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20/03/2023 | FRANCE | N°19/02401

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 4ème chambre commerciale, 20 mars 2023, 19/02401


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE



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ARRÊT DU : 20 MARS 2023









N° RG 19/02401 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-K73J









Madame [T] [C]





c/



L'ADMINISTRATION DES FINANCES PUBLIQUES























Nature de la décision : FOND





















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Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 mars 2019 (R.G. 16/12773) par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 26 avril 2019





APPELANTE :



Madame [T] [C], née le 22 Décembre 1930 à [Localité 7], de nationalité Française, demeurant [Adresse 1...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 20 MARS 2023

N° RG 19/02401 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-K73J

Madame [T] [C]

c/

L'ADMINISTRATION DES FINANCES PUBLIQUES

Nature de la décision : FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 mars 2019 (R.G. 16/12773) par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 26 avril 2019

APPELANTE :

Madame [T] [C], née le 22 Décembre 1930 à [Localité 7], de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représentée par Maître Julie CASTEDE, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

L'ADMINISTRATION DES FINANCES PUBLIQUES prise en la personne du Directeur régionale des Finances Publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des bouches du Rhone sis [Adresse 5]

représentée par Maître Pierre FONROUGE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 février 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,

Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,

Madame Sophie MASSON, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [T] [C] détient des parts dans une société civile immobilière située à [Localité 8], cinq sociétés civiles immobilières et deux SARL situées à [Localité 4]. Elle était assujettie au paiement de l'impôt de solidarité sur la fortune ( ci-après ISF).

En mars puis en juillet 2010, l'administration fiscale lui a adressé une demande de renseignements non contraignante dans le cadre de l'examen de son dossier ISF.

Puis par courrier du 16 septembre 2010, l'administration fiscale lui a demandé, dans le cadre du contrôle de sa déclaration d'impôt de solidarité sur la fortune souscrite au titre des années 2007, 2008, 2009 et 2010 de lui adresser sous deux mois des justifications sur la composition de l'actif et/ou du passif de son patrimoine.

Mme [C] a répondu à ce courrier le 19 novembre 2010.

Le 11 décembre 2012, une proposition de rectification lui a été adressée sous le numéro 3905 pour les années 2009, 2010 et 2011 portant sur l'évaluation des parts sociales dont elle était détentrice dans six sociétés.

Mme [C] a formulé des observations par courrier du 12 février 2013. Le 5 mars 2013, la Direction générale des finances publiques lui a indiqué qu'elle maintenait partiellement les rectifications proposées.

Deux avis de mise en recouvrement ainsi ont été établis le 17 mai 2013 s'élevant pour le premier à 276.304 euros et pour le second à 508.504 euros.

Mme [C] a formé une réclamation contentieuse par courrier recommandé faisant notamment valoir que :

- les demandes de communication de documents concernant certaines de ses sociétés étaient irrégulières au regard du droit de communication prévu aux articles L 81 et L 94 A du livre des procédures fiscales, ce qui entache d'irrégularité la procédure,

- la durée du contrôle de trois années avait été excessive et portait atteinte au principe de sécurité juridique.

Cette réclamation a été rejetée par la Direction générale des finances publiques par décision du 18 mai 2016, notifiée le 10 juin 2016.

Contestant la régularité de cette procédure de vérification, Mme [T] [C] a, par acte en date du 11 août 2016, fait assigner le directeur régional des finances publiques d'Aquitaine et du département de la Gironde aux fins de voir juger que l'administration avait fait un usage irrégulier de ses pouvoirs et de voir prononcer une décharge des droits et pénalités mises à sa charge.

Par décision du 11 mars 2019, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :

- débouté Mme [C] de ses demandes,

- confirmé la décision de rejet de sa réclamation,

- condamné Mme [C] aux dépens.

Pour statuer comme il a fait, le tribunal a notamment jugé que :

- l'administration fiscale avait pu à bon droit demandé à Mme [C], dans le cadre du contrôle de l'évaluation de ses parts sociales, des éléments propres aux sociétés concernées et non au seul patrimoine personnel de l'intéressée

- les éléments de comparaison retenus par l'administration étaient pertinents,

- l'administration avait procédé à une combinaison des méthodes d'évaluation ( par comparaison et par revenu), de sorte que le moyen soulevé par Mme [C] tiré de la critique de la méthode par comparaison n'est pas fondé,

- il n'y a pas eu de violation du principe de sécurité juridique qui résulterait du délai de deux ans écoulé entre les premières correspondances de l'administration de 2010 et la proposition de rectification qui lui a été adressée le 11 décembre 2012, l'action n'étant pas prescrite et Mme [C] ne tirant pas de conséquences juridiques de l'atteinte qu'elle dénonce,

- Mme [C] ne justifiait pas que la procédure de vérification avait fait suite à la transmission à l'administration fiscale d'un jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux du 27 janvier 2010 et qu'en tout état de cause, une telle transmission ne contrevient pas à l'obligation de loyauté.

Le 26 avril 2019, Mme [C] a formé appel de cette décision en intimant la direction des finances publiques prise en la personne de son représentant légal, M. Le directeur.

L'affaire a été enrôlée sous le RG 19/02401.

Le 6 décembre 2021, Mme [C] a fait notifier par voie électronique un mémoire à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité à transmettre à la Cour de cassation.

L'affaire a été enrôlée sous le RG 21/06726.

Les deux affaires ont été clôturées par ordonnance du 23 janvier 2023 et ont été fixées à l'audience du 6 février 2023 pour être plaidées.

***

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 26 juillet 2019, Mme [C] demande à la cour de :

Vu l' article L 23A, en sa rédaction issue de la loi n°98-1266 du 30 décembre 1998 de finances pour 1999, l'article L 17 et l'article L 199 C du livre des procédures fiscales,

- recevoir Madame [C] en son appel interjeté à l'encontre du jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux (n°RG 16/12773) rendu le 11 Mars 2019,

L'y déclarer bien fondée,

En conséquence,

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

- Débouté Madame [C] de sa demande tendant à la constatation de l'irrégularité de la procédure de contrôle dont elle a fait l'objet et de l'usage irrégulier par l'Administration Fiscale des pouvoirs qu'elle tient des articles L17 L23A L57 L94A du Livre des Procédures Fiscales,

- Débouté la concluante de ses demandes tendant à l'annulation de la décision expresse de rejet de sa réclamation contentieuse et au prononcé de la décharge des droits et pénalités mises à sa charge,

- Débouté la concluante de sa demande de condamnation de l'Etat au paiement à son égard d'une indemnité de 2000€ sur le fondement de l'article 700 du CPC

- Confirmé en conséquence la décision de rejet de sa réclamation et Condamné la concluante aux entiers dépens.

Et statuant à nouveau,

- constater que l'Administration Fiscale a fait un usage irrégulier des pouvoirs qu'elle tient des articles L17, et L 23A, du Livre des Procédures Fiscales,

- constater que l'Administration Fiscale n'a pas respecté l'obligation de loyauté à laquelle elle est tenue dans le cadre de la réalisation du contrôle de l'imposition et en l'espèce de l'impôt de solidarité sur la fortune, à l'égard du contribuable,

- constater que l'Administration Fiscale a commis un détournement de la procédure prévue à l'article L17 du Livre des Procédures Fiscales, par l'utilisation de termes de comparaison manifestement inadéquats,

- constater subsidiairement que l'Administration Fiscale n'a pas appliqué de décote supplémentaire au titre de la fiscalité latente des plus-values réalisées lors de la cession des parts des SARL dans le cadre de l'évaluation des parts sociales détenues par Mme [C] lors du contrôle de la base d'imposition à l'ISF,

- annuler la décision attaquée et prononcer la décharge des droits et pénalités mis à 1a charge de l'appelante,

- condamner l'Etat à payer à Mme [C] la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel

Aux termes de ses conclusions notifiées en dernier lieu par voie électronique le 16 octobre 2019, l'administration des finances publiques, poursuites et diligences du Directeur Régional des Finances Publiques, demande à la cour de :

- confirmer le jugement du 11 mars 2019 ;

- confirmer le bien-fondé de l'imposition mise à la charge de Madame [T] [C] ;

- condamner Madame [C] au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Madame [C] aux entiers dépens.

Le conseil de Mme [C] a notifié de nouvelles conclusions le 21 janvier 2023 puis le 3 février 2023.

Par courrier du 3 février 2023, le conseil de l'administration des finances publiques a sollicité le renvoi de l'affaire pour lui permettre de répondre aux conclusions tardives de son contradicteur, et à défaut le rejet de celles-ci.

Par conclusions notifiées le 6 février 2023, le conseil de l'administration des finances publiques a sollicité le rejet de des deux derniers jeux de conclusions de Mme [C] en raison de leur tardiveté.

Les parties ont formé lors de l'audience une demande de renvoi de l'affaire au fond dans l'attente de la décision sur la question prioritaire de constitutionnalité plaidée le même jour. Cette demande a été rejetée par la cour. Le conseil de l'administration des finances publiques a maintenu sa demande de rejet des deux derniers jeux de conclusions.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande visant à voir rejeter les deux derniers jeux de conclusions de Mme [C] :

1- La date de l'ordonnance de clôture était connue par les parties depuis l'avis de fixation notifié le 5 juillet 2022.

Or, Mme [C] n'a répondu que le 21 janvier 2023 aux conclusions de son contradicteur notifiées le 16 octobre 2019, mettant celui-ci dans l'impossibilité de répondre avant la clôture fixée au surlendemain compte tenu de la technicité des arguments à examiner.

Compte tenu de cette atteinte au principe du contradictoire, les conclusions notifiées le 21 janvier 2023 seront écartées des débats.

Il en sera de même des conclusions signifiées le 3 février 2023, après la clôture.

Sur la demande de décharge des droits et pénalités :

2- Mme [C] fonde à titre principal sa demande de décharge sur trois manquements qu'aurait commis l'administration dans le déroulement de la procédure de redressement dont elle a fait l'objet, qu'il conviendra d'examiner successivement. A titre subsidiaire, elle fonde sa demande sur deux moyens nouveaux développés en appel ( l'absence de dégrèvement de la valeur des parts de la SCI du 12 cours de l'Intendance suite à la vente de l'immeuble, et la non-application d'une décote supplémentaire au titre de la plus value latente).

Sur ' l'usage irrégulier par l'Administration Fiscale des pouvoirs qu'elle tient des articles L17 et L 23A du Livre des Procédures Fiscales ' :

3-Aux termes de l'article L 23 A susvisé dans sa version applicable à ce litige ( sauf pour l'année 2011), en vue du contrôle de l'impôt de solidarité sur la fortune, l'administration peut demander :

a) Aux redevables mentionnés au 2 du I de l'article 885 W du code général des impôts, la composition et l'évaluation détaillée de l'actif et du passif de leur patrimoine ;

b) A tous les redevables, des éclaircissements et des justifications sur la composition de l'actif et du passif de leur patrimoine.[ Souligné par la cour]

Ces demandes, qui sont indépendantes d'une procédure d'examen de situation fiscale personnelle, fixent au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois.

En l'absence de réponse aux demandes mentionnées aux a et b ou si les éclaircissements ou justifications sont estimés insuffisants, l'administration peut rectifier les déclarations d'impôt de solidarité sur la fortune en se conformant à la procédure de rectification contradictoire prévue à l'article L. 55.

Aux termes de l'article L 23 A susvisé dans sa version applicable à l'ISF 2011, en vue du contrôle de l'impôt de solidarité sur la fortune, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. Elle peut en outre lui demander des justifications sur la composition de l'actif et du passif de son patrimoine.[ Souligné par la cour]

Ces demandes, qui sont indépendantes d'une procédure d'examen de situation fiscale personnelle, fixent au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois.

En l'absence de réponse ou si les justifications prévues à l'article 885 Z du code général des impôts ou demandées en application du premier alinéa sont estimées insuffisantes, l'administration peut rectifier les déclarations d'impôt de solidarité sur la fortune en se conformant à la procédure de rectification contradictoire prévue à l'article L. 55.

4-Mme [C] fait valoir que l'administration fiscale n'était pas en droit de lui demander sur le fondement de l'article 23 A susvisé des justifications , mais seulement des éclaircissements, relatifs aux patrimoines des sociétés dans lesquelles elle avait des participations, celles-ci ayant chacune une personnalité juridique distincte de la sienne. En outre, seules ces sociétés avaient accès aux documents sollicités.

L'appelante expose à cet effet que les notions d'éclaircissements et de justifications sont distinctes. La demande d'éclaircissements vise en effet à provoquer des explications du contribuable sur n'importe quel point de sa déclaration alors que la demande de justification a un objet plus limité portant exclusivement sur le passif et l'actif du patrimoine du contribuable et ne s'applique que dans les cas énumérés par loi.

Elle affirme que les services fiscaux ont la possibilité d'exercer leur droit de communication auprès des sociétés concernées par le contrôle des associés.

Cette irrégularité est grave et présente un caractère substantiel selon elle qui affecte dès lors l'ensemble de la procédure d'imposition et justifie la décharge de l'ensemble des droits résultant de cette procédure d'imposition.

5- L'administration fiscale soutient qu'elle a la faculté de demander au contribuable tous éclaircissements et justifications sur les modalités de calcul de l'évaluation des biens ( notamment pour les titres non côtés), sur les motifs qui ont conduit un contribuable à minorer l'évaluation d'un bien par rapport à l'année précédente, sur l'absence d'un bien à l'actif.

Elle rappelle qu'en vertu de l'article 885 Z du code général des impôts les redevables doivent joindre à leur déclaration les éléments justifiant de l'existence, de l'objet et du montant des dettes dont la déduction est opérée. L'intimée soutient que sa demande de justifications du 16 septembre 2010 portait sur la justification des dettes et des modalités de calcul de l'évaluation des parts de sociétés déclarées. Elle ajoute enfin que l'arrêt cité par l'appelante sur le principe d'unicité des personnes ne concernait pas l'article L 23 A précité.

6- La demande d'éclaircissements vise à obtenir des explications du contribuable alors que la demande de justification vise à la production de pièces justificatives des montants déclarés.

L'administration fiscale a demandé le 16 septembre 2010 à Mme [C] des justifications portant sur la valeur des parts qu'elle avait déclaré détenir dans huit sociétés. Il lui était ainsi demandé de justifier :

- s'agissant de la SCI Berberana au titre de laquelle il lui était reproché de ne pas avoir déclaré que celle-ci possédait outre un château à [Localité 8], un appartement [Adresse 1] à [Localité 6] : la copie de l'acte de vente, de l'emprunt lié à cette acquisition et du montant des loyers perçus et copie du contrat de location ainsi que le contrat de location et le montant des loyers pour le Château à [Localité 8] dans l'hypothèse où celui-ci serait loué,

- l'échéancier des emprunts pour chaque société,

- du solde des comptes courant d'associé qu'elle détenait dans ses sociétés, demande dont la régularité n'est pas contestée,

- des biens détenus par la SCI du [Adresse 2],

- des créances clients, disponibilités de valeur et dettes des différentes sociétés.

Mme [C] ne produit pas sa déclaration d'ISF.

Il ressort cependant du tableau qu'elle a adressé aux services fiscaux le 9 août 2010 suite à leur demande de renseignements que Mme [C] a calculé la valeur de ses parts dans ses différentes sociétés en déduisant de la valeur estimée par elle des biens détenus par chaque société , les amortissements et l'endettement de celle-ci.

Il appartenait dès lors à Mme [C] de produire tous justificatifs du calcul ainsi opéré.

Il ne peut dès lors être reproché à l'administration d'avoir demandé à Mme [C] des justifications de la valeur des immeubles détenus par les sociétés dans laquelle elle avait des parts, des amortissements et de l'endettement des sociétés puisqu'elle y fait elle-même référence. Il sera ajouté que la demande de production des baux visait à permettre à l'administration de recouper la méthode d'évaluation par comparaison, critiquée par l'appelante, par la méthode par le revenu, et ce afin d'obtenir une évaluation plus fiable de la valeur de ses parts sociales.

Par ailleurs, la jurisprudence produite par l'appelante n'est en effet, comme le soutient l'administration, pas transposable au cas d'espèce.

En tout état de cause, même à supposer que l'administration fiscale aurait dû s'adresser directement aux diverses sociétés dont Mme [C] détenait la majorité des parts sociales, ce qu'elle justifie d'ailleurs avoir fait en parallèle, Mme [C] ne justifie nullement ni du caractère substantiel de cette erreur, ni d'une atteinte aux droits de la défense, qui justifierait la décharge de ses droits.

Pour le surplus, les motifs de la décision de première instance seront adoptés.

Sur ' la violation par l'administration fiscale de l'obligation de loyauté, du principe de sécurité juridique et des dispositions de l'article 17 du livre des procédures fiscales' :

7- Mme [C] soutient que le délai de deux ans qui s'est écoulé entre la dernière communication de documents qu'elle a effectués le 14 décembre 2010 et la proposition de rectification du 11 décembre 2012 est excessif et contrevient au principe de sécurité juridique et de loyauté que l'administration doit respecter dans ses relations avec les contribuables. Ce retard lui a causé un préjudice important puisqu'elle a dû s'acquitter la même année de l'impôt sur les plus values suite à la cession de ses parts et des impositions litigieuses alors qu'elle ne disposait plus des loyers afférents aux contrats de location.

Elle ajoute que le contrôle a été déclenché par la connaissance qu'a eu l'administration d'un jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bordeaux relatif à un acte de cession, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Bordeaux. 'L'administration a probablement attendu d'avoir connaissance des dispositions de l'acte de cession pour entreprendre la rectification des évaluations portées dans les déclarations ISF.'

8- L'intimée expose que le législateur n'impose pas de limite de durée d'un contrôle fiscale et que les rappels de l'administration ont été opérés pendant le délai de reprise dont elle dispose.

Elle ajoute que le principe de sécurité juridique fait partie des principes généraux de droit communautaire mais ne s'applique pas en matière d'ISF et qu'il n'y a eu aucun manquement au devoir de loyauté.

L'administration soutient qu'elle s'est comportée loyalement en accordant des délais de réponse conséquents à Mme [C] et en tenant de ses réponses pour modifier ses rectifications.

9- L'administration n'a jamais indiqué à Mme [C] que le contrôle était clos suite à la dernière communication de documents.

Mme [C] pouvait donc faire l'objet d'un redressement tant que la prescription n'était pas acquise, les articles L 17 et L 55 et suivants ne fixant pas de durée maximale aux opérations de contrôle.

Il ne peut dès lors être argué ni de déloyauté de l'administration, ni d'une atteinte au principe de sécurité juridique.

Il sera en outre relevé que Mme [C] ne verse aucune pièce aux débats au soutien de son allégation selon laquelle l'administration aurait, au seul dessein de lui nuire, prolongé de manière excessive la durée de ce contrôle, étant relevé que Mme [C] possède des parts dans de nombreuses sociétés propriétaires de biens immobiliers d'une valeur importante largement sous-évaluée dans sa déclaration, ce qui a nécessité un travail d'investigation de la part des services fiscaux.

S'agissant du préjudice allégué, il sera relevé que si Mme [C] ne disposait plus des loyers afférents aux contrats de location, elle avait cependant à sa disposition le prix de vente de ses parts susceptibles de lui permettre de faire face au paiement des plus-values.

L'appelante ne justifie ainsi pas d'une irrégularité de la procédure susceptible de justifier l'annulation de la procédure et la décharge des droits.

Sur ' le détournement de la procédure prévue à l'article L17 du Livre des Procédures Fiscales, par l'utilisation de termes de comparaison manifestement inadéquats' :

10- L'article 17 du livre des procédures fiscales dispose que :

'En ce qui concerne les droits d'enregistrement et la taxe de publicité foncière ou la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu'elle est due au lieu et place de ces droits ou taxe, l'administration des impôts peut rectifier le prix ou l'évaluation d'un bien ayant servi de base à la perception d'une imposition lorsque ce prix ou cette évaluation paraît inférieur à la valeur vénale réelle des biens transmis ou désignés dans les actes ou déclarations.

La rectification correspondante est effectuée suivant la procédure de rectification contradictoire prévue à l'article L. 55, l'administration étant tenue d'apporter la preuve de l'insuffisance des prix exprimés et des évaluations fournies dans les actes ou déclarations.'

11- Mme [C] soutient que l'administration 'n'a pas hésité à utiliser des termes de comparaison qui, manifestement inadéquats, lui permettaient d'atteindre des évaluations proches de l'acte de cession , cependant qu'elle a invoqué ces dernières pour faire accroire que les termes de comparaison qu'elle a retenus sont contestables'. Elle ajoute que l'administration a retenu pour l'ensemble des sociétés les termes de comparaison utilisés pour la SCI du 47 cours de l'intendance et qu'elle n'a pas produit de nouveaux termes de comparaison pour chaque année.

Ces termes sont en outre inadaptés au regard de leur surperficie, privant ainsi le redressement de base légale.

12- L'Administration des finances publiques explique avoir évalué la valeur vénale des titres détenus par Mme [C] en combinant deux méthodes, la valeur mathématique et la valeur de productivité. Elle conteste avoir procédé à cette évaluation en partant de termes postérieurs au fait générateur et affirme avoir retenu des termes de comparaison pertinents. Elle ajoute que l'insuffisance taxée a été diminuée dans un souci d'apaisement du dossier.

Elle indique enfin que :

- elle est autorisée à présenter les mêmes termes pour deux années consécutives dès lors que le marché ne permet pas de disposer de nouveaux termes,

- les termes de comparaison n'ont pas à être strictement identiques au bien à évaluer,

- l'ensemble des immeubles détenus se situe dans le même périmètre du Triangle d'Or à [Localité 4] ou à proximité,

- elle a privilégié la proximité géographique et temporelle sur l'identité de surface mais a tenu compte de ce critère en procédant à un abattement de 20%,

- elle a proposé trois termes de comparaison pour chaque bien.

13- Comme jugé précédemment, Mme [C] ne justifie pas de l'intention de nuire de l'administration. Elle ne démontre notamment pas que celle-ci aurait retenu des termes de comparaison proches du prix de cession de la vente de ses parts dans deux sociétés plutôt que des termes plus adéquats à un montant moindre.

L'administration soutient avec raison qu'elle peut retenir le même terme de comparaison deux années de suite à défaut de nouvelles cessions comparables dans le même secteur. Le juge de première instance a en outre pertinemment relevé que l'administration fiscale a pu utiliser des termes identiques pour des immeubles situés dans le même quartier et présentant des caractéristiques comparables quant à l'époque de construction, à l'état et à la destination de l'immeuble, s'agissant d'immeubles de rapport.

S'agissant de la superficie des termes de comparaison retenus, l'administration a pu, à bon droit, et à défaut de cession dans le même quartier de biens de superficie identiques aux biens détenus par Mme [C], retenir des biens de superficie différente.

Enfin, l'administration a combiné, lorsque cela était possible, la méthode par comparaison avec la méthode par le revenu.

Pour le surplus, la cour adoptera les motifs pertinents des juges de première instance.

Le moyen tiré du détournement de procédure par l'emploi de termes inadéquats est donc inopérant.

Sur les demandes subsidiaires :

14- Mme [C] reproche à l'administration fiscale d'avoir retenu dans le cadre de l'évaluation du bien immobilier détenu par la SCI du cours de l'intendance une valeur de 3 300 000 euros pour l'année 2008 et 3 600 000 euros pour l'année 2011 alors que le bien a été vendu 3 110 000 euros en 2011. Elle fait valoir que s'agissant de la SARL [Adresse 3], elle avait accepté de limiter l'évaluation des années précédant la cession au montant de celle-ci.

Enfin, elle fait valoir que l'administration était informée de sa volonté de céder ses parts de sociétés et qu'elle aurait dû ainsi appliquer une décote supplémentaire au titre de la fiscalité latente des plus-values.

15- L'administration fiscale rétorque qu'elle n'est pas tenue de prendre en compte une vente postérieure au fait générateur de l'impôt et qu'elle a accepté de réduire son évaluation du bien de la SARL 9 cours de l'intendance dans une seule volonté de conciliation et d'arbitrage.

Elle conclut au rejet de la demande portant sur la décote des impositions latentes.

16- L'administration fiscale n'est en effet pas tenue de tenir compte d'une vente postérieure au fait générateur.

S'agissant de la décote sur les plus values latentes, elle n'est imposée par aucun texte et dans la jurisprudence citée par l'appelante, la cour de cassation a refusé de faire application de cette décote.

Ces deux moyens sont donc également inopérants.

La demande de décharge des droits et pénalités sera rejetée.

La décision de première instance sera confirmée en tous ces chefs soumis à la cour.

Sur les demandes accessoires :

17-Mme [C], qui succombe, sera condamnée aux dépens de cette instance.

18- Elle sera condamnée à verser la somme de 3000 euros à l'administration des finances publiques au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire et en dernier ressort,

Déclare irrecevables les conclusions notifiées par le conseil de Mme [C] le 21 janvier et le 3 février 2023,

Confirme en toutes ses dispositions soumises à la cour la décision rendue par le tribunal de grande instance de Bordeaux le 11 mars 2019,

y ajoutant,

Condamne [T] [C] aux dépens de cette instance d'appel,

Condamne [T] [C] à verser la somme de 3000 euros à l'administration des finances publiques, poursuites et diligences du Directeur

Régional des Finances Publiques, au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par M. Franco, président, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 19/02401
Date de la décision : 20/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-20;19.02401 ?
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