du code civil,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bordeaux, en date du 25 janvier 2021 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
- débouter M. [B] de sa demande de restitution de la somme de 40.516,14 euros sur le fondement de la répétition de l'indu et à défaut d'un enrichissement sans cause ;
- débouter M. [B] de l'intégralité de ses demandes ;
- condamner M. [B] à payer à la Banque CIC Sud Ouest la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M. [B] aux dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 février 2023.
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
1. Sur la mention manuscrite du contrat de cautionnement
L'article L.341-2 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, dispose :
« Toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante et uniquement de celle-ci : "En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même."»
L'article L.341-3 du même code, dans sa version ici applicable, énonce :
« Lorsque le créancier professionnel demande un cautionnement solidaire, la personne physique qui se porte caution doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante : "En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civil et en m'obligeant solidairement avec X..., je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement X...".»
Selon l'article 2292 du code civil, dans sa rédaction ici applicable, « le cautionnement ne se présume point ; il doit être exprès, et on ne peut pas l'étendre au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté.»
Au visa de ces textes, M. [B] fait grief au jugement déféré d'avoir rejeté sa demande au titre de la perte de sa renonciation au bénéfice de division et de discussion de son cautionnement.
L'appelant fait valoir que l'application conjointe de ces textes commande que sa signature ne soit précédée que de la formule expressément prévue par l'article L.341-2 du code de la consommation et que la mention manuscrite relative à la renonciation au bénéfice de discussion et de division doit faire l'objet d'un paragraphe séparé suivi d'une seconde signature qui lui est propre.
M. [B] soutient que l'apposition manuscrite d'une mention supplémentaire entre le texte de l'article L.341-2 et sa signature prive de tout effet ce paragraphe supplémentaire.
M. [B] en tire la conséquence juridique de la perte, pour la banque, de cette renonciation et fait valoir que le cautionnement litigieux est donc en réalité un cautionnement simple qui ne peut être mis à exécution par le créancier qu'à la condition de faire la preuve de ce que la société garantie a été vainement préalablement poursuivie.
L'appelant ajoute que la créancière n'a disposé d'un certificat d'irrecouvrabilité que le 8 janvier 2019, date à laquelle il ne garantissait plus les engagements de la société L'Univers de Mercitrouille, de sorte que la banque ne peut désormais le poursuivre en paiement à ce titre.
Toutefois, il est constant en droit que ne contrevient pas aux dispositions d'ordre public de l'article L. 341-2 du code de la consommation un acte de cautionnement solidaire qui, à la suite de la mention prescrite par ce texte, comporte celle prévue par l'article L. 341-3 du même code, suivie de la signature de la caution.
En effet, même si les mentions manuscrites sont prescrites ad validitatem, il faut distinguer la portée de ces mentions manuscrites et celle de la signature apposée sur cet acte sous seing privé. La signature de M. [B] est la manifestation de l'acceptation de son obligation, laquelle résulte des mentions manuscrites reproduites à l'identique en exécution des articles L.341-2 et L.341-3 du code de la consommation. Cette signature, caractérisant donc le consentement de la caution aux obligations qui découlent de l'acte, doit normalement prendre place à la fin de cet acte puisqu'elle marque l'accord de M. [B] sur le texte qui précède, ce qui n'interdit donc pas que le second paragraphe légal par lequel il exprime la volonté se s'obliger solidairement, soit placé à la suite du premier.
Or l'acte de cautionnement du 31 janvier 2013 comporte intégralement et exactement les mentions manuscrites respectivement requises par les articles précité, ces mentions figurent à la suite l'une de l'autre et l'ensemble du texte manuscrit est immédiatement suivi de la signature de M. [B] apposée en un seul exemplaire, étant rappelé, ainsi qu'il a été dit supra, que l'article L. 341-2 n'exige pas que la mention manuscrite précède immédiatement la signature de la caution, de sorte que l'interposition, entre la mention manuscrite requise par ce texte et la signature de la caution, d'une autre mention manuscrite de cette même caution, à l'exclusion d'une quelconque adjonction ou clause préimprimée émanant du créancier, ne contrevient pas aux exigences de ce texte.
Il en résulte que la société Banque CIC Sud Ouest est fondée à se prévaloir d'un cautionnement solidaire souscrit par M. [B], non d'un cautionnement simple, et à poursuivre la caution sans être tenue de faire la démonstration de la vaine discussion préalable de la débitrice principale.
Enfin, dans la mesure où le cautionnement litigieux a été souscrit le 31 janvier 2013 et où la créance de la banque est devenue exigible par le prononcé de la liquidation judiciaire de la société L'Univers de Mercitrouille le 5 juillet 2015, l'obligation de couverture de M. [B], d'une durée de cinq années, n'était pas expirée.
La cour confirmera donc le tribunal de commerce de ce chef.
2. Sur l'opposabilité du cautionnement
L'article L.341-4 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, dispose :
« Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.»
Au visa de ce texte, M. [B] reproche au premier juge d'avoir rejeté le moyen, qu'il soutenait, tiré de la disproportion de son engagement au regard de la réalité de son patrimoine.
L'appelant explique que ses seuls revenus provenaient de son activité au sein de la société cautionnée et que l'immeuble mentionné sur la 'fiche patrimoniale' était grevé d'un prêt au sujet duquel la banque aurait du demander des renseignements, ce qu'elle n'a pourtant fautivement pas fait. Il ajoute qu'il est profane en matière immobilière et que la société Banque CIC Sud Ouest se devait d'être alertée sur le fait qu'il a doublé la valeur de cette maison deux ans seulement après son acquisition et qu'elle n'a néanmoins pas pris la peine de s'assurer d'une évaluation objective par un professionnel.
La cour rappelle qu'il est constant en droit qu'il appartient à la caution qui entend opposer au créancier les dispositions de l'article L.341-4 du code de la consommation de rapporter la preuve de l'existence, lors de la souscription de son engagement, d'une disproportion manifeste entre le montant de la somme garantie et la valeur de ses biens et revenus.
A cet égard, il faut observer que, contrairement à ce que soutient l'appelant, la société Banque CIC Sud Ouest s'est enquise de sa situation patrimoniale puisqu'elle produit aux débats une 'fiche patrimoniale' remise à la caution par ses soins et renseignée par M. [B].
Or les indications portées par celui-ci, qui les a certifiées exactes et sincères le 31 janvier 2013, font état d'un patrimoine immobilier constitué d'une résidence principale acquise en décembre 2010 pour 190.000 euros.
M. [B] soutient que cet immeuble a été acheté grâce à un prêt. Il n'en rapporte toutefois pas la preuve, étant au surplus relevé qu'il n'a porté aucune mention dans l'encadré 'capital restant dû' susceptible d'attirer l'attention de la banque sur l'existence d'un prêt immobilier. Dès lors, sans qu'il soit nécessaire de prendre en considération la valeur estimée de 400.000 euros telle que renseignée par M. [B], il doit être constaté que la valorisation de l'immeuble litigieux à 190.000 euros est supérieure à l'engagement de M. [B] portant sur la somme de 30.000 euros.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a retenu que la somme cautionnée n'était pas disproportionnée aux biens et revenus de la caution et a condamné M. [B] à payer à la société Banque CIC Sud Ouest la somme de 30.000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 6 août 2019, date de la mise en demeure.
3. Sur le devoir de mise en garde
L'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, dispose :
« Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.»
Au visa de ce texte, M. [B] fait grief au premier juge de l'avoir débouté de son action en responsabilité contre la société Banque CIC Sud Ouest et fait valoir que celle-ci a manqué à son devoir de mise en garde en ne se renseignant pas correctement sur sa situation afin d'être en mesure de l'avertir, alors qu'il est une caution non avertie, des risques d'endettement liés à l'octroi du crédit litigieux.
L'intimée lui oppose qu'il est de principe que l'établissement prêteur est tenu à un devoir de mise en garde uniquement si deux conditions sont réunies : d'une part si l'engagement de la caution n'est pas adapté à ses capacités financières ou s'il existe un risque d'endettement excessif né de l'octroi du prêt ; d'autre part, si tel est le cas, si la caution n'est pas une caution avertie.
La société Banque CIC Sud Ouest indique que l'engagement de M. [B] à concurrence de 30.000 euros était adapté à la consistance de son patrimoine mobilier et immobilier ; elle soutient de plus que l'appelant, gérant et associé de la société garantie, était donc une caution avertie.
La cour rappelle qu'il est constant en droit que l'établissement de crédit est tenu à un devoir de mise en garde soit si le propre engagement de la caution n'est pas adapté à ses propres capacités financières, soit s'il existe un risque de l'endettement né de l'octroi du prêt, qui s'analyse compte tenu du risque de défaillance caractérisé du débiteur principal.
Sur le premier terme de l'alternative, il a été jugé supra que l'engagement de M. [B] était adapté à ses propres capacités financières.
Quant au second terme de l'alternative, il faut relever que l'appelant, en charge de la preuve de la situation de fait lui ouvrant le bénéfice d'une mise en garde de la banque, ne produit pourtant aucun élément relatif à la situation économique et financière de la société L'Univers de Mercitrouille au jour de l'octroi du prêt garanti et qui caractériserait un risque de défaillance de la société débitrice, étant observé que le constat de l'ouverture d'une procédure collective près de trois années plus tard n'est pas suffisant à cet égard.
La cour confirmera donc le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [B] de sa demande en dommages et intérêts à ce titre.
4. Sur le nantissement de compte bancaire
L'article 2355 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, dispose :
« Le nantissement est l'affectation, en garantie d'une obligation, d'un bien meuble incorporel ou d'un ensemble de biens meubles incorporels, présents ou futurs.
Il est conventionnel ou judiciaire.
Le nantissement judiciaire est régi par les dispositions applicables aux procédures civiles d'exécution.
Le nantissement conventionnel qui porte sur les créances est régi, à défaut de dispositions spéciales, par le présent chapitre.
Celui qui porte sur d'autres meubles incorporels est soumis, à défaut de dispositions spéciales, aux règles prévues pour le gage de meubles corporels.»
L'article 2356 du même code prévoit, dans sa version applicable au litige, que, à peine de nullité, le nantissement de créance doit être conclu par écrit ; que les créances garanties et les créances nanties sont désignées dans l'acte ; que, si elles sont futures, l'acte doit permettre leur individualisation ou contenir des éléments permettant celle-ci tels que l'indication du débiteur, le lieu de paiement, le montant des créances ou leur évaluation et, s'il y a lieu, leur échéance.
Selon l'article 2360 du même code, dans sa version ici applicable :
« Lorsque le nantissement porte sur un compte, la créance nantie s'entend du solde créditeur, provisoire ou définitif, au jour de la réalisation de la sûreté sous réserve de la régularisation des opérations en cours, selon les modalités prévues par les procédures civiles d'exécution.
Sous cette même réserve, au cas d'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire, de liquidation judiciaire ou d'une procédure de traitement des situations de surendettement des particuliers contre le constituant, les droits du créancier nanti portent sur le solde du compte à la date du jugement d'ouverture.»
L'article L.313-23 du code monétaire et financier, dans sa rédaction ici applicable, énonce :
« Tout crédit qu'un établissement de crédit consent à une personne morale de droit privé ou de droit public, ou à une personne physique dans l'exercice par celle-ci de son activité professionnelle, peut donner lieu au profit de cet établissement, par la seule remise d'un bordereau, à la cession ou au nantissement par le bénéficiaire du crédit, de toute créance que celui-ci peut détenir sur un tiers, personne morale de droit public ou de droit privé ou personne physique dans l'exercice par celle-ci de son activité professionnelle.
Peuvent être cédées ou données en nantissement les créances liquides et exigibles, même à terme. Peuvent également être cédées ou données en nantissement les créances résultant d'un acte déjà intervenu ou à intervenir mais dont le montant et l'exigibilité ne sont pas encore déterminés.
Le bordereau doit comporter les énonciations suivantes :
1. La dénomination, selon le cas, " acte de cession de créances professionnelles " ou " acte de nantissement de créances professionnelles " ;
2. La mention que l'acte est soumis aux dispositions des articles L. 313-23 à L. 313-34 ;
3. Le nom ou la dénomination sociale de l'établissement de crédit bénéficiaire ;
4. La désignation ou l'individualisation des créances cédées ou données en nantissement ou des éléments susceptibles d'effectuer cette désignation ou cette individualisation, notamment par l'indication du débiteur, du lieu de paiement, du montant des créances ou de leur évaluation et, s'il y a lieu, de leur échéance.
Toutefois, lorsque la transmission des créances cédées ou données en nantissement est effectuée par un procédé informatique permettant de les identifier, le bordereau peut se borner à indiquer, outre les mentions indiquées aux 1, 2 et 3 ci-dessus, le moyen par lequel elles sont transmises, leur nombre et leur montant global.
En cas de contestation portant sur l'existence ou sur la transmission d'une de ces créances, le cessionnaire pourra prouver, par tous moyens, que la créance objet de la contestation est comprise dans le montant global porté sur le bordereau.
Le titre dans lequel une des mentions indiquées ci-dessus fait défaut ne vaut pas comme acte de cession ou de nantissement de créances professionnelles au sens des articles L. 313-23 à L. 313-34.»
Au visa de ces textes, M. [B] reproche au premier juge d'avoir retenu que l'acte de nantissement de son compte bancaire lui était opposable et de l'avoir débouté de sa demande en restitution de la somme de 40.516,14 euros versée à la banque en exécution de ce nantissement.
L'appelant soutient que le document produit aux débats par l'intimée contrevient aux dispositions rappelées ci-dessus, de sorte qu'il ne peut lui être opposé à titre de nantissement.
La société Banque CIC Sud Ouest lui oppose, comme en première instance, la prescription de sa demande en nullité de l'acte de nantissement.
En ce qui concerne la fin de non recevoir soulevée par l'intimée, la cour observe qu'elle est inopérante puisque M. [B] ne tend pas à la nullité du nantissement litigieux mais à son inopposabilité.
Par ailleurs, il faut relever que le contrat de prêt conclu le 11 octobre 2012 entre la société L'Univers de Mercitrouille et la société Banque CIC Sud Ouest stipule un article 5.1 ainsi rédigé :
« Nantissement d'un compte bancaire (rémunéré) ; constituant : M. [U] [B] (...) et Mme [G] [B] (...)
CAT CIC Est n°[XXXXXXXXXX01]
n° de compte : [XXXXXXXXXX01]
montant nanti : 110.000 euros (cent dix mille euros)
nom et adresse de l'établissement de crédit teneur du compte nanti s'il ne s'agit pas de la banque créancière désignée ci-dessus : CIC Est (...)
Le constituant remet en nantissement à la banque le compte visé ci-dessus pour garantir les engagements de l'emprunteur, et ce conformément aux dispositions suivantes, en garantie du paiement et du remboursement du présent crédit et pour la durée dudit crédit. Le présent nantissement est valable jusqu'à remboursement complet des sommes dues par l'emprunteur à la banque au titre du crédit garanti susvisé, tant en principal qu'en intérêts, intérêts de retard, frais, commissions et accessoires ou mainlevée expresse de la banque.
Cette garantie est associée au prêt référencé : 00091404802 PRÊT PROFESSIONNEL pour un montant de 131.500 euros.»
Il apparaît donc que l'acte de nantissement discuté est établi par écrit, conformément aux dispositions de l'article 2356 du code civil, étant observé qu'aucune disposition légale n'exige qu'un tel nantissement fasse l'objet d'un acte séparé si le constituant, signataire de l'acte, est précisément informé tant du montant de la créance garantie que de celui de la créance nantie, ce qui est ici le cas.
Enfin, les dispositions de l'article L.313-23 du code monétaire et financier ne sont pas applicables en l'espèce puisque M. [B] n'établit pas que la créance nantie, soit un compte à terme dont il est co-titulaire à titre personnel, serait une créance professionnelle détenue sur un tiers.
Dès lors, l'intimée est fondée à se prévaloir de cet acte de nantissement à l'encontre de M. [B], constituant et le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
5. Sur la demande en paiement de la somme de 40516,14 euros
L'article 1235 du code civil, dans sa rédaction ici applicable, dispose :
« Tout paiement suppose une dette : ce qui a été payé sans être dû est sujet à répétition.
La répétition n'est pas admise à l'égard des obligations naturelles qui ont été volontairement acquittées.»
En vertu de l'article 1376 du même code, dans sa version ici applicable, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.
Au visa de ces textes, M. [B] fait grief au premier juge d'avoir rejeté sa demande en restitution de la somme de 40516,14 euros dont l'appelant soutient qu'elle a été illégitimement captée par la société Banque CIC Sud Ouest au débit du compte bancaire objet du nantissement alors pourtant, explique M. [B], qu'il ne peut lui être opposé de nantissement de son compte bancaire.
La cour rappelle cependant qu'elle a retenu supra que l'intimée rapportait la preuve du nantissement constitué par M. [B] au bénéfice de la société Banque CIC Sud-Ouest, laquelle était donc fondée à exécuter cette garantie par le versement à son profit du solde du compte CIC Est n° [XXXXXXXXXX01], ce compte tenu de la défaillance de l'emprunteur principal.
M. [B] tend subsidiairement au paiement de cette somme de 40.516,14 euros en se prévalant de l'action de in rem verso qui lui est ouverte par l'enrichissement sans cause de la banque, qui ne bénéficie pourtant ni d'un droit ni d'un titre pour s'attribuer cette somme.
La cour observe toutefois que le paiement de la somme litigieuse ne peut être regardé comme un enrichissement sans cause de la banque puisque celle-ci bénéficiait d'une part d'un droit à cet égard -la convention de nantissement- et de la réalisation des conditions prévues par cette convention pour se faire payer la somme aujourd'hui réclamée par l'appelant.
M. [B] tend très subsidiairement au remboursement de la somme de 20.258,20 euros, dont il explique qu'il s'agit, au jour de la mise en oeuvre de la garantie, de la moitié de la valeur de ce compte détenu indivisément avec Madame [G] [B], à laquelle il est marié sous le régime de la séparation de biens.
Il ajoute que le tribunal judiciaire de Bordeaux a, par jugement du 9 novembre 2021, condamné la société Banque CIC Sud Ouest à restituer à Mme [B] la somme de 20.258,20 euros par application des articles 1536 et suivants du code civil, puisque chacun des époux est présumé être propriétaire indivis pour la moitié de la somme figurant sur le compte joint.
La cour relève que les sommes détenues sur le compte bancaire nanti sont la propriété indivise de Monsieur [U] [B] et de Mme [G] [S] son épouse, ce qui résulte des termes du nantissement tels que cités supra. M. [B] rapporte par ailleurs la preuve, par la copie de l'extrait de l'acte de mariage, de ce qu'il est marié sous le régime de la séparation de biens.
Néanmoins, il apparaît que le tribunal judiciaire a retenu que le nantissement discuté n'était pas opposable à Mme [B], ce qui l'a conduit à statuer ainsi qu'il l'a fait. Or, ainsi qu'il a été jugé ci-dessus, le nantissement constitué le 11 octobre 2012 par M. [B] est opposable à celui-ci, de sorte qu'il n'est pas fondé à réclamer le remboursement de tout ou partie de la somme versée à la société Banque CIC Sud Ouest en exécution de cette garantie.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [B] de sa demande en paiement.
6. Sur l'information annuelle de la caution
L'article L.313-22 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable au litige, dispose :
« Les établissements de crédit ou les sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.
Le défaut d'accomplissement de la formalité prévue à l'alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.»
Au visa de ce texte, M. [B] fait grief au jugement déféré d'avoir retenu que la société Banque CIC Sud Ouest justifiait de l'exécution de son obligation d'information à ce titre. L'appelant fait valoir que le courrier produit aux débats n'a été édité que pour les besoins de la cause et que n'est pas rapportée la preuve de son envoi.
L'intimée lui oppose la production de deux lettres d'information datées du 24 février 2014 et du 20 février 2015, dont les mentions détaillent avec précision les engagements de la société tels qu'objet du cautionnement et la ventilation entre le capital restant du et les intérêts à échoir.
La cour relève toutefois que, nonobstant la précision des renseignements portés à ces courriers, il n'est produit aucun autre élément relatif à l'envoi d'une information annuelle au sens de l'article L.313-22 du code monétaire et financier et notamment aucune pièce établissant que ces deux lettres ont elles-mêmes été dûment adressées à M. [B], étant rappelé que la seule production de la copie d'une lettre ne suffit pas à justifier de son envoi.
Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a débouté la caution de sa demande au titre de la déchéance du droit de la banque aux intérêts du prêt et la cour prononcera la déchéance du droit de la société Banque CIC Sud Ouest aux intérêts du prêt courus entre le 31 janvier 2013 -date de l'engagement de M. [B] en qualité de caution- et le 5 juillet 2015, date du prononcé de la liquidation judiciaire.
Au demeurant, ainsi que le souligne l'intimée, cette sanction est sans effet sur l'obligation de M. [B] aujourd'hui puisque le capital restant dû au jour de l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société L'Univers de Mercitrouille était de 84.307,99 euros, ce qui résulte des mentions du tableau d'amortissement, tandis que le montant du cautionnement est de 30.000 euros.
7. Sur l'information relative au premier incident de paiement
L'article L.341-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au litige, dispose :
« Sans préjudice des dispositions particulières, toute personne physique qui s'est portée caution est informée par le créancier professionnel de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l'exigibilité de ce paiement. Si le créancier ne se conforme pas à cette obligation, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retards échus entre la date de ce premier incident et celle à laquelle elle en a été informée.»
Au visa de ce texte, M. [B] tend à la déchéance du droit de la banque aux pénalités ou intérêts de retard échus depuis la date du premier incident de paiement affectant le prêt objet du litige et dont il soutient ne pas avoir été avisé.
La cour relève toutefois qu'il n'y avait pas lieu à une telle information puisqu'il n'est pas établi que ce prêt n'aurait pas été dûment et régulièrement honoré jusqu'à la date de son exigibilité anticipée résultant de l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société emprunteuse. D'ailleurs, la déclaration de créance du 8 septembre 2015 ne mentionne pas l'existence d'intérêts échus et non réglés, ce dont a également été avisé M. [B] par courrier du 8 septembre 2015.
Le jugement déféré sera dès lors confirmé en ce qu'il n'a pas fait droit à cette demande de la caution.
La cour confirmera également les chefs dispositifs du jugement relatifs aux frais irrépétibles des parties et à la charge des dépens et, y ajoutant, condamnera M. [B] à payer les dépens et à verser à la société Banque CIC Sud Ouest la somme de 2.000 euros en indemnisation des frais irrépétibles de celle-ci.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement prononcé le 25 janvier 2021 par le tribunal de commerce de Bordeaux en ce qu'il a débouté Monsieur [U] [B] de sa demande au titre de la déchéance du droit de la société Banque CIC Sud Ouest aux intérêts du prêt.
Statuant à nouveau de ce chef,
Prononce la déchéance du droit de la société Banque CIC Sud Ouest aux intérêts du prêt courus entre le 31 janvier 2013 et le 5 juillet 2015.
Confirme pour le surplus le jugement prononcé le 25 janvier 2021 par le tribunal de commerce de Bordeaux.
Y ajoutant,
Condamne Monsieur [U] [B] à payer à la société Banque CIC Sud Ouest la somme de 2.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne Monsieur [U] [B] à payer les dépens de l'appel.
Le présent arrêt a été signé par M. Franco, président, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.