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15/03/2023 | FRANCE | N°21/00054

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 4ème chambre commerciale, 15 mars 2023, 21/00054


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE



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ARRÊT DU : 15 MARS 2023









N° RG 21/00054 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-L3XB







E.A.R.L. DE CHEZ ROUYER





c/



S.A.S.U. CERES DIFFUSION AGRICOLE























Nature de la décision : AU FOND






















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Grosse délivrée le :



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Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 novembre 2020 (R.G. 2020F00158) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 05 janvier 2021





APPELANTE :



E.A.R.L. DE CHEZ ROUYER, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qual...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 15 MARS 2023

N° RG 21/00054 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-L3XB

E.A.R.L. DE CHEZ ROUYER

c/

S.A.S.U. CERES DIFFUSION AGRICOLE

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 novembre 2020 (R.G. 2020F00158) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 05 janvier 2021

APPELANTE :

E.A.R.L. DE CHEZ ROUYER, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 2]

représentée par Maître Jérôme DIROU, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

S.A.S.U. CERES DIFFUSION AGRICOLE, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 1]

représentée par Maître Sarah SEGOL, substituant Maître Coraline GRIMAUD de la SELARL CGAVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 01 février 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sophie MASSON, Conseiller chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,

Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,

Madame Sophie MASSON, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE :

La société d'exploitation agricole à responsabilité limitée De Chez Rouyer, située à [Adresse 2]), exploite 110 hectares de terres dont un vignobles divisé en deux parcelles, l'une de 5,2 hectares, l'autre de 5,5 hectares. Lors de la campagne 2018, elle a souhaité limiter l'usage de produits phytosanitaires sur ses vignes et a mis en oeuvre un programme de traitement par application d'engrais foliaires fabriqués par la société D.A.E. et commercialisés par la société BGD Conseils. Ce programme, proposé par la société par actions simplifiée Ceres Diffusion Agricole, a été employé sur la parcelle de 5,20 hectares, l'autre parcelle bénéficiant d'un traitement conventionnel par fongicides.

Le 11 juillet 2018, la société Ceres Diffusion Agricole a constaté la présence de champignons pathogènes sur le vignoble de 5, 20 hectares et a conseillé à la société De Chez Rouyer d'y appliquer un produit phytosanitaire.

La maladie s'étant développée, les sociétés De Chez Rouyer et Ceres Diffusion Agricole ont saisi leurs assureurs respectifs, lesquels ont fait diligenter chacun une expertise amiable, menée par le Cabinet Terrexpert pour l'exploitant agricole et par le Cabinet Saretec pour son fournisseur.

La société De Chez Rouyer a, le 7 fait février 2020, fait assigner la société Ceres Diffusion Agricole devant le tribunal de commerce de Bordeaux en paiement de diverses sommes.

Par jugement prononcé le 23 novembre 2020, le tribunal de commerce a statué ainsi qu'il suit :

- déboute la société De Chez Rouyer de l'ensemble de ses demandes ;

- condamne la société De Chez Rouyer à payer à la société Ceres Diffusion Agricole la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamne la société De Chez Rouyer aux dépens.

La société De Chez Rouyer a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe du 5 janvier 2021.

Par dernières conclusions communiquées le 9 juin 2021 par voie électronique, la société De Chez Rouyer demande à la cour, au visa des articles 1217 et 1231-1 du code civil, de :

- réformer la décision dont appel ;

- juger la responsabilité contractuelle de la société Ceres Diffusion Agricole ;

En conséquence,

- condamner la société Ceres Diffusion Agricole à payer à la société De Chez Rouyer la somme de 9.133,44 euros, à titre de dommages et intérêts, ventilée comme suit :

- 1.896,70 euros au titre de la perte d'exploitation,

- 7.236,74 euros au titre du préjudice matériel ;

- condamner la société Ceres Diffusion Agricole à payer à la société De Chez Rouyer la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance, y compris les frais de constat d'huissier et les frais d'expertise amiable.

***

Par dernières écritures communiquées le 19 janvier 2023, la société Ceres Diffusion Agricole demande à la cour, au visa des articles 1135, 1137, 1147, 1245, 1245-5, 1245-6 du code civil,

- prononcer le rabat de l'ordonnance de clôture et fixer la clôture de l'instruction de l'affaire au jour de l'audience des plaidoiries ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- débouté la société De Chez Rouyer de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la société De Chez Rouyer à verser à la société Ceres Diffusion Agricole la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société De Chez Rouyer aux dépens ;

Y ajoutant,

- condamner la société De Chez Rouyer à verser à la société Ceres Diffusion Agricole la somme de 5.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens ;

A titre subsidiaire,

- fixer le préjudice de la société De Chez Rouyer à la perte de chance de réaliser la marge attendue sur la parcelle de vigne traitée selon la méthode IFT 0.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 janvier 2023.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

In limine litis, compte tenu de l'accord des parties, il y a lieu de révoquer l'ordonnance de clôture et de prononcer la clôture des débats au jour des plaidoiries.

1. Sur la responsabilité du fait des produits défectueux

1. Pour la première fois en appel, la société De Chez Rouyer poursuit la responsabilité de la société Ceres Diffusion Agricole en sa qualité de producteur de produits défectueux en se fondant, dans le corps de ses conclusions, sur les dispositions des articles 1245 et suivants du code civil.

2. L'intimée lui oppose tout d'abord qu'elle n'est pas producteur des produits litigieux mais fournisseur au sens de l'article 1245-6 du code civil.

La société Ceres Diffusion Agricole fait valoir, à juste titre, que, en vertu du premier alinéa de cet article 1245-6, le fournisseur de produits allégués comme étant défectueux échappe de surcroît à ce régime de responsabilité s'il désigne son propre fournisseur ou producteur, ce qui est ici le cas puisqu'elle a expressément rappelé que le producteur des produits litigieux était la société D.A.E., au demeurant connue de l'appelante puisque ce fabricant avait participé à la réunion de présentation des produits en janvier 2018.

3. Le moyen tiré de l'application du régime de responsabilité du fait des produits défectueux est donc inopérant et sera écarté.

2. Sur l'obligation précontractuelle d'information

4. L'article 1112-1 alinéa 1er du code civil dispose :

« Celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.»

5. Au visa de ce texte, l'appelante fait grief au jugement déféré d'avoir rejeté le moyen, qu'elle soutenait, tiré du manquement de la société Ceres Diffusion Agricole à son obligation d'information.

La société De Chez Rouyer explique que l'intimée devait l'informer de ce que les produits recommandés n'étaient pas efficaces contre les attaques de black-rot ; qu'il s'agit pour elle d'une information déterminante dans la mesure où elle avait exposé à la société Ceres Diffusion Agricole qu'elle souhaitait réduire la fréquence des interventions par fongicides sur ses vignes et qu'elle attendait de ce traitement alternatif une protection du vignoble contre les attaques de champignons.

L'appelante rappelle que le fournisseur de produits phytosanitaires est tenu de conseiller son client et de s'assurer que le produit vendu correspond aux besoins de ce client.

6. L'intimée lui oppose le fait que le traitement proposé ne repose pas sur l'usage de produits phytosanitaires mais d'engrais foliaires, ce qui suppose un process d'utilisation particulier qui a été dûment expliqué à la société De Chez Rouyer, laquelle ne l'a pas respecté.

La société Ceres Diffusion Agricole ajoute que l'appelante a, de plus, commis plusieurs fautes qui ont contribué aux difficultés qu'elle déplore.

7. La cour rappelle qu'il est constant en droit que l'obligation de renseignement, qui incombe aussi bien au fabricant d'un produit qu'au revendeur spécialisé, est une obligation de moyens et qu'il incombe au vendeur professionnel de prouver qu'il a exécuté cette obligation à l'égard de son client.

Cependant, à l'égard de l'acheteur professionnel, l'obligation d'information n'existe que dans la mesure où la compétence de cet acheteur ne lui donne pas les moyens d'apprécier la portée exacte des caractéristiques techniques des biens qui lui sont livrés.

Or, en l'espèce, la société De Chez Rouyer, qui exerce une activité agricole depuis 1995, date de son immatriculation, est gérée par Monsieur [D] [U] qui est titulaire des Certiphytos 'décideur' et 'opérateur', qui attestent de sa compétence en matière d'élaboration et d'application de programmes de traitement phytosanitaire, ce qu'a d'ailleurs souligné son propre expert, le Cabinet Terrexpert.

Il est établi que les sociétés De Chez Rouyer, Ceres Diffusion Agricole, ainsi que les sociétés D.A.E. et BGD Conseils (la seconde commercialisant les produits fabriqués par la première) se sont rencontrées en janvier 2018 afin que l'exploitant agricole soit informé des conditions de mise en oeuvre du traitement préventif par apport d'engrais foliaires destinés à renforcer les capacités de la plante à lutter contre les attaques des champignons. Il est également établi que l'appelante a été dûment avisée du fait qu'une telle méthode pouvait à tout moment être stoppée et que pouvait lui être substitué en urgence un traitement fongicide classique en cas de forte attaque.

Or l'expert de la société De Chez Rouyer ainsi que le cabinet Saretec, expert de la société Ceres Diffusion Agricole, insistent sur le fait que le vignoble atlantique a connu une forte attaque de mildiou en 2018 ; l'appelante se devait donc de suivre les recommandations de son fournisseur, de surveiller attentivement les risques d'apparition de champignons pathogènes et de préparer un stock de fongicides afin de corriger immédiatement le traitement préventif.

Pourtant, ce sont les visites régulières de l'intimée, qui surveillait les effets de l'application des produits recommandés, qui ont permis de relever le 11 juillet 2018 l'apparition de mildiou dans le vignoble et l'ont conduite à recommander à la société De Chez Rouyer, alors focalisée sur les moissons, de procéder à l'application de fongicides. Celle-ci, en dépit de l'urgence, n'y a pourtant procédé que le 16 juillet, faute de stock disponible dès le 11 juillet précédent.

Enfin, l'appelante ne discute pas avoir traité l'apparition des champignons avec du purin d'orties, ce qui a eu pour effet d'accélérer le développement de la maladie selon le Cabinet Saretec dans la mesure où « le purin d'orties a pour propriété d'apporter des éléments azotés à la plante mais aussi aux champignons qui se trouvent sur les feuilles. Ces champignons se nourrissent de l'azote pour se développer et se propager.»

8. Dès lors, l'intimée rapporte la preuve qu'elle a dispensé à sa cliente, professionnelle éclairée, les informations et les conseils nécessaires à la mise en oeuvre du traitement vendu, dont elle a au surplus surveillé les effets.

L'appelante, qui de surcroît n'a pas scrupuleusement suivi les recommandations de son fournisseur, n'est donc pas fondée à en rechercher la responsabilité.

La cour confirmera le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société De Chez Rouyer de ses demandes de dommages et intérêts à ce titre, ainsi qu'en ses chef dispositifs relatifs aux frais irrépétibles des parties et à la charge des dépens.

Y ajoutant, la cour condamnera la société De Chez Rouyer à payer les dépens et à verser à la société Ceres Diffusion Agricole une somme de 3.000 euros en indemnisation des frais irrépétibles de celle-ci.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Rabat l'ordonnance de clôture et fixe la nouvelle date de clôture au jour de l'audience, avant les plaidoiries,

Confirme le jugement prononcé le 23 novembre 2020 par le tribunal de commerce de Bordeaux.

Y ajoutant,

Condamne la société De Chez Rouyer à payer à la société Ceres Diffusion Agricole la somme de 3.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société De Chez Rouyer aux dépens de l'appel.

Le présent arrêt a été signé par M. Franco, président, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 21/00054
Date de la décision : 15/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-15;21.00054 ?
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