COUR D'APPEL DE BORDEAUX
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 21 MARS 2023
N° RG 22/03439 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MZPT
S.A.S. GR UCS FINANCIAL & BUSINESS
c/
Monsieur [D] [X]
S.E.L.A.R.L. PHILAE
Nature de la décision : AU FOND
Notifié aux parties poar LRAR le :
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : décision rendu le 06 juillet 2022 (R.G. 2022P00264) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 15 juillet 2022
APPELANTE :
S.A.S. GR UCS FINANCIAL & BUSINESS, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 6] - [Localité 5]
représentée par Maître Olivier COULEAU de la SELARL GUIGNARD & COULEAU, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉS :
Monsieur [D] [X], né le [Date naissance 4] 1959 à [Localité 7], de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]
non représenté
S.E.L.A.R.L. PHILAE prise la personne de Maître [B] [R], ès qualité de mandataire judiciaire de la société GR UCS FINANCIAL & BUSINESS et domiciliée en cette qualité au siège sis,
[Adresse 2]
non représentée
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 21 février 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,
Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,
Madame Sophie MASSON, Conseiller,
Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT
ARRÊT :
- réputé contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
EXPOSE DU LITIGE
Par contrat de travail à durée indéterminée du 31 mai 2021, la société GR UCS Financial et Business (ci-après désignée GR UCS), ayant pour gérant M. [Y] [Z], a embauché M. [D] [X] en qualité de directeur du développement commercial.
Une rupture conventionnelle de ce contrat a été signée par les parties le 21 octobre 2021.
M. [X] a ensuite fait délivrer à la société GR UCS une sommation de payer la somme de 8303,32 euros au titre des salaires de septembre, octobre et novembre 2021 et pour les frais professionnels du mois d'octobre 2021.
Puis, par exploit d'huissier du 04 février 2022, M. [D] [X] a fait assigner la société GR UCS Financial et Business devant le tribunal de commerce de Bordeaux aux fins de faire constater l'état de cessation des paiements de cette société et voir prononcer l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à son égard.
Devant le tribunal, la société GR UCS a soutenu qu'il n'existait pas de créance certaine, liquide et exigible, et qu'elle n'était pas en état de cessation des paiements.
Elle a sollicité à titre reconventionnel la condamnation de M. [X] au paiement de dommages-intérêts.
Par jugement contradictoire du 06 juillet 2022, le tribunal de commerce de Bordeaux a :
- constaté l'état de cessation des paiements de la société GR UCS Financial et Business,
- prononcé l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire prévue par les dispositions des articles L. 631-1 et suivants du code de commerce, à l'égard de la société GR UCS Financial et Business, au capital de 10 000 euros, identifiée sous le n°899 180 525 RCS Bordeaux (2021B3244), dont le siège social est à [Localité 8] [Adresse 6], exerçant une activité d'intégration et commercialisation de solutions technologiques à [Localité 8] [Adresse 6],
- ouvert la période d'observation de six mois,
- fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 15 juin 2022,
- nommé M. [U] [W], juge commissaire et M. [V] [E], juge commissaire suppléant,
- désigné la société Philae, en qualité de mandataire judiciaire et dit que cette mission sera suivie par Maître [B] [R],
- désigné, en application des articles L. 631-9 et L. 631-14 du code de commerce, la société Blanchy-Lacombe, [Adresse 3], commissaire-priseur, afin de réaliser l'inventaire et la prisée du patrimoine du débiteur,
- fixé l'affaire à l'audience du mercredi 14 septembre 2022 à 16 heures 15 minutes pour qu'il soit statué conformément à l'article L. 631-15 du code de commerce,
- imparti aux créanciers, conformément à l'article R. 622-24 du code du commerce, pour la déclaration de leur créance un délai de deux mois à compter de la publication au BODACC du présent jugement,
- fixé à un an à compter du terme du délai imparti aux créanciers pour déclarer leur créance, le délai pour l'établissement de la liste des créances déclarées, conformément aux articles L. 624-1 et R. 624-2 du code de commerce,
- invité le comité d'entreprise, les délégués du personnel ou, à défaut de ceux-ci, les salariés à désigner au sein de l'entreprise un représentant des salariés conformément aux articles L. 621-4, L. 621-5, L. 621-6, L. 631-9 et R. 621-14 du code du commerce,
- ordonné que dans les dix jours du prononcé du présent jugement, le représentant légal de la personne morale débitrice ou le débiteur personne physique réunisse le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel ou, à défaut, les salariés de l'entreprise pour désigner un représentant des salariés dans les conditions prévues à l'article R. 621-14 du code du commerce,
- ordonné au chef d'entreprise de déposer immédiatement au greffe du tribunal de commerce conformément à l'article R. 621-14 du code du commerce, le procès-verbal de désignation de ce représentant des salariés, ou le procès-verbal de carence,
- dit que les notifications, mentions, avis et publicités du présent jugement seront effectués sans délai, nonobstant toutes voies de recours,
- dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de redressement judiciaire.
Le tribunal a considéré que la créance de M. [X] au titre des salaires et frais professionnels était certaine, liquide et exigible, que l'échec des mesures d'exécution démontrait que l'actif disponible était insuffisant pour permettre à la société GR UCS d'y faire face, de sorte que la cessation des paiements était caractérisée.
Par déclaration en date du 15 juillet 2022, la société GR UCS Financial et Business a interjeté appel de cette décision, énonçant les chefs de la décision expressément critiqués, intimant M. [X] et la société Philae, ès qualité de mandataire judiciaire de la société GR UCS Financial et Business.
Par ordonnance du 1er septembre 2022, le magistrat délégataire de la première présidente de la cour d'appel de Bordeaux a ordonné l'arrêt de l'exécution provisoire.
Par courrier du 24 octobre 2022, la société Philae, ès qualités de mandataire judiciaire de la société GR UCS Financial et Business, a informé la cour de ce que :
- le passif de la société GR UCS Financial et Business, actuellement en cours de vérification, est de 93 145,14 euros en ce compris une créance provisionnelle de l'URSSAF de 45 000 euros,
- le dirigeant de la société GR UCS Financial et Business, n'a produit aucune comptabilité de la société,
- le dirigeant de la société GR UCS Financial et Business a été condamné par un jugement du tribunal de commerce de Bordeaux rendu le 26 juillet 2022 à une interdiction de gérer de huit années dans le cadre d'une procédure de liquidation judiciaire de la société Unificia, contre lequel appel a été formé,
- la société GR UCS Financial et Business est la quatorzième société créée par M. [Z] depuis 2004, dont sept ont fait l'objet de procédures collectives.
Par courrier du 31 octobre 2022, la société Philae, ès qualités de mandataire judiciaire de la société GR UCS Financial et Business, a informé la cour de l'existence de deux créances postérieures non payées :
- URSSAF : cotisation du mois d'août 2022 : 636 euros,
- Pôle de recouvrement : prélèvement à la source du mois de juillet 2022 : 230 euros.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par dernières écritures notifiées par RPVA le 1er septembre 2022, auxquelles la cour se réfère expressément, la société GR UCS Financial et Business, demande à la cour de :
- vu l'article 1240 du code civil,
- vu les articles L. 631-1 et suivants du code de commerce,
- la déclarer recevable et bien fondée en son appel,
- y faisant droit,
- infirmer dans son intégralité le jugement du tribunal de commerce du 06 juillet 2022,
- statuant à nouveau :
- constater l'absence de créance certaine, liquide et exigible de M. [X] envers elle,
- constater qu'elle n'est pas en état de cessation des paiements,
- débouter M. [X] de ses demandes tendant à voir prononcer l'ouverture d'une procédure collective à son encontre,
- condamner M. [X] à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation de préjudice causé par le caractère abusif de la procédure diligentée,
- condamner M. [X] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [X] aux dépens.
Par avis du 27 octobre 2022, auxquelles la cour se réfère expressément, le ministère public demande à la cour de :
- confirmer le jugement en toutes ces dispositions et notamment en ce qu'il a constaté la cessation de paiement de la société et ordonné l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, étant précisé que comme en atteste le mandataire judiciaire, le dirigeant [Y] [Z] a fait l'objet d'une sanction commerciale avec interdiction de gérer pendant une durée de 8 ans par jugement du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 26 juillet 2022, à l'occasion d'une autre société dont il était également le dirigeant.
La société Philae, ès qualités de mandataire judiciaire de la société GR UCS Financial et Business, n'a pas constitué avocat. Elle a indiqué qu'elle soutenait la confirmation du redressement judiciaire de la société GR UCS Financial et Business.
Par actes d'huissier du 06 septembre 2022, la société GR UCS Financial et Business a signifié sa déclaration d'appel et ses conclusions à M. [X] et à la société Philae, ès qualités de mandataire judiciaire de la société GR UCS Financial et Business.
Par ordonnance du 29 août 2022, la présidente de la chambre commerciale de la cour d'appel de Bordeaux a fixé l'affaire à bref délai, à l'audience du 14 novembre 2022.
Par arrêt avant dire droit du 12 décembre 2022, la chambre commerciale de la cour d'appel de Bordeaux a ordonné le renvoi du dossier à l'audience du 21 février 2023 et a invité la société appelante à produire aux débats sa comptabilité et un état complet de ses dettes à ce jour, ainsi que son actif disponible.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.
MOTIFS DE LA DECISION
1- En application de l'article 474 du code de procédure civile, il sera statué par défaut dès lors que l'affaire n'est pas susceptible d'appel et que l'acte portant signification de la déclaration d'appel et des conclusions de l'appelante n'a pas été remis à la personne de M. [X], le 9 septembre 2022, mais déposé en étude.
2- Il résulte de l'article 472 alinéa 2 du code de procédure civile qu'en appel, si l'intimé ne conclut pas, il est néanmoins statué sur le fond, et le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés.
Sur le bien-fondé de la demande de redressement judiciaire :
3- Selon les dispositions de l'article L.631-1 du code de commerce, il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L. 631-2 ou L. 631-3 qui, dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements. Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en cessation des paiements.
Par ailleurs, il résulte de l'article L.631-5 que la procédure de redressement judiciaire peut être ouverte sur assignation d'un créancier, quelle que soit la nature de sa créance.
Le texte n'exige pas que la créance soit constatée dans un titre exécutoire, et il suffit que la créance soit certaine, liquide et exigible.
4- Il en résulte que l'absence de saisine du conseil de prud'hommes ne privait pas l'intimé de la possibilité de solliciter l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire.
5 - En outre, l'appelante ne conteste nullement le principe de la créance salariale de M. [X], à la suite de la rupture conventionnelle du contrat de travail, mais uniquement son montant, puisqu'elle estime que les justificatifs des frais professionnels d'octobre 2018 n'ont pas été fournis, pour un montant de 318 euros, et qu'il conviendrait de tenir compte des frais exposés pour remettre en état le véhicule de fonction pour un montant de 175 euros.
6 - Il doit donc être retenu que la créance de M. [X] est certaine, liquide et exigible pour un montant de 8302,32 - (175 + 318) = 7810,32 euros.
7 - L'appelante fait en outre valoir que la preuve n'est pas rapportée de son état de cessation des paiements.
8 - La société appelante a certes justifié de la remise sur le sous-compte CARPA 11635 de deux chèques :
- l'un de 7603,49 euros en date du 11 janvier 2022 (remise de chèque le 14 janvier 2022),
- l'autre de 524,03 euros en date du 12 avril 2022 (remise de chèque le 25 avril 2022)
Pour autant, la preuve n'est pas rapportée de l'encaissement effectif de ces chèques à défaut de production des relevés de ce sous-compte CARPA, ou de relevés bancaires du compte de la Banque Postale sur lequel les chèques ont été tirés.
Ces seuls documents ne prouvent pas que la société appelante est en capacité de payer cette créance salariale, vainement réclamée (étant observé par ailleurs qu'aucune explication sérieuse n'est donnée à l'absence de réglement effectif de cette somme entre les mains de M. [X]).
9 - Par ailleurs, la société appelante n'a donné aucune précision concernant son actif contrairement à ce qui avait été réclamé dans l'arrêt avant dire droit.
Par ces seuls motifs, l'impossibilité de faire face au passif exigible avec l'actif disponible est établie.
10 - Enfin, surabondamment, il sera relevé que la SELARL Philae, agissant es qualité de mandataire judiciaire, a indiqué, dans une correspondance adressée le 24 octobre 2022 à la cour (dont copie adressée au conseil de M. [Z]), qu'elle ne disposait d'aucun fond, et que la société ne démontrait aucune activité permettant l'apurement du passif déclaré (93 145,14 euros).
11- Il convient en conséquence de confirmer le jugement en toutes ses dispositions
Sur les demandes accessoires :
12- Dès lors qu'elle échoue en son appel, la société GR UCS Financial & Business ne rapporte pas la preuve du caractère abusif de l'action engagée par M. [X] devant le tribunal de commerce de Bordeaux.
Par ailleurs, le préjudice moral allégué par Mme [G] et M. [Z], à titre personnel, comme conséquences de faits de harcèlement et menaces de mort imputés à M. [X], ne peut fonder une demande de réparation formée par la société GR UCS Financial & Business, personne morale, à l'occasion de la présente instance.
Dès lors la demande de dommages-intérêts sera rejetée.
13 - Partie perdante, la société GR UCS Financial & Business supportera les dépens d'appel et ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Rejette la demande de dommages-intérêts formée par la société GR UCS Financial & Business,
Rejette la demande formée par la société GR UCS Financial & Business sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société GR UCS Financial & Business aux dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par M. Franco, président, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.