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20/09/2022 | FRANCE | N°20/04407

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 4ème chambre commerciale, 20 septembre 2022, 20/04407


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE



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ARRÊT DU : 20 SEPTEMBRE 2022









N° RG 20/04407 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LY7F







Monsieur [E] [P]





c/



SOCIETE GENERALE























Nature de la décision : AU FOND

























Grosse d

élivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 septembre 2020 (R.G. 2019F00866) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 13 novembre 2020





APPELANT :



Monsieur [E] [P], né le [Date naissance 2] 1961 à [Localité 4], de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]


...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 20 SEPTEMBRE 2022

N° RG 20/04407 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LY7F

Monsieur [E] [P]

c/

SOCIETE GENERALE

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 septembre 2020 (R.G. 2019F00866) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 13 novembre 2020

APPELANT :

Monsieur [E] [P], né le [Date naissance 2] 1961 à [Localité 4], de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]

représenté par Maître Patrick TRASSARD de la SELARL TRASSARD & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SOCIETE GENERALE, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 1]/FRANCE

représentée par Maître Louis COULAUD de la SELARL COULAUD-PILLET, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 21 juin 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Elisabeth FABRY, Conseiller chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Nathalie PIGNON, Présidente,

Madame Elisabeth FABRY, Conseiller,

Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE :

Le 30 janvier 2015 et 20 février 2015, la société Le Port de la Lune a ouvert dans les livres de la banque Société Générale (la Société Générale - la banque) un compte courant professionnel et a souscrit un prêt d'un montant de 200 000 euros.

Le 28 octobre 2016, M. [P], gérant de la société, s'est porté caution solidaire en garantie de tous les engagements de sa société envers la banque dans la limite de la somme de 39 000 euros pour une durée de 10 ans.

Par jugement du 06 juin 2018, le tribunal de commerce de Bordeaux a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société Le Port de la Lune et désigné la SELARL Laurent Mayon en qualité de liquidateur. La banque a déclaré sa créance à hauteur de la somme de 1 025,46 uros au titre du compte courant professionnel et de 118 437,07 euros au titre du prêt.

Par exploit d'huissier du 02 août 2019, après vaines mises en demeure, la Société Générale a assigné M. [P] devant le tribunal de commerce de Bordeaux aux fins d'obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 39 000 euros.

Par jugement contradictoire du 21 septembre 2020, le tribunal de commerce de Bordeaux a :

- condamné M. [P] à payer à la Société Générale la somme de 39 000 euros,

- débouté M. [P] de toutes ses demandes,

- dit que l'exécution provisoire est de droit,

- condamné M. [P] à payer la somme de 1 000 euros à la Société Générale sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [P] aux dépens.

M. [P] a relevé appel du jugement par déclaration du 13 novembre 2020 énonçant les chefs du jugement expressément critiqués, intimant la Société Générale.

La Société Générale, invoquant la non exécution par l'appelant du jugement critiqué, a saisi le conseiller de la mise en état d'une demande de radiation qui a été rejetée par ordonnance du 1er juillet 2021.

Par conclusions déposées en dernier lieu le 28 septembre 2021 par le RPVA auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, M. [P] demande à la cour de :

- le déclarer recevable en son appel,

- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau

- dire que la Société Générale s'est rendue coupable de manquement à son devoir de mise en garde à son égard,

- dire que son cautionnement est disproportionné au regard de sa situation financière,

- en conséquence,

- prononcer la nullité de l'acte de cautionnement en date du 30 octobre 2016,

dire et juger que la Société Générale ne peut donc pas se prévaloir du contrat de cautionnement du 30 octobre 2016 à son égard,

- dire et juger qu'il est donc déchargé de toute obligation au titre du cautionnement souscrit le 30 octobre 2016,

- débouter la Société Générale de toutes ses demandes contraires,

- subsidiairement,

- lui accorder des délais de paiement,

- dire et juger que le paiement de toute somme due à la Société Générale sera échelonné sur deux années,

- en tout état de cause,

- condamner la Société Générale au paiement d'une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Société Générale aux entiers dépens.

M. [P] fait valoir que la banque n'établit pas que sa situation patrimoniale et financière au jour de la signature de l'engagement de caution permettait un tel engagement ; qu'au jour de la signature du cautionnement solidaire, sa situation financière ne lui permettait pas de faire face à l'engagement souscrit ; qu'il était lourdement engagé au titre de divers cautionnements dont certains auprès de la banque intimée ; que la banque devait le mettre en garde sur les risques encourus du fait de son engagement ; que sa situation n'a fait que s'aggraver par la suite ; qu'il a été licencié en novembre 2019 et est demandeur d'emploi ; que la sanction de la disproportion est l'impossibiité pour l'établissement de crédit d'exercer des poursuites contre la caution.

Par conclusions déposées en dernier lieu le 29 avril 2021 par le RPVA auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, la Société Générale demande à la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- condamner M. [P] à lui régler la somme de 1 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.

La Société Générale fait valoir qu'il appartient à la caution de rapporter la preuve du caractère manifestement disproportionné à ses biens et revenus de son engagement lors de sa souscription ; que le devoir de mise en garde n'est dû à l'égard des emprunteurs qu'en cas de risque d'endettement excessif ; que l'appelant n'a strictement rien dévoilé de sa situation financière laquelle était pourtant antérieure à l'acte de caution souscrit ; que la banque est en droit de se fier aux éléments communiqués dont il ne résultait aucune disproportion manifeste.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance en date du 31 mai 2022 et l'audience fixée au 21 juin 2022.

MOTIFS DE LA DECISION :

sur la demande principale :

sur la disproportion :

Aux termes des dispositions de l'article L.343-4 du code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Ce texte est applicable à une caution personne physique, qu'elle soit ou non commerçante ou dirigeante de société. La sanction de la disproportion est non pas la nullité du contrat, mais l'impossibilité pour le créancier de se prévaloir du cautionnement.

Il appartient à la caution de prouver qu'au moment de la conclusion du contrat, l'engagement était manifestement disproportionné à ses biens et revenus. L'appréciation de la disproportion se fait objectivement, en comparant, au jour de l'engagement, le montant de la dette garantie aux biens et revenus de la caution, à ses facultés contributives.

En l'espèce, M. [P] fait valoir que la banque n'établit pas que sa situation patrimoniale et financière au jour de la signature de l'engagement de caution permettait un tel engagement ; qu'au jour de la signature du cautionnement solidaire, sa situation financière ne lui permettait pas de faire face à l'engagement souscrit ; qu'il était lourdement engagé au titre de divers cautionnements dont certains auprès de l'intimée ; que la banque devait le mettre en garde sur les risques encourus du fait de son engagement ; que sa situation n'a fait que s'aggraver par la suite ; qu'il a été licencié en novembre 2019 et est demandeur d'emploi ; que la sanction de la disproportion est l'impossibilité pour l'établissement de crédit d'exercer des poursuites contre la caution.

Il ressort des pièces produites aux débats par l'appelant qu'il avait déjà consenti, entre juillet 2008 et août 2014, pas moins de huit engagements de caution en garantie de prêts souscrits par diverses sociétés et SCI dont il était le gérant (deux engagements de caution au profit d'une SCI KJ3D auprès de la Société Générale le 12 juillet 2008 et de la Banque Courtois en juin 2008 à hauteur de 150 000 et 140 000 euros - pièces 1 à 4 de l'appelant ; un engagement en décembre 2009 pour la même SCI auprès de la Banque Courtois à hauteur de 568 100 euros - pièce 4 ; un engagement le 12 janvier 2010 auprès de la BP Occitane à hauteur de 533 520 euros - pièce 5 ; un engagement de crédit bail pour la SCI le 28 août 2014 - pièces 12 et 13 ; divers crédits pour la SAS Selexions le 16 octobre 2013 à hauteur de 39 000 euros et de 715 000 euros - pièce 11 ; enfin un engagement auprès du CIC le 08 août 2014 pour un prêt de la société Port de la Lune de 150 150 euros - pièce 14), pour un montant global de l'ordre de 2 000 000 d'euros.

La fiche de renseignement renseignée le 05 septembre 2016 par M. [P], que la banque verse aux débats (sa pièce 4), ne porte cependant pas mention de ces engagements. Elle mentionne seulement que M. [P], sans enfant à charge, chef d'entreprise depuis septembre 2012 au sein de la société Selexions, avec un revenu annuel de 86 383,09 euros, est associé d'une SCI propriétaire d'une maison estimée à 550 000 euros (CRD de 224 518 euros) et lui-même propriétaire d'un appartement estimé à 250 000 euros (CRD de 66 685 euros).

Aucun des prêts antérieurs n'ayant été souscrit auprès de la Société Générale, hormis celui du 12 juillet 2008, l'intimée peut opposer utilement qu'elle n'avait pas connaissance de la souscription de ces cautionnements, et que l'appelant caution ne saurait s'exonérer de sa responsabilité en invoquant une situation qu'il a délibérément dissimulée.

C'est à bon droit qu'elle souligne par ailleurs qu'en l'état des informations communiquées par M. [P], de la déclaration dont il a certifié l'exactitude avant de la signer, et dont elle n'avait pas, en l'absence d'anomalie apparente, à vérifier l'exactitude, il n'existait pas de disproportion entre son engagement de caution et ses biens et revenus.

Le jugement qui a rejeté le moyen sera donc confirmé.

sur le manquement de la banque à son devoir de mise en garde :

L'appelant, sans en tirer de conséquence particulière, soutient aussi que la banque aurait dû le mettre en garde contre le risque lié à son propre endettement. Ce grief sera cependant écarté, aucun risque d'endettement ne résultant de l'engagement souscrit, d'un montant limité, et l'appelant n'apportant pas la preuve que la banque était au courant de ses cautionnements antérieurs.

Par ailleurs, si le banquier dispensateur de crédit est tenu à l'égard d'une caution non avertie d'un devoir de mise en garde à raison de ses capacités financières et des risques de l'endettement résultant de l'octroi des prêts garantis, il n'est tenu d'aucun devoir de mise en garde à l'égard d'une caution avertie, qualité que M. [P], gérant de sociétés depuis de nombreuses années, ne conteste pas.

Le jugement qui a condamné M. [P] au paiement de la somme de 39 000 euros sera donc confirmé.

sur les délais de paiement :

M. [P] réitère à titre subsidiaire une demande de report de paiement au visa de l'article 1244-1 du code civil.

Aux termes de l'article 1244-1 ancien du code civil, devenu l'article 1343-5 depuis le 1er octobre 2016, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier.

Pour remplir les conditions de ce texte, le débiteur de l'obligation doit établir à la fois sa situation personnelle objective qui l'empêcherait de satisfaire à ses obligations, et son comportement pour parvenir à y satisfaire.

Or, en l'espèce, M. [P] ne formule aucune proposition justifiant le report de paiement, étant rappelé que plus de trois ans se sont écoulés depuis son assignation, et alors qu'il n'est nullement établi que deux années supplémentaires puissent être valablement utilisées à ces fins, puisqu'il invoque au contraire une impécuniosité croissante.

Le jugement qui a rejeté la demande sera confirmé.

sur les demandes accessoires :

Il apparait inéquitable de laisser à la charge de la Société Générale les sommes, non comprises dans les dépens, qu'elle a exposées dans le cadre de l'appel. M. [P] sera condamné à ce titre au paiement d'une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelant sera en outre condamné aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 21 septembre 2020 en toutes ses dispositions

Condamne M. [P] à payer à la Société Générale la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel

Condamne M. [P] aux entiers dépens.

Le présent arrêt a été signé par Mme Pignon, présidente, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 20/04407
Date de la décision : 20/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-20;20.04407 ?
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