COUR D'APPEL DE BORDEAUX
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 06 MARS 2023
N° RG 22/04456 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-M47M
S.A.S. MENUISERIES ET STRUCTURES BOIS MICHEL DUPUIS
c/
S.A.S. ATELIER FRANCAIS DU MOBILIER D'AGENCEMENT
S.E.L.A.R.L. [O] [K]
S.C.P. LGA
Nature de la décision : AU FOND
Notifié aux parties par LRAR le :
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : ordonnance rendue le 14 septembre 2022 (R.G. 2022001789) par le Juge commissaire d'ANGOULEME suivant déclaration d'appel du 29 septembre 2022
APPELANTE :
S.A.S. MENUISERIES ET STRUCTURES BOIS MICHEL DUPUIS, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 3]
représentée par Maître Maître Julie SAVOYA, substituant Maître Amandine JOLLIT de la SCP JURIEL, avocat au barreau de CHARENTE
INTIMÉES :
S.A.S. ATELIER FRANCAIS DU MOBILIER D'AGENCEMENT , prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 4]
représentée par Maître Virginie LEMAIRE de la SELARL LEMAIRE VIRGINIE AVOCAT, avocat au barreau de PERIGUEUX
S.E.L.A.R.L. [O] [K], prise en la personne de Me [O] [K], es-qualité d'administrateur judiciaire de la SAS MENUISERIES STRUCTURE BOIS MICHEL DUPUIS, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 2]
non représentée
S.C.P. LGA, prise en la personne de Maître [E] [F], es-qualité de mandataire judiciaire de la SAS MENUISERIES STRUCTURE BOIS MICHEL DUPUIS, domiciliée en cette qualité au siège sis, [Adresse 1]
non représentée
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 23 janvier 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,
Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,
Madame Sophie MASSON, Conseiller,
Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT
ARRÊT :
- réputé contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
EXPOSE DU LITIGE
Par jugement du 01 octobre 2021, le tribunal de commerce d'Angoulême a ouvert une procédure de redressement judiciaire de la société Menuiseries et Structures Bois Michel Dupuis. La selarl [O] [K] a été désignée en qualité d'administrateur judiciaire et la SCP LGA, en qualité de mandataire judiciaire.
Après une ordonnance de relevé de forclusion rendue le 17 mai 2022 par le juge commissaire, la société Atelier Français du Mobilier de l'Agencement, ci-après AFMA, a déclaré sa créance au passif de la procédure collective de la société Menuiseries et Structures Bois Michel Dupuis par courrier recommandé du 03 juin 2022 pour un montant total de 14 912,40 euros ainsi décomposée :
- facture du 30 avril 2019 : 4656 euros TTC réf Chantier Naval Group,
- facture du 26 juin 2019 : 3204 euros TTC réf Chantier Naval Group,
- facture du 31 décembre 2020: 8016 euros réf Chantier agence Concept de laquelle il convient de déduire un avoir de 963,60 euros.
La société Menuiseries et Structures Bois Michel Dupuis a contesté ladite créance au motif que :
- les produits livrés par la société AFMA étaient non conformes et lui avaient causé une perte d'exploitation sur les deux chantiers,
- le litige relatif au chantier 'Agence Concept' était clos selon elle,
- elle réclamait elle-même le paiement d'une facture du 26 juillet 2019 d'un montant de 17 121,42 euros.
Par ordonnance contradictoire du 14 septembre 2022, le juge commissaire de la procédure collective de la société Menuiseries et Structures Bois Michel Dupuis du tribunal de commerce d'Angoulême a :
- vu l'article L. 624-2 du code de commerce,
- ordonné que la créance d'AFMA ' la société Atelier Français du Mobilier de l'Agencement ' soit admise au passif de la procédure collective de la société Menuiseries et Structures Bois Michel Dupuis pour la somme de 14 912,40 euros à titre définitif et chirographaire,
- ordonné le rejet de la créance d'AFMA déclarée au passif de la procédure collective de la société Menuiseries et Structures Bois Michel Dupuis pour la somme de 90 euros,
- ordonné la mention de la présente décision en marge de l'état des créances,
- a admis les dépens en frais privilégiés de procédure.
En substance, le juge commissaire a jugé que la créance d'un montant de 14 912,40 euros devait être admise en ce que les prestations effectuées par la société AFMA n'avaient fait l'objet d'aucune réserve et que les factures n'avaient pas été contestées par la société Menuiseries et Structures Bois Michel Dupuis.
Par déclaration du 29 septembre 2022, la société Menuiseries et Structures Bois Michel Dupuis a interjeté appel de cette décision, énonçant les chefs de la décision expressément critiqués, intimant la société Atelier Français du Mobilier de l'Agencement, la société [O] [K], ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Menuiseries et Structures Bois Michel Dupuis, et la société LGA, ès qualités de mandataire judiciaire de la société Menuiseries et Structures Bois Michel Dupuis.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par dernières écritures notifiées par RPVA le 23 décembre 2022, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Menuiseries et Structures Bois Michel Dupuis, demande à la cour de :
- vu l'article L. 624-2 du code de commerce, vu l'article R. 624-5 du code de commerce,
- la juger recevable et bien fondée en son appel,
- en conséquence,
- infirmer l'ordonnance rendue le 14 septembre 2022 par le juge commissaire près le tribunal de commerce d'Angoulême :
- en ce que le juge commissaire s'est déclaré compétent pour statuer sur la contestation de la créance de la société Atelier Français du Mobilier de l'Agencement,
- en ce qu'elle ordonne que la créance de la société Atelier Français du Mobilier de l'Agencement soit admise au passif à sa procédure collective pour la somme de 14 912,40 euros à titre définitif et chirographaire,
- en ce qu'elle ordonne le rejet de la créance de la société Atelier Français du Mobilier de l'Agencement déclarée au passif de sa procédure collective pour la somme de 90 euros,
- en ce qu'elle ordonne la mention de la présente décision en marge de l'état des créances par les soins du greffier du tribunal,
- en ce qu'elle admet les dépens en frais privilégiés de procédure,
statuant à nouveau,
- juger le juge-commissaire près le tribunal de commerce d'Angoulême incompétent pour statuer sur la prétendue créance de 14 912, 40 euros de la société Atelier Français du Mobilier de l'Agencement à titre chirographaire,
- surseoir à statuer jusqu'à décision irrévocable sur sa contestation par le juge du fond, ou expiration du délai de forclusion,
- la renvoyer à saisir la juridiction compétente dans un délai d'un mois à compter de la notification par le Greffe de l'arrêt à intervenir, à peine de forclusion de la contestation,
- débouter la société Atelier Français du Mobilier de l'Agencement de toutes ses demandes plus amples et contraires,
- condamner la société Atelier Français du Mobilier de l'Agencement à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du CPC outre les entiers dépens de première instance et d'appel.
Par dernières écritures notifiées par RPVA le 04 novembre 2022, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Atelier Français du Mobilier d'Agencement, demande à la cour de :
- vu les pièces,
- vu l'ordonnance du juge commissaire du tribunal de commerce d'Angoulême du 14/069/2022,
- confirmer l'ordonnance du juge commissaire du tribunal de commerce d'Angoulême du 14/09/2022 en ce qu'elle a ordonné que sa créance soit admise au passif de la procédure collective de la société Menuiseries et Structures Bois Michel Dupuis pour la somme de 14 912 euros à titre chirographaire et définitif,
- en conséquence, débouter la société Menuiseries et Structures Bois Michel Dupuis de l'ensemble de ses demandes,
- condamner la société Menuiseries et Structures Bois Michel Dupuis à lui verser une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Menuiseries et Structures Bois Michel Dupuis aux dépens d'instance et d'appel.
Par actes d'huissier de justice du 27 octobre 2022, la société Menuiseries et Structures Bois Michel Dupuis a signifié sa déclaration d'appel à la selarl [O] [K], ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Menuiseries et Structures Bois Michel Dupuis, et à la SCP LGA, ès qualités de mandataire judiciaire de la société Menuiseries et Structures Bois Michel Dupuis.
Par actes d'huissier de justice du 06 janvier 2023, la société Menuiseries et Structures Bois Michel Dupuis a signifié ses conclusions à la selarl [O] [K], ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Menuiseries et Structures Bois Michel Dupuis, et à la SCP LGA, ès qualités de mandataire judiciaire de la société Menuiseries et Structures Bois Michel Dupuis.
Ni la selarl [O] [K], ni la SCP LGA, n'ont constitué avocat.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 09 janvier 2023 et le dossier a été fixé à l'audience du 23 janvier 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.
MOTIFS
1- Aux termes des dispositions de l'article L 624-2 du code de commerce, au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire, si la demande d'admission est recevable, décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l'absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission.
Aux termes de l'article R 624-5 du code de commerce, lorsque le juge-commissaire se déclare incompétent ou constate l'existence d'une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans un délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis délivré à cette fin, à peine de forclusion à moins d'appel dans les cas où cette voie de recours est ouverte.
2- La contestation porte sur deux chantiers qui seront étudiés successivement.
3- S'agissant du chantier Naval Group, les factures correspondent bien aux devis de panneaux en bois et les bons de livraison ont été signés sans réserve. Pour autant, il ressort des pièces produites aux débats qu'un litige est apparu quant à la conformité des panneaux livrés. La société AFMA, face au mécontentement du client final, la société Naval Group, a accepté de livrer de nouveaux panneaux sans surcoût mais le chantier a pris un certain retard. La société Menuiseries et Structures Bois Michel Dupuis a adressé le 25 juillet 2019 une facture de 15 070,02 euros HT ( dont 803 euros au titre du chantier Agence Concept) au titre des reprises qu'elle a dû effectuer sur les panneaux, et du montage et du démontage des panneaux 'en vain'. Par mail du 17 avril 2020, la société AFMA indique que ce montant lui parait disproportionné et reproche à la société Menuiseries et Structures Bois Michel Dupuis d'avoir perdu du temps à monter des panneaux qu'elle considérait comme non conformes. Elle proposait pour régler le litige 'un avoir de 5000 euros', proposition qui n'a pas été acceptée.
4- Le juge commissaire a ainsi jugé à tort que les factures n'avaient jamais été contestées alors qu'il est apparu un litige sur le règlement de celles-ci, concernant le chantier Naval Group, très peu de temps après la livraison et alors que la non-conformité des premiers panneaux livrés n'apparaît pas réellement contestée.
Dès lors, la contestation, qui s'analyse en une exception d'inexécution opposée au paiement desdites factures, est sérieuse. La décision de première instance sera infirmée en ce qu'elle a admis ces deux créances. Il conviendra de renvoyer les parties à mieux se pourvoir en ce qui les concerne.
5- En revanche, s'agissant du second chantier, il ne ressort pas des pièces produites, comme le soutient l'appelante, que le litige est clos et que la société AFMA a renoncé au paiement de sa facture. Il résulte des pièces produites aux débats que la société AFMA a seulement consenti à titre commercial un avoir de 963,60 euros, pour compenser le temps que les salariés de l'appelante ont passé à trier les façades mélangées lors de la livraison.
6- La contestation n'est ainsi pas sérieuse.
La créance qui tient compte de cet avoir sera admise à hauteur de 7052,40 euros au titre de la facture du 31 décembre 2020.
7- La société Atelier Français du Mobilier de l'Agencement qui succombe partiellement sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Les parties seront déboutées de ce chef de demande.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par décision réputée contradictoire et en dernier ressort,
Infirme la décision rendue par le juge commissaire du tribunal de commerce de Bordeaux le 14 septembre 2022,
et statuant à nouveau;
Admet la créance de la société Atelier Français du Mobilier de l'Agencement à hauteur de 7052,40 euros au titre de la facture n°F 1901186 du 31 décembre 2020,
Renvoie les parties à mieux se pourvoir pour le surplus de la demande ( facture du 30 avril 2019 de 4656 euros TTC et facture du 26 juin 2019 de 3204 euros),
Invite la société Menuiseries et Structures Bois Michel Dupuis à saisir la juridiction compétente dans le délai d'un mois à compter de la signification de cette décision à peine de forclusion,
Surseoit à statuer sur le sort de ces deux créances jusqu'à la constatation de ce que la société Menuiseries et Structures Bois Michel Dupuis n'a pas saisi le juge compétent ou jusqu'à ce que la juridiction régulièrement saisie a tranché définitivement la contestation,
Dit qu'il appartiendra au greffe de première instance de convoquer les parties à une nouvelle audience pour vérifier que la société Menuiseries et Structures Bois Michel Dupuis a bien saisi la juridiction compétente dans le délai imparti,
y ajoutant,
Condamne la société Atelier Français du Mobilier de l'Agencement aux dépens de première instance et d'appel,
Déboute les parties de leurs demandes formées au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par M. Franco, président, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.