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21/06/2022 | FRANCE | N°19/05934

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 4ème chambre commerciale, 21 juin 2022, 19/05934


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE



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ARRÊT DU : 21 JUIN 2022









N° RG 19/05934 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LJZL







SARL IMOD





c/



SARL GIRONDELLE























Nature de la décision : AU FOND

























Grosse délivrée le

:



aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 octobre 2019 (R.G. 2018F00544) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 08 novembre 2019





APPELANTE :



SARL IMOD, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 1]



représentée p...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 21 JUIN 2022

N° RG 19/05934 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LJZL

SARL IMOD

c/

SARL GIRONDELLE

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 octobre 2019 (R.G. 2018F00544) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 08 novembre 2019

APPELANTE :

SARL IMOD, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 1]

représentée par Maître Emilie FRIEDE de la SCP COULOMBIE - GRAS - CRETIN - BECQUEVORT - ROSIER, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SARL GIRONDELLE, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 2]

représentée par Maître Mathilde VANGEL, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 10 mai 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Elisabeth FABRY, Conseiller chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Nathalie PIGNON, Présidente,

Madame Elisabeth FABRY, Conseiller,

Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE :

La société Prestige Immobilier SNC a entrepris des travaux de réhabilitation de l'ancienne clinique Tourny pour la transformer en logements. La maîtrise d'oeuvre d'exécution a été confiée à la société Guyenne Ingénierie. La société Imod est intervenue en qualité d'entreprise générale par contrat du 19 octobre 2016. Elle a confié à la société Girondelle, entreprise générale du bâtiment, la sous-traitance du lot 3 partiel (gros oeuvre et déconstruction) selon contrat du 1er mars 2017 qu'elle a résilié par courrier recommandé du 03 juillet 2017 au motif de retard pris dans l'exécution des travaux.

Un état des lieux contradictoire a été dressé le 10 juillet 2017 par les sociétés Imod et Girondelle.

Par exploit d'huissier du 18 mai 2018, la société Girondelle a assigné la société Imod devant le tribunal de commerce de Bordeaux aux fins de la voir condamner à lui payer la somme de 135 606,02 euros HT.

Par jugement contradictoire du 18 octobre 2019, le tribunal de commerce de Bordeaux a :

- condamné la société Imod à payer à la société Girondelle, la somme de 135 606,02 euros HT avec intérêt au taux légal à compter du 13 décembre 2017,

- débouté la société Imod de toutes ses demandes,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement nonobstant appel et sans caution,

- condamné la société Imod à payer à la société Girondelle la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Imod aux dépens.

La société Imod a relevé appel du jugement par déclaration du 08 novembre 2019 énonçant les chefs de jugement expressément critiqués, intimant la société Girondelle.

Elle a par ailleurs saisi le premier président de la cour d'appel de Bordeaux d'une demande d'aménagement de l'exécution provisoire qui a été rejetée par ordonnance du 16 janvier 2020.

Le 18 décembre 2019, une mesure de médiation judiciaire a été proposée aux parties, qui n'ont pas donné suite à cette proposition.

Par conclusions d'incident du 18 septembre 2020, faisant valoir que la société Imod n'avait pas procédé à l'exécution du jugement critiqué, la société Girondelle a saisi le conseiller de la mise en état d'une demande de radiation de l'affaire du rôle qui a été rejetée par ordonnance du 29 octobre 2020, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux ayant alloué des délais de paiement à la société Imod par décision du 13 octobre 2020.

Par conclusions déposées en dernier lieu par le RPVA le 16 avril 2021 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, la société Imod demande à la cour de :

- réformer le jugement

- statuant à nouveau,

- dire et juger que la société Guyenne Ingénierie n'a pas établi de décompte définitif au sens de l'article 19.6.1 de la norme NFP 03.001 et que la société Girondelle ne l'a pas mise en demeure de lui notifier le décompte définitif conformément à l'article 19.6.1 de la norme NFP 03.001, de sorte que la société Girondelle n'est pas fondée à solliciter les dispositions de l'article 19.6.4 de la norme NFP 03.001,

- en conséquence,

- débouter la société Girondelle de sa demande de condamnation formée à son encontre à hauteur de 135 606,02 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 décembre 2017, au titre d'un prétendu non-respect de la disposition de l'article 19.6.4 de la norme NFP 03-001,

- à titre subsidiaire, en cas d'application de l'article 19.6.4 de la norme NFP 03.001,

- dire et juger que la demande de paiement formée par la société Girondelle sur le fondement de l'article 19.6.4 de la norme NFP 03.001 ne peut prendre en compte le coût des travaux supplémentaires à hauteur de 27 739,51 euros HT et que sa demande ne peut excéder la somme de 107 866,51 euros HT,

- à titre très subsidiaire et infiniment subsidiaire,

dire et juger que la société Girondelle a été agréée par le maître d'ouvrage, la SNC Prestige immobilier,

- prendre acte qu'elle n'est redevable à l'encontre de la société Girondelle que de la somme de 24 039,40 euros au titre du solde du marché de la société Girondelle laquelle somme sera à compenser avec l'indemnité due par la société Girondelle à la suite de la résiliation de son marché,

- en tout état de cause,

- prononcer l'irrecevabilité de la demande de condamnation formée par la société Girondelle relative aux honoraires d'huissier Me [P] et à défaut rejeter cette demande de condamnation, à défaut d'être fondée,

- débouter la société Girondelle de l'ensemble de ses demandes de condamnation formées à son encontre tant à titre principal qu'à titre subsidiaire et à titre incident,

- condamner la société Girondelle à lui payer la somme de 88 874,97 euros HT au titre du surcoût des travaux générés par la résiliation du marché de travaux conclu avec la société Girondelle,

- condamner la société Girondelle à lui payer la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens dont distraction au profit de la SCP CGCB & Associés au visa de l'article 699 du code de procédure civile.

La société Imod fait valoir que le contrat de sous-traitance prévoit un prix forfaitaire ferme définitif non actualisable ni révisable de 396 000 euros HT 475 000 euros TTC ; qu'il autorise des pénalités de retard sans plafonnement par dérogation à la norme ; que l'intimée a fait appel à des sous traitants sans la prévenir ni justifier de son agrément ; qu'elle a commis des manquements graves dans la mise en sécurité du chantier qui l'ont finalement contrainte à résilier le contrat le 03 juillet 2017 ; que le maître d'oeuvre n'a pas établi de décompte définitif mais des observations aux termes d'un courrier qui ne fixe aucun montant de sorte que son silence aux observations de l'intimée ne lui interdit pas de contester les sommes réclamées ; subsidiairement, qu'il faut déduire les travaux supplémentaires qui ne concernent pas le marché, forfaitaire, et qu'elle n'a pas commandés ni acceptés ; que la société Girondelle a été agréée par le maître d'ouvrage, de sorte qu'elle est fondée à invoquer le contrat de sous traitance à l'encontre de l'intimée à qui elle peut opposer les délais contractuels et les pénalités de retard et les inexécutions ; qu'elle se reconnaît redevable, sur la base des situations 1 à 4 et des certificats de paiement, d'une somme de 104 186,52 euros HT ; qu'ayant payé 80 147,12 euros, elle reste devoir 24 039,40 euros ; qu'elle justifie des travaux de reprise et des pénalités de retard.

Par conclusions comportant appel incident déposées en dernier lieu par le RPVA le 25 novembre 2020, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, la société Girondelle demande à la cour de :

- à titre principal,

- confirmer en toutes ses dispositions,

- à titre incident et subsidiaire,

- si la cour ne confirmait que partiellement le jugement,confirmant la condamnation de la société Imod au paiement des sommes qui lui sont dues sur le fondement de l'article 19.6.4 de la norme NFP 03.001, à l'exclusion des travaux supplémentaires pour la somme de 27 739,51 euros HT, avec intérêts au taux légal à compter de l'expiration du délai de contestation de la réclamation, soit le 13 décembre 2017,

- condamner la société Imod au paiement de ces travaux supplémentaires pour la somme de 27 739,51 euros HT sur le fondement du droit commun et de l'article 22.4.1 de la norme NFP 03.001, avec intérêts au taux légal à compter de l'expiration du délai de contestation de la réclamation, soit le 13 décembre 2017, déduction faite des sommes réglées dans le cadre de l'exécution du jugement de première instance, à l'exclusion des honoraires d'huissier devant demeurer à la charge de la société Imod,

- à titre incident, en cas d'infirmation du jugement,

- dire et juger que sous-traitante de la société Imod, elle n'a pas été agréée par le maître d'ouvrage, la SNC Prestige immobilier,

- dire et juger que la société Imod ne peut se prévaloir du contrat à son encontre,

- en conséquence,

- condamner la société Imod à lui payer la somme de 135 606,02 euros HT, avec intérêts au taux légal à compter de l'expiration du délai de contestation de la réclamation, soit le 13 décembre 2017, déduction faite des sommes réglées dans le cadre de l'exécution du jugement de première instance, à l'exclusion des honoraires d'huissier devant demeurer à la charge de la société Imod,

- à titre subsidiaire,

- dire et juger que la société Imod engage sa responsabilité contractuelle à son égard,

- condamner la société Imod à lui payer la somme de 135 606,02 euros HT à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de l'expiration du délai de contestation de la réclamation, soit le 13 décembre 2017, déduction faite des sommes réglées dans le cadre de l'exécution du jugement de première instance, à l'exclusion des honoraires d'huissier devant demeurer à la charge de la société Imod,

- en tout état de cause, sur la demande reconventionnelle de la société Imod,

- dire et juger que la société Imod ne peut demander l'indemnisation du surcoût allégué de son opération ni sur le fondement de la norme NFP 03.001, ni sur le fondement de la responsabilité contractuelle en raison de la résiliation du contrat de sous-traitance, ni sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle en l'absence de faute de sa part et de lien de causalité avec le préjudice allégué dont seule la société Imod est responsable,

- débouter la société Imod de toutes ses demandes reconventionnelles,

- en tout état de cause, sur les frais et dépens,

- condamner la société Imod au paiement de la somme de 7 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d'instance.

La société Girondelle fait valoir que la norme s'applique ; que le courrier du maitre d'oeuvre vaut décompte général définitif ; que faute pour la société Imod d'avoir répondu dans les 30 jours, elle est réputée avoir accepté ses observations ; que les travaux supplémentaires doivent au moins être pris en compte sur le fondement du droit commun ; qu'il s'agit d'un marché à forfait imparfait qui permet à l'entreprise générale de modifier les plans et le volume des travaux mais en contrepartie reconnaît le droit à l'entrepreneur de demander un supplément de prix pour les travaux complémentaires ; subsidiairement, que n'ayant pas été agréée par le maître d'ouvrage, la société Imod est tenue à son encontre mais ne peut lui opposer le contrat de sous traitance ; que la demande reconventionnelle n'est fondée ni sur un fondement contractuel puisqu'elle porte sur des travaux postérieurs à la résiliation ni sur un fondement délictuel car elle n'a commis aucune faute ; que la société Imod doit être condamnée à lui payer la somme retenue par le tribunal sous déduction des sommes versées dans le cadre de l'exécution provisoire à l'exception des frais d'huissier auquel la société Imod a voulu avoir recours et qui a déjà retenu 5 844 euros TTC.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 19 avril 2022 et l'audience fixée au 10 mai 2022.

MOTIFS DE LA DECISION :

sur la demande principale :

Le tribunal a condamné la société Imod au paiement d'une somme de 135 606,02 euros en se fondant sur l'article 19.6.4 de la norme NFP 03-001 à laquelle se réfère l'annexe 1 des conditions particulières du contrat de sous-traitance conclu entre la société Imod, contractant général, et la société Girondelle, sous-traitant.

La société appelante soutient à titre principal qu'en l'absence de décompte définitif, l'intimée n'est pas fondée à solliciter les dispositions de l'article 19.6.4 de la norme ; à titre subsidiaire, qu'il convient à tout le moins de déduire le montant des travaux supplémentaires.

- sur l'application de la norme :

La norme NFP 03-110 prévoit notamment :

Art 19.5.1 : sauf disposition contraire du cahier des claudes administratives particulières, dans un délai de 60 jours à dater de la réception ou de la résiliation, l'entrepreneur remet au maître d'oeuvre le mémoire définitif des sommes qu'il estime lui être dues en application du marché.

Art 19.6.1 et 19.6.2 imposent au maître d'oeuvre d'examiner le mémoire et d'établir un décompte définitif des sommes dues qu'il remet au maître d'ouvrage qui doit le notifier à l'entrepreneur dans un délai de 45 jours à compter de la réception du mémoire par le maître d'oeuvre - à défaut, le maître d'ouvrage est réputé avoir accepté le mémoire définitif après mise en demeure restée infructueuse au maître d'ouvrage (copie au maître d'oeuvre).

Art 19.6.3 : l'entrepreneur dispose de 30 jours à compter de la notification pour présenter par écrit ses observations éventuelles au maître d'oeuvre et pour en aviser simultanément le maître d'ouvrage. Passé ce délai, il est réputé avoir accepté le décompte définitif.

Art 19.6.4 ; le maître d'ouvrage dispose de 30 jours à compter de la notification pour présenter par écrit ses observations éventuelles au maître d'oeuvre et pour en aviser simultanément le maître d'ouvrage. Passé ce délai, il est réputé avoir accepté ces observations.

La résiliation est intervenue le 03 juillet 2017. Le contrat ne comportant aucune disposition contraire, l'article 19.5.1 s'applique.

La société Girondelle a adressé son mémoire définitif aux sociétés Imod et Guyenne Ingénierie par LRAR du 1er septembre 2017 (58 jours après la résiliation). La société Guyenne Ingénierie lui a adressé le 13 octobre 2017 (43 jours après) un courrier répondant à son mémoire, auquel elle a à son tour répondu le 13 novembre 2017 (30 jours après) en contestant certaines retenues et pénalités de retard. Ce courrier, adressé aux sociétés Guyenne Ingénierie et Imod, est resté sans réponse.

La société Imod fait valoir que le courrier adressé par la société Guyenne Ingénierie à la société Girondelle ne saurait s'analyser en un décompte définitif au sens de l'article 19.6.1 de la norme puisque ce décompte, selon l'article 3.2.9 NF doit fixer le montant du règlement et que le courriel de Guyenne Ingénierie du 13 octobre n'en fixe aucun et ne permet pas de savoir quelles sommes restent dues, contrairement aux autres décomptes définitifs établis pour d'autres entreprises ; qu'elle n'est donc pas réputée avoir accepté le décompte définitif et que faute pour la société Girondelle de l'avoir mise en demeure de le lui notifier, l'intimée n'est pas fondée à solliciter les dispositions de l'article 19.6.4 de la norme.

C'est cependant à bon droit que la société Girondelle soutient, et que le tribunal a considéré, que le contrat ne prévoit aucune formalisme propre à sa validité, de sorte que le courrier de la société Guyenne Ingénierie du 13 octobre 2017, qui reprend point par point le courrier de la société Girondelle (sans d'ailleurs en contester la qualification de DGD auquel elle fait au contraire explicitement référence) en précisant l'avancement des travaux et l'acceptation ou non de la facturation, doit s'analyser en un décompte définitif et non en de simples observations alors que par ailleurs ce courrier de réponse a été adressé à l'intimée par LRAR, ce formalisme s'inscrivant dans le respect des délais de la norme. Le gérant de Guyenne Ingénierie l'a d'ailleurs confirmé (pièce 39 de l'intimée) avant de se rétracter. L'intimée est ainsi fondée à faire valoir qu'elle n'avait pas dans ces conditions à adresser à la société Imod une mise en demeure de lui notifier le décompte définitif, et que faute pour la société Imod d'avoir répondu dans les 30 jours, elle est réputée avoir accepté ses observations conformément à l'article 19.6.4.

Le jugement sur ce point sera donc confirmé.

- sur les travaux supplémentaires :

La société Imod soutient à titre subsidiaire que la demande de paiement formée par la société Girondelle sur le fondement de l'article 19.6.4 de la norme NFP 03.001 ne peut prendre en compte le coût des travaux supplémentaires à hauteur de 27 739,51 euros HT, de sorte que sa demande ne peut excéder la somme de 107 866,51 euros HT (sa pièce 19). Elle fait valoir que la présomption d'acceptation par le maître d'ouvrage du mémoire définitif de l'entrepreneur ne saurait concerner des travaux supplémentaires dans la mesure où la procédure de DGD concerne le marché convenu forfaitaire, ferme, définitif, non actualisable et non révisable, et que l'intimée ne démontre pas qu'elle aurait commandé et accepté des travaux supplémentaires que la société Guyenne Ingenierie a d'ailleurs écartés comme non fondés dans son courrier du 13 octobre 2017.

La société Girondelle allègue quant à elle que ces travaux supplémentaires doivent au moins être pris en compte sur le fondement du droit commun. Comme elle le relève à bon droit, le marché litigieux est un marché à forfait imparfait et non "ne variatur" puisqu'il prévoit des variantes en fonction de l'avancement du chantier et permet à l'entreprise générale de modifier les plans et d'augmenter ou réduire le volume des travaux, ce qui a d'ailleurs été fait puisque la société Imod lui a retiré certaines prestations et confié des prestations supplémentaires. En contrepartie, l'entrepreneur a le droit de demander un supplément de prix pour les travaux complémentaires. Cette demande est fondée, de plus fort, dans le cadre d'une résiliation du marché, expressément envisagée par l'article 1794 du code civil applicable au contrat litigieux, qui dispose que le maître d'ouvrage peut résilier par sa seule volonté le marché à forfait quoique l'ouvrage soit déjà commencé en dédommageant l'entrepreneur de toutes ses dépenses et de tous ses travaux.

Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement qui a condamné la société Imod au paiement de ces travaux supplémentaires dont la réalité et la consistance sont établies par le constat du 10 juillet 2017, et dont l'intimée justifie du montant dans son mémoire définitif (sa pièce 14).

La société Imod est donc redevable d'une somme de 135 606,02 euros.

sur la demande reconventionnelle :

La société Imod demande la condamnation de la société Girondelle à lui payer la somme de 88 874,97 euros HT au titre du surcoût des travaux générés par la résiliation du marché de travaux.

Cette demande avait déjà été formulé devant le tribunal qui n'y a pas répondu précisément, se bornant à débouter la société Imod de l'ensemble de ses demandes sans autre motivation.

L'appelante, au soutien de cette demande, fait valoir qu'elle a été contrainte de résilier le contrat en raison des retards et carences de la société Girondelle et produit pour en justifier des comptes rendus de chantier et des courriers du maître d'oeuvre reprochant que la société Girondelle des manquements en lien notamment avec son sous traitant. L'intimée est cependant fondée à opposer que l'article 22.1.1 de la norme qui traite de la faculté de résiliation ne prévoit pas le paiement d'une indemnité, et que si elle n'a pas remis en cause la résiliation, elle n'a jamais reconnu sa faute ; qu'en tout état de cause, la société Imod ne peut lui imputer le coût des prestations prévues dans le marché et réalisées par d'autres entreprises en raison d'une résiliation dont elle a pris la décision. Par ailleurs, si les pièces produites confirment que ce changement de prestataire a entraîné un surcoût, les raisons n'en sont pas explicitées, et peuvent tenir à des prix plus élevés pratiqués par les nouvelles entreprises, ce qui n'est pas imputable à la société Girondelle qui n'a pas à en assumer le prix.

La société Imod sera donc déboutée de cette demande.

sur les autres demandes :

Les parties s'opposent sur l'imputabilité des honoraires d'huissier chargé du recouvrement de la somme. En application de l'article 695 du code de procédure civile, ces émoluments sont compris dans les dépens et incombent à ce titre à la société Imod, débitrice.

sur les demandes accessoires :

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la société Girondelle les sommes exposées par elle dans le cadre de l'appel et non comprises dans les dépens. La société Imod sera condamnée à lui payer, outre l'indemnité mise à sa charge par le tribunal, une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Imod sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 18 octobre 2019 par le tribunal de commerce de Bordeaux

Déboute la société Imod de sa demande reconventionnelle en paiement de la somme de 88 874,97 euros HT au titre du surcoût des travaux

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires

Condamne la société Imod à payer à la société Girondelle la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel

Condamne la société Imod aux dépens de la procédure de première instance et d'appel, en ce compris les émoluments de l'huissier chargé du recouvrement.

Le présent arrêt a été signé par Mme Pignon, présidente, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 19/05934
Date de la décision : 21/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-21;19.05934 ?
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