La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/05/2023 | FRANCE | N°21/01026

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 4ème chambre commerciale, 03 mai 2023, 21/01026


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE



--------------------------







ARRÊT DU : 03 MAI 2023









N° RG 21/01026 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-L6OY







S.A.S. UNIBETON





c/



S.A.R.L. LES RESIDENCES D'ATALANTE























Nature de la décision : AU FOND
























<

br>Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 janvier 2021 (R.G. 2019F00742) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 22 février 2021





APPELANTE :



S.A.S. UNIBETON, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis,...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 03 MAI 2023

N° RG 21/01026 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-L6OY

S.A.S. UNIBETON

c/

S.A.R.L. LES RESIDENCES D'ATALANTE

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 janvier 2021 (R.G. 2019F00742) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 22 février 2021

APPELANTE :

S.A.S. UNIBETON, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 3]

représentée par Maître Bernard QUESNEL de la SELARL QUESNEL ET ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

S.A.R.L. LES RESIDENCES D'ATALANTE, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 1]

représentée par Maître Patrick TRASSARD de la SELARL TRASSARD & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 01 mars 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sophie MASSON, Conseiller chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,

Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,

Madame Sophie MASSON, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE :

Le 22 décembre 2017, la société à responsabilité limitée Les Résidences d'Atalante, maître d'ouvrage, a adressé à la société par actions simplifiée Adour Bâtiment Concept un ordre de service pour le lot n°2 'fondations - gros oeuvre' d'un programme de construction d'un ensemble de 23 logements à [Localité 2] (Gironde), ce pour un montant de 460.000 euros HT.

Le 30 janvier 2018, la société Adour Bâtiment Concept a accepté un devis présenté par la société Unibéton pour la fourniture de béton et prestations annexes au prix de 78.811,20 euros TTC.

Par convention de délégation imparfaite de paiement signée le 13 avril 2018, la société Adour Bâtiment Concept a délégué à la société les Résidences d'Atalante son obligation de payer les prestations de son fournisseur, la société Unibéton, les sommes réglées étant donc déduites de l'obligation de paiement de la société Les Résidences d'Atalante à l'égard de son co-contractant direct la société Adour Bâtiment Concept.

La société Unibéton a mis en demeure la société Les résidences d'Atalante de payer la somme principale de 30.790,46 euros par courriers des 20 décembre 2018 et 7 mars 2019 puis a saisi, le 2 juillet 2019, le tribunal de commerce de Bordeaux en paiement de diverses sommes.

Par jugement contradictoire prononcé le 14 janvier 2021, le tribunal de commerce de Bordeaux a statué ainsi qu'il suit :

- condamne la société Les Résidences d'Atalante à payer à la société Unibéton la somme de 19.998,03 euros TTC au titre de la délégation imparfaite de paiement du 13 avril 2018 ;

- déboute la société Unibéton du surplus de ses demandes ;

- ordonne l'exécution provisoire du jugement, nonobstant appel et sans caution ;

- condamne la société Les Résidences d'Atalante à payer à la société Unibéton la somme de 1.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamne la société Les Résidences d'Atalante aux dépens.

La société Unibéton a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe du 22 février 2021.

La société Les Résidences d'Atalante a formé un appel incident.

***

Par dernières conclusions communiquées le 20 mai 2021 par voie électronique, la société Unibéton demande à la cour, au visa de l'article 1103 du code civil, de :

- réformer le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 14 janvier 2021 en ce qu'il a :

- limité la condamnation de la société Les Résidences d'Atalante à lui payer la somme de 19.998,03 euros au titre de la délégation imparfaite de paiement du 13 avril 2018,

- a débouté la société Unibéton du surplus de ses demandes ;

- condamner la société Les Résidences d'Atalante au paiement au profit de la société Unibéton de la somme de 41.105,14 euros ;

- condamner la société Les Résidences d'Atalante au paiement au profit de la société Unibéton de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Les Résidences d'Atalante aux dépens.

***

Par dernières écritures communiquées le 29 juin 2021 par voie électronique, la société Les Résidences d'Atalante demande à la cour de :

A titre principal,

- réformer le jugement entrepris du tribunal de commerce de Bordeaux en ce qu'il a condamné la société Les Résidences d'Atalante à payer à la société Unibéton la somme de 19.998,03 euros au titre de la délégation imparfaite de paiement du 13 avril 2018 ;

Statuant à nouveau,

- débouter la société Unibéton de l'ensemble de ses demandes ;

A titre subsidiaire,

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux en ce qu'il a limité la condamnation de la société Les Résidences d'Atalante à payer à la société Unibéton la somme de 19.998,03 euros au titre de la délégation imparfaite de paiement du 13 avril 2018 ;

- débouter la société Unibéton du surplus de ses demandes ;

En tout état de cause,

- condamner la société Unibéton au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Unibéton aux dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 février 2023.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1. L'article 1103 du code civil dispose :

« Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.»

2. Au visa de ce texte, la société Unibéton fait grief au jugement déféré d'avoir rejeté sa demande principale en paiement. L'appelante fait valoir tout d'abord que le tribunal de commerce a retenu un quantum erroné des sommes dues ; elle ajoute que les prestations ont été effectuées et que les factures s'y rapportant ont été acceptées expressément par la société Adour Bâtiment Concept, qui a signé les bons de livraison et n'a émis aucune contestation.

En réponse, la société Les Résidences d'Atalante soutient qu'elle ne s'est engagée que dans la limite du montant de 78.811,20 euros et dans la limite des prestations et fournitures définies au contrat. L'intimée ajoute que la société Unibéton, qui réclamait le paiement d'une somme de 35.777,87 euros en première instance, porte désormais sa réclamation à hauteur de 41.105,14 euros sans donner d'explication. La société Les Résidences d'Atalante conclut en faisant valoir que l'appelante ne produit aucune facture ayant fait l'objet de l'acceptation de la société Adour Bâtiment Concept pourtant contractuellement prévue.

3. La cour observe que la société les Résidences d'Atalante, maître d'ouvrage et débitrice de la société Adour Bâtiment Concept (ci-après ABC) en charge du lot 'fondations gros oeuvre', a conclu le 13 avril 2018 avec celle-ci et la société Unibéton, fournisseur de la société ABC, un contrat de paiement dénommé 'convention de délégation imparfaite de paiement' qui vise les articles 1336 et suivants du code civil et stipule en particulier :

« article 1 :

Afin d'assurer au délégataire le paiement des sommes en principal, intérêts, frais et accessoires qui lui sont dues par le Déléguant, le Déléguant délègue irrévocablement au Délégataire qui l'accepte, mais sans décharger le Déléguant, la somme de 78.811,20 € TTC due par le Délégué en vertu de l'accord précité.

Le Délégué déclare expressément accepter cette délégation et s'engage à régler directement le Délégataire en lieu et place du Délégant. Il se reconnaît en conséquence personnellement et directement tenu au paiement à l'égard du Délégataire.

Le montant aisi payé sera déduit du montant des situations du Délégant. (...)

Article 3 :

Sous réserve des articles l et 2 de la présente délégation, le Délégant donne ordre irrévocable au Délégué de payer à échéance et pour son compte le Délégataire et autorise donc le Délégué à déduire du montant de ses situations mensuelles les sommes qu'il aura réglées au Délégataire pour son compte dans la limite du montant fixé à l'article 1. (...)

En conséquence, le Délégataire adressera au Délégant ses factures dès leur établissement. Les bons de livraison justifieront à eux seuls de la conformité de la facture en tant que de besoin.

Le Délégant s'engage à adresser les factures du Délégataire revêtues de son visa 'bon à payer', de sa signature et de son cachet commercial. (...) Le Délégant devra aviser le délégataire de cette transmission. (...)

En cas de manquement du Déléguant à son obligation de transmission des factures émises par le Délégataire, le Délégataire adressera une mise en demeure au Déléguant, avec copie au Délégué, par courrier recommandé avec accusé de réception. Faute pour le Délégant de remédier à son manquement dans un délai de 10 jours après la réception de ladite mise en demeure, le Délégué s'engage à régler directement au Délégataire toute somme qui lui serait due, au titre de la présente délégation, sur présentation du double des factures et des bons de livraison certifiés conformes. (...)

Article 4 :

La présente délégation imparfaite produira ses effets à compter de ce jour et jusqu'au complet règlement de sa prestation.

Article 5 :

(...) En cas de dépassement du montant de la présente délégation, les livraisons seront immédiatement suspendues, jusqu'à la signature d'un avenant signé par les trois parties et fixant le nouveau montant de la délégation. A défaut, les livraisons ne pourront reprendre que dans les conditions suivantes : encaissement d'avance des livraisons ou prestations à effectuer.»

Il apparaît ainsi que la société Unibéton a accepté d'être réglée de sa prestation non par son co-contractant direct -la société ABC- mais par le débiteur de celui-ci, c'est-à-dire la société les Résidences d'Atalante, sous certaines conditions cependant : d'une part dans la limite de la somme figurant à l'article 1 de la convention, d'autre part après une procédure de transmission particulière de ses factures par le biais de son donneur d'ordre, seul en mesure de s'assurer de la réalité et de la qualité de la prestation et qui en reste d'ailleurs responsable, ce en vertu de l'article 2 du contrat.

4. Il est constant que la société Unibéton a édité six factures, les 20 et 30 avril 2018, les 18 et 31 mai 2018, le 30 juin 2018 et le 19 juillet 2018. L'appelante a reçu trois paiements entre le 22 mai et le 1er aout 2018, pour un montant total de 41.461,20 euros.

Elle a également reçu un paiement direct de la société ABC pour un montant de 6.559,54 euros, qui n'est rattaché à aucune des six factures litigieuses mais que l'appelante fait pourtant elle-même figurer dans le tableau (pièce 18) du décompte des règlements effectués en exécution de la convention litigieuse, ce qui porte le montant des paiements à la somme de 48.020,74 euros.

5. Trois factures, respectivement de 25.090,98 euros, 3.075,12 euros et 14.510,76 euros, sont donc en discussion.

A cet égard, il faut d'abord souligner que leur montant cumulé, ajouté à celui des trois factures d'ores et déjà honorées par la société Les Résidences d'Atalante, aurait pour effet de porter le montant des sommes présentées comme étant dues par l'intimée à hauteur de 84.138,06 euros. Or, par application conjointe des article 1er alinéa 1 et 3 alinéa 1 de la convention litigieuse, la limite de paiement de la société les Résidences d'Atalante a été fixée à 78.811,20 euros TTC.

De plus, la société Unibéton a adressé directement les trois factures litigieuses directement à l'intimée, sans qu'elles soient revêtues des mentions exigées par l'article 3 alinéa 4 de la convention de délégation de paiement ; il est certes mentionné dans deux courriers adressés le 17 septembre 2018 et le 15 octobre 2018 par l'appelante à la société Les Résidences d'Atalante que la société ABC n'aurait pas transmis les factures considérées 'dans les délais' ; toutefois, la société Unibéton n'établit pas que ces trois factures auraient fait l'objet de la procédure préalable exigée au dernier alinéa de l'article 3 de la convention, étant observé que le respect de cette procédure n'est mentionné dans aucun des courriers produits aux débats, alors pourtant que l'appelante cite cet alinéa dans son intégralité -pour ne se prévaloir que de la dernière partie de cette stipulation- au sein d'une mise en demeure adressée le 20 décembre 2018 à la société les Résidences de l'Atalante.

Enfin, il ne peut être tenu compte, dans le présent litige, des offres de paiement de l'intimée dans la mesure où elles ont été présentées à l'appui de la négociation d'une transaction qui n'a finalement pas abouti.

6. En conséquence, la cour infirmera le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Les Résidences d'Atalante à payer à la société Unibéton une somme de 19.998,03 euros, une indemnité de procédure de 1.000 euros et les dépens, et, statuant à nouveau et y ajoutant, déboutera la société Unibéton de l'ensemble de ses demandes, la condamnera à verser à l'intimée une somme de 3.000 euros en indemnisation des frais irrépétibles de celle-ci et à payer les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement prononcé le 14 janvier 2021 par le tribunal de commerce de Bordeaux en ce qu'il a condamné la société Les Résidences d'Atalante à payer à la société Unibéton :

- la somme de 19.998,03 euros au titre de la convention de délégation de paiement,

- 1.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- les dépens de première instance.

Le confirme pour le surplus.

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Déboute la société Unibéton de l'ensemble de ses demandes.

Condamne la société Unibéton à payer à la société Les Résidences d'Atalante la somme de 3.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société Unibéton à payer les dépens de première instance et d'appel.

Le présent arrêt a été signé par M. Franco, président, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 21/01026
Date de la décision : 03/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-03;21.01026 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award