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27/09/2022 | FRANCE | N°19/05373

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 4ème chambre commerciale, 27 septembre 2022, 19/05373


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE



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ARRÊT DU : 27 SEPTEMBRE 2022









N° RG 19/05373 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LINC







Monsieur [T] [F]





c/



Monsieur [G] [O]























Nature de la décision : AU FOND

























Grosse d

élivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 mai 2019 (R.G. 2017F00050) par le Tribunal de Commerce de BERGERAC suivant déclaration d'appel du 10 octobre 2019





APPELANT :



Monsieur [T] [F], né le 25 Juin 1971, de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]



représenté par Maître Guillaume ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 27 SEPTEMBRE 2022

N° RG 19/05373 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LINC

Monsieur [T] [F]

c/

Monsieur [G] [O]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 mai 2019 (R.G. 2017F00050) par le Tribunal de Commerce de BERGERAC suivant déclaration d'appel du 10 octobre 2019

APPELANT :

Monsieur [T] [F], né le 25 Juin 1971, de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représenté par Maître Guillaume DEGLANE de la SCP DE LAPOYADE-DEGLANE-JEAUNAUD, avocat au barreau de PERIGUEUX

INTIMÉ :

Monsieur [G] [O], né le 29 Octobre 1965 à [Localité 3] (24)

de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

représenté par Maître Julien MERLE, avocat au barreau de BORDEAUX et assisté par Maître Catherine LAROCHE, avocat au barreau de BERGERAC

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 27 juin 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Elisabeth FABRY, Conseiller chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Nathalie PIGNON, Présidente,

Madame Elisabeth FABRY, Conseiller,

Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE :

M. [F] exerce à titre individuel une activité de travaux forestiers. Par contrat de location-vente du 1er mars 2015, il a loué à M. [O] un porteur forestier Timberjack 810 avec ses accessoires. La location a été consentie pour une durée de 48 mois moyennant un loyer mensuel de 1 145,83 euros HT.

M. [F] a récupéré le matériel en mai 2016.

Il a assigné M. [O] devant le président du tribunal de grande instance de Bergerac aux fins de voir ordonner la restitution des accessoires du porteur forestier et obtenir la condamnation de M. [O] à lui payer la somme provisionnelle de 39 369,63 euros au titre des réparations. Le juge des référés s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Bergerac par ordonnance de référé du 04 octobre 2016.

Par exploit d'huissier du 10 août 2017, M. [O] a assigné M. [F] devant le tribunal de commerce de Bergerac aux fins de voir prononcer la résiliation du contrat aux torts exclusifs de M. [F] et obtenir sa condamnation à lui [O] la somme de 74 691,46 euros au titre des dommages-intérêts pour préjudice économique et financier.

Par jugement contradictoire du 24 mai 2019, le tribunal de commerce de Bergerac a :

- prononcé la résiliation du contrat de location vente signé le 1er mars 2015 aux torts exclusifs de M. [F],

- fixé la date de résiliation du contrat de location vente au 06 mai 2016,

- en conséquence, condamné M. [F] au paiement de 9 336,43 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice économique et financier lié à la rupture abusive du contrat de location vente,

- débouté M. [O] de sa demande d'indemnisation pour rupture brutale sans préavis,

- débouté M. [O] de sa demande de remboursement de la prime d'assurance,

- condamné M. [F] au paiement de la somme de 475,67 euros en remboursement du matériel présent dans le porteur forestier Timberjack 810 B 8x8,

- débouté M. [O] de sa demande de remboursement des frais d'entretien du porteur forestier Timberjack 810 B 8x8,

- débouté M. [O] de sa demande de dédommagement pour préjudice moral,

- débouté M. [F] de sa demande de remboursement des loyers,

- débouté M. [F] de sa demande de paiement des réparations à effectuer sur le porteur forestier Timberjack 810 B 8x8,

- condamné M. [O] à restituer les clés du Porteur forestier Timberjack 810 B 8x8 à M. [F] sans astreinte,

- débouté M. [F] de sa demande de restitution de la grille et de la paire de chaines,

- condamné M. [F] à payer à M. [O] Monsieur [G] [O] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédtue civile,

- condamné M. [F] aux entiers dépens.

M. [F] a relevé appel du jugement par déclaration du 10 octobre 2019 énonçant les chefs du jugement expressément critiqués, intimant M. [O].

Le 28 novembre 2019, une mesure de médiation judiciaire a été proposée aux parties, qui ne se sont pas accordées sur le principe d'une acceptation.

M. [O], invoquant la plainte pour faux déposée par lui contre M. [F], a saisi le conseiller de la mise en état d'une demande de sursis à statuer qui a été rejetée par ordonnance du 1er [F] 2021.

Aux termes de ses conclusions déposées en dernier lieu le 20 mai 2022 par le RPVA, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, M. [F] demande à la cour de :

- vu les articles 1134, 1135, 1156, 1157 et 1184 anciens du code civil,

- vu l'ensemble des pièces versées aux débats,

- le dire et juger recevable et bien fondé en son appel limité,

- dire et juger que le contrat de location-vente conclu le 1er mars 2015 entre lui et M. [O] est résilié en raison :

- de l'absence de production par M. [O] d'une mise en longue maladie,

- de la poursuite de son activité d'exploitant forestier postérieurement au 29 avril 2016,

- par conséquent, infirmer le jugement en ce qu'il :

- a prononcé la résiliation du contrat de location-vente signé le 1er mars 2015 à ses torts exclusifs,

- l'a condamné au paiement de 9 336,43 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice économique et financier lié à la rupture abusive du contrat de location-vente,

- l'a condamné au paiement de la somme de 475,67 euros en remboursement du matériel présent dans le porteur forestier Timberjack 810B 8x8,

- l'a débouté de sa demande de remboursement des loyers,

- l'a débouté de sa demande de paiement des réparations à effectuer sur le porteur forestier Timberjack 810 B 8x8,

- a condamné M. [O] à lui restituer les clés du porteur forestier Timberjack 810 B 8x8 sans astreinte,

- l'a débouté de sa demande de restitution de la grille et de la paire de chaînes,

- l'a condamné à payer à M. [O] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens taxés et liquidés à la somme de 66,70 euros,

- statuant à nouveau,

- juger que le contrat de location-vente a été rompu aux torts exclusifs de M. [O] à la date du 06 mai 2015,

- en conséquence, condamner M. [O] à lui verser les sommes de :

- 35 375 euros au titre des loyers dus sur la période du 1er mai 2016 au 28 février 2019 à titre de dommages et intérêts.

- 39 369,36 euros correspondant au coût estimé des réparations effectuées sur le porteur,

- ordonner la restitution des accessoires du porteur à savoir la grille qui s'installe sur le porteur, les clés et double des clés, et une paire de chaines sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter d'un délai d'un mois suivant la signification de l'arrêt,

- sur l'appel incident de M. [O],

- constater que M. [O] ne communique pas ses documents comptables,

- débouter M. [O] de l'ensemble de ses demandes tendant d'une part à la confirmation du jugement et d'autre part à son infirmation partielle,

- rejeter les demandes de M. [O] relatives à son appel incident et tendant à le voir condamner à lui verser les sommes suivantes :

- 224 073 euros pour rupture abusive,

- 74 691,46 euros pour brutalité de la rupture,

- 1 692,50 euros sur les primes d'assurance,

- 7 005,72 euros en remboursement des frais de maintenance,

- 2 000 euros au titre du préjudice moral,

- 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- au titre des entiers dépens,

- condamner M. [O] à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [O] à lui payer les entiers dépens comprenant les frais éventuels d'exécution.

M. [F] fait notamment valoir que le contrat prévoit qu'à défaut de paiement d'un seul terme de loyer, le bailleur se réserve le droit de dénoncer le contrat aux torts du locataire et de lui réclamer, à titre d'indemnité, la totalité des loyers restant dus ; que la clause prévue pour épargner à M. [O] la charge de remboursement en cas de récidive de ses problèmes de santé ne pouvait s'entendre d'une suspension qu'en cas d'impossibilité d'utiliser le matériel ; que l'intimé a au contraire continué à exploiter en embaûchant des salariés ; qu'il ne justifie toujours pas à ce jour avoir bénéficié d'une prise en charge au titre de la longue maladie ; qu'il a adressé le 07 mars 2016 à M. [O] une mise en demeure de restituer le matériel suite à un défaut de paiement de loyer ; que le PV de constat révèle de graves désordres et carences d'entretien ; que les demandes incidentes et indemnitaires de l'intimé doivent être rejetées ; qu'il ne justifie d'aucun préjudice financier puisqu'il a continué à travailler ; qu'il ne verse aucun justificatif comptable malgré la sommation qui lui a été faite ; qu'il refuse de communiquer le registre du personnel ; que de son côté il est fondé à solliciter les loyers dus jusqu'au terme le 28 février 2019 et les frais de remise en état.

Aux termes de ses conclusions déposées en dernier lieu le 30 mai 2022 par le RPVA, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, M. [O] demande à la cour de :

- dire recevable mais non fondé l'appel limité diligenté par M. [F] à l'encontre du jugement

- débouter M. [F] de ses prétentions,

- le déclarer recevable et bien fondé en ses écritures,

- au visa des articles 1134 ancien du code civil, 1382 ancien du même code,

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

- prononcé la résiliation du contrat de location-vente signé le 1er mars 2015 aux torts exclusifs de M. [F],

- fixé la date de résiliation du contrat de location-vente au 06 mai 2016,

- en conséquence, condamné M. [F] au paiement de 9 336,43 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice économique et financier lié à la rupture abusive du contrat de location-vente, sauf en ce qu'il a limité la somme à 9 336,43 euros,

- condamné M. [F] au paiement de la somme de 475,67 euros en remboursement du matériel présent dans le Porteur forestier Timberjack 810 B 8x8,

- débouté M. [F] de sa demande de remboursement des loyers,

- débouté M. [F] de sa demande de paiement des réparations à effectuer sur le porteur forestier Timberjack 810 B 8x8,

- débouté M. [F] de sa demande de restitution de la grille et de la paire de chaînes,

- condamné M. [F] à lui payer la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [F] aux entiers dépens

- infirmer partiellement le jugement en ce qu'il a :

- limité la somme à 9 336.43 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice économique et financier lié à la rupture abusive du contrat,

- l'a débouté de sa demande d'indemnisation pour rupture brutale sans préavis,

- l'a débouté de sa demande de remboursement de la prime d'assurance

- l'a débouté de sa demande de remboursement des frais d'entretien du porteur forestier Timberjack 810 B 8x8,

- l'a débouté de sa demande de dédommagement pour préjudice moral,

- l'a condamné à restituer les clés du porteur forestier Timberjack 810 B 8x8 à M. [F] sans astreinte,

- et statuant à nouveau

- le recevoir en son appel incident et

- condamner M. [F] à l'indemniser pour rupture abusive à hauteur de la somme de 224 073 euros (deux cent vingt quatre [F] soixante- treize euros),

- condamner M. [F] à l'indemniser pour brutalité de la rupture à hauteur de la somme de 74 883 euros (soixante-quatorze [F] huit cent quatre-vingt-trois euros),

- condamner M. [F] à lui verser la somme de 1 592,50 euros en restitution des primes d'assurance versées depuis le 1er juin 2016 avec intérêt légal de droit depuis cette date jusqu'à complet paiement

- condamner M. [F] à lui verser la somme de 7 005,72 euros en remboursement des frais de maintenance et entretien sur le matériel

- condamner M. [F] à lui verser la somme de 2 000 euros à titre de préjudice moral

- débouter M. [F] de sa demande de restitution des clés et double des clés du porteur forestier [Adresse 4]

- en tout état de cause

- condamner M. [F] à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

- débouter M. [F] de de toutes prétentions, conclusions et fins contraires

- condamner M. [F] aux entiers dépens en ce compris les frais d'huissier et d'exécution de la décision à intervenir.

M. [O] fait valoir qu'il a appris en avril 2016 qu'il était atteint d'un cancer des glandes salivaires et devait subir un traitement d'urgence dans le but d'une intervention chirurgicale, ce qui l'a placé dans le cadre d'une longue maladie ; qu'il en a prévenu son demi frère M. [F] avant de lui adresser le 29 avril 2016 une LRAR y joignant une attestation du médecin mentionnant expressément la longue maladie ; que M. [F] n'a pas respecté la disposition particulière liée à la longue maladie ; que le tracteur a disparu dans la nuit du 05 au 06 mai 2016 ; qu'il a déposé plainte pour vol ; que la disparition du matériel lui a occasionné un préjudice conséquent ; qu'il n'a plus pu faire face aux chantiers en cours ; qu'il n'a jamais reçu la lettre de mise en demeure de restituer du 07 mars 2016 prétendument adressée, l'enveloppe contenant un autre courrier ; qu'il a d'ailleurs déposé plainte pour faux et usage et tentative d'escroquerie ; qu'il s'est toujours acquitté de ses loyers ; qu'avant d'être dérobé en pleine nuit dans des conditions rocambolesques sur une parcelle en cours de dessouchage le tracteur fonctionnait parfaitement ; qu'il subit divers préjudices du fait de la rupture abusive et brutale du contrat.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance en date du 07 juin 2022 et l'audience fixée au 27 juin 2022.

MOTIFS DE LA DECISION :

sur la demande principale :

Le contrat de location vente conclu le 1er mars 2015 entre les parties (pièce 2 de l'intimé) prévoit notamment que :

- en contrepartie de la remise du matériel, le preneur s'engage à verser le 5 de chaque mois la somme de 1 145,83 euros HT au domicile du bailleur

A défaut de paiement d'un seul terme de loyer, le bailleur se réserve le droit de dénoncer le contrat aux torts du locataire et de lui réclamer, à titre d'indemnité, la lotalité des loyers restant dus.

En cas de longue maladie de M. [O], les loyers seront suspendus jusqu'à reprise du travail et les échéances reportées.

A défaut de paiement M.[F] reste propriétaire du matériel désigné.

En cas de longue maladie de M. [O], les loyers seront suspendus jusqu'à la reprise de travail de M. [O]. Les échéances seront donc reportées.

M. [O], indiquant qu'il était en arrêt de travail, a demandé la suspension des loyers par courrier recommandé du 29 avril 2016 auquel était joint le courrier de son médécin en date du même jour attestant de son arrêt de travail à compter du 29 avril 2016 'pour une durée d'un mois renouvelable dans le cadre de son suivi pour longue maladie' (pièce 3 de l'appelant).

Par courrier en réponse du 03 mai 2016, M. [F] l'a informé que l'arrêt de travail ne pouvait suffire à établir la longue maladie et a sollicité un justificatif de la Sécurité Sociale, ajoutant avoir constaté après visite du chantier le 02 mai que M. [O] était en train de travailler sur la machine avec son salarié de sorte que la machine pouvait être utilisée et rentabilisée pour subvenir au loyer, et rappelant qu'à défaut de règlement il lui demanderait de restituer le matériel (pièce 4 de l'appelant).

M. [F] a récupéré le matériel entre le 05 et le 06 mai. M. [O] a déposé plainte le 07 mai (pièce 5 de l'intimé). Le matériel a été placé sous scellés jusqu'au 12 mai 2016.

L'appelant conteste le jugement qui a prononcé la résiliation du contrat à ses torts exclusifs en faisant valoir :

- en premier lieu, que M. [O] n'a pas justifié, et ne justifie toujours pas devant la cour, d'une situation de longue maladie pouvant seule justifier la suspension des loyers ;

- en deuxième lieu, que M. [O] n'était pas à jour de ses loyers ainsi qu'il résulte du courrier du 07 mars 2016 mettant M. [O] en demeure de restituer le matériel suite à un défaut de paiement de loyer (pièce 2 de l'appelant) ;

- enfin, qu'il a manqué à son obligation d'entretien du matériel.

sur la suspension des loyers :

L'appelant, au visa des articles 1134, 1135, 1156, 1157 et 1184, soutient que l'on doit rechercher dans les conventions quelle a été la commune intention des parties contractantes plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes ; que la clause était prévue pour épargner à M. [O] la charge de remboursement en cas de récidive de ses problèmes de santé l'empêchant d'exercer son activité, qu'il exerçait seul, sous réserve cependant qu'il justifie d'une prise en charge pour longue maladie l'empêchant de poursuivre ; qu'au contraire, il a continué à exploiter en embauchant des salariés ainsi qu'il résulte de ses propres déclarations devant les gendarmes le 07 mai 2016 ; qu'il ne justifie toujours pas à ce jour avoir bénéficié d'une prise en charge au titre de la longue maladie l'empêchant d'exercer une activité professionnelle ; qu'il ne pouvait prétendre à la suspension des loyers alors même qu'il avait pris des dispositions pour poursuivre son activité notamment en achetant de nouvelles machines utilisées par son fils ; que la clause ne pouvait s'entendre d'une suspension qu'en cas d'impossibilité d'utiliser le matériel ; qu'il n'a pas déféré à la demande de communication des pièces comptables permetant d'apprécier la poursuite d'activité.

L'intimé, qui oppose qu'il n'avait pas à communiquer un document de la Sécurité Sociale ni à démontrer qu'il était dans l'impossibilité de travailler, et que seul le médecin décide de mettre un paient en maladie de longue durée, peut cependant faire valoir utilement que l'attestation transmise le 29 avril 2016 respecte la lettre de la clause, et que le cancer dont il est atteint relève sans contestation possible d'une longue maladie (ses pièces 4/1 à 4/15). Par ailleurs le contrat, s'il prévoit une suspension du paiement des loyers jusqu'à la reprise du travail par M. [O], ne comporte aucune disposition interdisant le recours à un salarié, l'intimé faisant valoir sans être contredit que sa qualité d'exploitant individuel ne signifiait pas qu'il travaillait seul, et que l'appelant savait parfaitement qu'il employait un salarié en CDI (M. [V]) depuis le 10 juin 2014 (sa pièce 27).

M. [O] peut faire valoir enfin qu'il a cessé de travailler dès qu'il s'est su malade, et que sa présence sur le chantier le 02 mai s'explique par la nécessité d'expliquer le fonctionnement du matériel à son salarié, ainsi qu'il l'a déclaré à la gendarmerie le 07 mai 2016. Il produit par ailleurs maintes attestations médicales et arrêts de travail dont il ressort qu'il a été en arrêt du 29 avril 2016 au 02 juillet 2017 (pièces 4/1 à 4/15) ce qui caractérise bien une longue maladie justifiant la mise en oeuvre de la clause.

sur le défaut de paiement des loyers :

M. [F] soutient par ailleurs qu'il a vainement adressé le 07 mars 2016 à M. [O] une mise en demeure de restituer le matériel sans délai suite à un défaut de paiement de loyer (sa pièce 2).

En réponse à l''intimé qui affirme que l'enveloppe produite contenait un tout autre courrier, daté du 08 mars, accusant réception du chèque de règlement (pièce 15 de l'intimé), et qu'il n'a jamais reçu la lettre de mise en demeure de restituer du 07 mars 2016, l'appelant fait valoir qu'il a adressé les deux courriers sous la même enveloppe, et produit pour en justifier une attestation de son expert comptable datée du 04 mai 2022 (ses pièces 20 et 21) dont l'intimé conteste l'authenticité.

Si le courrier du 07 mars comporte mise en demeure de restituer le matériel, celui du 08 mars quant à lui accuse réception du chèque ce jour, tout en rappelant que le paiement est prévu le 5 de chaque mois sous peine d'intérêts de retard. Ce courrier se termine ainsi : " Exceptionnellement nous vous accordons la remise gracieuse des intérêts de retard et espérons que cet incident ne se renouvellera pas".(pièce 15)

Dès lors, il importe peu que les deux courriers aient ou non fait partie du même envoi dans la mesure où leur contenu est contradictoire, les termes du premier étant annulés par ceux du second qui s'inscrit dans une poursuite de la relation contractuelle, et qui doit seul est pris en compte, sans que M. [F] puisse se prévaloir du premier.

M. [F] n'est donc pas fondé à invoquer ce grief de défaut de paiement dont au demeurant il ne justifie pas.

sur le défaut d'entretien :

M. [F] soutient enfin que l'article 1729 du code civil autorise le bailleur à résilier si le preneur n'use pas de la chose louée raisonnablement ; que le constat d'huissier diligenté le 20 mai 2016 pa 5 a révélé de graves désordres et carences d'entretien dont les réparations s'élèvent à la somme de 39 369,36 euros selon devis de remise en état du 25 mai 2016 réalisé par l'entreprise Afco (sa pièce 6).

L'intimé, qui produit diverses attestations attestant d'un parfait fonctionnement (ses pièces 23 et 24), peut cependant opposer utilement que le constat n'est pas contradictoire et qu'il a été établi après que le porteur a été enlevé en pleine nuit sur une parcelle en cours de dessouchage.

Il ressort de ces considérations que même si M. [F] était fondé à mettre en doute la légitimité de la suspension des loyers, justifiant le cas échéant une demande de renseignements supplémentaires, cette situation ne l'autorisait pas à récupérer sans préavis le porteur, empêchant M. [O] de faire face aux chantiers en cours.

Le jugement qui a prononcé la résiliation du contrat au 06 mai 2016 aux torts exclusifs de M. [F] sera donc confirmé.

sur les demandes indemnitaires :

- sur les demandes de M. [O] :

L'intimé invoque d'abord un préjudice économique et financier né de la rupture abusive du contrat et un préjudice résultant de la brutalité de la rupture :

Il sollicite une somme de 224 073 euros au titre du premier et une somme de 74 961 euros au titre du second.

Le tribunal lui a alloué, au titre du premier préjudice, une somme de 9 336,43 euros correspondant à une perte de marge brute pour la période du 06 mai au 20 juin 2016, et a rejeté sa demande au titre de la rupture brutale en considérant qu'il ne justifiait pas d'un préjudice distinct.

L'intimé fait valoir que privé du matériel, il n'a pas pu satisfaire certains marchés spécifiques de piquets ; que le chiffre d'affaire réalisé par le porteur, de 74 691,46 euros pour la période du 1er mars 2015 au 30 avril 2016, était nul après, ce qui représente une perte de bénéfice escompté sur les trois années dont l'exécution était prévue contractuellement de 224 073 euros (74 691,46 X 3).

Il soutient par ailleurs qu'en cas de rupture, il est toujours exigé un préavis pour permettre au partenaire économique de disposer du temps nécessaire pour anticiper et organiser sa conversion ; que le délai préconisé est de 3 mois ; qu'il est fondé à demander une somme minimale de 18 672,75 euros à majorer des frais d'embauche à plein temps d'un salarié jusque là engagé à temps partiel pendant 48 mois (33 367,20 euros), de ceux de l'embauche de son fils en CDD alors qu'il espérait encore récupérer le matériel (11 293,21 euros), d'un préjudice d'anxiété qu'il chiffre à 8 000 euros ainsi que d'une somme de 3 500 euros au titre de la perte d'image commerciale, soit une somme totale de 74 883 euros.

Outre que le tribunal a relevé, à bon droit, que l'intimé échoue à faire la preuve d'un préjudice distinct entre les deux postes, les justificatifs produits ne permettent pas de retenir ces montants, alors que l'intimé a continué à travailler, qu'il ne verse aucun justificatif comptable autre qu'une attestation portant sur la période du 1er mai 2016 au 1er mai 2017 (sa pièce 13), et qu'il ne peut être exclu qu'il a loué ou acheté un autre porteur qui lui a permis de conserver cette clientèle et de préserver par la suite ce chiffre d'affaires, rien ne justifiant, dans le cas contraire, qu'il ait conservé son salarié et engagé son fils après même la rupture des relations contractuelles.

Les demandes au titre du préjudice d'anxiété et de la perte d'image commerciale seront par ailleurs rejetées en l'absence de préjudice établi.

Le jugement qui lui a alloué une somme de 9 336,43 euros sera donc confirmé.

M. [O] fait valoir ensuite un préjudice né de la perte du matériel présent dans le porteur (475,67 euros), de la prime d'assurance (1 592,50 euros) et des frais d'entretien du porteur (7 005,72 euros - sa pièce 22).

Le tribunal a fait droit à la demande au titre du matériel mais rejeté celles au titre des primes d'assurance et des frais engagés sur le matériel.

Même si la résiliation du contrat n'a été prononcée que le 24 mai 2019, c'est à bon droit que le tribunal a jugé qu'il appartenait à M. [O] de mettre fin à l'assurance du matériel dont il ne disposait plus, et qu'ayant profité du porteur jusqu'en mai 2016, les frais engagés selon facture du 1er juillet 2015 devaient rester à sa charge, peu important par ailleurs que ces frais aient permis à M. [F] de le revendre un bon prix, ce qui n'est d'ailleurs pas établi.

Le jugement qui a fait droit à la seule demande au titre du matériel présent dans le porteur, dont il est justifié par une facture de 475,67 euros (pièce 12 de l'intimé) à laquelle l'appelant n'oppose aucun argument, sera confirmé.

- sur les demandes indemnitaires de M. [F] :

L'appelant sollicite quant à lui

- la somme de 39 369,36 euros au titre des travaux de réparation et de remise en état (cf devis du 25 mai 2016 réalisé par l'entreprise Afco)

- et celle 35 375 euros correspondant aux échéances restant dues sur la période du 1er mai 2016 au 28 février 2019

- la restitution des accessoires.

Sur les travaux de réparation, c'est cependant à bon droit que l'intimé oppose, et que le tribunal a retenu, que le constat réalisé plusieurs jours après l'enlèvement du porteur, en pleine nuit et sur une parcelle en cours de dessouchage, n'est pas contradictoire, de sorte qu'il ne permet pas d'établir l'imputabilité des dégradations constatées.

Le jugement qui a débouté M. [F] de cette demande sera confirmé.

La demande en remboursement des loyers ne saurait davantage prospérer, la résiliation ayant été prononcée aux torts exclusifs de M. [F] sans que le défaut de paiement de loyers soit retenu, cependant que comme l'a relevé le tribunal, la preuve d'un préjudice n'est pas rapportée, aucune information n'étant fournie sur le sort du véhicule qui, selon l'intimé, aurait été vendu en mai 2018. (sa pièce 37).

M. [F] demande enfin la restitution sous astreinte des clés, de la grille et des chaînes. En considération des déclarations de M. [O] qui a reconnu lors de son audition du 07 mai 2016 les avoir toujours en sa possession, le tribunal n'a fait droit qu'à la demande de restitution des clés, sans cependant assortir cette condamnation d'une astreinte.

Il se déduit cependant du fait que M. [F] a pu enlever le porteur sans effraction en mai 2016, et qu'il l'a vendu en 2018, qu'il était en possession d'au moins un double des clés, cependant qu'en tout état de cause, la vente du véhicule depuis lors rend ces demandes sans objet.

Elles seront rejetées, et le jugement partiellement infirmé.

sur les demandes accessoires :

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie les sommes, non comprises dans les dépens, exposées par elle dans le cadre de l'appel. Les demandes formées en appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

L'appelant sera condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 24 mai 2019 par le tribunal de commerce de Bergerac sauf en ce qu'il a condamné M. [O] à restituer les clés du Porteur forestier Timberjack 810 B 8x8 à M. [F] sans astreinte

Statuant à nouveau sur ce point, déboute M. [F] de sa demande de restitution

Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel

Condamne M. [F] aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Mme Pignon, présidente, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 19/05373
Date de la décision : 27/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-27;19.05373 ?
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