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08/02/2023 | FRANCE | N°22/01283

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 4ème chambre commerciale, 08 février 2023, 22/01283


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE



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ARRÊT DU : 08 FEVRIER 2023









N° RG 22/01283 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MS62







S.A.S. EIFFAGE ENERGIE AQUITAINE





c/



S.A.S. COMAX FRANCE























Nature de la décision : AU FOND






















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Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la Cour : ordonnance rendue le 22 février 2022 (R.G. 2013R01682) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 11 mars 2022





APPELANTE :



S.A.S. EIFFAGE ENERGIE AQUITAINE, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cett...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 08 FEVRIER 2023

N° RG 22/01283 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MS62

S.A.S. EIFFAGE ENERGIE AQUITAINE

c/

S.A.S. COMAX FRANCE

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : ordonnance rendue le 22 février 2022 (R.G. 2013R01682) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 11 mars 2022

APPELANTE :

S.A.S. EIFFAGE ENERGIE AQUITAINE, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 2]

représentée par Maître Pierre FONROUGE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX et assistée par Maître Gilles GASSENBACH, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

S.A.S. COMAX FRANCE, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 1]

représentée par Maître Philippe SOL de la SELARL SOL GARNAUD, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 14 décembre 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Nathalie PIGNON, Présidente,

Madame Elisabeth FABRY, Conseiller,

Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

La société Comax France est un producteur indépendant d'électricité par le biais de ses centrales.

Par contrat du 22 février 2010, la société EDF s'est engagée à acquérir l'électricité produite par la société Comax.

Aux termes de ce contrat, la société Comax France s'engageait à fournir l'électricité sollicitée, passé un délai contractuel de préavis de 10 minutes en hiver et de 8 heures en été.

Pour pouvoir respecter cet engagement de mise à disposition de l'électricité à bref délai, la société Comax a, par plusieurs contrats du 12 mars 2010 portant sur chacune de ses centrales, faisant suite à un devis d'un montant de 11 000 000 d'euros, confié à la société Eiffage Energie Aquitaine ( ci après Eiffage Energie),des travaux dits d'adaptation ayant pour objet de « permettre au client de délivrer automatiquement et sur demande du responsable d'Equilibre de l'énergie en mode dit dispatchable pendant une période de dix ans conformément aux conditions contenues dans le contrat d'achat d'électricité' pour un montant total de 4.000.000 Euros H.T.

La société Eiffage Energie a effectué les travaux qui ont été réceptionnés avec réserves pour 9 des 10 centrales concernés.

La société Eiffage Energie a émis en 2012 des factures portant sur des travaux non inclus dans le marché de base que le maître de l'ouvrage a refusé de régler.

Par acte du 7 novembre 2013, la société Comax a fait assigner devant le juge des référés du tribunal de commerce de Bordeaux la société Eiffage Energie aux fins de voir ordonner une expertise, exposant que les travaux étaient affectés de désordres et que les spécifications du contrat n'avaient pas été respectées.

Par ordonnance de référé du 07 janvier 2014, le président du tribunal de commerce de Bordeaux a ordonné une mesure d'expertise judiciaire portant sur les 9 centrales pour lesquelles la réception des travaux était intervenues avec réserves. M. [D] [E] a été désigné en qualité d'expert, avec pour mission notamment de :

- dire si les désordres invoqués existaient,

- donner son avis sur les causes du défaut d'atteinte des performances techniques garanties entraînant l'absence de réception des travaux de 9 des 10 centrales et sur la qualité des travaux réalisée,

- donner son avis sur l'automatisme mis en place par la société Eiffage Energie et de donner au tribunal tout élément sur les moyens techniques permettant de les atteindre,

- procéder aux essais prévus dans le protocole signé entre les parties le 23 janvier 2013,

- décrire et chiffrer les travaux supplémentaires,

- décrire les travaux nécessaires.

Les opérations d'expertise ont débuté le 12 mai 2014 et 45 réunions d'expertise ont été tenues, dont 33 sur sites.

Pendant le cours de l'expertise, la société Comax a fait réaliser des travaux dans l'une de ses centrales située à '[Localité 3]'.

Par ordonnance du 31 octobre 2019, le juge en charge du contrôle des expertises a désigné M.[R] en qualité de sapiteur afin d'évaluer les travaux réalisés par la société Comax sur le site de [Localité 3] et de dire dans quelle mesure ceux-ci sont conformes au devis signé avec la société Eiffage Energie.

Aux termes d'une note expertale en date du 10 septembre 2021, l'expert note que les performances n'ont pas été atteintes dans le cadre des travaux d'adaptation sur les centrales et que le fonctionnement ne peut être rendu cohérent que par un remaniement au niveau de l'automatisme et de la remise en état aéraulique et hydraulique. Il livre ses conclusions suite la réalisation des essais sur les 9 sites et impute le manque de performance a des défauts d'adaptation hydraulique et aéraulique combinés à un défaut de maintenance des codes constructeurs du moteur et à l'ancienneté des moteurs connue de tous. Il indique en page 181 de sa note que 'les installations de [Localité 3] donnant satisfaction dans leur fonctionnement, ces adaptations pourraient être dupliquées et adaptées techniquement et financièrement sur les autres sites. Il a donc été vérifié dans le cadre de la réunion du 14 octobre 2020, les éléments retenus ou non, tant dans le cadre des adaptations, des travaux moteurs ou de la maintenance'. Il indique que le montant global des travaux pour les huit centrales, hors Petit couronne, est de 4 490 994,68 euros.

Par courrier du 19 octobre 2021 adressé au juge en charge du contrôle des expertises, la société Eiffage Energie Aquitaine a sollicité que l'expert réalise de nouveaux tests et que la mission de celui-ci soit précisée par le juge quant au préjudice à évaluer.

Le juge en charge du contrôle des expertises a réuni les parties et l'expert. La société Eiffage Energie Aquitaine a maintenu sa demande visant à voir ordonner que l'expert réalise de nouveaux tests et que le chef de sa mission soit modifié. L'expert s'est opposé à cette demande, les opérations d'expertise étant achevées selon lui.

Par ordonnance du 22 février 2022, le juge chargé du contrôle des mesures d'instruction du tribunal de commerce de Bordeaux a :

- constaté que des travaux réparatoires avaient eu lieu sur les centrales et que celles-ci étaient en état de marche à ce jour,

- constaté que l'expert avait tenu au mieux sa mission et qu'il n'y avait pas lieu de la modifier,

- débouté la société Eiffage Energie Aquitaine de ses demandes.

Le juge a notamment considéré que suffisamment de tests avaient été réalisés et que la réalisation de nouveaux tests « ne serait qu'une perte de temps eu égard à l'ancienneté du dossier ».

Par déclaration du 11 mars 2022, la société Eiffage Energie Aquitaine a interjeté appel de cette décision, énonçant les chefs de la décision expressément critiqués, intimant la société Comax France.

Le sapiteur a déposé une note de synthèse actualisée le 28 mars 2022.

L'expert a déposé une nouvelle note expertale le 31 mars 2022.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 17 novembre 2022, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Eiffage Energie Aquitaine, demande à la cour de :

- vu les articles 16 et 236 du code de procédure civile,

- infirmer l'ordonnance rendue le 22 février 2022 par le juge chargé du contrôle des mesures d'instruction du tribunal de commerce de Bordeaux en ce qu'il a rejeté ses demandes,

- statuant à nouveau,

- enjoindre à l'expert et à la société Comax d'organiser des tests, afin de lui permettre de reprendre l'ingénierie des travaux d'adaptation des centrales, seule manière de pouvoir débattre efficacement de la solution réparatoire à mettre en oeuvre et de son coût,

- dire et juger que les préjudices allégués par la société Comax qui sont postérieurs au 31 octobre 2017, date du terme du contrat d'achat d'électricité, ne font pas partie du périmètre de la mission confiée à l'expert par le juge des référés, dès lors que ces préjudices étaient non prévisibles au moment de la signature du contrat d'adaptation des centrales.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 12 septembre 2022, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Comax France, demande à la cour de :

- vu les articles 236 954 du code de procédure civile,

- confirmer l'ordonnance rendue le 02 février 2022 par le juge chargé du contrôle des expertises près le tribunal de commerce de Bordeaux en toutes ses dispositions,

- en conséquence,

- débouter la société Eiffage Energie Aquitaine de l'intégralité de ses demandes,

- la condamner à lui payer la somme de 2 000 euros titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens d'instance et d'appel, dont distraction faite au profit de la selarl Solgarnaud, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 30 novembre 2022 et le dossier a été fixé à l'audience du 14 décembre 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de réalisation de nouveaux tests :

1- L'appelante soutient que les travaux réalisés sur la centrale PC 76 ( [Localité 3]) ne peuvent permettre de déterminer les travaux nécessaires à la reprise des désordres dès lors , d'une part, qu'ils ont été réalisés avant que l'expert ne se prononce sur les causes du défaut d'atteinte des performances des centrales et d'autre part, que l'objectif de la société Coma, lorsque elle a commandé les travaux du site PC 76, n'était pas uniquement de procéder aux travaux réparatoires nécessaires pour remédier aux désordres mais de modifier en profondeur les installations de sa centrale. Elle rappelle que les travaux à retenir ne peuvent prévoir des améliorations et qu'il n'y a eu aucun débat en amont quant à la nature et l'étendue des travaux strictement nécessaires à réaliser. La recherche de la solution réparatoire n'a dès lors pas fait l'objet d'un débat contradictoire. L'appelante souhaiterait réaliser de nouveaux tests sur site afin de valider une nouvelle ingénierie et notamment de s'assurer que les travaux réparatoires ne puissent pas être limités à l'installation d'une sonde Lambda et à une reprogrammation de l'automatisme DEIF.

2- L'intimée rétorque que l'appelante ne justifie pas que les travaux retenus par l'expert ne soient pas les travaux strictement réparatoires aux désordres. Elle ajoute que celle-ci ne propose aucune solution alternative et que le principe du contradictoire a bien été respecté. La société Comax ajoute que l'appelante n'explicite pas les modalités des tests qu'elle souhaite voir effectuer.

3- L'expert a indiqué dans son courrier adressé au juge en charge du contrôle des expertises le 14 décembre 2021 que :

- la société Eiffage Energie a été informée de la nature des travaux que la société Comax allait réaliser sur le site de [Localité 3] et que des devis lui ont été adressé dès le 1er août 2017,

- la société Comax a fourni l'architecture du contrôle de commande le 22 avril 2020 et que la société Eiffage Energie aurait pu proposer une solution technique à partir de cette communication, ce qu'elle n'a pas fait,

- la société Eiffage Energie n'a fait aucune proposition technique alors qu'elle avait conscience dès 2014 de la problématique liée au gaz,

- les dysfonctionnements viennent du fait que la société Eiffage Energie n'a pas pris en compte le fait d'un fonctionnement à distance en l'absence de toute personne sur le site,

- lors des réunions expertales, la société Eiffage Energie a exigé et obtenu la vérification des pièces d'un moteur de son choix auprès du BEA qui a conclu à une usure normale,

- toutes les vérifications et analyses nécessaires ont été faites,

- il a bien supprimé dans son décompte les travaux réalisés sur le site de [Localité 3] qui n'étaient pas compris dans le contrat compris entre la société Comax et la société Eiffage Energie,

- les devis ont tous été examinés par le sapiteur,

- la société Eiffage Energie avait tous les éléments en mains 'depuis des années' pour proposer des devis réparatoires.

Il sera ajouté que le sapiteur a bien eu pour mission de déterminer si les travaux réalisés sur le site de [Localité 3] étaient conformes au devis signé avec la société Eiffage Energie.

La société Eiffage Energie ne démontre ainsi pas :

- avoir été dans l'impossibilité comme elle le soutient de discuter de manière contradictoire de la solution réparatoire et de produire des devis moins disants,

- que les travaux retenus par le sapiteur et l'expert ne sont pas des travaux strictement nécessaires, étant relevé qu'il lui appartiendra d'en débattre le cas échéant devant les juges du fond,

- que l'expert a entériné une solution réparatoire 'clé en main' proposée par l'une des parties sans se livrer aux investigations nécessaires.

Dès lors, il n'y a pas lieu d'ordonner à l'expert de procéder à de nouveaux tests dont la nécessité n'est pas avérée et ceux d'autant plus que 33 réunions d'expertises ont déjà eu lieu sur site.

La décision du juge de première instance sera confirmée de ce chef.

Sur la délimitation du périmètre de la mission de l'expert quant aux préjudices à examiner :

4- L'appelante soutient que la mission de l'expert s'inscrit dans le cadre de l'exécution des contrats d'adaptation conclus entre la société Comax et elle-même et que l'expert ne saurait se prononcer sur une perte postérieure à la date d'application du contrat conclu avec EDF et auquel les contrats d'adaptation se réfèrent. Elle expose que le préjudice immatériel revendiqué par la société Comax postérieurement à cette date est sans lien avec le litige, la signature d'un nouveau contrat d'achat auprès d'EDF supposant la réalisation de nouveaux travaux d'adaptation des centrales sans lien avec le contrat objet de ce litige.

5- L'intimée avance que les « dire et juger » ne sont pas des prétentions et ne confèrent pas de droit aux parties de sorte que la cour n'a pas à y répondre. En l'espèce, l'appelante demande au juge chargé du contrôle de l'expertise de se prononcer sur le fond du litige en ce qu'il lui est demandé de statuer sur le caractère prévisible d'un litige.

6- Le juge des référés a donné pour mission à l'expert de donner tous éléments au tribunal lui permettant d'évaluer le préjudice subi par l'une ou l'autre des parties. Il n'appartient pas au juge en charge du contrôle des expertises, et donc à cette cour, de statuer sur le lien de causalité entre le préjudice revendiqué par l'une des parties et les désordres objets de l'expertise.

Cette demande sera rejetée. La décision de première instance qui a rejeté la demande visant à voir modifier le chef de mission de l'expert sera confirmée.

Sur les autres demandes :

7- La société Eiffage Energie Aquitaine qui succombe sera condamnée aux dépens de cette procédure d'appel.

8- Elle sera condamnée à verser la somme de 2000 euros à la société Comax au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire et en dernier ressort

Confirme la décision rendue le 22 février 2022 par le juge en charge du contrôle des expertises du tribunal de Bordeaux en toutes ses dispositions soumises à la cour,

Condamne la Eiffage Energie Aquitaine aux dépens de cette procédure d'appel distraction faite au profit de la selarl Solgarnaud,

Condamne la Eiffage Energie Aquitaine à verser la somme de 2000 euros à la société Comax au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Mme Marie GOUMILLOUX, conseiller, le président empêché, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par la magistrate signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 22/01283
Date de la décision : 08/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-08;22.01283 ?
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