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04/01/2023 | FRANCE | N°20/01734

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 4ème chambre commerciale, 04 janvier 2023, 20/01734


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE



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ARRÊT DU : 04 JANVIER 2023









N° RG 20/01734 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LQ6T







S.A.S. SBMTP

S.E.L.A.F.A. MJA

S.E.L.A.R.L. [Y]





c/



S.A.R.L. GASCOGNE TRAVAUX FORESTIERS ET AGRICOLES (G T F A)























Nature de la décision : AU FOND





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Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 avril 2020 (R.G. 2017F00956) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 30 avril 2020





APPELANTES :



S.A.S. SBMTP, prise en la personne de son repr...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 04 JANVIER 2023

N° RG 20/01734 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LQ6T

S.A.S. SBMTP

S.E.L.A.F.A. MJA

S.E.L.A.R.L. [Y]

c/

S.A.R.L. GASCOGNE TRAVAUX FORESTIERS ET AGRICOLES (G T F A)

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 avril 2020 (R.G. 2017F00956) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 30 avril 2020

APPELANTES :

S.A.S. SBMTP, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 3]

S.E.L.A.F.A. MJA, prise en la personne de Maître Frédérique LEVY, es qualités de liquidateur judiciaire de la société SBMTP, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 2]

S.E.L.A.R.L. FIDES, prise en la personne de Maître Bernard CORRE, es qualité de liquidateur judiciaire de la société SBMTP, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 4]

représentées par Maître Brigitte CHEMIN-DUFRANC de la SCP AVOCAGIR, avocat au barreau de BORDEAUX et assistées par Maître Julien DERVILLERS, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

S.A.R.L. GASCOGNE TRAVAUX FORESTIERS ET AGRICOLES (G T F A), prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 1]

représentée par Maître Eugénie CRIQUILLION, avocat au barreau de BORDEAUX et assistée par Maître Lydia LE CLAIRE, avocat au barreau de BAYONNE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 09 novembre 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Nathalie PIGNON, Présidente,

Madame Elisabeth FABRY, Conseiller,

Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 31 mars 2014, la société Gascogne Travaux Forestiers et Agricoles (GTFA) a commandé à la société MPMTP, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société SBMTP, un tombereau articulé, engin de travaux publics, d'occasion, de marque Volvo, mis en circulation en 2002, pour un prix de 55 000 euros HT, soit 66 000 euros TTC, et a souscrit pour financer son achat un crédit-bail auprès du Crédit Coopératif Coopamat.

Le 25 avril 2014, l'acquéreur a signé un procès-verbal de livraison de l'engin. Il déclare avoir ensuite constaté des défauts, notamment sur la direction et les freins. Le 14 mai 2014, les freins ont été réparés par un technicien de la société MPMTP, mais d'autres désordres, portant notamment sur le moteur, ont été relevés, et la société venderesse est intervenue de nombreuses fois, notamment pour des problèmes de freins, de direction, de système de refroidissement, de cylindres.

Un nouveau bon de commande a été formalisé le 22 mai 2014, portant le prix de l'engin à 60 000 euros HT, soit 72 000 euros TTC, pour tenir compte de la prise en charge de la moitié du coût des réparations par la société GTFA.

Après diverses péripéties et discussions entre les parties sur les désordres et leur réparation, ainsi que sur le paiement du crédit-bail, finalement effectué, le véhicule a été remis le 05 mars 2015 par la société GTFA à la société NPMTP pour changement du moteur, et la cliente a reçu en prêt un véhicule équivalent. Le véhicule prêté a été restitué le 26 octobre 2015, mais la cliente n'a pas repris son engin déposé pour réparations.

La société GTFA a saisi en référé le tribunal de commerce de Bordeaux, lequel, par ordonnance du 03 août 2016, a ordonné une expertise confiée à M. [G], qui a déposé son rapport le 22 mars 2017. L'expert a notamment conclu que le matériel n'était pas conforme aux spécifications convenues, ce qui le rendait inutilisable dans des conditions de travail en charge, et que le moteur de remplacement n'était pas le même, ce qui présentait des risques pour la transmission.

Par exploit d'huissier du 13 septembre 2017, la société GTFA a assigné au fond la société SBMTP et le Crédit coopératif Coopomat devant le tribunal de commerce de Bordeaux aux fins, initialement, d'obtenir la résolution du contrat de vente sur le fondement des vices cachés, et, finalement, d'obtenir des dommages-intérêts pour divers préjudices et de fixer diverses sommes au passif de la SBMTP. Cette société et ses mandataires ont opposé une défense au fond en argumentant sur la nature apparente du vice invoqué.

L'instance a été enrôlée sous le numéro RG 2017 F 000956. L'audience de plaidoiries a eu lieu le 12 novembre 2018.

Par jugement du 18 septembre 2018, le tribunal de commerce de Paris avait entretemps ouvert une procédure de redressement judiciaire de la société SBMTP, convertie en liquidation judiciaire le 28 décembre 2018. La société MJA et la société Fides ont été désignées en qualité de liquidateur judiciaire. La société GTFA a demandé et obtenu la réouverture des débats, et a appelé en cause les organes de la procédure, instance enrôlée sous le numéro RG 2019 F 00507. La société GTFA, qui a obtenu par ordonnance du 15 janvier 2019 d'être relevée de la forclusion, a procédé à la déclaration de sa créance entre les mains des mandataires le 10 décembre 2018.

Après une nouvelle audience du 16 décembre 2019, le tribunal de commerce de Bordeaux a, par jugement contradictoire du 06 avril 2020 :

- joint les deux instances F 000956 et 2019 F 00507,

- mis hors de cause le Crédit Coopératif Coopamat,

- condamné in solidum la société SBMTP, la société MJA et la société Fides ès qualités de liquidateurs de la société SBMTP à payer à la société GTFA la somme de 61 165, 01 euros,

- condamné in solidum la société SBMTP, la société MJA et la société Fides ès qualités de liquidateurs de la société SBMTP à payer à la société GTFA la somme de 260, 36 euros,

- débouté la société GTFA de ses autres demandes,

- condamné in solidum la société SBMTP, la société MJA et la société Fides ès qualités de liquidateurs de la société SBMTP à payer à la société GTFA la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum la société SBMTP, la société MJA et la société Fides ès qualités de liquidateurs de la société SBMTP aux dépens.

Par déclaration du 30 avril 2020, la société SBMTP, la société MJA et la société Fides, en leur qualité de liquidateurs judiciaires de la société SBMTP, ont interjeté appel de cette décision, énonçant les chefs de la décision expressément critiqués, intimant la société Gascogne Travaux Forestiers et Agricoles.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 29 septembre 2020, auxquelles la cour se réfère expressément, la société SBMTP, la société MJA et la société Fides, ès qualités de liquidateurs judiciaires de la société SBMTP, demandent à la cour de :

- vu les articles 1641, 1644, 1645, 1603 et 1604 du code civil, l'article L. 217-9 du code de la consommation,

- vu l'article L. 621-41 et suivants du code de commerce,

- vu le rapport d'expertise judiciaire,

- réformer le jugement rendu le 06 avril 2020 dans son entier dispositif et notamment en ce qu'il a été décidé :

« condamné in solidum la société SBMTP, la société MJA et la société Fides ès qualités de liquidateurs de la société SBMTP à payer à la société GTFA la somme de 61 165, 01 euros,

condamné in solidum la société SBMTP, la société MJA et la société Fides ès qualités de liquidateurs de la société SBMTP à payer à la société GTFA la somme de 260, 36 euros,

condamné in solidum la société SBMTP, la société MJA et la société Fides ès qualités de liquidateurs de la société SBMTP à payer à la société GTFA la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné in solidum la société SBMTP, la société MJA et la société Fides ès qualités de liquidateurs de la société SBMTP aux dépens ».

- statuant de nouveau,

- à titre principal,

- dire et juger inopposable la déclaration de créance en date du 10 décembre 2018,

- dire et juger non avenu le jugement en date du 06 avril 2020,

- à titre subsidiaire,

- constater que le vice allégué par la société GTFA est un vice apparent,

- constater, en toute hypothèse, que l'acquéreur est un professionnel averti et qu'il est dès lors réputé avoir parfaite connaissance de l'état du matériel, acheté en l'état, et de ses vices apparents,

- débouter la société GTFA de l'ensemble de ses demandes,

- à titre très subsidiaire,

- fixer la créance de la société GTFA au passif de la société SBMTP,

- en tout état de cause,

- condamner la société GTFA à leur verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner la société GTFA aux dépens.

La société SBMTP et ses liquidateurs font notamment valoir :

A titre principal, que le jugement d'ouverture du redressement judiciaire a été publié au BODACC le 4 octobre 2018 ; que la société GTFA a déclaré sa créance le 10 décembre 2018, soit 6 jours après l'expiration du délai légal de deux mois ; que sa déclaration de créance est inopposable, en ce que la société GTFA n'apporte pas la preuve qu'elle a procédé à une déclaration de créances dans le mois qui a suivi l'ordonnance du 15 janvier 2019, afin de couvrir celle irrecevable datée du 10 décembre 2018 ; que le jugement du 6 avril 2020 est un jugement de condamnation alors qu'il ne pouvait tendre uniquement qu'à la fixation de la créance ; que le jugement ne fait aucunement référence à une déclaration de créance ; que par conséquent, le jugement doit être qualifié de « non-avenu » ;

A titre subsidiaire, que le véhicule acquis est un véhicule d'occasion acquis en l'état tel que vu et agréé par le client ; que l'expert confirme que l'acheteur a signé sans réserves malgré le problème de direction et de freinage ; qu'il peut donc être affirmé que le vice n'était pas caché au jour de la vente ; qu'il n'est pas possible de constater dans le rapport de l'expert un défaut du frein de service rendant le véhicule impropre à son usage ; que la cour devra constater l'absence de vices cachés ; qu'il n'y a pas davantage non-conformité du matériel ; qu'en l'espèce, le bien promis est bien celui qui a été livré ; que la demande visant à obtenir la résolution de la vente a été abandonnée au cours des débats de première instance ; Sur les préjudices allégués que la faute et la négligence de la société GTFA sont indiscutables, et que la cour ne pourra que confirmer le jugement qui a rejeté la demande au titre d'une location de véhicule, d'un préjudice financier et de la perte d'exploitation.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 24 septembre 2020, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Gascogne Travaux Forestiers et Agricoles, demande à la cour de :

- confirmer le jugement du 06 avril 2020 du tribunal de commerce de Bordeaux en ce qu'il a mis hors de cause la société Coopamat,

- dire et juger irrecevables les demandes des appelants tendant à voir :

dire et juger inopposable la déclaration de créance en date du 10 décembre 2018,

dire et juger non avenu le jugement en date du 06 avril 2020.

- à défaut, les en débouter,

- en tout état de cause,

- réformer le jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité des demandes de la société GTFA,

- en conséquence,

- fixer la créance de la société GTFA au passif de la société SBMTP selon les modalités suivantes :

64 302, 24 euros HT (1 339, 63 euros HT x 48 mois) au titre des frais financiers,

56 752 euros HT au titre du coût de la location d'un véhicule de remplacement,

2000 euros au titre du préjudice financier né de cette location,

260, 36 euros au titre du coût du procès-verbal de constat d'huissier,

18 1600 euros au titre de la perte d'exploitation,

5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

dépens outre les frais d'expertise judiciaire pour 3192,75 euros.

- à défaut, confirmer le jugement sur les quantums retenus,

- fixer la créance de la société GTFA au passif de la société SBMTP selon les modalités suivantes :

- 61 195, 01 euros au titre des frais financiers et de location,

- 260, 36 euros au titre du coût du procès-verbal de constat d'huissier,

- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dépens outre les frais d'expertise judiciaire pour 3 192, 75 euros.

- y ajoutant,

condamner in solidum la société MJA et la société Fides, ès qualités de liquidateurs judiciaires de la société SBMTP à la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

La société GTFA fait notamment valoir :

Sur sa déclaration de créance, que les appelants, n'ayant pas soutenu en première instance l'inopposabilité de la créance, leur demande est nouvelle en cause d'appel et donc irrecevable ; qu'à défaut, la cour déboutera les appelants de cette demande, la créance ayant été déposée concomitamment au dépôt de sa requête en relevé de forclusion ; que le caractère non avenu d'un jugement est une exception de procédure qui doit être soulevé avant toute défense au fond ; que le moyen a été précédé de conclusions au fond relatives à l'inopposabilité de la créance, et que la demande est irrecevable ;

Sur les manquements de la société SBMTP, que l'expert détaille les désordres constatés, qui sont bien des vices cachés rendant le véhicule impropre à son usage ; que la responsabilité de la société SBMTP peut être retenue tant sur le fondement de l'article 1641 du code civil que sur celui de l'article 1604 du même code ; Sur ses demandes qu'il est demandé la confirmation sur le fondement de la garantie des vices cachés et qu'elle justifie des sommes qu'elle demande (pages 12 à 18 de ses conclusions)

L'ordonnance de clôture est intervenue le 26 octobre 2022 et le dossier a été fixé à l'audience du 09 novembre 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.

MOTIFS DE LA DECISION

Le tribunal de commerce a prononcé une mise hors de cause de Coopamat, qui n'a pas été intimée, n'est pas intervenue volontairement, et contre laquelle aucune prétention n'est émise, de sorte qu'il n'y a pas lieu à statuer davantage sur sa situation.

La société SBMTP, en liquidation judiciaire, et ses deux sociétés mandataires liquidateurs, sont appelantes du jugement du tribunal de commerce qui les a condamnées in solidum à payer à la société GTFA les sommes de 61 195,01 et 260,36 euros, outre une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les appelantes soutiennent à titre principal l'inopposabilité de la déclaration de créance et le caractère non avenu du jugement, et, à titre subsidiaire, contestent le caractère caché du vice allégué de l'engin. Très subsidiairement, elles demandent la fixation de la créance au passif.

La société GTFA demande confirmation du principe des condamnations, et forme appel incident pour demander l'allocation d'autres sommes qu'elle n'a pas obtenues en première instance.

Sur la régularité de la procédure

Il est constant que, comme énoncé dans l'exposé des faits ci-dessus, la société SBMTP, demanderesse à l'instance, a été placée en redressement, puis en liquidation judiciaire avant que le jugement du tribunal de commerce ne soit rendu.

Elle est cependant demeurée en la cause comme partie indépendante principale, défenderesse en première instance selon le jugement du tribunal, et appelante en cause d'appel selon sa propre déclaration d'appel, alors qu'elle ne peut plus être représentée que par ses liquidateurs en vertu de l'article L. 641-9 du code de commerce, qui dispose que la liquidation emporte dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens, et que ses droits et actions concernant son patrimoine sont exercés par le seul liquidateur.

Cette irrégularité n'est pas soulevée par la société GTFA, et n'emporte d'ailleurs pas de conséquence de droit, les deux liquidateurs judiciaires étant dans la cause.

De même, le tribunal a condamné la société en liquidation, ainsi que, sans s'en expliquer et in solidum, ses liquidateurs ès-qualités à payer des sommes à la société GTFA, alors que l'instance était en cours au moment du jugement d'ouverture.

Or, l'article L. 622-21 du code de commerce institue pour règle l'arrêt des poursuites individuelles après l'ouverture d'une procédure collective pour toutes les actions qui tendent à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent pour une créance née antérieurement à l'ouverture de la procédure.

Il en résulte que le jugement d'ouverture interrompt toute toute action en justice de la part d'un créancier tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent, et de l'article L. 622-22 du même code de commerce que les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L. 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.

En l'espèce, il est constant que l'instance a pour objet le paiement de sommes d'argent pour une créance née antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure concernant la société débitrice.

A défaut d'une reprise d'instance régulière, les jugements, même passés en force de chose jugée, sont réputés non avenus, par application de l'article 372 du code de procédure civile.

Le moyen tiré de l'arrêt des poursuites individuelles est une fin de non recevoir pouvant être soulevée en tout état de cause, même d'office, s'agissant d'une règle d'ordre public.

Il en résulte que n'est pas opérante la défense de la société GTFA demandant à la cour de déclarer irrecevables, au motif qu'elles seraient nouvelles en appel, les demandes des appelantes portant sur l'inopposabilité de la déclaration de créance et le caractère non avenu du jugement, qui sont la conséquence de la règle de l'arrêt des poursuites individuelles, puisque pouvant être présentées pour la première fois en cause d'appel, et que ces demandes sont recevables.

En l'espèce, comme rappelé dans l'exposé des faits ci-dessus, la société SBMTP a été placée en redressement judiciaire le 18 septembre 2018, c'est à dire antérieurement non seulement au jugement du tribunal, mais aussi à l'audience de plaidoiries du 12 novembre 2018. L'instance en cours était donc interrompue.

Il est constant que la société GTFA a demandé et obtenu la réouverture des débats, et a appelé en cause les deux liquidateurs désignés par le tribunal de la procédure collective, procédure jointe à la procédure initiale.

En revanche, le tribunal reste totalement taisant sur la déclaration de créance qui devait nécessairement être faite aussi pour permettre la reprise de l'instance, alors que figurait pourtant à la liste des pièces de la société GTFA dans ses dernières conclusions du 20 septembre 2019 la mention : « 49 ' Déclaration de créance de la GTFA aux liquidateurs judiciaires de la SBMTP par courriers en date du 10.12.2018 ». La présence de cette pièce et la recevabilité de la déclaration n'ont pas été contestées par SBMTP et ses liquidateurs devant le tribunal, et ceux-ci ne contestent pas non plus devant la cour d'appel que la pièce avait été produite devant le tribunal.

Devant la cour, la société en liquidation soulève désormais l'inopposabilité de cette déclaration de créance, en faisant valoir que la créance a été déclarée 6 jours après l'expiration du délai de deux mois après publication au BODACC le 4 octobre 2018 du jugement d'ouverture. La société SBMTP soutient que la société GTFA, relevée de la forclusion par ordonnance du juge commissaire rendue le 15 janvier 2019, disposait d'un délai d'un mois à compter de la notification de cette ordonnance de relevé de forclusion pour déclarer sa créance ; qu'elle ne rapporte pas la preuve d'une telle déclaration dans le mois qui a suivi l'ordonnance du 15 janvier 2019 ; que la déclaration de créance faite avant l'ordonnance en relevé de forclusion n'exonère pas le créancier de procéder à une nouvelle déclaration dans le mois de l'ordonnance.

La société SBMTP ajoute que le jugement ne fait à aucun moment référence à une déclaration de créance, ce dont il ressort que le tribunal n'a pas procédé à la vérification de l'existence et de la régularité de la créance avant de reprendre l'instance.

Or, il s'avère que, si les dispositions de l'article L. 622-24 du code de commerce prévoient que lorsque le créancier a été relevé de la forclusion, les délais, alors réduits de moitié, soit un mois au lieu de deux, ne courent qu'à compter de la notification de la décision de relevé de la forclusion, ces dispositions n'imposent pas au créancier de renouveler une déclaration de créance qui aurait été faite antérieurement au relevé de forclusion. En effet, le créancier qui a déclaré tardivement sa créance à la procédure collective d'un débiteur n'est pas tenu, après avoir été relevé de la forclusion, de procéder à une seconde déclaration de créance.

En l'espèce, la société GTFA peut d'ailleurs utilement exposer qu'elle avait déclaré sa créance concomitamment au dépôt de sa demande en relevé de forclusion. La déclaration de créance du 10 décembre 2018, hors délai mais régularisée par le relevé de forclusion, est donc opposable, contrairement à la prétention de la société SBMTP.

Même si le tribunal a omis de le préciser dans sa décision, il apparaît donc que la demanderesse avait rempli cette seconde condition à la reprise de l'instance en produisant sa déclaration du 10 décembre 2018 validée par le relevé de forclusion eu 15 janvier 2019.

Alors que les conditions de la reprise d'instance étaient remplies, il ne peut être fait grief au créancier poursuivant de l'omission du tribunal de commerce de faire état dans sa décision de la déclaration de créance qui figurait à son dossier, et le jugement ne saurait être déclaré non avenu pour ce seul motif.

En revanche, en application des principes analysés ci-dessus, le tribunal ne pouvait condamner une société en liquidation judiciaire à payer des sommes pour une dette antérieure au jugement d'ouverture, et moins encore la condamner in solidum avec ses liquidateurs, mais ne pouvait que fixer des créances au passif de la liquidation judiciaire de la société SBMTP.

Le jugement sera réformé de ce chef.

Sur les fondements des demandes de la société GTFA

Sur le fond, la société GTFA, arguant du rapport d'expertise (sa pièce n° 47) et au visa de l'article 1614 du code civil, considère que le véhicule était affecté de vices cachés le rendant impropre à son usage, a minima les désordres affectant le système de freinage. A titre subsidiaire, la société conclut sur le fondement de la non-conformité.

Dans son rapport du 22 mars 2017, l'expert commis par le tribunal a conclu que :

« Le matériel n'était pas conforme aux spécifications convenues compte tenu des dysfonctionnements du freinage et de direction présents à la livraison. Le bon de livraison de la société SBMTP mentionne « préparation en nos ateliers et un entretien complet », opérations qui sous-entendent une vérification du freinage et de la direction.

(')

Le moteur de remplacement n'est pas du même type que le moteur d'origine contrairement aux mentions fournies par la société SBMTP. L'utilisation, qui est possible, présente des risques de casse de la transmission compte tenu du couple de moteur plus important.

Le dernier nombre d'heures connu de ce moteur est de 14 546 heures (information concessionnaire Volvo) soit 6 094 heures supplémentaires par rapport aux 8 452 heures (+72 %) mentionnées sur le compte rendu de SBMTP. »

Sur le moteur, l'expert limite toutefois ses conclusions à des difficultés de démarrage par manque de compression, ce qui ne rend pas l'engin impropre à sa destination. Il en est de même pour ce qui concerne le désordre sur la direction, apparent et ne rendant pas le tombereau impropre à son usage. La fuite d'huile relevée ne concernait pas le premier moteur livré, et n'était pas prévisible.

Sur le système de freinage, l'expert relève dans ses constatations que le levier de commande du frein de parking était hors service lors de la livraison et a été sommairement réparé par GTFA, mais que le frein de parking lui-même était fonctionnel et efficace. S'agissant en revanche du frein de service, qui apparaît être le système principal de freinage du véhicule, l'expert pointe une série d'anomalies, dont il conclut : « L'ensemble de ces anomalies rendaient le tombereau non-utilisable dans des conditions de travail en charge. »

Il résulte donc de ces constatations et conclusions de l'expert que le tombereau était affecté d'un sérieux désordre de freinage, le rendant non-utilisable en charge, les freins devenant alors inefficaces. Ce désordre à lui seul rendait l'engin non-utilisable.

Pour se fonder sur la garantie des vices cachés, la société GTFA fait valoir que l'acquéreur d'un véhicule, même d'occasion, s'attend à acquérir un véhicule en état de fonctionnement ; que si le levier de commande du frein de parking était hors service lors de la livraison et a été réparé par ses soins, elle n'avait pas connaissance des problèmes des problèmes liés au frein de service, provenant d'un défaut d'étanchéité des réducteurs de roues intermédiaires, qui imprègnent d'huile les plaquettes de freins et diminuent l'efficacité du freinage.

Aux termes de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Il résulte de cette disposition que la garantie est due par le vendeur lorsque les conditions suivantes sont remplies : Le défaut est inhérent à la chose vendue ; Il était caché et antérieur à la vente ; Il compromet l'usage de la chose.

La société SBMTP oppose, outre que le matériel était d'occasion, un tombereau neuf coûtant environ 300 000 euros, que la cliente devait s'attendre à des réparations, et que le bon de commande écrit expressément que le matériel est vendu en l'état, tel que vu et agréé par le client. La venderesse ajoute que le rapport d'expertise décrit également l'état d'esprit de l'acheteur au jour de la livraison, en relevant qu'un procès-verbal de livraison a été signé malgré le problème de direction et de freinage. La venderesse en conclut que le défaut n'était pas caché.

Pour autant, la société GTFA est fondée à soutenir qu'elle ne pouvait pas avoir connaissance des problèmes du frein de service, qui ne se révèle qu'en charge, c'est à dire lors de l'utilisation normale du véhicule.

Le délai de 3 mois invoqué par le vendeur entre le premier bon de commande, puis le deuxième, et sa proposition du 23 juillet 2014 d'annuler la vente, qui selon lui aurait permis à l'acquéreur de constater les défaut, est en réalité indifférent, le vice étant caché lors de la vente et le délai d'action en garantie pour vices cachés de 2 ans n'étant pas dépassé, et ce moyen du vendeur revient à reconnaître que le vice était antérieur à la vente et non apparent. De même, la société GTFA est un professionnel des travaux agricoles et forestiers, mais non un professionnel des engins de chantier ou de la mécanique, de sorte qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir décelé le problème de freinage au moment de la vente, d'autant qu'il n'est pas établi que le vice aurait pu être décelé à ce moment-là par l'acquéreur.

Le désordre affectant le frein de service était donc un vice caché inhérent au tombereau, qui compromet l'usage de la chose, et la société SBMTP doit sa garantie à son acquéreur.

La demande subsidiaire de la société GTFA tendant à engager la responsabilité de la société SBMTP sur le fondement de la non-conformité au visa des articles 1603 et 1604 du code civil se trouve donc sans objet.

Sur les les demandes pécuniaires de la société GTFA

La société GTFA expose que, au vu de la liquidation judiciaire de la société SBMTP, elle n'entend plus solliciter la résolution de la vente avec restitution du prix, mais uniquement la réparation, de ses préjudices.

Il doit être observé que l'acquéreur qui demande, non la résolution de la vente, mais l'allocation de dommages-intérêts, doit justifier de l'existence d'un préjudice.

Appelante incidente sur ces chefs, le tribunal de commerce n'ayant pas fait droit à la totalité de ses demandes, la société demande l'allocation de plusieurs sommes à divers titres :

Elle demande d'abord 64 302,24 euros HT au titre de « frais financier », entendant par là 48 mensualités de 1 339,63 euros HT (1 607,56 euros TTC) versées à la société Coopamat dans le cadre du contrat de crédit-bail conclu pour le financement de l'engin litigieux.

Il peut être relevé que, s'agissant d'une demande de dommages-intérêts, la somme ne saurait être exprimée hors taxes, en ce que la juridiction ne peut compenser que le préjudice réel, et que la société a manifestement récupéré la TVA sur ces mensualités.

Le tribunal de commerce a considéré à juste titre que la société payait alors un crédit-bail pour la mise à disposition d'un engin pour son activité professionnelle, et a distingué plusieurs périodes :

- de la livraison le 31 mars 2014 au 26 octobre 2015, la société GTFA a pu utiliser le véhicule acquis ou un véhicule prêté par le vendeur, de sorte qu'elle n'a pas subi de préjudice, et qu'il n'y a pas lieu à indemnisation ;

- pour la période suivante, la société GTFA justifie avoir ensuite loué des véhicules de remplacement pour 16 416 euros (du 26 octobre au 13 novembre 2015) ' sa pièce n° 37) et 42 336 euros (du 14 novembre 2015 au 31 janvier 2016 ' sa pièce n° 39), soit au total 56 752 euros.

La venderesse objecte que l'acheteur a refusé l'annulation de la vente, ou encore que ce serait en raison du refus de GTFA de procéder à des travaux complémentaires que l'engin s'est retrouvé immobilisé, mais ne justifie pas qu'elle aurait réparé le vice dont était affecté le tombereau vendu, de sorte qu'elle reste responsable de sa carence, peu important alors les longues négociations entre les parties pour un changement du moteur de l'engin.

Il doit toutefois être relevé que ces sommes sont plus exactement celles de 13 680 et 35 280 euros HT, pour un total de 48 960 euros, limite du préjudice de la société, qui ne soutient pas qu'elle n'aurait pas récupéré la TVA sur ces sommes payées. Cette somme sera allouée à la société GTFA.

- pour la période qui a suivi le 31 janvier 2016, la société GTFA a continué à payer les mensualités du crédit-bail jusqu'au 31 mars 2018, soit 26 mois, ce qui lui a causé un préjudice de 26 * 1 339,63 = 34 830,38 euros.

Ainsi, c'est une somme de 56 752 + 34 830,38 soit 91 582,38 euros qui doit être allouée à la société GTFA en compensation de son préjudice découlant de l'immobilisation de son tombereau à raison du vice caché imputable à la société SBMTP.

La société GTFA demande ensuite une somme supplémentaire de 2 000 euros au titre du préjudice financier qu'elle estime avoir subi du fait de cette location, exposant que les redevances mensuelles de crédit-bail et de coût de véhicules de location ont pesé sur sa trésorerie.

Pour autant, cette société ne justifie pas davantage cette somme, de sorte que la demande a été écartée à juste titre par le tribunal.

L'intimée demande ensuite des frais de constat d'huissier pour 260,36 euros, que le tribunal lui a accordés. Pour autant, elle omet de préciser en quoi un constat d'huissier serait la conséquence directe du vice caché qu'elle invoque. Il apparaît en réalité qu'il s'agit d'un constat du 9 novembre 2015 destiné à décrire l'engin litigieux, alors dans les locaux de la société MPMPT (pièce n° 41 de GTFA). Or, un tel constat s'insère dans la préconstitution de preuves pour le litige à venir, ce qui relève des frais irrépétibles compensés différemment, et ne peut faire l'objet de l'allocation de dommages-intérêts.

La société GTFA demande enfin à la cour la somme de 181 600 euros en réparation de contrats perdus.

Pour autant, la société SBMTP et ses mandataires opposent utilement qu'il n'est pas établi que GTFA aurait obtenu les contrats allégués si elle avait été en possession du tombereau litigieux, et qu'elle a pu disposer soit d'un engin de prêt, soit d'engins loués, lorsqu'elle en a eu l'utilisation.

Le tribunal de commerce a donc à juste titre rejeté ce chef de demandes.

En conclusion, et au bénéfice de l'analyse ci-dessus à raison de l'existence de la procédure collective, le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné in solidum les sociétés SBMTP, MJA et Fides à payer à la société GTFA les sommes de 61 195,01 euros, 260,36 euros et 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et il sera inscrit au passif de la procédure collective de la société SBMTP une somme de 91 582,38 euros, ne pouvant être entendue que TTC, à titre chirographaire définitif.

Sur les autres demandes

Le tribunal ne pouvait non plus condamner in solidum les mêmes aux dépens, et le jugement doit aussi être réformé de ce chef.

Il sera alloué à la société GTFA la somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Ces frais irrépétibles et les dépens de première instance et d'appel de la présente instance, qui incluront les frais de l'expertise ordonnée en référé, nés pour les besoins du déroulement de la procédure au sens de l'article L. 622-17 du code de commerce, seront employés en frais privilégiés de la procédure collective de la société SBMTP.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Déclare recevables les demandes des appelantes portant sur l'inopposabilité de la déclaration de créance et le caractère non avenu du jugement,

Dit toutefois opposable la déclaration de créance du 18 décembre 2018,

Dit que l'instance interrompue a été régulièrement reprise devant le tribunal de commerce,

Dit en conséquence n'y avoir lieu à déclarer non avenu le jugement attaqué du 6 avril 2020,

Déboute la société SBMTP, la société MJA et la société FIDES de leurs demandes en ce sens,

Infirme le jugement rendu entre les parties le 6 avril 2020, sauf en ce qu'il a joint les deux instances engagées devant lui et en ce qu'il a mis hors de cause la société COOPAMAT,

Et statuant à nouveau pour le surplus,

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société SBMTP une somme de 91 582,38 euros TTC, à titre chirographaire définitif,

Déboute la société GTFA du surplus de ses demandes indemnitaires,

Alloue à la société GTFA la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, à la charge de la société SBMTP,

Dit que ces frais irrépétibles et les dépens de première instance et d'appel, qui incluront les frais de l'expertise ordonnée en référé, seront employés en frais privilégiés de la procédure collective de la société SBMTP.

.

Le présent arrêt a été signé par Mme Pignon, présidente, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 20/01734
Date de la décision : 04/01/2023
Sens de l'arrêt : Annulation

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-04;20.01734 ?
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